CHAPITRE 3
GROUPES DE LIE (GROUPES LIN´
EAIRES) ET ALG`
EBRES DE LIE
COURS M1 ’GROUPES ET REPR´
ESENTATIONS’ - X 2011/12
(ANNA CADORET)
Contents
1. Introduction 1
2. L’application exponentielle 1
3. Groupes lin´eaires 3
3.1. Alg`ebre de Lie d’un groupe lin´eaire 3
3.1.1. Alg`ebres de Lie 3
3.1.2. Alg`ebre de Lie d’un groupe lin´eaire 4
3.2. ’Groupes de Lie’ 6
3.3. Connexit´e 7
4. Correspondance de Lie 8
4.1. Le foncteur Lie 8
4.2. Essentielle surjectivit´e 9
4.3. Morphismes de groupes lin´eaires, revˆetements 12
5. Repr´esentations de dimension finie des groupes lin´eaires connexes 15
References 15
1. Introduction
Dans ce chapitre, nous allons nous int´eresser aux groupes lin´eaires, c’est `a dire aux sous-groupes topologiques
de GLn(R). Il s’agit en fait d’un cas particulier de groupes de Lie r´eels mais nous avons pr´ef´er´e nous limiter
`a ce cadre ´el´ementaire pour ´eviter d’introduire le formalisme de la g´eom´etrie diff´erentielle. Bien sˆur, le lecteur
initi´e lira cette th´eorie en filigrane des preuves et d´efinitions introduites ci-apr`es.
Notre objectif est de pr´esenter un cas particulier de ’th´eorie de Lie’ i.e. expliquer comment associer fonctorielle-
ment `a un groupe lin´eaire Gun objet a priori plus simple - son alg`ebre de Lie Lie(G) puis expliquer comment
certains probl`emes sur les groupes lin´eaires peuvent ˆetre r´esolus en consid´erant leur transposition aux alg`ebres
de Lie.
Dans le mˆeme ordre d’id´ee que la th´eorie de la semisimplicit´e pour les groupes finis, il s’agit l`a d’une nouvelle
illustration du principe g´en´eral de lin´earisation.
Kd´esigne indiff´eremment Rou C.
2. L’application exponentielle
Pour tout MMn(K) la s´erie X
n0
Mn
n!est normalement convergente; on note
exp: Mn(K)Mn(K)
MX
n0
Mn
n!
la fonction qu’elle d´efinit.
1
2 COURS M1 ’GROUPES ET REPR´
ESENTATIONS’ - X 2011/12 (ANNA CADORET)
Lemme 2.1. (1) Pour tout MMn(K)et PGLn(K)on a Pexp(M)P1= exp(P MP 1);
(2) Pour tout M, N Mn(K)tels que M N =NM on a exp(M+N) = exp(M)exp(N). En particulier,
pour tout MMn(K)on a exp(M)GLn(K)et exp(M)1= exp(M);
(3) exp : Mn(K)GLn(K)est Cet d0exp = Id;
(4) Pour tout MMn(K)l’application
eM:RMn(K)
texp(tM)
est un morphisme de groupes topologiques que l’on peut caract´eriser comme
-L’unique solution de l’´equation diff´erentielle a0(t) = a(t)M,a(0) = Id;
-L’unique solution de l’´equation fonctionnelle a(s+t) = a(s)a(t),a(0) = Id,a0(0) = M.
Preuve. L’assertion (1) r´esulte de la continuit´e de MP M P 1et l’assertion (2) r´esulte de la formule du
binˆome de Newton. La premi`ere partie de l’assertion (3) r´esulte du fait que exp est analytique; la seconde partie
de l’´egalit´e
exp(M)exp(0) M=X
n2
Mn
n!=MX
n2
Mn1
n!
qui montre que
lim
M0
||exp(M)exp(0) M||
||M|| = 0.
L’assertion (4) r´esulte imm´ediatement des assertions (2) et (3) modulo l’unicit´e de la solution de l’´equation
diff´erentielle a0(t) = a(t)M,a(0) = Id et l’unicit´e de la solution de l’´equation fonctionnelle a(s+t) = a(s)a(t),
a(0) = Id,a0(0) = M. Dans le premier cas, soit a:RGLn(K) une autre solution. Alors, pour tout tRon
ad
dt (exp(tM)a(t)) = Mexp(tM )a(t) + exp(tM)Ma(t) = 0 donc exp(tM )a(t) = exp(0M)a(0) = Id.
