Claude Lévi-Strauss 
 
Prenant  appui  sur  les travaux  de  l'anthropologue  Claude  Lévi-Strauss (1908-  ),  Nicolas 
Sarkozy  a  beaucoup  répété  dans  ses  discours  de  campagne  que  "l'identité  n'est  pas  une 
pathologie" (Discours sur la culture à Paris, Showcase, 4 avril 2007). L'anthropologue écrivait 
en effet en 1977 dans l'avant-propos d'un ouvrage sur l'identité : "À en croire certains, la crise 
d'identité serait le nouveau mal du siècle (…) Malheureusement, les personnages qu'inventent 
les media pour convaincre du phénomène et  souligner son aspect dramatique ont plutôt, de 
façon congénitale, la cervelle vide". L'emploi de ce mot que l'anthropologue désignait dans ce 
même  texte  comme  "fonction  instable  et  non  réalité  substantielle"1  s'est  depuis  largement 
généralisé dans des significations très variées. Mais ce qui compte dans l'usage qu'en propose 
Nicolas Sarkozy, c'est l'accolement systématique de la notion d'identité à celle de Nation que 
Claude Lévi-Strauss n'a jamais étudiée. C'est d'un autre point de vue que l'usage de Claude 
Lévi-Strauss par Nicolas Sarkozy est significatif.  
La  pensée  de  l'anthropologue  est  difficilement  résumable  d'autant  qu'il  a  choisi  de  peu 
investir  l'espace  politique  et  d'être de  fait  assez peu  investi  politiquement2 à  l'exception  de 
deux  textes  âprement  commentés  depuis  une  quarantaine  d'années3  et  qui  renvoient 
partiellement  à  sa  perception  de  l'identité.  Écrit  dans  les  années  cinquante  après  une 
commande de l'UNESCO, Race et histoire expose de manière simple le relativisme de Claude 
Lévi-Strauss. L'ouvrage est à replacer dans le cadre d'une refonte de l'anthropologie française 
des années d'après-guerre marquée par le contexte colonial et les présupposés d'une "mentalité 
primitive"  des  peuples  "archaïques".  L'affirmation  de  la  relativité  des  cultures  passe  pour 
Claude  Lévi-Strauss  par  la  reconnaissance  du  caractère  historique,  géographique, 
sociologique  de  l'origine  des  différences  culturelles.  De  même,  la  reconnaissance  de  ces 
dernières  ne  doit  pas  être  pensée  dans  une  logique  de  hiérarchisation.  Ce  livre  deviendra 
rapidement  une  sorte  de  bréviaire  contre  le  racisme  dont  l'Éducation  Nationale,  par 
l'établissement  des  programmes  de  philosophie,  se  fera  largement  l'écho.  Dans  Race  et 
culture, Claude Lévi-Strauss prolonge sa pensée en insistant sur la nécessité de défendre la 
pérennité des cultures. Le racisme exprime donc, pour lui, sous des formes certes illégitimes, 
la  tendance  d'une  société  à  défendre  sa  culture.  Autant  dire  que  la  thèse  n'a  pas  suscité 
l'adhésion de tous et notamment des organisations anti racistes.  
Pourtant, de ce point de vue, la référence que Nicolas Sarkozy fait à Claude Lévi-Strauss 
n'est  pas  fausse.  "Écoutez  ce  qu’a  dit  un  jour  Claude  Lévi-Strauss,  le  plus  grand 
anthropologue peut-être du XXe siècle :  'il est  souhaitable que les cultures se maintiennent 
diverses, seulement il faut consentir à en payer le prix : à  savoir que les cultures attachées 
chacune à un style de vie, à un système de valeurs, veillent sur leurs particularismes ; et que 
cette disposition est saine, nullement  comme on voudrait nous le faire croire pathologique'" 
(Besançon, le 13 mars 2007). 
S'armant  notamment  des  acquis  de  la  linguistique  structurale,  Claude  Lévi-Strauss  a 
essentiellement  construit  son travail  empirique  sur l'analyse de  mythes.  La  puissance de sa 
pensée n'empêche que l'on peut marquer de profonds désaccords à l'égard de sa conception de 
la culture et de son aveuglement à l'égard des transformations sociologiques et historiques au 
fondement  des  sociétés  contemporaines,  qu'elles  passent  pour  modernes  ou  traditionnelles. 
L'insistance avec laquelle Nicolas Sarkozy associe nation, identité et culture ne lasse d'ailleurs 
                                                 
1  Claude  Lévi-Strauss,  "Avant-propos",  dans  Claude  Lévi-Strauss,  dir.,  L'identité,  Paris, 
PUF/Quadrige, 1983. 
2 Claude Lévi-Strauss, De près et de loin. Entretien avec Didier Éribon, Paris, 1988. 
3  Ces  deux  textes  sont  accessibles  dans  Claude  Lévi-Strauss,  "Race  et  histoire",  in  Anthropologie 
structurale II, Paris, Plon, 1973 et Claude Lévi-Strauss, "Race et culture", in Le regard éloigné, Paris, 
Plon, 1983.