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VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010 - 35 €
Recherche
• L’inhibition de la biosynthèse des androgènes. Une nouvelle approche thérapeutique dans le cancer
de la prostate résistant à la castration.
Santé publique
• Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie dans le département de la Côte-d’Or : une expérience originale
Cas clinique
• Sarcome de Kaposi et sujet âgé : à propos d’un cas
Article original
• Applicabilité des recommandations de l’évaluation onco-gériatrique par les médecins généralistes au cours
du suivi en ville des malades âgés atteints de cancer
Actualités
• L’image du JOG - Un « eczéma » du mamelon pas ordinaire
• 9ème Congrès International Francophone de Gériatrie et Gérontologie (CIFGG)
30èmes Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie
Billet d’humeur
«
• L’Oncogériatrie, un partage des compétences : position du Docteur Michel Hery, co-président du congrès
Monaco Age Oncologie (MAO)
Dossier thématique
• Nutrition en oncogériatrie
»
Kephren Publishing
Éditorial Editorial
Éditorial
Chère Consœur, Cher Confrère,
Le JOG : 1 an déjà…
1 an depuis la parution du 1er numéro de la 1ère revue scientifique francophone dédiée à l’Oncogériatrie.
A l’occasion de ce 1er anniversaire, nous souhaitons remercier très sincèrement l’ensemble des professionnels de santé
et partenaires qui nous ont soutenus dans cette aventure humaine.
Cette 1ère année a ainsi été marquée par un engagement fort à nos côtés du Gépo-g, SFGG et SFPO, par la construction de partenariats avec les principaux événements médicaux francophones (MAO, SFCP, EPO-G, CIFGG), et par l’implication des membres des comités scientifiques et de rédaction.
Le JOG a ainsi pu, au travers de la qualité des articles publiés, grâce à son nombre croissant d’abonnés, et à votre très
forte adhésion, se faire un nom et une crédibilité au sein de la presse spécialisée.
Pour cette année 2011, la volonté du JOG est de continuer à accompagner, soutenir et diffuser l’ensemble des travaux
et communications scientifiques réalisés sur la thématique Oncogériatrique auprès de la communauté scientifique de
façon pluridisciplinaire.
Cette réflexion Oncogériatrique récente est en plein essor. Le JOG a pour vocation d’accompagner cette dynamique.
Plus que jamais, nous vous invitons donc à nous rejoindre et nous soutenir au travers de la soumission de vos travaux
scientifiques.
De plus, afin d’assurer sa pérennité et sa crédibilité, le JOG se doit de justifier d’un nombre d’abonnés payants auxquels il réservera sa diffusion. Nous espérons donc très sincèrement que 2011 marquera la continuité de votre soutien
en vous abonnant ou réabonnant au JOG.
Toute l’équipe du JOG vous souhaite une excellente année 2011 et reste à votre écoute. n
Très confraternellement
Véronique Girre
Rédacteur en chef
Oncologue médicale
Institut Curie, Paris
Olivier Guérin
Rédacteur en chef
Gériatre
CHU de Nice
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Jean-Philippe Spano
Directeur de la rédaction
Oncologue médical
Pitié-Salpêtrière, Paris
241
Dimitri Verza
Directeur de la publication
Pharmacien
Paris
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Sommaire Table of contents
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Rédacteurs en chef
V. Girre (Paris)
O. Guérin (Nice)
Directeur de la rédaction
241
Editorial Editorial
V. Girre, O. Guérin, J.-P. Spano, D. Verza
J.-P. Spano (Paris)
L. Balducci (Tampa - USA)
J.-P. Droz (Lyon)
Recherche Research
L’inhibition de la biosynthèse des androgènes. Une nouvelle approche thérapeutique dans
le cancer de la prostate résistant à la castration.
