n°19 - février 2010 Congrès de l’ERS - Vienne 2009 Editorial Pr Jean-François Muir Président ANTADIR, Paris Sommaire 1 - BPCO..............................................................p.1 1.1 - Nouvelles perspectives dans le traitement....................................p.1 1.2 - Les comorbidités.....................................p.3 1.3 - La réhabilitation respiratoire................p.4 1.4 - Réduction du volume pulmonaire.....p.5 Le congrès 2009 de l’European Respiratory Society a été comme chaque année le temps fort de la pneumologie Européenne. Il s’est tenu à Vienne à la mi-septembre où 18 000 congressistes étaient présents. 2 - L’INSUFFISANCE RESPIRATOIRE...........p.7 2.1 - Patient IR et transport aérien...............p.7 L’ANTADIR a souhaité 2.2 - La fin de vie du patient IR....................p.9 communiquer sur ce congrès 2.3 - La kinésithérapie du patient sous VNI...............................p.10 par l’entremise d’un groupe de pneumologues encadré 3 - ASTHME ET PEDIATRIE...........................p.11 par le Dr Dan VEALE 3.1 - Traitement phénotypique....................p.11 Coordonnateur médical 3.2 - Explorations fonctionnelles.................p.13 de notre Fédération. Vous 4 - AUTRES ENTITES PATHOLOGIQUES...p.14 4.1 - SAS complexe.........................................p.14 4.2 - HTAP.........................................................p.15 4.3 - DDB...........................................................p.17 trouverez dans ce numéro plusieurs articles relatifs aux progrès réalisés dans le domaine de la prise en charge des maladies 5 - ACTUALITES MEDICALES ET SCIENTIFIQUES....................................p.19 5.1 - Ubiopred et Proactive .........................p.19 5.2 - Contrôle du tabac en Europe............p.20 5.3 - La grippe.................................................p.21 respiratoires chroniques. Que ce groupe soit remercié de son activité au cours de ce congrès important pour notre collectivité. 1 - BPCO 1.1 - Nouvelles perspectives dans le traitement Nouvelles perspectives dans le traitement de la bpco Dr Anne GUILLAUMOT – AGEVIE Lorraine, Nancy En dépit de moyens thérapeutiques bien codifiés, la BPCO reste une maladie sous-traitée de mauvais pronostic. Les objectifs de la recherche pharmacologique sont l’amélioration de l’efficacité des traitements existants (bronchodilatateurs, corticoïdes), et le développement de stratégies thérapeutiques adaptées au concept systémique de la BPCO (Fabbri LM. Lancet 2007,370 ; 797-799). OPTIMISER LA BRONCHODILATATION : La famille des bronchodilatateurs constitue un arsenal thérapeutique vaste, dont l’efficacité n’est plus à démontrer. La recherche se focalise sur le développement de molécules de plus longue durée d’action, pour améliorer l’observance, principal facteur limitant l’impact clinique des traitements de fond. Plusieurs molécules ont été évaluées en prise unique quotidienne : (1) : dans la famille des « ultra-LABA » (Long-Acting Bêta-Agonists), l’indacatérol paraît supérieur au placebo et au formotérol, mais pas au tiotropium, en terme de gain sur le VEMS. Comparé au tiotropium, il semble améliorer la dyspnée et la qualité de vie, et réduire les exacerbations. Le carmotérol est plus efficace que le salmétérol quelle que soit la dose utilisée, avec une bonne tolérance. D’autres molécules sont en cours d’évaluation, avec des résultats préliminaires encourageants (GSK 642444, B11744, PF00610355). (2) : des nouveaux anticholinergiques, le glycopyronium, l’aclidinium, s’avèrent plus efficaces que le tiotropium, pour les mêmes effets indésirables de classe. (3) : Des molécules « bipotentes », agissant par les modes d’action bêta-agoniste et anticholinergique, sont en développement. Plusieurs travaux testent les associations de plusieurs molécules de modes d’action différents : ultra-LABA/corticoïdes inhalés, formotérol/mometasone, formoterol/ ciclasonide, indacatérol/mometasone, carmoté-rol/mométasone, voire ultraLABA/anticholinergique de longue durée d’action +/- corticoïdes inhalés, ou associés à un anti-inflammatoire non corticoïde …A suivre. DEVELOPPER DE NOUVEAUX ANTI-INFLAMMATOIRES : La réaction inflammatoire bronchique au cœur de la pathogénèse de la BPCO, implique plusieurs populations cellulaires productrices de nombreuses enzymes, 2 Inspirer n°19 - février 2010 cytokines (CK), espèces réactives de l’oxygène (ERO)…autant de cibles thérapeutiques potentielles. Plusieurs molécules candidates (anti-IL8, anti-TNF, anti-NF-B, N-acétyl et carbocystéine), ont été testées, avec des résultats décevants, expliqués par leur cible trop limitée par rapport à la multitude de médiateurs pro-inflammatoires impliqués. A la différence de celles-ci, les inhibiteurs des phospho-diestérases (PDI3/4I) agissent sur plusieurs populations cellulaires pour bloquer le processus inflammatoire à plusieurs niveaux simultanément, avec des effets cliniques démontrés : augmentation du VEMS, diminution des exacerbations. Des molécules plus conventionnelles comme la théophylline à faible posologie, et certains macrolides, font l’objet d’un regain d’intérêt pour leurs propriétés anti-inflammatoires connues. Leur intérêt et leur place parmi les molécules en voie de développement doivent être précisés. AINCRE LA V CORTICORESISTANCE : La corticothérapie est le traitement de référence de nombreuses maladies inflammatoires chroniques, mais pas pour toutes. En pneumologie, elle est efficace dans l’asthme allergique, mais inefficace dans la BPCO, la mucoviscidose, certaines pneumopathies interstitielles diffuses et le SDRA, certains asthmes sévères. La connaissance des mécanismes cellulaires de la « corticorésistance », spécifique de certaines pathologies inflammatoires, ouvre des voies de recherches alternatives au développement de nouveaux anti-inflammatoires. Dans la BPCO, le stress oxydatif déclenché par l’exposition à la fumée de tabac diminue l’expression cellulaire de HDAC2, une enzyme nécessaire à l’action intracellulaire des corticoïdes. L’inactivation de HDAC2 résulte d’une nitration, cible possible d’agents pharmacologiques. La théophylline à faible dose restaure l’effet anti-inflammatoire des corticoïdes chez la souris exposée à la fumée de cigarettes, mais aussi chez le patient BPCO, sans doute via un médiateur intermédiaire entre les ERO et HDAC2. Des essais cliniques contrôlés sont nécessaires pour confirmer l’effet de la théophylline à faibles doses sur l’efficacité des corticoïdes en pratique clinique à long terme. RAITER LA MALADIE T GENERALE : La BPCO est associée à de nombreuses comorbidités cardio-vasculaires, métaboliques, musculaires, ostéoarticulaires…. avec lesquelles elle partage un mécanisme physiopathologique commun : la réaction inflammatoire, secondaire au tabagisme. Elle s’intègre dans une maladie générale, « syndrome inflammatoire systémique chronique », qui nécessite une approche thérapeutique globale. La réhabilitation respiratoire répond partiellement à cette exigence, en proposant à travers ses composantes pluridisciplinaires, une prise en charge globale, du facteur causal au retentissement général de la maladie. Reste à y intégrer les traitements médicamenteux, jusqu’à présent recommandés selon des règles définies parallèlement par discipline et par organe. Une révision transversale des recommandations permettrait d’optimiser la place et les modalités des médicaments communs à plusieurs comorbidités, au premier rang desquels les antiinflammatoires. 1.2 - Les comorbidités Les comorbidités dans la bpco Annabelle COUILLARD – ANTADIR, Paris Aujourd’hui, la communauté scientifique s’accorde sur le paradigme selon lequel la BPCO ne peut plus être considérée comme une maladie seulement pulmonaire. Lors de ce congrès, l’accent a été mis sur l’importance des comorbidités associées à cette pathologie. Quel est le spectre et la prévalence des comorbidités dans la BPCO ? Comment les évaluer ? Quel est leur impact sur l’évolution naturelle de la maladie ? Ce sont autant de questions auxquelles les experts ont tenté de répondre au travers de nombreux symposia, posters ou communications. e spectre des comorbidités L dans la BPCO : Il s’étend de l’anémie au cancer du poumon en passant par l’ensemble des pathologies cardiovasculaires, l’ostéoporose, le diabète, le syndrome métabolique, l’amyotrophie périphérique, la sédentarité, l’hypertension pulmonaire, les reflux gastro-oesophagiens, la dépression, l’anxiété et les troubles du sommeil. Encore aujourd’hui, la prévalence de chacune est difficile à chiffrer en raison de l’hétérogénéité des études et des populations. A titre d’exemple, l’une des communications (E. 446) s’est intéressée à la prévalence de ces comorbidités, en s’appuyant sur une base de données constituée par le Collège Italien des praticiens, représentants 341 329 sujets de plus de 45 ans soit 1,5 % de la population suivie par des généralistes. Dans cette cohorte, la prévalence de la BPCO était de 4,4%, augmentant de façon significative avec l’âge. Les résultats de cette étude rétrospective montrent qu’en comparaison à la population générale (non-BPCO), les patients BPCO ont un risque significativement plus important de développer des pathologies cardiovasculaires telles que les maladies cardiaques ischémiques (6,9 % versus 13,6 %), les arythmies cardiaques (6,6 % versus 15,9 %), l’insuffisance cardiaque (2% versus 7,9 %) et les autres formes de pathologies cardiaques (10,7 % versus 23 %). Ils présentent aussi un risque significativement plus élevé de dépression (29,1 % versus 41,6), de diabète (10,5 % versus 18,7 %), d’ostéoporose (10,8 versus 14,8) et de cancer du poumon (0,4 % versus 1,9 %). D’autres études, basées elles aussi sur de larges cohortes de patients, ont rapporté des chiffres différents avec notamment une prévalence du cancer du poumon estimée entre 9 et 20 %, celle de la dépression estimée entre 20 et 80 %, celle de l’anémie entre 15 et 30 %, celle du syndrome métabolique à 38 %, celle de l’ostéoporose entre 9 et 75 %, celle des insuffisances cardiaques entre 20 et 30 %.... Quel que soit le chiffre rapporté, ce congrès n’a laissé planer aucun doute sur le fait que la BPCO était un véritable facteur de comorbidités ! Récemment, Bartholome Celli a coécrit une revue générale de la littérature qui apporte de véritables éléments de réponse sur la prévalence et les mécanismes physiopathologiques de ces comorbidités et ouvre certaines perspectives thérapeutiques dans ce domaine (Barnes et Celli, Systemic manifestations and comorbidities of COPD, Eur Respir J, 200 ; 33 : 1165-1185). omment évaluer les C comorbidités dans la BPCO ? L’analyse de la sévérité de la maladie initiale et des comorbidités associées est indispensable pour réaliser des études de survie ou comparer des méthodes de traitement chez des populations très hétérogènes. La seule présence ou absence d’une comorbidité ne permet pas une stratification correcte du risque. Bien que différents outils d’évaluation soient disponibles, l’index de Charlson est actuellement le plus utilisé en pratique clinique et en recherche. Il a été créé en 1987 par M. Charlson, épidémiologiste Américain, afin d’évaluer le poids de la comorbidité sur la mortalité lors d’études longitudinales de cohortes [Charlson ME et al. A new method of classifying prognostic comorbidity in longitudinal studies : Development and validation. J Chron Dis 1987;40(5):373-383]. Il est considéré comme un index simple, rapide (5 min) et