Fracture du cotyle et atteinte du nerf sciatique : Des muscles en sursis

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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE VICHY
ANNEE 2006 – 2007
Fracture du cotyle et atteinte du nerf
sciatique :
Des muscles en sursis
Travail réalisé
en vue de l’obtention du diplôme d’Etat
de Masseur-Kinésithérapeute par :
Monsieur MALLARD Julien
Sous la direction de :
Madame SEVAT Françoise, C.S.K. au CRF du Val Rosay à St Didier au Mont d’Or
Monsieur BOUSSION Luc, C.S.K., D.E.A. de Biomécanique, Directeur de l’IFMK de Vichy
REMERCIEMENTS
Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé à élaborer ce travail de fin d’étude et tout
particulièrement :
Monsieur Boussion pour ses conseils et sa disponibilité lors de la réalisation de
ce travail
Ma famille qui m’a permis d’aboutir à la réalisation de mes projets
professionnels
Chris pour sa précieuse aide en informatique
Monsieur C., pour sa coopération, sa disponibilité et sa motivation tout au long
de sa rééducation.
« Les opinions exprimées dans ce travail écrit n’engagent que la responsabilité de son
auteur. »
SOMMAIRE
Introduction
Rappels anatomopathologiques
p1
Bilan initial du 28/08/06
p3
Moyens kinésithérapiques
p7
1.Préalable au travail musculaire
p7
2. Travail des muscles partiellement dénervés
p9
3. Electrostimulation des muscles totalement dénervés
p 11
4. Comment gérer les dysbalances musculaires ?
p 12
Bilan de fin de prise en charge
p 13
Discussion
p 13
Conclusion
p 15
Annexes
Introduction
Ce travail présente le cas de monsieur C. que j'ai pris en charge durant 5 semaines dans le
service de traumatologie et d’orthopédie du centre de rééducation du Val Rosay à Saint -Didier
au Mont d'or (69).
Monsieur C. âgé de 20 ans a été victime d'un accident de la voie publique le 28 juillet
ayant entraîné une fracture du cotyle gauche avec atteinte du nerf sciatique et du pédicule fessier.
Au début de mon intervention, un mois après l'accident, l'alitement, l'atteinte nerveuse et la
décharge du membre inférieur gauche avaient entraîné une atrophie importante de celui-ci
malgré la rééducation suivie. Il est en effet admis qu'au 40 ème jour de dénervation, l'atrophie est
telle qu'on a une perte de 75% du poids du corps musculaire dénervé [2].
Le délai après lequel le muscle va être remplacé par un tissu fibro-adipeux inutilisable est
de 2 à 3 ans. L’utilisation de ce muscle ne sera possible que si l’axone néoformé l’atteint. Or la
repousse nerveuse n'est que de 1 à 2 mm par jour chez une personne de 30 ans [2] donc dans les
meilleures conditions nous pouvons espérer une repousse nerveuse de 730 mm à 1825 mm. Chez
monsieur C., l'atteinte étant proximale, le délai de 2 à 3 ans peut donc théoriquement laisser
espérer une réinnervation des muscles déficitaires. Notre travail consistera en l’entretien de leur
contractilité, dans l’espoir d’une repousse nerveuse correcte. Nous ne pouvons pas nous
permettre d’hypothéquer les chances de récupération fonctionnelle de monsieur C. tant que les
muscles dénervés gardent une capacité de contraction.
Le projet de monsieur C. au terme de la rééducation est de pouvoir travailler dans une
exploitation agricole. Les déficits importants relevés lors du bilan initial au niveau des releveurs
du pied et de l’éventail fessier ne sont pas en faveur d’une marche future de qualité. En
neurologie périphérique, de nombreux exercices actifs analytiques ou globaux sont décrits. Ils
impliquent d’une part une capacité de contraction volontaire même minime et d’autre part, le
plus souvent, de fortes résistances et de grands bras de levier (irradiation à partir de muscles
gâchettes, techniques de Kabat...). Au stade de mon intervention, la fusion osseuse n’étant pas
acquise, je me suis questionné sur les moyens à notre disposition pour lutter contre l’atrophie
musculaire lorsque le travail actif est limité voire impossible.
Il s'ensuit le questionnement suivant:
Comment peut-on obtenir dans un tel contexte une activation musculaire permettant de
potentialiser le maintien de la trophicité musculaire ?
fig. 1: Dégénérescence wallérienne des nerfs périphériques
fig. 2 : Régénération des nerfs périphériques
Rappels anatomopathologiques
1
Le devenir du nerf [14]
Quand les nerfs sont coupés ou écrasés, leur axone dégénère en aval de la lésion car le
noyau cellulaire se trouve au niveau de la corne antérieure de la moelle épinière. Dans le système
nerveux périphérique, la régénération est vigoureuse et souvent complète.
1.1
Dégénérescence wallérienne des nerfs périphériques (fig. 1)
Lors du traumatisme d’un nerf (A), la myéline et l’axone sont détruits en aval de la lésion
pour former des ellipsoïdes dans les 48 premières heures. Des mastocytes pénètrent le tube
endoneural à partir du sang et se transforment en macrophages (B).Les ellipsoïdes sont
macrophagées (C). Ces mastocytes ont un rôle majeur dans la régénération car ils sont mitogènes
pour les cellules de Schwann avec qui ils serviront à l’apport trophique (nutrition et guidage)
pour les axones en voie de régénération. Au final, on a donc un squelette nerveux rétréci avec du
tissu conjonctif intact, des gaines périneurales et au centre, des cellules de Schwann intactes en
multiplication (D).
1.2
Régénération (fig. 2)
Après une section nette, les axones commencent à repousser à partir de l’extrémité proximale au
bout de quelques heures. Dans les lésions par écrasement ou par section (les plus fréquentes
cliniquement), les axones meurent en amont sur 1 cm ou plus et la repousse peut être retardée
d’une semaine. Une régénération réussie nécessite que les axones prennent contact avec les
cellules de Schwann du fragment distal. L’absence de contact entraîne la constitution d’un
névrome fait d’enchevêtrement d’axones en régénération piégés dans un tissu cicatriciel au
niveau de la lésion initiale. Ces névromes peuvent être à l’origine de douleurs sévères.