Androgen Biosynthesis Inhibition (ABI): A new therapeutic approach in Castration-Resistant
Prostate Cancer (CRPC)
Chefs de rubrique
Ph. Beuzeboc, A. Toledano, M. Zerbib
Rédacteur en chef technique
T. Marquet (Paris)
245
Advisory board
Recherche : G. Zulian (Genève - Suisse)
Santé publique : T. Cudennec (Boulogne-Billancourt)
Cas clinique : F. Retornaz (Marseille)
Article original : C. Terret (Lyon)
Actualités : L. Balardy (Toulouse), L. Mourey (Toulouse)
251
Comité éditorial
G. Albrand (Lyon) - E.-C. Antoine (Neuilly-sur-Seine) T. Aparicio (Bobigny) - A. Astier (Créteil) - R. Audisio
(Londres - UK) - D. Azria (Montpellier) - S. Baffert (Paris)
- S. Bonin-Guillaume (Marseille) - C. Bouleuc (Paris) E. Brain (Saint-Cloud) - E. Carola (Senlis) - P. Chaibi
(Paris) - A. Charrasse (Monaco) - P. Chassagne (Rouen)
L. de Decker (Nantes) - S. Delaloge (Villejuif) M. Extermann (Tampa - USA) - P. Follana (Nice) E. François (Nice) - J.-M. Hannoun-Levi (Nice) - Y. Kirova
(Paris) - V. Laroche (Chilly-Mazarin) - C. Leger-Falandry
(Lyon) - F. Lokiec (Saint-Cloud) - N. Magné (Saint-Priest
en Jarez) - Y. Menu (Paris) - M. Paccalin (Poitiers) M. Puts (Toronto - Canada) - L. Ribière (Versailles) L. Rotenberg (Neuilly-sur-Seine) - F. Rousseau (Marseille)
- S. Schneider (Nice) - F. Scotté (Paris) - L. Sifer-Rivière
(Paris) - P. Soubeyran (Bordeaux) - L. Teillet (Paris) - M.-C.
Van Nes (Liège, Belgique)
Comité scientifique
M. Arcand (Sherbrooke - Canada) - J.-P. Aquino (Paris)
- B. Asselain (Paris) - D. Benchimol (Nice) R.-J. Bensadoun (Poitiers) - H. Bergmann (Montréal Canada) - G. Berrut (Nantes) - F. Blanchard (Reims) - M.
Bonnefoy (Lyon) - I. Bourdel-Marchasson (Bordeaux) H. Curé (Reims) - T. De Baere (Paris) - M. Debled
(Bordeaux) - L. Escalup (Paris) - J.-M. Ferrero (Nice) M. Ferry (Valence) - G. Freyer (Lyon) - J.-P. Gérard (Nice)
- E. Gilson (Nice) - X. Hebuterne (Nice) - M. Hery (Monaco)
- C. Jeandel (Montpellier) - P. Kerbrat (Rennes) - D. Khayat
(Paris) - J. Latreille (Montréal - Canada) - J.-P. Lotz
(Paris) - L. Mignot (Paris) - G. Milano (Nice) - E. Mitry
(Boulogne-Billancourt) - F. Mornex (Lyon) - M. Namer
(Nice) - F. Nourhashemi (Toulouse) - A. Pesce (Monaco)
- J.-Y. Pierga (Paris) - F. Piette (Ivry-sur-Seine) - F. Puisieux
(Lille) - M. Rainfray (Bordeaux) - G. Ruault (Paris) O. Saint-Jean (Paris) - M. Schneider (Nice) C. Thieblemont (Paris) - A. Thyss (Nice) - A. Toledano
(Neuilly-sur-Seine) - J.-M. Vannetzel (Neuilly-sur-Seine)
- U. Wedding (Berlin - Allemagne) - H. Wildiers (Louvain
- Belgique)
V. Quipourt, S. Marilier, P. Fumoleau
257
258
22, rue Chanez
75016 Paris - France
Tél. : +33 (0)1 75 77 20 91
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www.kephren-publishing.com
262
Maquette
267
S.P.E.I. Imprimeur, Pulnoy
Relations commerciales
Prise en charge de la dénutrition en oncogériatrie
Management of undernutrition in oncogeriatrics
L. Evesque, S.M. Schneider
271
La sarcopénie : un nouveau concept en oncologie
Sarcopenia: a new concept in oncology
G. Zeanandin, S.M. Schneider, X. Hébuterne
277
Cas clinique Clinical case study
Sarcome de Kaposi et sujet âgé : à propos d’un cas
Kaposi’s sarcoma and the elderly subject
A.-L. Couderc, D. Giacchero, I. Bereder, R. Boulahssass, O. Guérin
281
Article original Original article
Applicabilité des recommandations de l’évaluation onco-gériatrique par les médecins
généralistes au cours du suivi en ville des malades âgés atteints de cancer
Applicability of the comprehensive geriatric assessment recommendations by general
practitioners during the follow-up of elderly cancer outpatients
Ph. Caillet, M.-A. Cariot, E. Paillaud
289
291
Actualités News
L’image du JOG - Un « eczéma » du mamelon pas ordinaire
L. Rotenberg
9ème Congrès International Francophone de Gériatrie et Gérontologie (CIFGG)
30èmes Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie
O. Guérin
293
Au support
Imprimeur
Evaluation de l’état nutritionnel avant décision thérapeutique en oncogériatrie