Dans le second cas, soit a:RGLn(K) une solution de l’´equation fonctionnelle a(s+t) = a(s)a(t), a(0) = Id,
a0(0) = M. Alors
a0(t) = lim
s0
a(t+s)a(t)
s=a(t) lim
s0
(a(s)Id)
s=a(t)a0(0) = a(t)M.
L’unicit´e de la solution de l’´equation fonctionnelle r´esulte donc de celle de la solution de l’´equation diff´erentielle.
En particulier, d’apr`es le th´eor`eme d’inversion locale, il existe un voisinage ouvert Ude 0 dans Mn(R) et un
voisinage ouvert Vde Id dans GLn(R) tels que exp|V
U:U˜Vest un C-diff´eomorphisme.
Exercice 2.2. (Sous-groupes arbitrairement petits de GLn(K)) Montrer que GLn(K)ne contient pas de sous-
groupes arbitrairement petits i.e. qu’il existe un voisinage ouvert Ude Id dans GLn(K)ne contenant pas d’autres
sous-groupes que {Id}1.
Exercice 2.3. (Sous-groupes `a 1 param`etre de GLn(K)) On appelle sous-groupe `a un param`etre de GLn(K)
tout morphisme de groupe topologique φ:RGLn(K). Montrer que tout sous-groupe `a un param`etre de
GLn(K)est diff´erentiable et en d´eduire que tout sous-groupe `a 1param`etre est de la forme
eM:RGLn(K)
texp(tM)
pour un (unique) MMn(K). on dit que Mest le g´en´erateur infinit´esimal de eM.
Exercice 2.4. (Diff´erentielle de l’exponentielle)
(1) Pour tout AMn(K)et HKn, r´esoudre l’´equation diff´erentielle f0(t) = Af(t),f(0) = H. En
d´eduire que pour tout X, H Mn(K)on a exp(X)Hexp(X) = exp(ad(X))(H), o`u ad(X)(H) :=
[X, H] = XH HX (on pourra introduire la fonction f(t) = exp(tX)Hexp(tX));
1Cela implique imm´ediatement qu’aucun sous-groupe de GLn(K) ne contient de sous-groupe arbitrairement petit.
CHAPITRE 3 GROUPES DE LIE (GROUPES LIN´
EAIRES) ET ALG`
EBRES DE LIE 3
(2) Posons
A(t) := exp(tX)d
duu=0
exp(t(X+uH)).
Calculer A0(t)et en d´eduire que
dXexp = exp(X)X
n0
(ad(X))n
(n+ 1)! .
Exercice 2.5. Soit X, Y gln(K).
(1) Montrer qu’au voisinage de 0dans R, on a
(i) exp(tX)exp(tY ) = exp(t(X+Y) + t2
2[X, Y ] + O(t3));
(ii) exp(tX)exp(tY )exp(tX)exp(tY ) = exp(t2[X, Y ] + O(t3)).
(2) En d´eduire que
(i) lim
n+(exp(X
n)exp(Y
n))n= exp(X+Y);
(ii) lim
n+(exp(X
n)exp(Y
n)exp(X
n)exp(Y
n))n2= exp([X, Y ]);
3. Groupes lin´
eaires
On appelle groupe lin´eaire tout sous-groupe d’un GLn(R).
Exemple 3.1. (Groupes lin´eaires classiques)
- tout groupe fini;
- tout sous-groupe de GLn(C) (pourquoi?);
-SLn(K) := {MGLn(R)|det(M)=1};
-Bn(K) := {MGLn(R)|mi,j = 0,1j < i n};
-Un(K) := {MGLn(R)|mi,j = 0,1i<jn, mi,i = 1, i = 1, . . . , n};
-O(n) := {MGLn(R)|tMM =In},SO(n) := O(n)SLn(R);
-U(n) := {MGLn(C)|tMM =In},SU (n) := U(n)SLn(C).
3.1. Alg`ebre de Lie d’un groupe lin´eaire.
3.1.1. Alg`ebres de Lie. Etant donn´e un corps k, la cat´egorie des k-alg`ebres de Lie de dimension finie est la
cat´egorie Lie/k d´efinie par
- Objets: k-espace vectoriel Lde dimension finie muni d’une forme k-bilin´eaire
[,] : L ⊗kL→L
appel´ee crochet de Lie et telle que
[x, y]+[y, x] = 0, x, y ∈ L;
(Identit´e de Jacobi) [x, [y, z]] + [y, [z, x]] + [z, [x, y]] = 0, x, y, z ∈ L.