Un bourgeon axonal a pénétré l’extrémité distale (E). Le bourgeon est mitogène pour
chaque cellule de Schwann qu’il rencontre (F). Le cône de croissance s’étend distalement le long
de la surface des cellules de Schwann (G). La myélinisation débute le long de la partie proximale
de l’axone en voie de régénération (H). Quand la régénération est complète, la fibre présente
une apparence normale, mais les segments de myéline sont plus courts que ceux d’origine. La
régénération progresse d’environ 5 mm par jour dans les troncs nerveux, les plus gros tombant à
2 mm par jour dans les branches les plus fines. Il n’est pas surprenant que le pronostic
fonctionnel soit meilleur après une contusion qu’après une section complète.
1
2
Devenir du muscle
2.1
D’un point de vue structurel [2, 16]
L’atrophie musculaire n’est pas immédiate mais demande 2 à 3 semaines pour se manifester.
Au début, l’atrophie correspond plus à une amyotrophie de non-utilisationn. Par la suite, elle est
liée à une diminution de calibre des fibres musculaires. D’un point de vue histologique, on
constate une perte de poids en eau, une diminution du calibre des fibres (préférentiellement les
fibres rapides). On a aussi une augmentation de la stase veineuse intramusculaire provoquant une
paralysie constrictive et une dévascularisation de la fibre musculaire. La striation reste longtemps
visible et les plaques motrices gardent pendant plusieurs mois leur morphologie, expliquant les
possibilités de réinnervation, même après des mois de dénervation. A terme, les myofibrilles se
dégradent en fibroblastes embryonnaires qui ont une tendance rétractile qui est à l’origine de la
perte d’extensibilité du muscle. Ce processus se consomme entre 400 jours et 3 ans selon les
auteurs, ce qui marque les limites du processus de régénérescence nerveuse même si
l’électrostimulation peut reculer quelque peu ces limites.
2.2
D’un point de vue électrophysiologique [18]
La dénervation entraîne une diminution du potentiel des membranes de repos, une
augmentation de la période réfractaire, une augmentation du potentiel d’action musculaire et des
modifications des constantes électriques (climalyse, chronaxie, seuil faradique).
Muscles innervés
Muscles partiellement
Muscles totalement
dénervés
dénervés
Rhéobase
≈ 10 mA
≈ 10 mA
≈ 10 mA
Seuil faradique
≈ 10 mA
≈ 30 mA
30 à 50 mA
Fishgold
1
≈
>2
Climalyse
≈ 15 %
≈ 50 %
99 %
Chronaxie
≈ 0,150 ms
2 à 10 ms
>10 ms
Nature de la
Vive et en un
réponse
éclair
intermédiaire
Lente et amortie
2
fig. 3 : Frise chronologique
fig. 4 : Radio de bassin de face
Bilan initial du 28/08/06
1
Éléments socio administratifs
Monsieur Clair Nicolas est âgé de 20 ans. Il vit chez ses parents. IL a une sœur de 23 ans
et un frère de 10 ans. Il a obtenu en juin dernier un baccalauréat professionnel par alternance en
Gestion et conduite d'une exploitation agricole. Il pratique le football en club.
2
Histoire de la maladie (fig. 3)
Le 28/07/06 vers 23h30 sa voiture percute un arbre lui occasionnant une fracture bi-
colonne du cotyle gauche avec atteinte neurologique immédiate du membre inférieur gauche
prédominant au niveau des releveurs du pied. Il est atteint d’un traumatisme crânien avec perte
de mémoire et d’une plaie au niveau de l'arcade sourcilière droite suturée sur place.
Il est conduit au CH de bourg en Bresse où il est traité par traction suspension à 6,5 kg
puis est transféré le 02/08 à l'Hôpital Édouard Herriot de Lyon toujours sous traction suspension
jusqu'à son opération le 07/08/06.
Il subit alors une réduction de la fracture et une ostéosynthèse par plaque vissée ainsi
qu'une réinsertion de la déchirure du bourrelet par 2 ancres Mitek. En peropératoire il y a
confirmation d'un entrappement du pédicule fessier et du nerf sciatique dans la pointe de la
fracture (Annexe 1).
Le 16/08/06 il arrive au service d'orthopédie traumatologie du centre de rééducation du
Val Rosay. Le 18/08 il est levé pour la première fois au fauteuil avec un dossier incliné à 60° et
il déambule seul avec 2 cannes béquilles en pendulaire le 24/08. Le 21 et le 25 ses agrafes lui
sont retirées et le 27 son pansement enlevé.
3
Antécédents
Rien à signaler.
4
Examens complémentaires et traitements médicamenteux
Un électromyogramme est prévu à 3mois.
A la radio aucun déplacement secondaire n’est noté (fig. 4).
3
Périmètre
Gauche
50 cm (-3 cm)
Droite
53 cm
Cuisse à 20 cm
Cuisse à 10 cm
Jambe à 15 cm
41 cm (-2 cm)
43 cm
33,5 cm (-2,5 cm) 35 cm
Tab. 1 : Mesures centimétriques des membres inférieurs
Gauche Droite
Hanche
Genou
Pied
Flexion
Extension
Abduction
Adduction
Rotation interne
Rotation externe
Flexion
Extension
60°*
5°
20°
20°
20°
30°
140°
0°
110°
10°
20°
20°
20°
50°
140°
0°
Flexion dorsale
Flexion plantaire
Inversion
Eversion
Flexion plantaire MTP de l’hallux
Flexion dorsale MTP de l’hallux
10°
40°
20°
20°
40°
55°
20°
50°
30°
20°
30°
65°
Tab. 2 : Amplitudes articulaires (* = fixée par le chirurgien)
Il suit un traitement antalgique (Contramal, Dafalgan, Topalgic, Anafranil, Neurontin),
anxiolytique (Lexomil), contre l’insomnie (Stilnox), contre les infections urinaires (Oflocet) et
contre la constipation (Duphalac).
5
Bilan morphologique et attitude spontanée en décharge
Monsieur C. mesure 1m75 et pèse 69 kg (85 kg avant l'accident).