Nutritional assessment before therapy in oncogeriatrics
F. Diebold, A. Danalache
Directeur de la publication
D. Verza
La Nutrition en oncogériatrie : un élément majeur de l’évaluation et de la prise en charge
des malades
Nutrition in oncogeriatrics: a major tool for assessing and treating patients
X. Hébuterne
Liste communiquée en fin d’année
Kephren Publishing
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie
Nutrition in oncogeriatrics
Coordination : S.M. Schneider
Comité de lecture
Editeur
Santé publique Public health
Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie dans le département de la Côte-d’Or :
une expérience originale
Pilot Coordination Unit in Geriatric Oncology in Côte-d’Or: an original experience
Billet d’humeur Personal view
L’Oncogériatrie, un partage des compétences : position du Docteur Michel Hery,
co-président du congrès Monaco Age Oncologie (MAO)
Interview du Docteur Michel Hery par Dimitri Verza
295
Agenda Calendar - Petites annonces Job ads
I. Chartrain - [email protected]
Abonnements
[email protected]
CPPAP 0212 T 90198
ISSN version papier : 2106-8534
ISSN version électronique : 2107-6669
Dépôt légal : à parution
Indexé Base PASCAL (INIST-CNRS)
Adhérent au SPEPS
Comité de lecture 2010
L. Balardy (Toulouse) - M. Benoit (Nice) - V. Brunel (Marseille) - E. Carola (Senlis) - E. Castel-Kremer (Lyon) - A.-L. Couderc (Nice) - T. Cudennec
(Boulogne-Billancourt) - L. de Decker (Nantes) - B. de Wazieres (Nimes) - C. Gaudin (Toulouse) - V. Girre (Paris) - O. Guérin (Nice) - N. Magné
(Saint-Priest en Jarez) - L. Mourey (Toulouse) - E. Mulin (Nice) - F. Retorrnaz (Marseille) - F. Rousseau (Marseille) - P. Soubeyran (Bordeaux)
- J.-P. Spano (Paris) - C. Terret (Lyon) - G. Zulian (Genévé-Suisse)
Les articles publiés dans le Journal d’OncoGériatrie le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Androgen Biosynthesis Inhibition (ABI): A new therapeutic approach in CastrationResistant Prostate Cancer (CRPC)
Ph. Beuzeboca, A. Toledanob, M. Zerbibc
a. Département d’oncologie médicale, Institut Curie, 26 rue d’Ulm, 75005 Paris, France.
b. Hôpital Américain de Paris, 63 boulevard Victor Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine, France.
c. Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
Résumé
L’apparition de la résistance à la castration est un événement majeur de l’évolution du cancer de la prostate, et les
armes thérapeutiques dont nous disposons à ce stade, et qui reposent sur la chimiothérapie, ne permettent d’espérer qu’une survie limitée.
La castration bloque la production des androgènes testiculaires mais la prolifération tumorale reste dépendante
des androgènes d’origine périphérique, et tout particulièrement des androgènes d’origine intratumorale, comme l’ont
montré des travaux récents.
L’acétate d’abiratérone est un inhibiteur puissant, sélectif et irréversible de l’activité de CYP17 α-hydroxylase et
C17-20-lyase qui sont des étapes clés de la biosynthèse des androgènes. Il permet ainsi un blocage de la biosynthèse des androgènes au niveau des surrénales, ainsi que dans la tumeur elle-même.
Les résultats de l’étude de phase III présentée lors du congrès de l’ESMO le 11 octobre dernier à Milan montrent
que l’acétate d’abiratérone entraîne une amélioration significative de la survie globale versus placebo chez les
patients métastatiques résistants à la castration, après échec d’une ou deux lignes de chimiothérapie (dont une avec
docétaxel), et ce avec une très bonne tolérance.
Mots clés : Inhibiteurs de la biosynthèse des androgènes, cancer de la prostate résistant à la castration, acétate
d'abiratérone, docétaxel.
Abstract
Castration resistance is a major event of prostate cancer evolution. At this stage, treatment is primarily based on
systemic chemotherapy leading to limited survival improvement.
Castration induces testicular androgens blockade but tumoral proliferation continues to be dependant of peripheral androgens and primarily intratumoral androgens as recently demonstrated.