- Morphismes: un morphisme de k-alg`ebres de Lie φ:L→L0est une application k-lin´eaire telle que
φ([x, y]) = [φ(x), φ(y)], x, y ∈ L.
Exemple 3.2. (Alg`ebres de Lie)
(1) Tout k-espace vectoriel de dimension finie Vpeut ˆetre muni d’une structure de k-alg`ebre de Lie en
prenant pour crochet de Lie la forme nulle. Une telle k-alg`ebre de Lie est dite commutative.
(2) Toute k-alg`ebre associative Apeut ˆetre munie d’une structure de k-alg`ebre de Lie en prenant pour
crochet de Lie
[a, b] = ab ba, a, b A.
Classiquement Mn(k) (resp. Endk(V) pour un k-espace vectoriel Vde dimension finie) munie de cette
structure de k-alg`ebre de Lie est not´ee gln(k) (resp. gl(V)).
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(3) (Produit) ´etant donn´ee deux k-alg`ebres de Lie Let L0, on peut munir leur produit L×L0du crochet
de Lie
[(x, y),(x0, y0)] = ([x, x0],[y, y0]),
qui fait des projections canoniques pL:L×L0→ L et pL0:L × L0→ L0des morphismes de k-alg`ebres
de Lie et on v´erifie imm´ediatement que (L × L0, pL, pL0) est le produit de Let L0dans la cat´egorie des
k-alg`ebres de Lie.
(4) Etant donn´e une k-alg`ebre de Lie L, on dit qu’un sous k-espace vectoriel H ⊂ L est
- une sous-k-alg`ebre de Lie si [x, y]∈ H,x, y ∈ H;
- un id´eal si [x, y]∈ H,x∈ H,y∈ L.
Par exemple le noyau (resp. l’image) d’un morphisme φ:L → L0de k-alg`ebres de Lie est un id´eal de
L(resp. une sous-k-alg`ebre de Lie de L0). eciproquement, ´etant donn´e un id´eal H ⊂ L, l’application
[x, y] = [x, y], x, y ∈ L
est bien d´efinie et muni le k-espace vectoriel quotient L/Hd’une structure de k-alg`ebre de Lie qui fait
de la projection canonique L→L/Hun morphisme de k-alg`ebres de Lie.
(5) (D´erivations) Etant donn´e une k-alg`ebre de Lie L, on appelle k-d´erivation de Ltout endomorphisme
de k-espaces vectoriels d:L→Ltel que
d([x, y]) = [x, d(y)] + [d(x), y]
et on note D(L) l’ensemble des k-d´erivations de L. On v´erifie facilement que D(L)gl(L) est une
sous-k-alg`ebre de Lie. L’identit´e de Jacobi peut se reformuler en disant que
adL:L→D(L)
xad(x)=[x, ]
est un morphisme de k-alg`ebres de Lie.
(6) (Changement de corps de base) Soit kKune extension finie de corps. Alors on a un foncteur d’oubli
ou de restriction naturel
−|k:Lie/K Lie/k
et, dans l’autre sens un foncteur d’induction
− ⊗kK:Lie/k Lie/K
En outre, pour toute k-alg`ebre de Lie Let K-alg`ebre de Lie Mon a, par propri´et´e universelle du
produit tensoriel, un isomorphisme fonctoriel
HomLie/k (L,M|k) ˜HomLie/K (L ⊗kK, M).
Etant donn´e un sous-corps kKet une k-alg`ebre de Lie Lon appelle repr´esentation lin´eaire de dimension
finie de Lsur Ktout morphisme de k-alg`ebres de Lie τ:L → gl(V), o`u Vest un K-espace vectoriel de
dimension finie. Comme pour les groupes, on peut d´efinir les notion de morphisme de repr´esentations, de sous-
repr´esentations, de repr´esentations irr´eductibles, les op´eration ´el´ementaires sur les repr´esentations etc..
L’une des raisons justifiant le rˆole central des alg`ebres de Lie est l’existence de ’th´eories de Lie’ dont la philoso-
phie consiste `a construire des foncteurs ’espace tangent’ de certaines cat´egories de groupes (lin´eaires, de Lie,
analytiques, alg´ebriques etc) vers la cat´egorie des alg`ebres de Lie (sur un corps kependant de la cat´egorie de
groupes consid´er´ee) qui ont de bonnes propri´et´es (exactitude, pl´enitude etc.). Dans la pratique, cela permet
souvent de ramener des probl`emes concernant les groupes (lin´eaires, de Lie, analytiques, alg´ebriques etc) `a
des probl`emes sur les alg`ebres de Lie qui, par nature, sont des objets lin´eaires donc nettement plus simples `a
appr´ehender. Dans ce qui suit, nous allons illustrer cette id´ee dans le cadre des groupes lin´eaires.