Assis dans son fauteuil roulant, le membre inférieur sur le repose-jambe, la hanche est en
rotation interne. En décubitus, la hanche alignée, comparativement au coté sain, l’attitude
spontanée en rotation externe est normale. Lorsque l'attelle est enlevée le pied se place en varus
équin. Il n'y a pas d'inégalité de longueur des membres inférieurs.
6
Bilan cutané, trophique et vasculaire
La cicatrice chirurgicale est refermée et mesure 43 cm. Elle part du 1/4 postérieur de la
crête iliaque jusqu'à l'épine iliaque antéro-supérieure puis se prolonge sur le 1/3 supérieur de la
face antéro-latérale de la cuisse. La cicatrice est rouge, non inflammatoire et non adhérente. Les
points et les agrafes sont enlevés.
Au niveau de la tubérosité tibiale antérieure gauche on a une cicatrice ponctiforme en
cours de cicatrisation avec une croûte noire et sèche.
Au niveau de l'arcade sourcilière droite il présente une cicatrice arciforme avec une
quinzaine de points de suture.
On peut noter une amyotrophie du mollet, de la cuisse et de l'éventail fessier à gauche
(Tab. 1).
Aucun signe de phlébite, d'œdème ni d'hématome n’sont présent.
7
Bilan orthopédique (Tab. 2)
On peut noter :
un déficit de 10° en abduction de hanche à gauche
un déficit de 10° pour l'articulation tibio-tarsienne gauche en flexion dorsale genou tendu
Consigne du chirurgien : la flexion de hanche ne doit pas dépasser 60°.
4
Membre inférieur gauche Cotation Racines
Ilio-psoas
Quadriceps
Sartorius
Adducteurs
Moyen fessier
Tenseur du fascia lata
Grand fessier
Pelvi-trochantériens
Petit fessier
Biceps fémoral
Semi membraneux
Semi tendineux
Triceps sural
Tibial antérieur
Extenseur commun des orteils
Extenseur propre de l’hallux
Pédieux
Long fibulaire
Court fibulaire
Tibial postérieur
Long fléchisseur des orteils
Court fléchisseur des orteils
Long fléchisseur de l’hallux
Court fléchisseur de l’hallux
Abducteur de l’hallux
Lombricaux
Interosseux
4
4
3
4
2
1
1
2+
22
2
2
1+
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0
1
0
0
0
L1-L4
L2-L4
L2-L5
L2-S1
L4-S1
L4-S1
L5-S2
L5-S2
L4-S1
L5-S3
L4-S2
L4-S2
L5-S2
L4-S1
L4-S2
L4-S2
L4-S2
L4-S2
L4-S2
L5-S1
L5-S2
L5-S1
L5-S2
L5-S1
L5-S1
L5-S2
S1-S2
Tab. 3 : Testing musculaire (Annexe 2)
8
Bilan neurologique
8.1
Testing musculaire du membre inférieur gauche (Tab. 3)
On peut noter en résumé :
un déficit majeur au niveau des releveurs du pied innervés par le nerf fibulaire profond.
un déficit majeur des muscles long fibulaire et court fibulaire innervés par le nerf fibulaire
superficiel.
un déficit majeur des muscles grand, moyen et petit fessier, du tenseur du fascia lata innervés
par les nerfs glutéaux supérieur et inférieur.
8.2
Bilan de la sensibilité
Sensibilité objective (Annexe 3) : On a une anesthésie totale de part et d’autre de la
cicatrice, de la face latérale de l'aile iliaque, de la face postéro externe de la fesse, de la cuisse et
du mollet et enfin de la face dorso-latérale et plantaire du pied.
La sensibilité proprioceptive est normale jusqu'à la cheville. Elle est abolie au niveau des orteils
et de l'hallux.
La sensibilité kinesthésique est émoussée au niveau des orteils et de la cheville.
Sensibilité subjective : Monsieur C. se plaint de paresthésies à titre de fourmillements
inconstants à la face plantaire du pied à l'exception des orteils.
Des causalgies à titre de brûlures sont décrites au niveau de la partie dorsale et interne de
l'articulation tibio-tarsienne.
9
Bilan de la douleur
La douleur est nulle (EVA=0). Des douleurs quottées à 8 à l'EVA sont déclenchées de
manière inconstante lors de manœuvres de pressions glissées profondes sur l'arche médiale du
pied.
10
Bilan fonctionnel
A ce jour, monsieur C. porte en permanence une attelle mollet plante thermoformable.
La nuit, il a souhaité porter une attelle de Zimmer afin d'éviter la flexion involontaire de
sa hanche.
Les transferts sont réalisés seuls mais la restriction au niveau de la hanche n'est pas
toujours respectée lors des transferts du fauteuil au lit.
Dans la chambre, les déplacements sont réalisés sans difficulté à l'aide de 2 cannes
béquilles en marche en pendulaire.
5
fig. 5 : Diagnostic Kinésithérapique
Déficits :
Fracture stable, non consolidée.
Motricité de la hanche, du genou et du pied.
Sensibilité du pied et de la partie latérale du bassin.
Limitation de l'amplitude de flexion de la hanche à 60°.
Incapacités:
Marche avec appui sans aide technique.
Ne peut pas s’asseoir.
Incapacité à sentir la douleur au niveau du pied et de la hanche.
Ne peut pas faire sa toilette ni s'habiller seul.
Projet du
patient
Désavantages :
Professionnel : Il n'a pas encore pu finir de contrat de travail depuis
l'obtention de son Baccalauréat.
Social : Ne peut quitter son fauteuil à dossier inclinable lors des
repas et des activités prolongées dans le centre ainsi que chez lui
lors des permissions le week-end. Il ne peut plus chasser ni
pratiquer de sport.
Psychologique : Il est éloigné de ses proches.
Diagnostic Kinésithérapique :
Monsieur C. âgé de 20 ans a été victime d’une fracture du cotyle
gauche avec atteinte périphérique du nerf sciatique il y a 1 mois. Il en a
découlé des déficits moteurs et sensitifs importants au niveau de la hanche et
du pied. Il en résulte que la déambulation en cannes béquilles se limite à sa
chambre, les déplacements hors de sa chambre étant réalisés en fauteuil
roulant. Le retour à domicile est pour le moment compromis.