Abiraterone acetate is a potent, selective and irreversible inhibition of CYP17 α-hydroxylase and C17-20-lyase activity, these two enzymes being key steps of androgen biosynthesis. Then, it allows androgen biosynthesis blockade
at the adrenal gland and tumor levels.
Phase III trial data released on October 11, 2010, during last ESMO congress in Milan, demonstrated that Abiraterone
acetate induces statistically significant overall survival improvement compared to placebo in patients with metastatic castration-resistant prostate cancer after failure of one or two previous chemotherapy regimen including one with
docetaxel. These results were obtained with a very good safety profile.
Keywords: Androgen Biosynthesis Inhibition (ABI), Castration-Resistant Prostate Cancer (CRPC), Abiraterone Acetate
(AA), Docetaxel.
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
245
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Recherche Research
L’inhibition de la biosynthèse des androgènes.
Une nouvelle approche thérapeutique dans le
cancer de la prostate résistant à la castration.
Du fondamental au développement
clinique
De fait, l’addition de dexaméthasone 0,5 mg/j à l’AA
entraîne une diminution par 3 du niveau de base de l’ACTH,
une diminution conséquente des niveaux de désoxycorticostérone jusqu’à un niveau inférieur à la limite de sensibilité dans les tests utilisés (<5 ng/dl), et une diminution
importante par 2 des niveaux de corticostérone. De façon
similaire, on note une diminution des niveaux de 11-désoxycortisol. En aval, la suppression des niveaux de stéroïdes persiste.
Il a fallu plus d’une quinzaine d’années pour confirmer
l’intérêt thérapeutique du blocage du cytochrome P450
(17) alpha (17 alpha-hydroxylase/C17-20 lyase ou CYP17),
une enzyme clé de la biosynthèse des androgènes 1. Elle
catalyse deux réactions importantes impliquant la
17 α-hydroxylase et la C17-20-lyase 2.
L’acétate d’abiratérone (AA), développé initialement en Angleterre à l’Institute of Cancer Research,
s’est révélé être un inhibiteur puissant, sélectif et irréversible de CYP17 3.
Figure 1 : Inhibition de la biosynthèse des androgènes par Abiratérone
Hypokaliémie
Hypertension
A
Surcharge hydrique
ACTH
Positive drive
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Feedback négatif
Prégnénolone
17OH-Prégnénolone
x3
Prégnénolone
x 1,5
Cortisol
x2
Abiratérone
Testostérone
< 1 ng/dl
Estradiol
< 80 pg/dl
< 2 ng/dl
Androstènedione
x3
Désoxycorticostérone
CYP 17
17α-hydroxylase
17OH-Prégnénolone
< 5 ng/dl
x3
Corticostérone
x2
Aldostérone
Abiratérone
11-désoxycortisol
CYP 17
C17-20-lyase
DHEA
Aldostérone
T
x4
B
ACTH
x 40
Abiratérone
11-désoxycortisol
CYP 17
C17-20-lyase
Corticostérone
T
Désoxycorticostérone x 10
CYP 17
17α-hydroxylase
DHEA
On pouvait craindre que AA
n’entraîne une insuffisance surrénalienne. Mais la synthèse de
corticostérone, un corticostéroïde plus faible que le cortisol, est préservée. Il en résulte
une élévation de l’ACTH avec
un syndrome d’hypersécrétion de minéralocorticoïdes,
caractérisé par une rétention
hydro-sodée, une hypokaliémie, et une hypertension.
L’utilisation d’une corticothérapie ou d’antagonistes
des minéralocorticoïdes supprime cette élévation de
l’ACTH et les signes d’hyperaldostéronisme (figure 1, B).
Suppression de rénine
x5
T
AA (figure 1, A) inhibe la
17 α-hydroxylase, ce qui
entraîne une diminution du
cortisol et une augmentation
significative des hormones
adrénocorticotropes (ACTH)
et la biosynthèse de stéroïdes.
Les niveaux de désoxycorticostérone et corticostérone
augmentent de 10 et 40 fois
respectivement. On observe
aussi une augmentation
(jusqu’à 4 fois) du taux de
11-désoxycortisol, mais aussi
du fait de l’inhibition complète
de la C17-20-lyase une suppression significative de la
déhydroépiandrosténedione
(DHEA), de l’androsténedione
et de la testostérone.