valide, bénéficiant d’une bonne fiabilité interjuges et d’une bonne reproductibilité au test-retest. Cet index prend en compte l’âge et 19 comorbidités. Il se calcule en attribuant des points en fonction de la gravité des diagnostics secondaires : plus la comorbidité est lourde, plus grand est le risque de décès, plus élevé est l’indice. Cet index étant pondéré par l’âge, il convient d’ajouter au score total 1 point par décennie quand l’âge est ≥ 50 ans. Dans leur article princeps, les auteurs ont utilisé l’index sur une cohorte de 559 patients et montré que les taux de mortalité à 1 an étaient de 12 % pour un score de 0, de 26 % pour un score de 1-2/, de 52 % pour un score 3-4 et de 85 % pour un score ≥ 5. ourquoi évaluer les P comorbidités dans la BPCO ? Différentes études présentées lors de ce congrès ont clairement montré que les comorbidités aggravent l’évolution naturelle de la BPCO, multiplient les risques d’hospitalisation et de mortalité, augmentent les coûts de santé et altèrent profondément la qualité de vie des patients. Une étude (E 503) a évalué la qualité de vie (Saint George Respiratory Questionnaire et Clinical COPD Questionnaire) et les comorbidités (Index Inspirer n°19 - février 2010 3 de Charlson et Chronic Disease Score) chez 158 patients BPCO, séparés en 2 groupes selon leur âge (> ou < à 65 ans). Comparativement au groupe plus jeune, les patients de plus de 65 ans ont un score significativement plus important de comorbidités (Charlson index: 2 ±1,3 versus 2,8 ±1,3; p<0,001) ; de même qu’une altération significativement plus importante de la qualité de vie (SGRQ : 59,4±11,6 versus 68,6 ±12,8 ; p<0,001). Dans cette étude, il existe une relation étroite entre le nombre de comorbidités et l’altération de la qualité de vie (r=0,27 ; p<0,01) chez les patients de plus de 65 ans, qui n’existe pas chez les plus jeunes. Deux études (E 3292 et P3441) ont clairement montré que les patients BPCO qui ont le nombre de comorbidités le plus élevé sont ceux qui ont les scores de BODE index les plus élevés, donc le niveau de sévérité de la maladie « générale ou systémique » le plus important. Dans une très belle étude publiée dans l’European Respiratory Journal en 2008, Mannino D et al. ont analysé sur 20 296 sujets de plus de 45 ans la relation entre la sévérité de l’obstruction bronchique, la présence de comorbidités (diabète, pathologies cardiaques ou hypertension), les hospitalisations et la mortalité à 5 ans. Les résultats montrent qu’indépendamment de l’âge, du sexe, du tabagisme, de l’indice de masse corporelle ou du niveau social, la présence d’une obstruction bronchique de stade 3 ou 4 augmente de façon significative les risques d’avoir du diabète (odds ratio (OR) : 1,5 ; 95 % intervalle de confiance (IC) : 1,1-1,9), des pathologies cardiovasculaires (OR : 2,4; 95 % IC : 1,9- 3) ou de l’hypertension (OR : 1,6 ; 95 % IC : 1,3- 1,9). Dans cette population BPCO sévère et très sévère, la présence de l’une ou plusieurs de ces 3 comorbidités (essentiellement le diabète et/ou les pathologies cardiaques) multiplie les risques d’hospitalisation et de décès à 5 ans. Par exemple, un patient BPCO de stade 3 ou 4 présentant 3 comorbidités a un risque de décès à 5 ans qui est 20 fois plus important que celui d’un sujet sans obstruction bronchique et sans comor- bidité ! L’avenir nous dira peut-être que les comorbidités doivent être intégrées dans l’évaluation de la sévérité de la BPCO… pourquoi pas dans le BODE index ! Enfin, il a aussi été souligné que le recours aux soins (consultations externes, hospitalisations et prescriptions) est aussi beaucoup plus fréquent pour les patients ayant une ou plusieurs comorbidités. On estime qu’environ 50 % des coûts en rapport avec la BPCO sont dus aux comorbidités. Les comorbidités sont un nouvel enjeu médical et thérapeutique dans la BPCO. Elles constituent un élément incontournable par leur fréquence élevée et leur impact considérable sur la qualité de vie et le pronostic vital des patients. Une prise en charge thérapeutique intégrant les différentes pathologies présentes chez un même patient pourrait améliorer l’histoire naturelle de la BPCO. En pratique, la présence d’une BPCO doit faire évoquer, chercher et traiter les comorbidités… et réciproquement ! 1.3 - La réhabilitation respiratoire Elargir le champs d’application et les bénéfices de la réhabilitation respiratoire (session posters 65) Dr. Anne GUILLAUMOT – AGEVIE Lorraine, Nancy La réhabilitation respiratoire (RR) a démontré son intérêt clinique et fonctionnel dans la BPCO. D’autres bénéfices, en particulier psychologiques, plus difficiles à mesurer, sont évalués. Au-delà de la BPCO, les équipes explorent d’autres indications et recherchent comment maintenir les acquis. Impact psychologique dans la BPCO : Dans l’un des posters de cette session, l’impact de la RR sur différents scores de dépression et d’anxiété a été comparé entre deux groupes de patients différenciés par la sévérité de la BPCO (stades GOLD I-II vs III-IV). Les scores s’améliorent dans des proportions comparables dans les 2 groupes, 4 Inspirer n°19 - février 2010 confirmant que l’impact psychologique de la réhabilitation est indépendant de la sévérité de la maladie à l’état de base. L’auto-efficacité (AE) est la croyance d’un sujet dans sa capacité à accomplir une tâche ou atteindre un but. Le niveau d’auto-efficacité influence le comportement du sujet, en particulier en situation de difficulté ou de stress. Il peut se mesurer par des scores établis à partir de questionnaires. L’impact de 8 semaines de réhabilitation respiratoire sur le niveau d’AE de 15 patients BPCO, a été comparé à celui observé chez 14 sujets contrôles. Les scores d’AE s’améliorent de 20 % dans le groupe réentraîné, en corrélation avec les bénéfices observés sur la dyspnée, les indicateurs de qualité de vie et la distance au test de marche. Elargir le champ d’application : Dans la BPCO, la RR est bénéfique quel que soit le stade de sévérité de la maladie. Les travaux ont montré que le réentraînement à l’effort, préférentiellement proposé aux patients alléguant une dyspnée d’effort responsable d’un handicap et d’une réduction des activités physiques quotidiennes (stade mMRC 3 et plus), a le même impact chez les patients moins sévères (dyspnée d’effort stade mMRC2), sur la dyspnée, la capacité à l’effort, l’anxiété et la dépression. Des bénéfices comparables sont aussi observés chez des patients plus sévères, insuffisants respiratoires, (dyspnée, BODE, MRC, qualité de vie), avec hypertension pulmonaire (TM6, dyspnée). Cette session a aussi montré que la RR peut aussi être appliquée à d’autres maladies respiratoires chroniques. Chez 18 patients atteints de bronchectasies, la RR améliore les paramètres fonctionnels, mais n’a pas démontré d’impact significatif sur les exacerbations et l’hématose. Seize patients atteints de sarcoïdose bénéficient également d’un programme de RR de 8 semaines, avec une amélioration significative de la distance au test de marche de 6 minutes, de la force musculaire des muscles respiratoires et périphériques, de la dyspnée, de la fatigue musculaire et de la qualité de vie. Maintenir les acquis : 6 patients ayant bénéficié de RR réunis en « focus group » rendent une image positive de cette expérience, malgré la fatigue souvent alléguée. Les éléments cités par les patients comme « facilitateurs » sont les encouragements, la compagnie, le soutien professionnel, la formulation d’objectifs, la diversité des activités physiques. En revanche, ils identifient comme freins les complications de la maladie (exacerbations), les comorbidités, la peur, le manque de soutien et l’environnement. Les facteurs de motivation ont été étudiés aussi par des « focus groups » de patients pour définir le patient motivé modèle : une personne indépendante, positive, ayant une bonne estime de soi et un sentiment fort d’auto-efficacité. Des facteurs extérieurs comme le soutien des professionnels de santé, les conditions météorologiques, la confiance dans la réhabilitation, renforcent la motivation. Enfin, le maintien de séances régulières de réentraînement supervisé pendant l’année qui suit un stage initial de 8 semaines consolide les bénéfices sur la dyspnée, les scores de qualité de vie et d’anxiété-dépression, pour 67 patients vs un groupe contrôle de 53 patients non revus après la période initiale. 1.4 - Réduction du volume pulmonaire Réduction du volume pulmonaire par voie endoscopique Dr. Thomas EGENOD – ALAIR & AVD, Limoges L’enthousiasme pour ces techniques provient des réalités rencontrées face aux techniques chirurgicales puisque celles-ci sont liées à une comorbidité importante dans 59 % des cas soit par détresse respiratoire aiguë (22 %), pneumopathie (18 %), arythmies cardiaques (24 %) ou ischémie myocardique (1 %). Les premières cohortes étudiant cette méthode thérapeutique datent de 1994. Réduire la taille des lésions emphysémateuses produit de l’espace dans la cavité thoracique afin que le poumon restant le remplace lors de l’inspiration. Ce principe évoqué pour la première fois dans les années 50 explique l’intérêt de cette chirurgie afin d’augmenter la fonction respiratoire (VEMS, aptitude à l’exercice) et donc la qualité de vie de nos patients même si cela n’agit pas sur leur survie. Les techniques endoscopiques semblent liées à une moindre mortalité puisqu’elle est restée inférieure à 10 % dans de nombreuses études. Son développement pourrait également présenter des effets bénéfiques potentiels comme autoriser ce traitement à des patients présentant des contre-indications opératoires, éviter les complications péridiaphragmatiques source de restriction des mouvements du diaphragme. rois techniques T sont en cours d’étude. V alves endobronchiques. Elles sont introduites dans les voies aériennes proximales à travers un fibroscope ou un bronchoscope grâce à un cathéter ou un fil guide. Elles ont pour but de bloquer le passage de l’air lors de l’inspiration tout en permettant sa sortie lors de l’expiration. Il se produit alors une atélectasie et ainsi une réduction du volume pulmonaire emphysémateux. Deux systèmes sont en cours d’étude. Le premier est composé de matériaux biocompatibles et de plus en plus « simples » à mettre en place et à déplacer. Il possède une armature extérieure métallique, une partie centrale qui contient un système anti-reflux (système ZEPHIR). Il est celui qui a été le plus étudié Inspirer n°19 - février 2010 5 (100 patients publiés) et qui fait preuve d’un effet significatif sur la fonction pulmonaire (augmentation du VEMS de 21 % chez certains patients) et la tolérance à l’exercice. Par ailleurs, le taux de complications majeures de l’essai VENT n’atteignait que 5,9 % contre 1 % dans le bras contrôle (non significatif). Le deuxième système (SPIRATION) est lui en forme de parapluie. L’air expiré glisse le long des bords du système et provoque ainsi le collapsus. Il n’a été étudié que sur 40 patients mais des études multicentriques sont en cours. S ystème de dérivation des voies aériennes. Ce système est davantage basé sur l’altération de la dynamique des flux et la fermeture des voies aériennes que sur la promotion d’un collapsus pulmonaire. Une sonde ballonnet de radiofréquence établit 6 Inspirer n°19 - février 2010 une voie de dérivation entre les voies aériennes centrales et une zone cible emphysémateuse. Cette voie nouvellement créée facilite la « vidange » pulmonaire et pourrait aider les patients porteurs de lésions focales ou diffuses. La procédure se déroule en trois temps : d’abord, une écho-endoscopie permet de localiser les structures vasculaires puis la sonde ballonnet dessine la voie de dérivation avant qu’un stent ne soit mis en place, afin de maintenir ouverte cette voie. Actuellement, ce système n’a été testé que chez 19 patients mais les résultats d’un essai randomisé sont en attente pour la fin de l’année 2009. R emodelage biologique. Comme le système de valve, le but est de former un collapsus afin de réduire le volume pulmonaire emphysémateux ; toutefois, le site et le mécanisme d’action sont bien différents. Ce mastic biologique, qui a pour but de provoquer une modification de l’organisation tissulaire, est introduit au travers d’un fibroscope. Il polymérise au niveau de la zone cible et provoque un collapsus et un remodelage tissulaire au bout de quelques semaines. Ce traitement n’a été étudié que sur 15 patients et est en cours d’évaluation. Actuellement, ces techniques restent donc expérimentales mais prometteuses. Ces traitements sont en cours d’évaluation mais les bonnes indications, et donc le choix des patients pouvant bénéficier de ces nouvelles techniques comme le montre la disparité des résultats en fonction des patients, seront primordiaux. En ce sens, l’interprétation de résultats sur des séries plus importantes de patients permettra l’amélioration de ces techniques endoscopiques. 