Il se déplace en fauteuil roulant pour les trajets en dehors de sa chambre. Le dossier du
fauteuil est incliné de manière à éviter une flexion de hanche supérieure à 60° de plus celui ci est
muni d'un repose jambe et d'un appui tête, roulettes anti-bascule.
La toilette et l’habillage sont réalisés seul sauf le séchage du pied gauche et l'enfilage des
chaussettes pour lequel il demande de l'aide.
11
Projet du patient
Monsieur C. a conscience de la durée prévisible importante de la période de rééducation
et il n’évoque spontanément que des objectifs à court terme, tels que l'autorisation du passage à
90° de flexion de hanche à J45 et la reprise d'appui à J90. Son projet à plus long terme est de
reprendre le travail.
Diagnostic kinésithérapique (fig. 5)
Principes
Vérifier quotidiennement l'intégrité des téguments au niveau des zones anesthésiées.
L'appui est interdit durant 3 mois.
La flexion de la hanche ne doit pas dépasser les 60° jusqu'à J 45.
Limiter les contraintes sur le foyer de fracture.
Éviter la mise en échec du patient.
Ne pas déclencher de douleurs.
Eviter la fatigue musculaire.
Prise en charge en équipe pluridisciplinaire.
Objectifs
Eduquer le patient à la surveillance des zones cutanées anesthésiées.
Entretien de la trophicité musculaire des muscles dénervés ou partiellement dénervés
en attendant la repousse nerveuse.
Entretien des membres sains et de la musculature du tronc.
Diminuer les douleurs.
Entretien de la mobilité des articulations de la hanche, du genou et du pied gauche.
Améliorer son autonomie à la marche en cannes béquilles.
6
Moyens kinésithérapiques
En rapport avec la problématique, nous ne traiterons dans cette partie que les moyens en
corrélation avec l’entretien de la trophicité musculaire. En neurologie périphérique, il existe des
moyens très divers pour obtenir la contraction optimisée d’un muscle. Dans ce contexte
traumatique se posent des contre-indications qui impliquent une certaine rigueur dans les
techniques employées afin de réaliser un travail musculaire optimisé, sans être néfaste à
l’articulation.
Chez monsieur C., l'atteinte du nerf est proximale donc de nombreux muscles sont
déficitaires. Les séances sont bi quotidiennes, du lundi au vendredi, afin de répartir le travail de
chacun des muscles déficitaires.
1
Préalable au travail musculaire
1.1
Le relâchement des antagonistes
On parlera ici des muscles de la loge postérieure de jambe, de la face plantaire du pied et
des adducteurs de la hanche qui sont les antagonistes aux muscles déficitaires (éventail fessier et
loge antérieure de la jambe).
111 Massage à but décontracturant
Il va permettre d'optimiser le relâchement musculaire [12].
Monsieur C. est en décubitus. Les muscles massés sont placés préalablement en position
courte. La flexion plantaire permet de relâcher les muscles de la loge postérieure de jambe. La
hanche est placée en flexion avec un coussin sous le genou.
On commence par un effleurage longitudinal bref, à rythme lent, afin de préparer la peau
aux manoeuvres ultérieures.
On poursuit par des pressions glissées, longitudinales et centripètes. Au niveau
superficiel (peau, capillaires sanguins et lymphatiques), elles ont une durée brève et sont
réalisées à rythme lent. Au niveau des structures profondes (muscles et aponévroses), elles sont
réalisées à rythme lent sur une durée prolongée afin d'avoir un effet sédatif sur le muscle et de
favoriser l'apport de sang oxygéné dans cette zone.
On réalise des pétrissages longitudinaux et transversaux. Les 2 mains agissent
alternativement. Le rythme est lent à but décontracturant.
Le massage n’est en aucun cas passif et je demande la participation mentale de monsieur C. afin
qu’il perçoive le relâchement. Il doit me décrire les yeux fermés l’intensité des pressions
7
fig. 6 : Etirement de la loge postérieure de la jambe
exercées et le sens des manœuvres réalisées. Cet investissement sensoriel est représentatif de la
volonté commune de réussite. Monsieur C. doit rester acteur de sa prise en charge [12].
112 Etirements (fig. 6)
L’étirement des muscles antagonistes aux muscles déficitaires a un double objectif.
Durant une quinzaine de minutes, il permet la diminution de l’activation du muscle ainsi qu’une
augmentation de l’amplitude de mouvement de 5 à 12% pendant au moins 90 minutes [1, 9, 19].
D’autre part, il limite la perte d’élasticité du muscle et l’installation précoce de rétractions
engendrées par la dysbalance musculaire. Il y a aussi diminution de la force contractile pendant 1
heure [9].
D’un point de vue technique, j’effectue passivement une mise en tension lente et
progressive du muscle, en veillant à maintenir une contre prise proximale ferme, afin de limiter
toute perte d’efficacité. J’épuise l’élasticité du muscle en m’assurant que cela reste supportable
et maintient la posture au moins 30 secondes [18]. Il est réalisé 3 fois de suite. Entre chaque
série, on intercale des manœuvres de massage décontracturantes. Monsieur C. est en décubitus
pour obtenir un meilleur relâchement.
En ce qui concerne l'éventail fessier, l'étirement préalable des antagonistes (adducteurs)
n'a pu être réalisé du fait des forces de compression engendrées sur le cotyle lorsqu’on posture le
muscle avec la hanche en abduction. Le massage décontracturant a pris ici toute son importance.
1.2
Echauffement des muscles à solliciter
121 Passif
Objectifs: Il permet d'adapter l'organisme aux futurs exercices en favorisant
l’augmentation de température et la vasodilatation de la zone stimulée [12].
Installation: Le patient est couché sur une table à hauteur variable en décubitus, un
coussin placé sous la tête.
Technique: On réalise des manœuvres d’effleurage, des pressions glissées et de
pétrissage profond. La surface de la main en contact avec la peau est la plus large possible et les
pressions réparties équitablement. La vitesse d’exécution est rapide et la durée brève.
Consignes: On lui demande de garder les yeux ouverts et de se concentrer sur la zone
massée car on alterne avec l’échauffement actif.