Vu l’implication des androgènes dans le développement et la progression du cancer de la prostate,
l’équipe du Royal Marsden 4 et d’autres 5 ont vite compris l’intérêt clinique potentiel de cette molécule dans
x2
Cortisol
x2
T
Recherche Research
Cancer de la prostate métastatique : nouvelle approche thérapeutique • Metastatic prostate cancer: new therapeutic approach
Abiratérone
Androstènedione
246
Testostérone
< 1 ng/dl
Estradiol
< 80 pg/dl
< 2 ng/dl
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
thérapeutiques ultérieurs (la montée des stéroïdes en
amont atteint un plateau au-dessus de 750 mg). Les principales toxicités, dues à un syndrome d’excès de minéralocorticoides, étaient contrôlées par l’éplérénone, un antagoniste de récepteur minéralocorticoïde (la spironolactone
ne doit pas être utilisée car elle peut activer le RA). Des
baisses du PSA de 30 %, 50 % et 90 % ont été observées respectivement dans 66 %, 57 % et 29 % des cas
pour une durée allant de 69 à 578 jours, associées également à des améliorations cliniques (douleurs), biologiques (PAL, LDH) et des réponses RECIST objectives.
le traitement du cancer de la prostate, et des essais
de phase I/II de l’abiratérone ont été initiés 6.
Les premières études d’escalade de doses, qui avaient
pour but d’entraîner le maximum de suppression de la synthèse de testostérone chez les patients atteints de cancer de prostate, castrés et non castrés, ont permis de montrer qu’une dose répétée de 800 mg/jour pendant 12 jours
chez des patients aux fonctions gonadiques intactes permettait de baisser la testostéronémie au taux de castration. Néanmoins, ce niveau de suppression androgénique
n’était pas maintenu en raison d’une hypersecrétion compensatrice de LH 7.
Dans la deuxième étude de phase I 13 utilisant le même
schéma d’escalade de doses, les patients pouvaient avoir
reçu préalablement du ketoconazole (le kétoconazole est
inhibiteur faible de CYP17). Il n’a pas été non plus observé
de toxicité limitante.
Une baisse du PSA > 50 % a été observée chez 47 %
des patients traités préalablement par kétoconazole et chez
64 % des patients n’en ayant pas reçu.
Parallèlement, les concepts fondamentaux concernant la résistance à la castration évoluaient 8, insistant sur le fait que la prolifération tumorale restait
dépendante de la signalisation par le récepteur des
androgènes (RA).
Les cellules du cancer de la prostate développent une
résistance à la castration par l’acquisition de modifications
biologiques incluant une surexpression du RA et une
surexpression des enzymes impliquées dans la synthèse
des androgènes 9 :
• L’émergence de phénotypes hypersensibles par amplification, surexpression ou modulation des RA par d’autres voies de signalisation rend ces cellules excessivement
sensibles à des taux très bas d’androgènes exogènes.
De plus, les anti-androgènes classiques ont des effets agonistes en cas de surexpression ou mutations du RA.
• Les cancers de la prostate métastatiques sont aussi capables de maintenir chez des patients castrés des taux d’androgènes intra-tumoraux pouvant activer les gènes cibles
du RA (comme le prouve l’augmentation du PSA). Cette
stéroïdogénèse intracrine, à partir d’androgènes surrénaliens mais aussi du cholestérol, permet de contourner les
niveaux faibles d’androgènes circulants. Montgomery et
coll 10 ont montré que les niveaux de testostérone et les
transcripts d’enzymes de la stéroïdogenèse étaient plus élevés dans les métastases de patients castrés que dans les
cancers de la prostate primaires de patients non castrés.
Deux études de phase II ont été réalisées dans les
formes résistantes à la castration pour évaluer l’efficacité de l’acétate d’Abiratérone après échec du
docétaxel.
• Dans l’étude anglaise, rapportée par Reid 14,
47 patients ont été traités par 1 000 mg/j d’acétate d’abiratérone. Des baisses de PSA > 30 %, > 50 % et > 90 %
ont été observées respectivement chez 68 %, 51 % et
15 % des patients. Le temps moyen jusqu’à progression
biologique était de 169 jours (IC 95 % : 113 à 281 jours).
Sur les 27 patients qui avaient plus de 5 cellules tumorales circulantes (CTC), 11 (41 %) ont présenté une baisse
de leurs CTC.