Pour s’initier `a la riche th´eorie des alg`ebres de Lie, on pourra consulter [FH91], [H72], [K02] ou [S66] voire la
’bible’ [B].
3.1.2. Alg`ebre de Lie d’un groupe lin´eaire. Etant donn´e un groupe lin´eaire GGLn(R), on notera ggln(R)
le sous-ensemble des matrices a0(0) gln(R) o`u a:IGLn(R) est une application C1efinie sur un voisinage
ouvert Ide 0 dans Rtelle que a(I)Get a(0) = In.
Lemme 3.3. Pour tout groupe lin´eaire GGLn(R), l’ensemble gest une sous-R-alg`ebre de Lie de gln(R).
CHAPITRE 3 GROUPES DE LIE (GROUPES LIN´
EAIRES) ET ALG`
EBRES DE LIE 5
On dit que gest l’espace tangent `a Gen Inou encore, l’alg`ebre de Lie de G.
Preuve du lemme 3.3. Soit a:IaGLn(R) et b:IbGLn(R) des applications C1telles que a(0) = b(0) = In
et a(Ia), b(Ib)G. Alors
- Pour tout α, β R, l’application c:1
αIa1
βIbGLn(R) d´efinie par c(t) = a(αt)b(βt) est C1et v´erifie
c(0) = Inet c(1
αIa1
βIb)G. Par cons´equent,
c0(0) = αa0(0) + βb0(0) g,
ce qui montre que gest un sous-R-espace vectoriel de gln(R).
- Pour tout sIa, l’application cs:IbGLn(R) d´efinie par c(t) = a(s)b(t)a(s)1est C1et v´erifie
c(0) = Inet c(1
αIa1
βIb)G. Par cons´equent,
c0
s(0) = a(s)b0(0)a(s)1g.
En particulier, l’application c:IaMn(R) d´efine par c(s) = a(s)b0(0)a(s)1est C1et `a valeur dans
g, qui est un R-espace vectoriel. Donc
c0(0) = a0(0)b0(0) b0(0)a0(0) = [a0(0), b0(0)] g,
ce qui montre que gest une sous-R-alg`ebre de Lie de gln(R).
Dans la pratique, on utilisera souvent la caract´erisation suivante de g.
Th´eor`eme 3.4. Pour tout groupe lin´eaire GGLn(R), on a
g={Mgln(R)|exp(tM)G, t R}.
En particulier, exp(g)G.
Preuve. Notons
g0:= {Mgln(R)|exp(tM)G, t R}.
Par d´efinition de g, on a g0g. Inversement, il y a un cas facile et un cas plus d´elicat. Commen¸cons par le
cas facile, qui est celui o`u Gest ferm´e dans GLn(R). Soit M=a0(0) g(avec a:I GLn(R) comme
d’habitude). Alors, pour tout tRet nZ>0on a
a(t
n) = In+t
nM+O+(1
n2)
donc, pour n0
a(t
n)n= exp(nlog(a(t
n))) = exp(tM +O+(1
n)).
En faisant tendre nvers +on obtient donc exp(tM )G=Gi.e. Mg0.
Passons maintenant au cas g´en´eral. Il suffit de montrer qu’il existe un voisinage ouvert Ude 0 dans gtel que
pour tout M∈ U on a exp(M)G. En effet, pour tout Mget pour tout tRil existe n:= n(M, t)Z1
tel que t
nM∈ U donc
exp(tM) = exp( t
nM)nG.
Autrement dit, Mg0.
Fixons une base X1=a0
1(0), . . . , Xr=a0
r(0) de g, o`u ai:IGGLn(R) est une application C1efinie sur
un voisinage ouvert Ide 0 dans Ret telle que ai(0) = In,i= 1, . . . , r. Notons VIle voisinage de 0 dans gform´e
des ´el´ements de la forme Pr
i=1 tiXi,tIr. Fixons ´egalement un R-espace vectoriel hsuppl´ementaire de gdans
gln(R). Introduisons enfin les applications C1
φ:VIGGLn(R)
X=Pr
i=1 tiXia1(t1)· · · ar(tr)
et
f:h×VIgln(R)
(H, X)(In+H)φ(X).
On a
d0f(H, X) = H+
r
X
I=1
tiXi=H+X
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