122
8
Actif
La répétition de contraction concentrique contre résistance moyenne constitue le meilleur
moyen d’élever la température d’un muscle [1, 9]. Pour les muscles de la hanche, l’échauffement
s’est limité à un travail actif aidé en mode concentrique avec retour passif en position initiale
afin de limiter les contraintes sur le cotyle.
2
Travail des muscles partiellement dénervés
Dans ce cadre de traumatologie associé à un problème neurologique périphérique, on ne
développera pas la force musculaire par application d’un protocole rigoureux de renforcement
musculaire. Il s’agira d’obtenir un travail optimisé de chaque muscle déficitaire en révélant son
plus haut niveau d’efficience motrice tout en limitant les contraintes au niveau de la branche
antérieure et postérieure du cotyle. J’ai donc fait le choix de réaliser la plupart des exercices la
hanche positionnée dans l’axe du corps, afin que les forces longitudinales compressives
engendrées par les contractions soient transmises par le fémur au niveau du toit du cotyle [4]. La
flexion de hanche majore les contraintes sur la colonne postérieure
et inversement pour
l’extension.
2.1
Muscles mono articulaires de la hanche
En raison de la fracture du cotyle, j’ai choisi de privilégier le travail musculaire statique
contre résistance manuelle invincible, afin de limiter les mouvements au niveau du foyer de
fracture.
Par exemple, pour les muscles stabilisateurs latéraux, je place mes avant-bras de chaque
côté du bassin de manière à ponter la zone lésionnelle et je demande à monsieur C. une
contraction progressive jusqu’ à l’obtention d’un effort maximal. La stimulation vocale prend ici
toute son importance et permet l’obtention d’une contraction maximale volontaire [4] permettant
le recrutement du maximum d’unités motrices disponibles bien que le muscle soit coté à 2. La
respiration doit rester libre [4].
La contraction est maintenue 6 secondes afin de limiter la diminution de la vascularisation
du muscle durant un temps trop long. Il réalisera 3 séries de 10 contractions.
Une phase de repos d’une durée supérieure au temps de travail est intercalée entre chaque
série. J’ai divisé le temps de repos en 3 phases afin de limiter le temps d’inactivité. Une première
phase de repos complet de 30 secondes. Une deuxième phase, au cours de laquelle je sollicite un
des groupes musculaires déficitaires et moteurs du genou. Il fait suite une dernière phase de
repos complet de 30 secondes.
9
fig. 7 : Travail statique en chaîne série du grand fessier
fig. 8 : Travail statique en chaîne série du quadriceps
Par ailleurs, le travail musculaire en chaîne [3, 10] permet une diversification des exercices
mais l’objectif reste le même : obtenir une contraction du maximum d’unités motrices du muscle
considéré. Les modalités ne varient pas non plus. Je l’ai utilisé pour le muscle grand fessier dont
la contraction analytique était faible à la palpation.
Monsieur C. est couché sur le ventre, les paumes de main sur les épines iliaques postérosupérieures. Je lui demande de soulever le tronc de la table jusqu'à ce que les cuisses
commencent à décoller. Le poids du tronc est équilibré par l'extension de la hanche. La précision
et l’ordre dans lesquels sont énoncées les consignes renforcent l’efficacité du travail : « décolle
les épaules, serre les coudes en arrière, rentre le menton, serre les fesses et grandis toi le plus
possible». (fig. 7)
Lorsque les muscles sont faibles (1 à 2 au testing) on peut solliciter les muscles par des
résistances tangentielles progressives. Elles m’ont été utiles pour la sollicitation des muscles
rotateurs de la hanche pour mieux doser les résistances et ne pas utiliser de trop grands bras de
levier. Le travail est statique avec un temps de travail, un temps de repos identique à ceux
énoncés précédemment.
2.2
Muscles mono et bi articulaires moteurs du genou
Les contre indications liées à la fracture du cotyle nous limitent moins. En revanche peu
d’articles traitent des contraintes engendrées sur un cotyle par la contraction des muscles bi
articulaires (droit de la cuisse, patte d’oie et chef long du biceps fémoral). C’est pourquoi j’ai
préféré pêcher par excès de prudence, en utilisant la pesanteur comme seule résistance et en
gardant la hanche alignée [4, 13].
En ce qui concerne les muscles bi articulaires, j’ai limité leur travail en dynamique à
l’articulation du genou en flexion et extension. Le travail statique permet d’associer le muscle
déficitaire à une chaîne série comme décrit précédemment (fig. 8). La hanche devant être
maintenue alignée, le bassin est immobilisé grâce à l’action statique fixatrice des muscles du
tronc en chaîne série (muscles droits de l’abdomen pour le travail des extenseurs du genou ou
muscles spinaux pour le travail des fléchisseurs ).
J’ai choisi le poids du segment jambier comme étant la charge de référence pour solliciter
les muscles. Les résistances manuelles vont devoir compenser les variations de l’action de la
pesanteur en fonction de la position du segment jambier. La charge de travail étant faible, les
unités motrices majoritairement recrutées sont de type 1 (fibres lentes) [11].La course de travail
est la plus grande possible afin de limiter le raccourcissement du corps charnu du muscle. On sait
qu’un travail exclusif en course interne a tendance à le raccourcir [4]. J’ai demandé à monsieur
C. d’aller le plus loin possible en flexion et en extension lors des répétitions.
10
fig. 9 : Travail analytique en dynamique du quadriceps
fig. 10 : Le matériel d’électrothérapie
Le travail (fig. 9) dynamique consiste en l’association des 3 modes de travail actif
(concentrique, statique et excentrique) :
Position de départ : Je place le muscle passivement en course externe.
Consignes : Je lui demande un travail concentrique jusqu’à la course interne puis un
travail freinateur excentrique jusqu’à la course externe. En extension complète, je demande une
contraction statique maximale contre ma main durant 6 secondes. On commence ainsi le travail
de verrouillage du genou en décharge.
Posologie : 3 séries de 10 répétitions. Entre chaque série, le repos est découpé en 3 phases
comme pour le travail des muscles déficitaires de la hanche.