• Dans la deuxième étude 15, 58 patients ont aussi été
traités par 1 000 mg/jour associés à 5 mg x 2/j de prednisone (47 % avaient reçu du ketoconazole). Une baisse
du PSA > 50 % a été confirmée chez 36 % des patients
(26 % pour ceux traités par ketoconazole et 45 % pour
les autres). Le temps médian jusqu’à progression biologique était de 169 jours (IC 95 % : 82 à 200 jours). Des
baisses des CTC ont aussi été constatées dans 34 % des
cas (10/29).
Les résultats cliniques observés dès les essais
précoces avec l’acétate d’abiratérone ont confirmé
très vite les espoirs suscités par cette nouvelle
approche thérapeutique 11,12.
Au décours des études de phase II 16, trois points
importants doivent être relevés :
• le fait d’être efficace après ketoconazole laisse penser
qu’il existe un effet sur la synthèse intracrine d’androgènes au niveau des cellules tumorales et pas seulement
au niveau surrénalien ;
• l’addition de prednisone réduit l’incidence des toxicités liées aux effets minéralocorticoïdes et augmente l’ef-
La première étude de phase I 2, ayant inclus 21 patients
résistants à de multiples hormonothérapies, chimio-naïfs,
réalisée par paliers de 3 patients avec une escalade de
dose (250, 500, 750, 1 000 et 2 000 mg/j en continu), a
permis de choisir la dose de 1 000 mg/j pour les essais
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
247
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Recherche Research
Cancer de la prostate métastatique : nouvelle approche thérapeutique • Metastatic prostate cancer: new therapeutic approach
type de progression (taux de PSA
seulement versus la progression
radiologique avec ou sans progression PSA).
Figure 2 : Schéma de l’étude COU-AA-301
1195 patients avec
un cancer de la
prostate métastatique résistant à la
castration en
échec d’une ou de
deux lignes de
chimiothérapie
(dont au moins une
avec docétaxel)
2
Acétate d’abiratérone
1000 mg/j
Prednisone 5 mg x 2/j
n = 797
Critères d’efficacité (ITT)
Critère primaire
● Survie globale
(25% d’amélioration ; HR = 0,8)
R
1
Critères secondaires (ITT)
● Temps jusqu’à progression
● Survie sans progression
● Taux de réponse PSA
Placebo
Prednisone 5 mg x 2/j
n = 398
1170 patients
avec un cancer
de la prostate
métastatique
résistant
à la castration,
chimio-naifs
2
Acétate d’abiratérone
1000 mg/j
Prednisone 5 mg x 2/j
n = 780
R
1
Il a été retrouvé un avantage très
significatif (HR = 0,646 (0,54-0,77),
p < 0,0001) en survie globale: 14,8
mois (IC 95 %: 14,1-15,4 mois)
versus 10,9 mois (IC 95 % :
10,2-12,0 mois) (figure 4).
La durée médiane de traitement a été de 8 mois dans le
bras abiratérone. Il faut noter que 28,1 % des patients
(n = 222) du bras abiratérone étaient encore dans l’étude
au moment de l’analyse versus 13,7 % dans le bras placebo (n = 54).
L’analyse en sous-groupe a montré que le bénéfice
concernait de façon systématique, l’ensemble des sousgroupes (figure 5).
Figure 3 : Schéma de l’étude COU-AA-302
Placebo
Prednisone 5 mg x 2/j
n = 390
D’autre part, tous les critères de jugement secondaires
de l’étude étaient significativement améliorés que ce soit :
• le temps jusqu’à progression PSA : 10,2 mois versus
6,6 mois (HR = 0,58, IC 95 % : 0,46-0,73, p < 0,0001) ;
• la survie sans progression : 5,6 mois versus 3,6 mois
(HR = 0,67, IC 95 % : 0,59-0,78, p < 0,0001) ;
ficacité (pour les patients en progression, le fait de rajouter une corticothérapie entraîne des réponses) ;
• le schéma utilisé pour les études de phase III versus
placebo associe abiratérone 1000 mg/jour
en une prise à prednisone 5 mg x 2/j. Figure 4 : Etude de phase III COU-AA-301. Courbes de survie globale.
Celles-ci ont pour critère de jugement
COU-AA-301 : L’Acétate d’Abiratérone
principal une amélioration de la survie globale (figures 2 et 3).
améliore la survie globale des CRPCm
Les résultats de la première étude
randomisée (2:1) de phase III (COUAA-301) comparant acétate d’abiratérone (797 patients) versus placebo
(n = 398) après une chimiothérapie
(une à deux lignes dont une à base de
docétaxel) viennent d’être présentés
à Milan par JS De Bono lors du
congrès de l’ESMO 17.