2 - L’INSUFFISANCE RESPIRATOIRE 2.1 - Patient IR et transport aérien SYMPOSIUM : le patient insuffisant respiratoire en voyage Dr. Dan VEALE – ANTADIR, Paris L’objectif de ce symposium était de présenter des systèmes de support et les thérapies disponibles pour le voyageur souffrant d’une maladie respiratoire, en décrivant les préparatifs du voyage : examiner l’utilité et les limites des tests diagnostiques avant un vol aérien. Le Dr R. COKER coordinatrice des premières bonnes pratiques pour les patients en vol aérien [BTS Standards of Care Committee. Managing passengers with respiratory disease planning air travel : BTS recommendations, Thorax 200257 : 289-304] a fait un rappel du contexte, en soulignant qu’il y a environ 2 milliards de voyageurs par an et que la moyenne d’âge des voyageurs est en hausse. Nous estimons qu’au minimum que 5 % des voyageurs ont des problèmes de santé et que cela risque d’augmenter avec le vieillissement de la population et l’augmentation de la capacité des avions et de leur temps de vols. Nous constatons qu’à peu près 10 % des urgences en vol sont d’origine respiratoire dont un tiers concerne des patients asthmatiques. 9 % des avions déroutés sont liés à des évènements respiratoires, ce qui représente un coût élevé pour les compagnies aériennes, estimé à 150 000 €. En 2002, MEDAIRE a constaté 414 avions déroutés, 48 % des patients ont été hospitalisés, 5 % sont décédés. Le Dr R. COKER a décrit la physiopathologie de ces problèmes et rappelé qu’il était important de vérifier si un patient est déjà hypoxémique avant le vol. Il y a bien sûr d’autres problèmes tels qu’une diminution de mobilité ou encore la déshydratation, l’augmentation des volumes de gaz dans les espaces clos, les augmentations de risques de thromboses, ou encore la possibilité de transmission d’infections. Elle a présenté les résultats d’une enquête (Coker RK et Partridge MR. Eur Respir J 2000,15 ; 128-130) à laquelle 268 médecins ont répondu, montrant que les services pour l’évaluation pré-vol étaient très variables ce qui avait donné lieu à un guide des bonnes pratiques publié en 2002 et qui sera remis à jour en 2010 par la BRITISH THORACIC SOCIETY. Ces recommandations ont mis en lumière la nécessité d’identifier les risques, d’évaluer les valeurs prédictives des évaluations pré-vol et d’avoir accès aux données concernant le devenir des patients qui ont eu besoin d’oxygène pendant le vol (Coker RK. Eur Respir J 2007 ; 30:10571063). Une enquête menée entre décembre 2003 et novembre 2005 avec 500 questionnaires retournés par des patients dont la moyenne d’âge était de 61 ans, faisait apparaître que 39 % des personnes ayant répondu avaient une BPCO, 23 % donc 141 patients avaient une maladie interstitielle, 45 patients donc 7 % avaient eu la sarcoïdose, 8 % une dilatation des bronches, 15 % un asthme. Chez les patients BPCO, 65 % de ceux ayant répondu présentaient un VEMS ≤ à 50 % de la valeur théorique ; on a recherché le devenir de ces patients : 95 % d’entre eux ont eu une évaluation par oxymétrie et spirométrie, 45 % ont eu un test à l’hypoxie avant le vol, 10 % ont eu un test de marche. Finalement, 431 patients ont embarqué sur le vol et 4 ont eu besoin d’assistance pendant le vol ; 18 patients, soit 4 % ont eu besoin d’une prise en charge médicale lors de leur séjour et 19 personnes ont fait l’objet d’une prise en charge médicalisée dans les 4 semaines suivant leur séjour. Sur les patients qui n’ont pas pris le vol, 7 sont décédés avant le vol, 31 se sont dégradés et 11 ont eu des difficultés avec les compagnies aériennes ; 47 % des patients ont relaté les problèmes rencontrés lors du voyage, par exemple 14 % ont eu une augmentation de toux, 26 % une augmentation de dyspnée, 7 % une douleur à la poitrine ; pour la plupart d’entre eux, les symptômes ont été jugés modérés. Un point important est ressorti de cette étude : le recours à des soins dans les jours suivants le séjour était frappant chez les patients avec une maladie interstitielle. Les vols aériens semblent donc globalement sécurisés, avec une augmentation d’utilisation des réseaux de santé dans les quatre semaines après le retour du séjour, sans que l’on puisse identifier des facteurs de risque. Il semble que les patients atteints de maladie interstitielle soient plus exposés au risque que les autres. L’utilisation d’oxygène pendant le vol n’a pas été un facteur de différence. Par la suite, le Dr COKER a abordé Inspirer n°19 - février 2010 7 d’autres problèmes respiratoires notamment les problèmes infectieux concernant une personne avec une tuberculose crachat positive qui ne doit pas voyager. Concernant les maladies grippales, les patients qui sont en état de grippe ne doivent pas voyager et les gestes d’hygiène sont à rappeler. Il semble que les recommandations de 2002 sur le pneumothorax sont à changer avec notamment un délai minimum de 2 semaines après résolution du pneumothorax. Concernant les risques de thrombophlébite et embolie pulmonaire, il faut classer les patients selon les risques, cependant tous doivent éviter les excès d’alcool et de caféine et rester mobiles autant que possible ; pour ces patients à risque, des bas de contention sont fortement conseillés. Pour des patients ayant déjà eu des problèmes pendant un vol, ayant subi une chirurgie majeure dans les six semaines précédant le voyage ou qui ont un cancer, une anticoagulation par héparine peut être utile. Une étude datant de 2002 (Cesarone MR, LONFIT Study, Angiology, 2002,53 ; 1-6) menée sur 300 patients à haut risque de thrombophlébite randomisée contrôlée « aspirine ou héparine », lors d’un voyage avec un résultat plutôt favorable à l’héparine, aucune personne n’a eu une phlébite par rapport à 3,6 % traités par aspirine et 4,8 % des contrôles. Le Dr ROBSON de Edinburgh a décrit les méthodes d’évaluation des patients avant un vol. Les avions en vol sont pressurisés à 2400 mètres d’altitude, les méthodes disponibles pour évaluer les personnes sont des équations de prédiction, des évaluations dans une chambre hypobare ou des tests à l’hypoxémie. Le Dr ROBSON a décrit des équations de prédiction basées sur des références bibliographiques qui semblent un peu compliquées. Les chambres hypobares sont utilisées par les militaires mais sont beaucoup plus onéreuses et compliquées pour évaluer des patients en nombre lors des vols. Les tests à l’hypoxie semblent assez simples, il y a synth-oxygénothérapie SIO2 à 15,1 % 8 Inspirer n°19 - février 2010 avec monitorage de la saturation, il est possible d’avoir ces diminutions de l’oxygène par des mélanges de gaz par le port d’un masque à effet Venturi en modifiant une chambre de plethysmographie ou par l’utilisation d’un appareil de diminution d’oxygène. Le Dr ROBSON nous a décrit dans le détail toutes ces méthodes et le développement, par un laboratoire de recherche Aérospatial Américain, d’un appareil pour diminuer l’oxygène aspiré, détail à trouver sur www.environics.com. La plupart des tests à l’hypoxémie durent à peu près vingt minutes et peuvent être utilisés pour titrer le débit d’oxygène nécessaire pour un individu. Il est souhaitable que des laboratoires d’évaluations fonctionnelles respiratoires s’équipent pour faire des tests à l’hypoxémie. Melle EDVARDSEN a décrit les aspects pratiques du voyage. L’oxygène est permis pendant des voyages en mer ; pour un vol en avion une documentation importante est nécessaire comme le formulaire MEDIF. Les compagnies aériennes varient beaucoup dans leur mise à disposition de l’oxygénothérapie. Il y a des compagnies qui n’ont pas d’oxygène, d’autres qui en proposent mais c’est onéreux, et d’autres encore qui autorisent les passagers à emmener leur propre oxygène. Il est important d’avoir organisé l’oxygène à l’aéroport d’arrivée et d’être sûr d’être bien assuré pour toute éventualité, car même au sein de l’Union Européenne, subsiste une variabilité malgré les formulaires communs. Le Dr. D. VEALE a tenté d’attirer l’attention sur le problème en montrant qu’il y a 2.5 millions de patients souffrant de BPCO en France, et deux milliards de patients effectuant des voyages aériens par an. Par exemple, 50 millions de personnes passent par l’aéroport de Charles de Gaulle chaque année, mais les évènements restent rares. En 2000, une compagnie d’assistance aux Etats-Unis n’a eu que 8 500 appels ; chiffre bien dramatique pour les individus mais peu élevé statistiquement. L’une des explications est peut être que peu de patients sous oxygénothérapie voyagent. Une enquête portant sur plus de 5 000 patients menée par l’ANTADIR démontre que des patients en traitement pour insuffisance respiratoire prenaient très peu de vacances même en dehors de la considération des vols aériens. Une autre explication : la plupart des vols aériens sont de courte durée, des vols internes laissent les patients à peine 20 minutes en altitude de croisière et sur des vols de moyenne distance les patients peuvent être entre 1 à 3 heures en altitude de croisière. La conférence d’experts pour les voyages aériens concernant les personnes souffrant de maladies respiratoires réalisée par la SPLF, la société Belge de pneumologie et la société médicale de voyage (Revue des Maladies Respiratoires, 2007, volume 24) a tenté d’identifier quels sont les patients qui doivent être évalués par des tests d’hypoxémie. Il s’agit plutôt de patients BPCO avec un VEMS inférieur à 50 % et VEMS moins d’un litre, de patients avec des maladies restrictives avec une saturation inférieure à 95 % au repos. Sur le plan pratique, on décrit un voyage en avion avec des concentrateurs portables en passant par chaque étape du voyage pour démontrer la nécessité d’un planning presque militaire tout au long de ce processus. Il est préférable de faire un listing de toutes les étapes avec toutes les documentations et démarches nécessaires durant le voyage : prendre le billet jusqu’à l’arrivée à sa destination, se munir de l’ordonnance de l’oxygène, l’ordonnance des médicaments, un certificat