Régulation : La zone lombaire doit être maintenue plaquée contre la table et constituer un
point fixe. Monsieur C. avait une demande importante en terme de charge de travail et le fait de
ne pas avoir de signes évidents de fatigue tels qu’une transpiration abondante, une rougeur lui
faisait penser qu’il n’en faisait pas assez. Il a fallu lui expliquer les effets néfastes de la fatigue
dans le cadre d’une pathologie neurologique périphérique, les réserves d’énergie ne se régénérant
pas aussi bien que pour un muscle sain.
3
Electrostimulation des muscles totalement dénervés
Objectifs : Elle permet une contraction des fibres musculaires sans passer par
l'intermédiaire du nerf. Elle est destinée à entretenir la contractilité et la trophicité, de prévenir la
fibrose en attendant la réinnervation et favoriser le réveil proprioceptif, car en l'absence de
stimulations extérieures, le patient aurait rapidement tendance à négliger ce membre coupé du
contrôle cortical moteur.
Le matériel (fig. 10) : un appareil d'électrothérapie Duo 410, 1 électrode négative en
Spontex , 1 électrode positive en élastomère de 2 cm², du gel de contact placé entre la peau et
l'électrode active.
Installation du patient : Décubitus, coussin sous la tête, la peau est dégraissée à l'alcool
afin d'avoir une meilleure conduction.
Réglage des paramètres :
Nature du courant
On utilise un courant unipolaire rectangulaire. La pente du courant n'est pas réglable sur
ce type d'appareil donc j’ai choisi un courant à front raide afin de stimuler simultanément les
fibres musculaires dénervées et innervées.
La largeur d'impulsion est de 300 ms car il faut un courant impulsionnel de longue durée
pour stimuler le muscle dénervé [16].
fig. 11 : Electrostimulation du muscle long fibulaire
fig. 12 : Electrostimulation du muscle long extenseur des
orteils
fig. 13 : Attelle mollet plante thermo-formable
La fréquence de stimulation est très faible à raison de 1 impulsion toutes les 2 secondes
car le temps de repos doit être égal à au moins 3 fois le temps de travail. En effet, un muscle
dénervé stimulé répond à la loi du tout ou rien et il est extrêmement fatigable. Il n'y a pas le
recrutement temporel d'une contraction physiologique qui permet la rotation des unités motrices
mises en jeu.
L'intensité est augmentée jusqu'à obtenir une réponse musculaire palpable au niveau du
tendon du muscle concerné. On ne doit pas avoir de contraction sur les muscles adjacents et
aucune sensation désagréable ne doit être ressentie par le patient.
Placement des électrodes (fig. 11, fig. 12)
L'électrode masse en Spontex humidifié est placée en regard du col de la fibula où passe
le nerf fibulaire commun. L'électrode dite active est placée en regard des points moteurs des
muscles des loges antérieure et latérale de la jambe. Le placement des électrodes peut être
modulé afin d’obtenir la meilleure contraction possible pour une intensité moins forte ou
équivalente.[15]
Consignes : Durant la stimulation, il est demandé à monsieur C. de se concentrer sur le
mouvement et sur la contraction. Il doit s'imaginer réaliser le geste et doit essayer de maintenir la
contraction après l’arrêt de la stimulation ce qui permet de maintenir le schéma moteur au
niveau des aires corticales motrices.
Posologie : 40 impulsions par jour, réparties en 2 séries de 20.
Précautions à prendre : Il faut cesser la stimulation et retirer l’électrode dès que l’on a
des sensations désagréables ou ressenties comme trop intenses, afin d’éviter tout risque de
brûlure. Les brûlures électriques sont très longues à guérir.
4
Comment gérer les dysbalances musculaires ?
J’ai rencontré ce problème au niveau des muscles agonistes et antagonistes de la jambe. Au
début de mon intervention, la motricité de la loge postérieure de la jambe était faible mais
existait. J’ai fait le choix de ne pas la solliciter en actif afin d’éviter d’augmenter son tonus. On
sait en effet qu’à long terme une déformation en varus équin séquellaire peut se mettre en place.
Le travail est donc resté passif afin de garder une amplitude fonctionnelle en flexion dorsale de
cheville. De plus, lorsque monsieur C. éprouve le besoin de mobiliser son pied, il sollicite
automatiquement ses fléchisseurs plantaires car ce sont les seuls à avoir une motricité volontaire.
Une attelle mollet-plante thermo formable réalisée par l’ergothérapeute est donc associée aux
techniques d’étirements et de massages décontracturants. Elle évite que le pied ne demeure en
équin tout au long de la journée (fig. 13).
12
28/08/06
Amyotrophie
Amplitude
articulaire
28/09/06
Gauche
Droite
Gauche
Droite
Cuisse à 15 cm
46 cm
48 cm
43 cm
48 cm
Cuisse à 10 cm
41 cm
43 cm
39 cm
43 cm
Jambe à 15 cm
33,5 cm
35 cm
31 cm
36 cm
Adduction de la hanche
20°
20°
40°
20°
Flexion de la hanche
60°*
110°
90°*
110°
Flexion dorsale du pied
10°
20°
15°
20°
55°
65°
60°
70°
Flexion dorsale MTP de
l’hallux
Grand fessier
1
2
Petit fessier
2-
2+
Pelvitrochantériens
2+
3-
Ischios jambier
2
3
Triceps sural
1+
2
Testing
Long fléchisseur de
musculaire
l’hallux
Long fléchisseur des
orteils
Court fléchisseur de
l’hallux
Court fléchisseur des
orteils
Sensibilité subjective
0
Normal
1+
0
1+
1
2
1
2
Fourmillements
inconstants du pied
Normal
⇑ intensité
fourmillements au
niveau du pied
Fonctionnel
Marche
PM = limité à la chambre
PM > 1km
Toilette
Aide pour pied gauche
Autonome
Habillage
Aide pour l’enfilage des
chaussettes
Autonome
Tab. 4 : Bilan final du 28/09/06 (* = Amplitude articulaire fixée par le chirurgien)
Bilan de fin de prise en charge (Tab. 4)
Le bilan final met en évidence du point de vue trophique que l’amyotrophie s’est
poursuivie concernant le membre inférieur gauche. Les amplitudes articulaires ont peu évoluées
avec tout de même de légers gains de dorsiflexion à gauche et un gain majeur d’amplitude en
adduction. La récupération de force musculaire en proximal est très légère mais reste inexistante
pour les muscles des loges antérieure et latérale de la jambe. En revanche une augmentation de la
force est notée au niveau de la loge postérieure de la jambe. Pour la douleur, les paresthésies se
sont intensifiés ses dernier jours. D’un point de vue fonctionnel, le passage à 90° de flexion de
hanche a totalement autonomisé monsieur C. dans ses activités de la vie quotidienne et on notera
une amélioration de son périmètre de marche en cannes béquilles très important au cours de ce
mois.