Cette étude de phase III, multicentrique,
randomisée, en double aveugle, versus
placebo a inclu 1195 patients sur 147 sites
dans 13 pays (Europe, USA, Australie,
Canada). La stratification a été établie
selon le statut ECOG (0-1 versus 2), les
douleurs les plus intenses antérieures aux
dernières 24 heures (par l’échelle courte
BPI : absent [0-3] ; présent [4-10], une
chimiothérapie antérieure (1 versus 2), le
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
100
Acétate d’abiratérone :
14,8 mois (IC 95%: 14,1. 15,4)
80
Survie (%)
Recherche Research
Cancer de la prostate métastatique : nouvelle approche thérapeutique • Metastatic prostate cancer: new therapeutic approach
60
40
Placebo :
10,9 mois (IC 95%: 10,2. 12,0)
20
Aprés 1 ligne de chimiothérapie
OS : 15,4 mois AA vs 11,5 mois placebo
0
0
100
200
300
400
500
600
700
Nombre de jours depuis la randomisation
AA
797
728
631
475
204
25
0
Placebo
398
352
296
180
69
8
1
248
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Figure 5 : Bénéfice en survie observé dans tous les sous-groupes
BPI; Brief Pain Inventory, ALK-P, phosphatase alcaline
• Le taux de réponse biologique (PSA) : 38 % versus
10,1 % (p < 0,0001).
La tolérance a été acceptable avec de rares toxicités de
grade 3 ou 4 : rétention hydrique : 2,3 %, hypokaliémie : 3,8 %, troubles hépatiques : 3,5 %, hypertension :
1,3 %, désordres cardiaques : 4,1 %. Ces données étaient
assez comparables à celles du bras placebo.
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Très clairement, l’abiratérone apparaît comme un
nouveau tournant dans la prise en charge des cancers de la prostate résistants à la castration après
docétaxel avec un rapport bénéfice/risque très favorable.
Il faudra attendre les données de la deuxième étude
de phase III (figure 3) chez des patients métastatiques
résistants à la castration mais chimio-naïfs (le recrutement est clos) pour envisager une utilisation à un
stade plus précoce. n
249
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Recherche Research
Cancer de la prostate métastatique : nouvelle approche thérapeutique • Metastatic prostate cancer: new therapeutic approach
Recherche Research
Cancer de la prostate métastatique : nouvelle approche thérapeutique • Metastatic prostate cancer: new therapeutic approach
10 Montgomery RB, Mostaghel EA, Vessella R, Hess DL, Kalhorn TF, Higano CS, et al.
Maintenance of intratumoral androgens in metastatic prostate cancer: a mechanism
for castration-resistant tumor growth. Cancer Res 2008; 68(11): 4447-54.
11 Ang JE, Olmos D, de Bono JS. CYP17 blockade by abiraterone: further evidence
for frequent continued hormone-dependence in castration-resistant prostate cancer.
BrJ Cancer 2009; 100(5): 671-5.
12 Attard G, Reid AH, Olmos D, de Bono JS. Antitumor activity with CYP17 blockade
indicates that castration-resistant prostate cancer frequently remains hormone driven. Cancer Res 2009; 69 (12): 4937-40.
13 Ryan CJ, Smith MR, Fong L, Rosenberg JE, Kantoff P, Raynaud F, et al. Phase I clinical trial of the CYP17 inhibitor abiraterone acetate demonstrating clinical activity in
patients with castration-resistant prostate cancer who received prior ketoconazole therapy. J Clin Oncol 2010; 28(9): 1481-8.
14 Reid AH, Attard G, Danila DC, Oommen NB, Olmos D, Fong PC, et al. Significant
and sustained antitumor activity in post-docetaxel, castration-resistant prostate cancer with the CYP17 inhibitor abiraterone acetate. J Clin Oncol 2010; 28(9): 1489-95.
15 Danila DC, Morris MJ, de Bono JS, Ryan CJ, Denmeade SR, Smith MR, et al. Phase
II multicenter study of abiraterone acetate plus prednisone therapy in patients with docetaxel-treated castration-resistant prostate cancer. J Clin Oncol 2010; 28(9): 1496-501.
16 Chen Y, Clegg NJ, Scher HI. Phase II multicenter study of abiraterone acetate plus
prednisone therapy in patients with docetaxel-treated castration-resistant prostate cancer. Anti-androgens and androgen-depleting therapies in prostate cancer: new agents
for an established target. Lancet Oncol 2009; 10(10): 981-9.