pour les douanes, une documentation sur le concentrateur portable, un calcul de la durée totale du voyage avec des marges importantes, des batteries bien remplies et vérifier leur bon fonctionnement, une connexion électrique adaptée au pays, des tubulures d’oxygène de réserve. Le Dr VEALE a décrit tout le périple nécessaire avant de pouvoir monter dans l’avion et toutes les étapes de passage de chez soi jusqu’à l’aéroport, à l’aéroport et lors de l’embarquement. Il décrit le système de codification à l’attention des personnes ayant des problèmes de mobilité : possibilité de demander à être classé en CCHC (ce qui veut dire besoin d’être aidé jusqu’à son fauteuil), ou en WCHR (on est laissé en bas des escaliers servant à monter dans l’avion). Toute cette évaluation de logistique était très intéressante et a mené l’ANTADIR à faire une publication faisant une comparaison de 4 appareils de concentrateurs portables. Par la suite l’ANTADIR a effectué des évaluations techniques des concentrateurs portables pour démontrer que le débit d’oxygène selon le réglage de la machine était très variable entre les machines, et la prescription de ces appareils qui semblent très utiles pour le voyage doit être individualisée. Le Dr VEALE a parlé de l’implication des organisations des patients qui s’entraident sur le plan organisationnel, donnant des avis très pratiques et dont le travail agit comme un bon groupe de pression auprès des Instances administratives pour faire évoluer la prise en charge des patients. A titre d’exemple, la FFAAIR organise des vacances pour les patients, tient un site web donnant des informations et participe aux négociations auprès des Instances administratives et politiques. Tout ceci pour dire que l’objectif est d’améliorer les conditions de voyage et d’augmenter le nombre de patients insuffisants respiratoires qui pourraient voyager. 2.2 - La fin de vie du patient IR La fin de vie chez des patients insuffisants respiratoires chroniques Dr. Cassandra CLIT – ARAIRLOR, Nancy Plusieurs présentations ont eu comme sujet la fin de vie chez les patients insuffisants respiratoires. Une des plus intéressantes a été celle d’Anita SIMONDS (Royal Brompton Hospital, Londres), inspirée par le film d’Almodovar “Hable con ella” (Parle avec elle). La présentation se concentre initialement sur les fautes de communication face aux décisions de fin de vie chez les patients insuffisants respiratoires. Les soins palliatifs sont souvent prodigués aux patients cancéreux et très rarement aux patients insuffisants respiratoires. Il est d’autant plus difficile d’identifier les patients qui peuvent en bénéficier, car le pronostic est moins précis et l’évolution en soins intensifs n’est pas toujours prévisible. Ces derniers temps, plusieurs indicateurs d’évolution vers une fin de vie dans les 6-12 mois ont été identifiés chez les BPCO : exacerbations fréquentes, OLD, VNI, cœur pulmonaire chronique, l’IMC bas. En ce qui concerne les décisions de fin de vie chez les patients insuffisants respiratoires, plusieurs études ont exploré les désirs des patients et la qualité de la communication entre l’équipe médicale, d’une part, et le patient et la famille, d’autre part. Quelles sont les opinions des patients sur les options de fin de vie ? Dans une étude sur des patients BPCO, 94 % avaient des connaissances sur l’intubation, 99 % voudraient discuter les «directives anticipées » (advanced directives), 19 % avaient parlé aux médecins de décisions de fin de vie et 14 % croyaient que les médecins comprenaient leurs désirs. Dans une autre étude, 32 % en ont discuté avec leurs médecins, mais plusieurs barrières ont été identifiées. Les patients ont identifié 15 barrières, mais seulement 2 ont été identifiées par plus de 50 %, par exemple : « Je vois plutôt l’intérêt de rester en vie que de mourir » et « Je ne sais pas quel médecin /quelle équipe me soignera quand je serai très malade ». Les médecins ont identifié de leur côté 17 barrières, dont une seule a été identifiée par plus de 50 % : ” Le temps est trop court pour discuter de ça”. Le point de vue des patients se concentre sur l’éducation concernant leur maladie et surtout sur le pronostic à court et à long terme ; ils veulent que l’espoir soit préservé et ils s’attendent que le sujet de la fin de vie soit abordé par les médecins. Ils sont intéressés par le contrôle des symptômes en fin de vie et ils veulent discuter de l’avenir, comprendre le pronostic, discuter les décisions sur la ressuscitation, l’hospitalisation en soins intensifs, le planning anticipé des soins (advanced care planning). Ces sujets peuvent être discutés avec les patients dans le cadre d’un programme de réhabilitation ou en hospitalisation de jour. A cette occasion, on peut identifier leurs préférences en matière d’intubation et ventilation mécanique, la ressuscitation en cas d’arrêt Inspirer n°19 - février 2010 9 respiratoire ou cardiaque. On peut discuter de ce que les patients veulent « déclaration anticipée des soins » (advanced care statement) et de ce qu’ils ne veulent pas « décisions anticipées des soins » (advanced decisions). La communication s’avère encore plus difficile en soins intensifs où s’il s’agit d’un collègue en stade terminal. Les études ont montré que lors des entretiens avec les familles des patients hospitalisés en soins intensifs, les médecins gardent la parole la plupart du temps et les familles ont seulement 29 % du temps accordé. Les familles aimeraient être rassurées que le patient ne souffrira pas et que la décision de maintenir en vie le patient leur appartiendra. Les sujets qui doivent absolument être discutés sont « l’arrêt des soins » (withdrawal) et la « limitations des soins » (withholding). Au regard de ces exposés, il apparaît que beaucoup de choses sont à améliorer dans la communication médecin - patient et c’est d’autant plus difficile quand on n’a pas une formation spécifique. 2.3 - La kinésithérapie du patient sous VNI La kinésithérapie chez les patients sous VNI Dr. Cassandra CLIT – ARAIRLOR, Nancy Ce thème a été brillamment présenté par Michelle Chatwin, une kinésithérapeute anglaise qui travaille à Royal Brompton Hospital, Londres. Chez les patients sous VNI, la kinésithérapie respiratoire couvre plusieurs aspects : le drainage des secrétions, l’humidification, le positionnement du patient afin d’améliorer la dyspnée et la déambulation avec la VNI. Le drainage des secrétions bronchiques est souvent nécessaire chez les patients sous VNI qui présentent des secrétions bronchiques en excès. Plusieurs moyens sont disponibles allant du drainage postural et les techniques manuelles de drainage bronchique jusqu’à l’application des moyens mécaniques comme l’IPV. L’IPV (intrapulmonary percussive ventilation = ventilation percussionniste intra pulmonaire) est une version modifiée de l’IPPB (intermittent positive pressure breathing = pression positive intermittente) et consiste dans la ventilation par jets rapides d’air qui produisent des vibrations (percussions) intra pulmonaires entraînant la mobilisation des secrétions bronchique de l’arbre bronchique périphérique. L’IPV peut être appliquée à travers une pièce buccale ou un masque facial. Chez les 10 Inspirer n°19 - février 2010 patients avec beaucoup de secrétions, un humidificateur doit être rajouté ; on peut aussi nébuliser du sérum physiologique ou une solution saline hypertonique ou rajouter un nébuliseur sur le circuit du ventilateur. L’assistance à la toux : chez le patient qui a du mal à tousser plusieurs techniques d’assistance à la toux peuvent être utilisées. Certaines techniques assistent la partie inspiratoire de la toux : la méthode nommée breath-stacking consiste dans une inspiration, suivi d’une apnée et encore d’une ou deux inspirations pour augmenter le volume courant inspiratoire. Cette méthode peut-être appliquée utilisant un ballon AMBU avec valve unidirectionnelle, un ventilateur volumétrique, un ventilateur barométrique ou une IPPB. Le patient inspire à travers le masque, reste en apnée et ré-inspire jusqu’à ce qu’il atteigne la CPT (capacité pulmonaire totale), ensuite le masque est enlevé et le patient tousse. Une autre technique est celle de la respiration glossopharyngienne qui consiste dans une série d’inspirations pendant lesquelles l’air est retenu dans les bronches par le larynx et l’expiration se produit par le recul élastique pulmonaire et de la cage thoracique. La partie expiratoire de la toux peut être assistée manuellement par la compression abdominale ou thoracique pour augmenter le flux expiratoire. Un moyen mécanique d’assistance en deux temps de la toux est l’insufflateur/exsufflateur mécanique « Cough assist ». L’appareil applique initialement une pression positive d’insufflation qui est progressivement augmentée jusqu’à la CPT, puis une pression négative d’exsufflation est appliquée, elle est progressivement augmentée et le patient tousse. Le positionnement du patient diminue la dyspnée : le patient peut être placé penché en avant, les bras et la tête sur un oreiller en appui sur une table. Il y a aussi une position assise relaxée (relaxed sitting) ou debout relaxée (relaxed standing). La déambulation avec une VNI est maintenant possible : des ventilateurs de dimensions réduites possédant des batteries peuvent être mis sur des déambulateurs munis de roues et le patient peut se promener ou s’entraîner avec sa VNI. Dans ce contexte, les patients peuvent participer à des programmes de réhabilitation respiratoire. Au regard de ces exposés, il apparaît clairement que plusieurs astuces aident les patients sous VNI à mieux respirer et leur qualité de vie s’est beaucoup améliorée. 3 - ASTHME ET PEDIATRIE 3.1 - Traitement phénotypique Le traitement phénotypique de l’asthme Pr. Cyril SCHWEITZER – ARAIRLOR, Nancy L’asthme à l’âge pédiatrique peut cliniquement se présenter de façon très différente. Ces symptômes peuvent évoluer également de manière très variable en fonction des sujets. Il est ainsi possible de définir des phénotypes cliniques qui ont essentiellement une valeur pronostique concernant l’efficacité des traitements, comme les corticoïdes inhalés, mais qui ont aussi une importance considérable dans le pronostic évolutif que l’on peut fixer à la famille. Un symposium était consacré au traitement de l’asthme basé sur le phénotype. Le phénotype est un assemblage de différents caractères cliniques qui constituent une entité cliniquement homogène, une entité qui aide à conduire un traitement chez un individu ou à comprendre les mécanismes d’une pathologie. es phénotypes de l’asthme L difficile à traiter (Louise Fleming, London, UK) : Un asthme peut être difficile à traiter pour différentes raisons. Par exemple : une maladie particulièrement sévère, une maladie qui répond mal aux traitements, des facteurs pourtant accessibles et modifiables mais dont on ne s’occupe pas. Concernant ce dernier point, une étude de Bracken (Arch Dis Child, 2009) montre chez 71 enfants asthmatiques (4,5 à 17,5 ans) qu’il est possible d’identifier des facteurs modifiables chez 79 % des patients. Par exemple, le tabagisme actif ou passif chez 25 % des enfants et des problèmes liés au traitement chez 48 % des enfants. L’identification et la correction de ces facteurs modifiables ont permis chez 55 % des patients de nouveaux examens ou une escalade thérapeutique inutile. Utiliser le phénotype de l’asthme pour le traitement permet de proposer un traitement adapté