Discussion
La volonté d’optimiser mes futures prises en charge m’a amené à m’interroger au cours de
mon stage sur différents sujets pour lesquels mes acquis me paraissaient insuffisants.
Dans un premier temps, je me suis demandé comment minimiser les risques de brûlures
électriques dans le cadre de la stimulation des muscles dénervés par des courants monopolaires.
Dans ma pratique, je me suis appuyé autant que faire se peut sur l’enseignement de monsieur Le
Flohic mais des problèmes de sensations désagréables ressenties par Monsieur C. m’ont amené à
trouver des adaptations. Théoriquement, l’électrode active doit être en mousse de type Spontex
humidifiée or j’ai dû utiliser une électrode en élastomère enduite de gel de contact qui par la
suite a été bien supportée et n’a pas occasionné de lésions cutanées.
Cette adaptation étant couramment utilisée dans ce centre de rééducation, je me suis
interrogé sur les autres variations qui pouvaient exister dans les protocoles de stimulation
électrique concernant la neurologie périphérique.
Certains auteurs proposent à ce sujet différentes possibilités et se recoupent sur certains
paramètres : Intensité augmentée jusqu’à obtenir une contraction palpable, largeur de l’impulsion
de 100 à 300 ms, temps de repos entre chaque impulsion supérieur à 1 seconde, ne pas placer
l’électrode active au niveau de zones anesthésiées ou de plaies cutanées [3, 5, 7, 8, 15, 16, 18].
En revanche, d’autres paramètres sont plus sujets à controverse. Dans un article de Chantraine et
al. paru dans l’EMC en 1998 [3], on préconise des programmes de stimulation de 30 minutes 3
fois par jour à raison de 15 contractions par minute, ainsi que la possibilité d’utiliser des courants
de fréquence allant de 8 à 50 hertz. Depuis, plusieurs articles s’accordent sur le fait que
13
l’utilisation d’une fréquence supérieure à 2 hertz constitue une contre indication formelle [2, 8 ].
De plus, depuis 2001, pour messieurs Le Flohic et Crépon, qui sont les principaux rédacteurs
d’articles à ce sujet, il paraît admis qu’un faible nombre de contractions quotidiennes suffit à
l’entretien de la trophicité musculaire et à limiter la fibrose. Le premier limite à 2 ou 3 séries de
20 contractions par muscle [18] mais le deuxième insiste sur la nécessité de ne pas dépasser 10
contractions par jour pour ne pas être nocif [5, 8].
Les sujets de divergence entre ces deux auteurs demeurent sur le bilan électrique et ses
modalités ainsi que sur l’intérêt, dans la prise en charge, de définir une pente limite permettant la
contraction isolée des fibres musculaires dénervées (Les fibres innervées ne répondent qu’à des
stimulations à front raide). En ce qui concerne le bilan, monsieur Le Flohic estime que la pente
de climalyse (pente de l’impulsion à partir de laquelle on obtient une réponse lente et amortie qui
correspond à celle des fibres dénervées) est un moyen diagnostique permettant d’objectiver la
réinnervation progressive du muscle [17]. Monsieur Crépon décrit quant à lui la chronaxie
comme l’indicateur le plus significatif de réinnervation du muscle. La pente ne peut en effet,
selon lui, être définie que de manière subjective par la qualité de contraction donc comme étant
non reproductible et opérateur dépendant [7].
Pour la prise en charge en elle-même, Crépon estime que la nécessité d’isoler les fibres
dénervées par la pente n’est pas justifiée et serait un facteur de risque de brûlure supplémentaire
du fait de l’obligation d’augmenter l’intensité pour retrouver une contraction du muscle sollicité
[7]. Je n’ai moi-même malheureusement pas pu expérimenter ces notions, l’appareil à ma
disposition ne permettant pas le réglage manuel de la pente impulsionnelle. Cela montre la
nécessité de disposer des appareils spécifiques et programmables par le praticien pour traiter ces
pathologies.
De par ces divergences d’opinion, on a ici une illustration de la nécessité d’évaluer les
techniques et les protocoles d’applications par des études randomisées à grande échelle
répondant à des protocoles précis et rigoureux limitant les biais majeurs. De plus, lorsqu’on
compare les articles de synthèse de ces auteurs où sont relatés les résultats de différentes études
pour justifier leurs techniques, on s’aperçoit qu’ils ne discutent pas la validité de ces travaux
mais en admettent les résultats. Pourtant selon l’ANAES « le niveau de preuve apporté par
chacune des publications citées sera remis en cause sur la base de la pertinence clinique des
résultats, de la validité interne […] et de la validité externe de ses résultats […]. » [20]. Le fait
est que l’on trouve toujours dans la littérature des expérimentations aux résultats contradictoires.
Dans un deuxième temps, je me suis interrogé sur les modalités de contraction qui
permettent le maintien optimal de la trophicité musculaire tout en limitant les contraintes au
niveau de la zone fracturaire. Je n’ai pas pu trouver de publications sur le travail musculaire en
14
traumatologie avec une analyse précise des contraintes et de leur localisation sur le cotyle en
fonction du groupe musculaire sollicité et de la résistance qui lui est imposée. Seuls les travaux
de Fares et al. en 1994 [13] ont pu mettre en évidence grâce à un capteur de pression placé dans
la pièce fémorale d’une prothèse de hanche que le travail isométrique du quadriceps en décubitus
dorsal était moins contraignant que le travail isométrique des fessiers en statique. Cette étude
porte malheureusement sur un seul sujet. Des études en la matière nous permettraient peut être
d’intensifier plus précocement le travail de récupération musculaire avant la remise en charge et
ainsi de diminuer les pertes structurales (musculaire, osseuses, …) dues à la décharge prolongée.