qui présentera le minimum d’effets secondaires. Cependant, l’asthme est une pathologie complexe évolutive, hétérogène. Les caractères phénotypiques (voir génotypiques) que l’on a pour le moment identifiés ne sont peut être que l’extrémité des doigts d’une main, voir d’un individu complet… Une base est actuellement en cours de constitution : la base U-BIOPRED (Unbiased BIOmarkers for Prediction of Respiratory Disease outcome). Il s’agit d’une étude longitudinale (depuis l’âge préscolaire jusqu’à l’âge adulte) visant à recueillir les marqueurs évolutifs de l’asthme. De telles études peuvent sur le long terme permettre d’adapter, de personnaliser l’approche et le suivi thérapeutique dans la vie et la pratique réelle. es phénotypes chez l’enfant L d’âge préscolaire (S. Saglani, Londres, UK) : Une revue de consensus de l’European Respiratory Society (Brand PL, ERJ 2008) a recadré les phénotypes de l’asthme pédiatrique à l’âge préscolaire. Il est proposé de définir d’une part des enfants qui présentent des sifflements épisodiques (essentiellement d’origine virale), sans symptômes intercritiques, et d’autre part des enfants présentant des symptômes dont les facteurs déclenchants ne sont pas nécessairement tous d’origine virale et qui présentent des symptômes intercritiques (episodic wheeze et multiple-trigger wheeze). Les recommandations actuelles de l’European Respiratory Society sont d’utiliser plutôt le montélukast (bientôt disponible en France avec l’AMM) chez les siffleurs épisodiques, et plutôt les corticoïdes inhalés chez les autres. Les ß2 mimétiques restent bien sûr la thérapeutique de choix pour les épisodes de dyspnée aiguë. L’idée de ces recommandations est celle d’un traitement d’épreuve, qui, s’il ne s’avère pas cliniquement efficace, n’est pas judicieux de poursuivre. Les corticoïdes oraux s’avèrent peu efficaces dans l’optique du traitement des épisodes de sifflements post-viraux (Panickar J, NEJM, 2009). Les limites de cette classification sont qu’elles n’incorporent aucune notion de sévérité des symptômes alors qu’il est connu que les patients ayant les asthmes les plus sévères sont ceux qui ont les pertes fonctionnelles respiratoires les plus importantes à l’âge scolaire (Phelan PD, JACI, 2002). La question d’inclure l’atopie dans les phénotypes se pose également (nombre de sensibilisations, signes cliniques Inspirer n°19 - février 2010 11 d’atopie) car son existence, même si elle augmente le risque de persistance des symptômes, est un signe de bonne efficacité des corticothérapies inhalées (Bacharier LB, JACI, 2009). Parallèlement, les phénotypes de l’asthme à l’âge préscolaire sont importants pour fixer un pronostic évolutif. On distingue les siffleurs précoces transitoires (début des symptômes avant 3 ans, plus de symptômes après 6 ans), les asthmes persistants associés aux IgE (début symptômes avant 3 ans, persistance après 6 ans) et les asthmes à début tardif non-atopiques (début des symptômes après 3 ans) (Stein RT, Thorax 1997). Similairement, l’existence d’une sensibilisation atopique avant l’âge de 3 ans est un facteur de réduction de la fonction respiratoire à l’âge scolaire (Illi S, Lancet, 2007). Néanmoins l’existence de sifflements lors des affections rhinovirales est plus fortement associée au développement d’un asthme à l’âge de 6 ans que l’existence de sensibilisations aux pneumallergènes (Jackson, AJRCCM, 2008). L’utilisation plus approfondie des phénotypes de l’asthme à l’âge préscolaire, voir de quelques sous groupes particuliers (ex : sifflements persistants de l’asthme atopique, Spycher BD, ERJ, 2008) peut encore améliorer l’intérêt de définir des phénotypes. es phénotypes de l’asthme L chez l’enfant d’âge scolaire et l’adolescent (B. Karadag, Istanbul, Turquie) : Très similairement aux enfants d’âge préscolaire les phénotypes de l’asthme sont importants pour : 1) comprendre la nature et les mécanismes de la maladie, 2) déterminer la meilleure stratégie thérapeutique, 3) établir des critères évolutifs, 4) permettre des recherches de corrélation génotypes/phénotypes. Après l’âge préscolaire, il semble important de considérer dans les phénotypes : 1) L’âge de début des symptômes : Un certain nombre d’études 12 Inspirer n°19 - février 2010 longitudinales ont montré qu’une relation existait entre la précocité des symptômes et la persistance de l’asthme à 6 ans. Par exemple la sensibilité et la spécificité de l’index de persistance de l’asthme de Castro-Rodriguez (AJRCCM, 2000) sont respectivement de 77 % et 97 % à l’âge de 6 ans. Cet index est basé sur l’existence de sifflements fréquents (> 3) et de l’histoire familiale. Cette donnée phénotypique est intéressante en ce qui concerne des études épidémiologiques longitudinales mais est plus difficile à manipuler à titre individuel. 2) La sévérité des symptômes : Il existe des classifications de sévérité de l’asthme (GINA par exemple) et de façon globale, il a été montré que plus l’asthme était sévère durant l’enfance, moins il était probable que les symptômes disparaissent à l’âge adulte (Oswald H, BMJ, 1994). Ce critère est cependant difficile à utiliser car assez médecin-dépendant. 3) L’atopie : L’asthme atopique est le plus fréquent dans les pays développés alors que l’asthme non-atopique est retrouvé dans les pays plus pauvres. Ce critère est assez utile pour prédire sur le long terme la persistance d’un asthme mais a peu d’intérêt pour décider du traitement d’un individu, 4) La toux : signe connu pour être un équivalent d’asthme, la toux peut se présenter soit sous forme persistante avec sifflements, auquel cas il peut être mis en évidence une altération de la fonction respiratoire et une hyperréactivité bronchique, ou soit d’épisodes transitoires où les altérations fonctionnelles n’existent pas (Spycher BD, ERJ, 2008), 5) Obésité : L’IMC ne modifie pas significativement la sévérité de l’asthme, mais l’analyse de la cohorte de Tucson a montré que l’asthme touchait plus fréquemment les jeunes filles en surpoids qui ont leurs premières règles précocement (avant 11 ans). Chez les jeunes filles qui développent un surpoids ou une obésité entre 6 et 11 ans le risque d’asthme à 11 et 13 ans est multiplié par 7 (Castro-Rodriguez, AJRCCM, 2001), 6) Caractéristiques de l’inflammation des voies aériennes : L’inflammation éosinophilique est la plus fréquente. Mesurée de façon directe ou indirecte (FeNO) son niveau est bien corrélé au niveau de contrôle de la maladie par les thérapeutiques. Néanmoins l’intérêt de suivre l’effet des thérapeutiques par le NO exhalé reste discuté (intervention de Louise Flemming). L’inflammation neutrophilique est plus souvent retrouvée dans le cadre des asthmes sévères (Stein & Martinez, 2004) ou chez les sujets les plus jeunes très susceptibles aux infections respiratoires (Lemanske, 2005). Ces asthmes répondent moins volontiers aux corticoïdes inhalés. Ils sont plus sensibles à l’azithomycine ou à la théophylline. Outre les caractères phénotypiques, des polymorphismes génétiques ont été mis en évidence. On peut citer le polymorphisme du gène de l’IL-13 (Sadeghnejad, Respir Res, 2008) ou les polymorphismes du locus 17q21 (Bisgaard, AJRCCM, 2009). Ces caractères génétiques, même s’ils ont un intérêt en particulier évolutif, sont difficiles à utiliser dans la pratique clinique car leur « effet » est souvent dépendant des conditions d’environnement. Par exemple, le polymorphisme du gène de l’IL-13 n’a d’effet qu’en cas de tabagisme maternel durant la grossesse. Il est important désormais dans les études cliniques d’identifier tous ces critères phénotypiques, voire génotypiques, afin d’identifier les groupes de patients les plus homogènes possible (analyse de « cluster »). Une remarque venue de l’assistance semble cependant à retenir, en substance : « arrêtez de fabriquer plein de nouveaux guidelines différents, avec des classifications différentes, quand les recommandations actuelles, pourtant assez simples, sont mal appliquées ». 3.2 - Explorations fonctionnelles L’exploration fonctionnelle pédiatrique Pr Cyril SCHWEITZER – ARAIRLOR, Nancy Une session de présentations orales était consacrée à l’exploration fonctionnelle pédiatrique. Elle constituait un panorama de diverses techniques anciennes et nouvelles. Y.J. Kim (Indianapolis, USA) présentait une étude de la diffusion du CO (DLCO) chez 387 enfants de 6 à 18 ans comportant à la fois des caucasiens et des afro-américains. De façon intéressante, les normes n’étaient pas différentes entre les garçons et les filles chez les afroaméricains, mais les garçons caucasiens avaient une DLCO plus importante que les filles. Tous les groupes montraient une augmentation de la DLCO avec la taille. Chez les enfants sains aucun effet de l’ajustement en fonction de l’hémoglobine n’était retrouvé. C. Bastardo (London, UK) présentait une étude réalisée dans l’équipe de J. Stocks au sujet de la reproductibilité des explorations fonctionnelles respiratoires chez l’enfant d’âge préscolaire (4 à 6 ans) et de la réponse aux bronchodilatateurs d’enfants sains. Il s’avère que dans cette population la mesure des inhomogénéités, de la résistance spécifique et de la spirométrie s’avère très reproductible à court terme. Il est à noter qu’un nombre modéré d’enfants (6/25) diminue significativement leur résistance spécifique après bronchodilatateur. Même si la variation est nettement moins importante il faut remarquer que le VEMS de ces enfants augmente en moyenne de 5% (5±14 % !!) pour une variabilité spontanée discrètement moins importante (3±14 % !!). L’étude de C. Thamrin (Bern, Suisse) chez 23 enfants sains et 27 asthmatiques (âge moyen 6,2 ans) sur la variabilité des résistances par interruption se base sur une méthode d’autocorrélation des données obtenues au cours du temps pour conclure que la variabilité des résistances mesurées chez l’asthmatique est plus grande que chez les sujets sains. L’équipe italienne de A. Lo Mauro (Milan, Italie) présente son utilisation d’une méthode de détermination de la mécanique ventilatoire par technique opto-numérique. Cette méthode innovante de pléthysmographie grâce à des capteurs placés sur le patient et des caméras leur a permis de calculer la contribution abdominale à la ventilation chez des patients atteints de myopathie de Duchenne (66 patients de 5 à 22 ans) par rapport à une population témoin. Outre le caractère original de la méthode, cette étude a permis de montrer qu’en position couchée la contribution de l’abdomen à la ventilation diminue progressivement avec l’aggravation de la maladie et que cette diminution est en rapport avec l’apparition de désaturations nocturnes. L’équipe de Perth (Australie) représentée par K. Logie présentait les résultats d’une étude réalisée chez des enfants de 9 à 11 ans suivis pour une dysplasie bronchopulmonaire. Chez ces enfants nés avant 32 semaines d’aménorrhée, la température des gaz expirés était significativement inférieure de 1°C par rapport à celle des sujets témoins. Cette différence est probablement expliquée par des modifications d’origine vasculaire. Le suivi des enfants nés extrêmement prématurés pose le problème du type d’explorations à proposer à un enfant. S. Lum (London, UK) présentait des résultats comparant la spirométrie, la mesure des inhomogénéités, la DLCO, les volumes non-mobilisables et la résistance spécifique. La spirométrie est en fait la méthode la plus sensible pour détecter les anomalies (51 % avec une spécificité à 94 %). Il s’avère qu’à 11 ans l’association de la spirométrie, de la mesure des inhomogénéités et de la résistance spécifique permet d’identifier des anomalies de la fonction respiratoire dans près de 94 % des cas ! La seule utilisation de la spirométrie et de la résistance spécifique semble de très bon rapport. Enfin la dernière présentation de la séance par M. Narayanan (Leicester, UK) concernait la croissance alvéolaire post-natale. Il est admis depuis d’assez nombreuses années que la multiplication alvéolaire se poursuit dans les deux premières années de vie. L’étude réalisée à partir de la résonance magnétique de l’hélium tritié chez 88 enfants sains, montrait que cette croissance pouvait se poursuivre bien au-delà. Les résultats ont cependant été assez critiqués, ou du moins réinterprétés par des spécialistes du sujet dont E.R. Weibel. Inspirer n°19 - février 2010 13 4 - AUTRES ENTITES PATHOLOGIQUES 4.1 - SAS complexe Syndrome d’apnées du sommeil complexe Dr. Ntumba-Kazanbu KABEYA - AGEVIE Bourgogne, Dijon Le syndrome d’apnées du sommeil complexe (SAS complexe) est considéré comme une complication fréquente du traitement par la pression positive continue (PPC) du syndrome d’apnées du sommeil obstructif (SAS obstructif). Une session était consacrée à cette entité particulière. Plusieurs termes ont été utilisés depuis environ 20 ans pour caractériser cette entité, à savoir : respiration périodique liée à la PPC (Marrone et al. Eur Respir J, 1991), troubles respiratoires du sommeil complexes (Gilmartin et al. Curr Opin Pul Med 2005), syndrome d’apnées du sommeil central lié à la PPC (Demaika et al. Chest 2007), SAS central au début du traitement par la PPC (Lehman et al. J Clin Sleep Med 2007), apnées du sommeil résiduelles (Ryan et al. Eur Respir J 2008). Il est défini par la persistance ou l’apparition d’apnées ou d’hypopnées centrales sous traitement par PPC du SAS obstructif (Morgenthaler et al. Slepp Med 2006). Les critères admis sont un index d’apnées centrales ≥ 5/h ou une prédominance des apnées centrales (supérieures à 50 %). Le terme « complexe » a été adopté pour exprimer la complexité des mécanismes intervenant dans la genèse de cette entité, à savoir l’obstruction et les facteurs de commande (respiratoires, cardio-vasculaires). Les mécanismes physiopathologiques de survenue traduisent une instabilité ventilatoire et peuvent être résumés en : dysrégulation de l’homéostase de CO2 (l’évacuation du CO2 de l’espace mort anatomique par la PPC ou BiPAP induit une hypocapnie) ; dysfonction de la commande ventilatoire ; réflexe de Hering-Breuer (l’instauration du traitement par la pression positive continue stimule les « stretch » récepteurs pulmonaires situés dans les 14 Inspirer n°19 - février 2010 voies aériennes distales ; l’influx nerveux via le nerf vague pour atteindre le centre respiratoire bulbaire la réponse de ce centre est l’arrêt respiratoire quand la pression augmente rapidement). La question de la prévalence à court et moyen terme du SAS complexe des patients traités par PPC pour SAS obstructif est bien illustrée par une étude prospective, menée par une équipe Allemande (Sleep Disorders Centre, Philipps-University Marburg). Les auteurs ont étudié la prévalence à la mise en route du traitement par la PPC, puis après 3 mois de traitement. Ils ont trouvé environ 12,5 % de SAS complexes à la mise en route du traitement puis 6,9 % à 3 mois. Ceci montre donc que le SAS complexe n’est pas une entité stable et qu’une bonne partie régresse sous la poursuite de la PPC. En ce qui concerne les caractéristiques des patients développant un SAS complexe, on note qu’il n’y a pas de différence d’âge mais une large prédominance masculine, l’IMC est légèrement moins élevé que dans les SAS obstructifs, la somnolence diurne initiale est élevée, absence de différence dans la fonction pulmonaire et dans les gaz du sang. Les conséquences cliniques du SAS complexe sont essentiellement : persistance ou aggravation des symptômes secondaires aux micro-éveils (asthénie, somnolence diurne excessif, dépression …) et perturbation du sommeil, majoration des difficultés à la tolérance de la PPC, augmentation de l’activité sympathique, coût des traitements alternatifs et pour les centres de sommeil, responsabilité d’identifier et de proposer un traitement adapté. La prise en charge du SAS complexe repose avant tout sur la prévention : éviter la toxicité de la pression que la PPC et BiPAP induisent en hypocapnie à l’origine des troubles. Il faut, dans la mesure du possible, minimiser l’hypocapnie et utiliser les pressions minimales efficaces. On peut aussi envisager l’expectative (laisser le patient sous traitement PPC à la pression minimale efficace puis réévaluer quelques mois plus tard (régression dans plus 50% des cas du SAS complexe), ou proposer une supplémentation en oxygène (PPC + oxygène essentiellement s’il existe une hypoxémie), mais aussi éviter des médicaments induisant des apnées centrales et augmenter le CO2 dans l’air inspiré (masque de réinhalation, augmentation de l’espace mort). En termes de remplacement de la PPC, plusieurs travaux ont montré que la BiPAP Auto SV Advance apporte une correction supérieure à la BiPAP Auto SV et à la PPC. La particularité de cette BiPAP Auto SV Advence est l’ajustement automatique de la PEEP. Ces traitements induiraient moins d’hypocapnie. Le grand débat reste ouvert : le SAS complexe est-il réellement une maladie ? 4.2 - HTAP Hypertension arterielle pulmonaire : Actualités sur la prise en charge Dr. Thomas EGENOD - ALAIR & AVD, Limoges L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une pathologie où les avancées ont été nombreuses même si, actuellement, il n’existe pas de traitement curatif. La survie médiane chez des patients non traités est de 4,9 ans pour les stades I, II, alors qu’elle est de 2,6 ans pour les stades III et seulement de 6 mois pour les stades IV. Les objectifs actuels sont donc de prévenir l’apparition d’un stade III et le maintien en stade II. Classification fonctionnelle NYHA I pas de symptômes, stade pré clinique, découverte fortuite II patient présentant une discrète limitation des activités de la vie quotidienne pour les efforts importants III patient présentant une limitation des activités de la vie quotidienne pour les efforts minimes IV dyspnée de repos, syncopes Prise en charge actuelle : Après confirmation du diagnostic par cathétérisme cardiaque droit, une fois le bilan étiologique initial, la mise en route thérapeutique doit être effectuée dès que possible car il a été prouvé que cela diminuait de façon significative le passage en stade III. Le bilan étiologique initial recommandé est constitué d’une scintigraphie pulmonaire ventilation/ perfusion, d’une épreuve fonctionnelle respiratoire, d’une sérologie HIV, des facteurs anti-nucléaires, d’un test de marche de 6 minutes, d’une échographie cardiaque, d’une échographie abdominale. Le traitement comporte trois parties : L a première comporte des mesures générales comme éviter des exercices physiques excessifs ou une grossesse. Les vaccinations contre l’haemophilus et le pneumocoque sont souhaitables. La réhabilitation respiratoire trouve sa place dans les stades avancés. L a deuxième partie comporte les thérapeutiques « non spécifiques » comme l’oxygénothérapie, l’utilisation du furosémide, d’une anticoagulation efficace par anti-vitamines K et l’utilisation de digoxine en cas de troubles du rythme. La réalisation d’un test de vaso-réactivité au monoxyde d’azote (NO) au cours d’un cathétérisme cardiaque droit est systématique. Sa positivité (décrite uniquement chez les HTAP idiopathiques ou secondaires à la prise d’anorexigènes) se définit par une chute de la pression artérielle pulmonaire moyenne d’au moins 10 mmHg en atteignant une valeur inférieure à 40 mmHg alors que le débit cardiaque reste stable ou augmente légèrement. Les « répondeurs » présentent un très bon pronostic (mais ne concernant que moins de 10 % des patients…) à long terme et doivent bénéficier d’un traitement au long cours par inhibiteurs calciques. Les traitements actuellement utilisés sont la nifépidine à la posologie de 120 à 240 mg par jour et le diltiazem à dose équivalente en cas d’effet secondaire de la nifépidine (tachycardie ou hypotension artérielle symptomatique). L a dernière partie comporte les thérapeutiques « spécifiques » basées sur trois voies distinctes de la vasodilatation. 1- L’endothéline 1 présente un effet vaso-constricteur puissant et est présente en excès dans le plasma et le tissu pulmonaire des patients porteurs d’une HTAP. Le bosentan est un antagoniste spécifique des récepteurs de l’endothéline administré par voie orale actuellement recommandé dans les stades II ( comme l’ambrisentan ) car ayant démontré des effets aussi bien sur les résistances vasculaires pulmonaires que sur le « délai d’aggravation clinique ». 2- L’autre traitement indiqué en phase II est le sildénafil détourné de son indication initiale en raison de ses propriétés vasodilatatrices. 3- La dernière classe thérapeutique est constituée par les analogues des prostacyclines utilisés pour leur propriété vasodilatatrice, un effet Inspirer n°19 - février 2010 15 antiprolifératif sur le muscle lisse vasculaire et une action inhibitrice sur la production du facteur de croissance du tissu conjonctif. Il existe plusieurs voies d’utilisation (orale : béraprost, inhalée : iloprost, sous-cutanée : treprostinil, intraveineuse : epoprosténol). L’époprosténol est le seul traitement ayant montré son efficacité sur la survie et a transformé le pronostic des formes sévères (55 % de survie à 5 ans). Les objectifs thérapeutiques se sont modifiés et ont été définis par le centre national de référence de l’HTAP d’Antoine Béclère. Les traitements ne sont malheureusement pas efficaces immédiatement (14 semaines pour le bosentan) et il est actuellement recommandé d’évaluer l’efficacité thérapeutique par cathétérisme cardiaque droit après quatre mois de traitement. Les patients en stade III-IV doivent être passés après quatre mois de traitement en stade II, avoir un test de marche de 6 minutes supérieur à 400-500 mètres et doivent avoir amélioré leurs paramètres hémodynamiques (débit cardiaque, pression de l’oreillette droite, résistances vasculaires pulmonaires). Le maintien en stade III doit être dorénavant considéré comme un échec. L’escalade thérapeutique est la règle depuis 2008 en cas de réponse inadéquate au traitement initial et doit conduire à l’adjonction d’un deuxième voire d’un troisième traitement selon l’ordre suivant : 1- bosentan ; 2- sildenafil ; 3- iloprost ; 4- arrêt de l’iloprost pour l’epoprostenol (en conservant les traitements oraux) ; 5- transplantation si possible. L’epoprostenol reste la référence en cas de stade IV et la transplantation doit être discutée précocement. 16 Inspirer n°19 - février 2010 Perspectives : Le premier frein à l’optimisation de la prise en charge est le retard diagnostique dû à la présence d’un stade pré clinique et au caractère aspécifique des symptômes présentés initialement. En effet, l’index cardiaque, marqueur pronostique majeur comme l’a démontré l’étude STUDY 351 publiée dans le Lancet en 2001, ne chute qu’à la survenue d’un stade III clinique ; ainsi, un diagnostic précoce aux stades I ou II serait un avantage déterminant. Actuellement, seulement 35 % des patients sont diagnostiqués en stade II pour 63 % de stade III et 12 % de stade IV. Même si cela paraît difficile, cela reste faisable et il convient dès lors d’identifier les patients à risque et de définir les outils permettant un diagnostic plus précoce. C’est ainsi que dans la sclérodermie, pathologie étroitement associée à l’HTAP (16 % cas), une échographie cardiaque est dorénavant recommandée. Certaines études ont récemment montré un intérêt de cette pratique chez les patients HIV et d’autres situations particulières sont en cours d’étude, hépatopathies. Concernant l’utilisation des thérapeutiques actuelles, des travaux en cours (COMPASS programm) ont pour but d’évaluer l’intérêt d’une bithérapie d’emblée. Si cela semble licite scientifiquement et soutenu par un grand nombre de spécialistes, il n’y a à l’heure actuelle aucune recommandation à ce sujet. Enfin, pour ce qui est du développement de nouvelles molécules agissant sur le remodelage vasculaire, quatre voies font l’objet de recherche et d’essais thérapeutiques. 1- Le vasoactive intestinal peptide dont l’effet est médié par les récepteurs VPAC1 et 2 exprimés à la surface des cellules musculaires lisses dont la stimulation active les voies du NO et de la prostacycline. Après des travaux préliminaires encourageants, une étude d’évaluation est en cours (premiers résultats en 2010) ; 2- La sérotonine car il a été prouvé qu’elle favorisait la prolifération de la cellule musculaire lisse à partir de travaux sur les HTAP secondaires à la prise d’anorexigènes. Les résultats de travaux déjà réalisés sur les inhibiteurs du transporteur de la sérotonine (5HT) sont en attente ; 3- Le PDGF est un facteur de croissance majeur des cellules musculaires lisses. Les inhibiteurs des tyrosines-kinases comme l’imatinib utilisé dans la leucémie myéloïde chronique sont capables d’inhiber le récepteur du PDGF. Toutefois, malgré quelques cas encourageants décrits dans la littérature et des résultats satisfaisants in vitro il semble exister une cardiotoxicité et les études de tolérance et d’efficacité n’ont pas été menées ; 4- L’inflammation joue un rôle vraisemblablement prépondérant dans l’HTAP comme l’atteste l’efficacité des immunosuppresseurs dans l’HTAP de certaines connectivités. Les chimiokines sont surexprimées chez le patient hypertendu pulmonaire et pourraient avoir un rôle dans le remodelage. Il n’y a pas de travaux en cours sur cette voie là mais certaines étiologies pourraient bénéficier de ces recherches. Conclusion : Il n’y a donc à l’heure actuelle pas de traitement curatif de l’HTAP mais l’amélioration de l’utilisation des thérapeutiques actuelles, le développement de nouvelles molécules amène à devenir de plus en plus exigeant sur les objectifs que l’on se fixe. 4.3 - DDB Dilatation de bronches : prise en charge Dr Thomas EGENOD – ALAIR & AVD, Limoges Epidémiologie : Il s’agit d’une pathologie à prédominance féminine (2 cas sur 3) ayant une prévalence de 52 cas pour 100 000 habitants. Classiquement, le diagnostic est fait tardivement, plus fréquemment après 60 ans. Il s’agit d’une pathologie acquise et dynamique. Les étiologies sont multiples, au premier rang desquelles figurent les séquelles post-infectieuses (32 % cas). Les fibroses pulmonaires sont elles responsables de 11 % des dilatations de bronches (DDB) alors que l’asthme et l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA, y penser devant la triade asthme, DDB et hyperéosinophilie) ne sont pas rares et représentent 8 % des cas et se caractérisent entre autres par une atteinte prédominante des lobes supérieurs. Les causes idiopathiques représentent la deuxième cause avec 26 % des cas et se caractérisent par une atteinte symétrique et plus bruyante, contrairement aux autres étiologies. Dans le cadre particulier de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), il est recensé 30 % de DDB, concernant des patients plus âgés (en moyenne 69 ans) et plus avancés dans leur pathologie (VEMS inférieur à 1 litre dans la plupart des cas). Ainsi, toute évolution atypique ou symptôme inhabituel tel qu’une asthénie persistante par exemple doit faire évoquer cette association. Tout ceci n’est pas exhaustif et toutes les causes ne peuvent pas être énumérées ici comme les maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde…), la mucoviscidose notamment. La complication majeure est l’exacerbation qui répond à des critères bien établis, cliniques (modification en volume et en purulence des expectorations, fièvre, modification auscultatoire), biologiques et radiologiques. Dans 32 % cas, aucune cause n’est retrouvée. L’Haemophilus influenzae (25 %), le Pseudomonas aeruginosa (22 %) et le Staphylococcus aureus (21 %) sont les germes les plus fréquemment retrouvés mais il ne faut pas oublier Moraxella Catarrhallis (7 %) et le Streptococcus pneumoniae (4 %). Le pyocyanique est un tournant majeur de l’évolution. La prévention de l’infection et sa prise en charge le cas échéant, constituent un enjeu majeur dans l’amélioration de l’appréhension de ces DDB. rise en charge P des exacerbations : L’éducation du patient et la kinésithérapie sont primordiales et ne peuvent être dissociées de la prise en charge pharmacologique. Il ne faut pas oublier d’y associer les vaccinations vis-à-vis de l’haemophilus et du pneumocoque. Les agents mucolytiques sont-ils utiles dans ce cadre ? La réponse est que leur place reste limitée. Il a été prouvé que le mannitol diminuait l’usage des antibiotiques. D’autres produits comme la carbocystéine (aucune efficacité) ou le rhDNase (aucune preuve dans cette indication) ne doivent pas être utilisés. La bromhexine peut être utilisée en appoint, mais une seule étude a prouvé son intérêt. La place des corticoïdes a également été largement étudiée que ce soit sous forme orale (aucune utilité) ou sous forme inhalée où il apparaît qu’il n’y a aucun bénéfice pour le patient et surtout certaines études sur un faible nombre de patients tendent à montrer que ceux-ci augmenteraient la fréquence de survenue d’infection à pyocyanique. Les antibiotiques ont été largement étudiés dans cette pathologie. Il existe clairement une relation dose/effet notamment pour l’amoxicilline. La durée idéale lors d’une exacerbation se situe entre 10 et 14 jours et probablement plus autour de 14 jours (Davies 1983). Alors, quels antibiotiques utiliser dès lors et en fonction des résultats de l’examen cytobactériologique des crachats (ECBC) ? PREMIERE LIGNE DEUXIEME LIGNE PNEUMOCOQUE AMOXICILLINE FORTES DOSES CLARYTHROMYCINE Haemophilus non sécréteur de betalactmase AMOXICILLINE FORTES DOSES CLARYTHROMYCINE Haemophilus sécréteur de betalactamase AUGMENTIN CEFTRIAXONE Moraxella catarrhalis AUGMENTIN CEFTRIAXONE Inspirer n°19 - février 2010 17 Le pseudomonas constitue lui un cas à part au sein duquel l’antibiogramme joue un rôle essentiel. La ciprofloxacine à doses adaptées (750 mg/12h) constitue, en l’absence de résistance, un antibiotique de choix. Une bithérapie est indiquée afin de prévenir le risque de résistance. Les macrolides ont une place de choix dans le traitement des mycobactéries. Une première interrogation concerne la galénique et les antibiotiques inhalés sont une thérapeutique actuellement en pleine expansion car ils diminueraient les exacerbations ainsi que la consommation en antibiotiques et la fréquence des hospitalisations. Il s’agit donc plus d’un traitement préventif et, en ce sens, les sorties prochaines d’amikacine et de ciprofloxacine sous forme liposomale (augmentant la demi-vie dans les bronches) sont extrêmement prometteuses pour la prise en charge du pseudomonas car elles ne possèdent pas les effets des formes systémiques et diminuent fortement les concentrations bactériologiques sur les ECBC. Toutefois, le recul n’est pas encore suffisant et ces résultats demandent confirmation. L’autre question qui se pose actuellement est de savoir si ces antibiotiques doivent être utilisés de façon séquentielle ou continue. Actuellement, ce traitement continu est étudié en cas d’exacerbations fréquentes (supérieure à 3/an), en cas d’efficacité insuffisante sur les symp- 18 Inspirer n°19 - février 2010 tômes ou en cas de colonisation mais rien n’est encore établi de ce côté-là pour le moment. Traitements associés : La kinésithérapie est primordiale dans l’amélioration de la qualité de vie des DDB. Les techniques de contrôle respiratoire, d’expansion thoracique, d’expiration forcée sont des techniques reconnues. Par ailleurs, le drainage postural utilisant la gravité et la disposition anatomique des bronches est actuellement bien établi dans la pratique courante. Les aérosols de sérum physiologique sont clairement recommandés (grade A). La pression positive expiratoire avec masque facial est en cours d’étude et à l’heure d’aujourd’hui n’est pas recommandée mais à l’avenir, il est probable que ce traitement constituera une alternative lorsque les techniques « classiques » seront inefficaces. La chirurgie trouve sa place chez les patients avec des formes localisées où le traitement médical est pris en échec. Il ne faut pas oublier qu’il y a dans les séries de 0 à 5 % de décès et une morbidité de 10 à 19 %. Conclusion : Le traitement de la DDB et de ses exacerbations est donc multimodal et organisé autour des soins de kinésithérapie. Des interrogations subsistent sur les règles d’utilisation de l’antibiothérapie mais ne devraient pas rester longtemps en suspens. 5 - ACTUALITES MEDICALES ET SCIENTIFIQUES 5.1 - U-biopred et Proactive Innovations Européennes : U-BIOPRED et PROactive Dr. Lilya BELENKO – FFAAIR, Paris Les dépenses sur la recherche de nouvelles molécules augmentent de façon choquante, alors que dans le même temps, l’efficacité des travaux très coûteux n’est pas satisfaisante. Le développement des molécules échoue, même en phase III ! La solution se trouve peut être dans une coopération plus intense avec les consommateurs des produits, les demandeurs du soin : les patients, les associations de patients, les hôpitaux etc. Il est temps de « moderniser » le développement des médicaments. L’Union Européenne, avec une participation importante des laboratoires pharmaceutiques (ils participent financièrement à parts égales) lance des projets d’investigation sur l’asthme et sur la BPCO où tous les acteurs intéressés seront impliqués. C’est pourquoi, le Congrès de la Société Respiratoire Européenne a présenté à Vienne les Programmes de Recherche de l’Union Européenne : U-BIOPRED et PROactive. Le projet sur l’asthme U-BIOPRED (Bio- marqueurs pour prédire la progression de la maladie et l’efficacité du traitement) sera réalisé entre 2009 et 2014. Il est aujourd’hui admis que l’asthme sévère est une condition hétérogène et demande des approches individualisées. Le but de ce projet est d’identifier les différents « sous types » de l’asthme sévère pour déterminer les conditions optimales du soin et des médicaments potentiels efficaces. Ce sera un essai croisé, comparatif, contrôlé portant sur 1000 patients avec asthme sévère. Les groupes contrôles seront constitués de patients souffrants de BPCO ou d’asthme léger ainsi que de sujets sains. L’étude intégrera des données cliniques, des rapports des patients, des données génétiques (omics technology), cellulaires, moléculaires, des modèles animaux et humains. Le but de l’étude européenne sur la BPCO qui porte le nom de PROactive, est de créer deux outils pour évaluer l’activité physique des malades. Les critères traditionnels physiologiques de l’efficacité de la pharmacothérapie reposent