Des travaux portant sur nos pratiques quotidiennes, bien que reconnues par tous comme
bénéfiques, parait incontournable afin de légitimer nos actions et optimiser la qualité des soins
apportés. Justifier ses pratiques par des affirmations subjectives, une analyse succincte de la
littérature ou sur des expériences cliniques singulières ne saurait suffire.
Conclusion
Par l’intermédiaire des bilans successifs, on a pu constater un début de récupération au
niveau proximal du membre mais toujours aucun signe de motricité au niveau des loges
antérieure et latérale de la jambe. L’amyotrophie s’est accentuée du côté atteint malgré le travail
musculaire proposé. Du point de vue sensitif, on n’a pas eu d’évolution majeure et sur le plan
articulaire les amplitudes ont été conservées. L’état de la repousse nerveuse sera plus
précisément évalué lors de l’électromyogramme prévu à 3 mois post traumatique. Après mon
départ, monsieur C. sera transféré dans un centre de rééducation plus proche de chez lui en
attente de la reprise d’appui.
Cette intervention de 5 semaines m’a permis d’aborder la problématique d’une
rééducation au long cours et d’une prise en charge pluri disciplinaire. Cette expérience, si courte
soit-elle, fut enrichissante dans le sens où elle m’a fait prendre conscience de la différence entre
la rééducation vue en théorie et le traitement personnalisé d’un patient. D’une part, sur le plan
technique, du fait des contre indications posées par ce contexte traumatique, j’ai pu me rendre
compte de la difficulté à adapter des techniques, tout en conservant un panel d’exercices
suffisamment variés pour éviter la lassitude du patient.
D’autre part, la relation de confiance qui s’est instaurée entre monsieur C. et moi même,
a mis en lumière la place très importante que nous avons dans l’accompagnement du patient dans
le processus d’acceptation de sa pathologie afin qu’il perçoive et intègre les enjeux de la
rééducation par rapport à son avenir fonctionnel et donc par rapport à sa vie future.
15
Références bibliographiques
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[8] Crépon F. Electrostimulation des muscles dénervés. Kinésithérapie Scientifique 2004 ; 440 :
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applications chez le sportif. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-055-A-10,
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[12] Dufour M. Massages. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris) Kinésithérapie-Rééducation
fonctionnelle, 26-100-A-10, 1996, 32 p.
[13] Fares M., Given-Heiss D.L., Hodge W.A. et al. Pressions subies par le cotyle durant la
réadaptation après l’intervention. Kinésithérapie Scientifique 1994 ; 337 : 43-52
[14] Fitzgrald M-J-T., Folan-Curan J. Nerfs périphériques. In : « Neuroanatomie clinique et
neurosciences connexes ». Paris : Maloine, 2003 : 65-71
[15] Joud B. Les effets iatrogènes en électrothérapie. Kinésithérapie scientifique 2004 ; 450 : 1924
[16] Le Flohic J-C. Electrostimulation: le muscle dénervé. Annales de Kinésithérapie 2001 ; 28 :
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[17] Le Flohic J-C. Intérêt du bilan électrique dans le traitement kinésithérapique des paralysies
périphériques. Kinésithérapie Scientifique 1999 ; 395 : 40
[18] Le Flohic J-C. La stimulation du muscle dénervé in : Le Flohic J-C. "Eléments de
stimulation électrique". : Non publié. Le Puy en Velay. Imprimerie Jeanne d'Arc. Dépôt légal 1er
trimestre 2003. N° D'ordre 21871 .
[19] Lelièvre Y. Buts et intérêts des étirements. SMS Le Spécicialiste de Médecine du Sport au
Service des Praticiens 2000 ; 26 : 20-22
[20] Service recommandations professionnelles. Guide d’analyse de la littérature et gradation des
recommandations. ANAES 2000
Annexes
Annexe 1 :
Compte-rendu opératoire
Annexe 2 :
Testing musculaire selon Daniels et Worthingham
Annexe 3 :
Bilan de la sensibilité élémentaire superficielle
Test du pique-touche :
Sensibilité thermo-algésique :
Annexe 4 : Le bilan électrique
Il complète l’évaluation clinique hebdomadaire par le testing musculaire ce qui constitue
des repères objectifs pour le patient et le kinésithérapeute. On a ainsi une idée de l’évolution de
la pathologie bien que l‘EMG reste l‘examen de choix en ce qui concerne la ré innervation.
1ère étape : Mesures de la rhéobase, de la chronaxie et du seuil faradique.
La rhéobase : C’est l’intensité nécessaire pour obtenir une contraction musculaire
avec un courant de largeur d’impulsion fixée à 300ms. L'électrode masse est placée
proximalement au niveau du point d’émergence du nerf considéré(col de la fibula
pour le nerf fibulaire superficiel). On fixe la largeur de l’impulsion à 300ms.
L’électrode active est placée au niveau du point moteur du muscle et on augmente
l’intensité jusqu’à l’obtention d’un mouvement du tendon du muscle considéré.
La chronaxie : C’est la largeur de l’impulsion pour laquelle on obtient une contraction
musculaire avec une intensité égale au double de la rhéobase. On augmente la largeur
de l’impulsion jusqu’à obtenir une contraction.
Le seuil faradique : est l’intensité nécessaire pour obtenir une contraction musculaire
avec une largeur fixée à 1ms. Les muscles dénervés ne répondent pas à ce type de
courant donc l’intensité ne sera pas augmentée au-delà de 30mA afin d’éviter tout
risque de brûlure.
Remarque: La pente d’établissement du courant impulsionnel n’est pas variable sur l’appareil à
ma disposition, celle-ci étant pourtant un des indicateurs qui évolue de façon proportionnelle à
l’état de ré innervation des fibres musculaires. Son utilité dans le traitement est discutée[?].
2ème étape: Calcul de l’indice de Fischgold
C’est le rapport entre le seuil faradique et la rhéobase.
Annexe 4 bis : Le bilan électrique
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