sur la mortalité, les exacerbations, le test de marche de 6 minutes et la qualité de vie. Ces critères ne couvrent pas complètement le degré d’incapacité physique impliqué dans la dégradation de la vie quotidienne du patient BPCO. La première issue du projet PROactive est un outil basé sur les rapports des malades. Ce sont les malades euxmêmes qui vont déterminer des conditions essentielles associées avec leurs possibilités ou plutôt impossibilités physiques. Tous les résultats seront ensuite traduits culturellement puis validés pour les différents pays participants. Le deuxième outil doit être élaboré pour évaluation lors de la visite médicale du patient. Il concernera aussi l’activité physique et son intensité et le reflet sur son état général (satisfaction, stress, fatigue). L’innovation dans ce projet est une interface électronique simple à utiliser, qui permettra de faire le monitoring quotidien des rapports des symptômes de patients (E-PROs). Les investigateurs du projet espèrent observer une différence (un changement dans l’activité physique) cliniquement significative (donc ressentie et perçue par les patients), qui est introuvable dans les questionnaires classiques. Cette différence pourra servir de critère de l’efficacité du traitement de la BPCO. Les investigateurs comptent beaucoup sur la participation des associations de patients dans le recrutement des 1000 patients BPCO. Le Consortium proactive multidisciplinaire est créé pour coordonner tous les travaux avec la participation des sociétés savantes, des hôpitaux, des laboratoires, des médias, des associations de patients. L’association française « Asthme et Allergie » est invitée à participer au projet U-BIOPRED, la FFAAIR (Fédération Française des Associations et Amicales de malades Insuffisants ou handicaps Respiratoires) - au projet PROactive. Inspirer n°19 - février 2010 19 5.2 - Contrôle du tabac en Europe Où en est l’europe dans le contrôle du tabac ? Dr. Lilya BELENKO – FFAAIR, Paris L’objectif du symposium « Le contrôle du tabac basé sur les preuves en Europe » était de suivre l’évolution de la consommation du tabac et d’analyser l’impact des politiques de prévention. Les efforts entrepris dans la lutte contre le tabac sur notre continent ont conduit aujourd’hui à une petite réduction du tabagisme chez les adultes, mais la consommation chez les adolescents ne cesse d’augmenter. Selon l’OMS, toutes les 48 secondes, une personne décède d’une maladie provoquée par le tabagisme. Au cours des 50 ans à venir, 520 millions de décès auront la même cause. La lutte antitabac demande une forte volonté politique ainsi que la participation de la société civile. Les représentants des institutions européennes ont exposé les critères de l’efficacité du contrôle du tabac au niveau de chaque pays et une échelle d’évaluation de ces critères. Le premier, c’est le prix élevé des cigarettes et autres produits du tabac. On estime que pour chaque augmentation de 10 % du prix au détail, la consommation diminue d’environ 4 % dans les pays à haut revenu et d’environ 8 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les actions sont évaluées à l’aide d’une échelle de points. L’interdiction et la restriction de fumer valent 22 points. Les campagnes médiatiques, des événements de différents fonds, les associations peuvent apporter au pays 15 points. Avec la prohibition de la publicité des produits du tabac, on peut obtenir 13 points. Seulement 10 points sont accordés pour le support à l’arrêt de fumer, la même appréciation pour un avertissement sur le paquet de cigarettes. La France avait 56 points en 2005 et 59 en 2007, cela signifie la 7ème place des pays européens. A la tête se trouve l’Angleterre avec 93 points, suivie par l’Irlande - 74 points. Toutes ces démarches efficaces dans la lutte contre le tabac sont présentes dans la Convention de l’OMS sur le Contrôle du Tabac et dans le Programme MPOWER1. D’après les données recueillies dans 70 pays et qui couvrent les deux tiers de la population mondiale, les recettes fiscales provenant des taxes sur le tabac dans l’ensemble de ces pays sont plus de 500 fois supérieures aux dépenses pour la lutte antitabac. Le remboursement de l’aide médicale pour arrêter de fumer pourrait avoir un impact dans ce combat. Entre 90 et 95 % des fumeurs quotidiens qui essaient d’arrêter de fumer sans aucune aide sont en échec. L’efficacité de moyens médicaux est aussi limitée. Le docteur K. Fagerstrom (Helsingborg, Suède) voit le problème de l’addiction en profondeur. Il a cité l’écrivain Aldous Huxley, qui avait dit que « les gens cherchaient toujours à s’évader de la réalité sévère ou monotone, ne serait-ce que pour un petit moment, mais c’était l’âme qui le demandait ». L’humanité tient constamment aux drogues culturelles : alcool (vin, bière) caféine (soda, thé, café), nicotine, il existe aussi des drogues semi culturelles : THC, marijuana etc. Priver une personne de son plaisir sans aucune compensation est très difficile. Peut-être faut-il viser un produit remplaçant qui amène moins de dégâts. Aujourd’hui nous avons une expérience intéressante suédoise avec le tabac qui ne se fume pas - le snus, le tabac à mâcher. Les études qui démontrent une augmentation importante du cancer oral pour les autres formes du tabac sans fumer, ne prouvent pas la même chose pour le snus. Le risque relatif de la mortalité attribué au snus en comparaison avec le tabac ordinaire pour les maladies cardio-vasculaires est 0,10 (0,075-0,125), pour le cancer digestif – 0,15(0,1125-0,1875), pour le cancer du poumon – 0,2(0,015-0,025), pour la BPCO - 0,00. Diminuer le risque pour les fumeurs est important, mais comment protéger les non-fumeurs contre l’addiction au snus ? Le tabac continue de poser des problèmes pour les médecins et pour la société. 1 MPOWER – « un programme de politiques pour inverser le cours de l’épidémie ». (M = Monitor : Surveiller la consommation de tabac, P = Protect : Protéger la population contre la fumée du tabac, O = Offer : Offrir une aide à ceux qui veulent renoncer au tabac, W = Warn : Mettre en garde contre les dangers du tabagisme, E = Enforce : Faire respecter l’interdiction de la publicité en faveur du tabac et de sa promotion, R = Raise: Augmenter les taxes sur les produits du tabac. 20 Inspirer n°19 - février 2010 5.3 - La grippe La grippe a h1n1 : situation actuelle Dr. Lilya BELENKO – FFAAIR, Paris La grippe AH1N1 était un sujet incontournable pour un Congrès Européen des maladies respiratoires. L’exposé de S. TAM, expert de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), présentait la situation en Septembre 2009. (les cas de résistance sont rares) et au zanamivir. La fréquence de la maladie a tendance à baisser dans les zones tempérées de l’hémisphère Sud (l’exception étant l’Afrique du Sud, où l’épidémie est arrivée plus tard). Dans les pays tropicaux, on observe la croissance des cas de la maladie. Pour l’hémisphère Nord, la diffusion de la grippe garde son intensité avec les rechutes locales. Le virus AH1N1 a montré son homogénéité antigénique, il réagit avec antisérum contre California/4/2009 et California/7/2009. En comparaison avec la grippe saisonnière, ce virus se reproduit plus dans les poumons et provoque une pneumonie plus sévère chez les animaux (souris, primates). Résistant à l’amantadine et la rimantadine, il est sensible à l’oseltamivir La population jeune est fortement concernée. Plus de 35 % des cas confirmés dans les laboratoires ont été observés chez les patients de 10-19 ans, 25 % chez les enfants de 0-9 ans. Quant aux personnes plus âgées, l’incidence est de 5 % pour les malades de 50 ans et plus. Le taux de décès par rapport à l’âge n’est pas le même dans les différents pays. Age-specific death Rates Pandemic Influenza A (H1N1) 0,4 0,4 Australia Rate per 100 000 Rate per 100 000 U.S.A 0,3 0,2 0,1 0 6-4 5-24 25-49 50-60 0,3 0,2 0,1 0 >60 6-4 Age group (years) 50-60 >60 0,4 Argentina Mexico 0,3 Rate per 100 000 Rate per 100 000 25-49 Age group (years) 0,4 0,2 0,1 0 5-24 6-4 5-24 25-49 50-60 Age group (years) >60 0,3 0,2 0,1 0 6-4 5-24 25-49 50-60 >60 Age group (years) Inspirer n°19 - février 2010 21 Les personnes risquant d’avoir une infection sévère ressemblent complètement à celles de la grippe saisonnière. Il s’agit des femmes enceintes, des personnes atteintes de maladies chroniques cardio-vasculaires, rénales, respiratoires, hépatiques, et aussi, du diabète et de l’immunodépression. Les enfants de moins de 5 ans sont aussi à risque. Même si le taux de formes sévères chez les personnes âgés semble moins important pour la grippe AH1N1, les personnes de plus de 65 ans, résidents des maisons de retraite, restent dans le groupe de risque. Il faut dire que dans la majorité des cas, cette grippe se caractérise par des symptômes cliniques légers ou modérés, une petite proportion de malades ayant besoin d’une hospitalisation. Plus souvent, la cause de l’hospitalisation est une affection des voies respiratoires inférieures, une pneumonie virale (arrive 22 Inspirer n°19 - février 2010 aussi chez les gens sains). Les infections bactériennes (communes et nosocomiales), rhabdomyolysis avec l’insuffisance rénale et myocardite sont connues comme des complications éventuelles de la grippe AH1N1. L’exemple de New York pendant le sommet de l’épidémie montre la charge pour le système de santé : 2500 visites par jour (30-50 hospitalisations), nécessité de 15-30% de lits dans les unités de soins intensifs. Les dépenses sur la prévention de la grippe AH1N1 amènent à une discussion, aux confrontations de différents regards. Dr NUNN, qui est responsable du Programme contre la tuberculose à l’OMS a comparé le nombre de cas et de décès de quelques maladies répandues. En 2009, nous avons 3205 décès de la grippe AH1N1 (au 6.09.2009) et 1,77 million de décès dû à la tuberculose. Le Dr. NUNN pose la question : peut-on déplacer les dépenses d’une maladie A à une maladie B ? Si le résultat d’un investissement de longue durée sur la tuberculose est prévisible, la rentabilité des programmes coûteux sur la nouvelle grippe est inconnue. Il est clair que beaucoup de questions sur la grippe AH1N1 restent posées. Il faut étudier le rôle du virus dans les affections sévères et prolongées (40% chez les sujets sains), préciser la place des antiviraux, mieux connaître la fréquence de la résistance aux antiviraux. Par contre, l’efficacité de certaines mesures prophylactiques est bien prouvée. Le Président de l’American Thoracic Society, J.R. CURTIS a proposé de bien organiser le système de santé pour être prêt à affronter l’épidémie. Les composantes clés : préparation aux niveaux personnels, intentionnels et régionaux, support financier, protection du staff médical, management clinique des maladies sévères. Notes Inspirer n°19 - février 2010 23 Prochaine parution de la lettre “Inspirer” : 2ème trimestre 2010 Directeur de la publication : Pr Jean-François MUIR Comité de rédaction : Dr L. Belenko, Dr C. Cilt, A. Couillard, Dr T. Egeno, Dr A. Guillaumot, Dr N.K. Kabeya, Pr C. Schweitzer, Dr D. Veale. Réalisation : KOTAO Tirage : 4 000 exemplaires « Ce document est la propriété intellectuelle de l’Antadir qui en est l’auteur ; toute reproduction intégrale ou partielle sans le consentement préalable de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (article L122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle). 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