17 De Bono JS, Logothetis CJ, Fizazi K, North S, Chu L, Chi KN, et al. On behalf of the
COU-AA-301 investigators. Abiraterone acetate (AA) plus low dose prednisone (P) improves
overall survival (OS) in patients (PTS) with metastatic castration-resistant prostate cancer (MCRPC) who have progressed after docetaxel-based chemotherapy (CHEMO): results
of COU-AA-301, a randomized double-blind placebo-controlled phase III study. 35th
ESMO Congress, Abst LBA5.
Bibliographie :
1 Barrie SE, Potter GA, Goddard PM, Haynes BP, Dowsett M, Jarman M. Pharmacology
of novel steroidal inhibitors of cytochrome P450(17) alpha (17 alpha-hydroxylase/C1720 lyase). J Steroid Biochem Mol Biol 1994; 50(5-6): 267-73.
2 Attard G, Reid AH, Yap TA, Raynaud F, Dowsett M, Settatree S, et al. Phase I clinical
trial of a selective inhibitor of CYP17, abiraterone acetate, confirms that castrationresistant prostate cancer commonly remains hormone driven. J Clin Oncol 2008; 26(28):
4563-71.
3 Jarman M, Barrie SE, Llera JM. The 16,17-double bond is needed for irreversible
inhibition of human cytochrome p45017alpha by abiraterone (17-(3-pyridyl)androsta5, 16-dien-3beta-ol) and related steroidal inhibitors. J Med Chem 1998; 41(27):
5375-81.
4 Attard G, Belldegrun AS, de Bono JS. Selective blockade of androgenic steroid synthesis by novel lyase inhibitors as a therapeutic strategy for treating metastatic prostate cancer. BJU Int 2005; 96(9): 1241-6.
5 Leroux F. Inhibition of p450 17 as a new strategy for the treatment of prostate cancer. Curr Med Chem 2005; 12(14): 1623-9.
6 Madan RA, Arlen PM. Abiraterone. Cougar Biotechnology. IDrugs 2006; 9(1): 4955.
7 O'Donnell A, Judson I, Dowsett M, Raynaud F, Dearnaley D, Mason M, et al. Hormonal
impact of the 17alpha-hydroxylase/C(17,20)-lyase inhibitor abiraterone acetate
(CB7630) in patients with prostate cancer. Br J Cancer 2004; 90(12): 2317-25.
8 Sher HI, Sawyers CL. Biology of progressive, castration-resistant prostate cancer:
directed therapies targeting the androgen-receptor signalling. J Clin Oncol 2005;
23(32): 8253-61.
9 Stanbrough M, Bubley GJ, Ross K, Golub TR, Rubin MA, Penning TM, et al. Increased
expression of genes converting adrenal androgens to testosterone in androgen-independent prostate cancer. Cancer Res 2006; 66(5): 2815-25.
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
250
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Pilot Coordination Unit in Geriatric Oncology in Côte-d’Or: an original experience
V. Quipourta,b, S. Mariliera,b, P. Fumoleaub
a. Unité Pilote de Coordination en Oncogériatrie, Centre Gériatrique de Champmaillot, 2 rue Jules Violle, CHU,
21079 Dijon Cedex, France.
b. Centre Georges-François Leclerc, 1 rue du Professeur Marion, BP 77980, 21079 Dijon Cedex, France.
Correspondance : Valérie Quipourt, Unité Pilote de Coordination en Oncogériatrie, Centre Gériatrique de
Champmaillot, CHU, 2 rue Jules Violle, 21079 Dijon Cedex, France. Courriel : [email protected]
Résumé
L’originalité de l’Unité Pilote de Coordination en Oncogériatrie (UPCOG) de Côte-d’Or est de considérer toutes les
filières de soins du département, publiques et privées, et de développer un programme de recherche clinique et en
santé publique avec les registres spécialisés des cancers du département. La mise en place de cette unité a permis de confirmer une collaboration plus étroite entre les gériatres, les spécialistes d’organes et les médecins généralistes, mais qui n’est pas totalement acquise et nécessite un travail relationnel suivi, entre autres, en participant
régulièrement aux réunions de concertation pluridisciplinaire, lieux d’échanges entre les différents professionnels.
Comme les autres UPCOG, notre unité s’est beaucoup investie dans ce projet et souhaiterait poursuivre et développer ses activités dans le futur.
Mots clés : Cancer, sujet âgé, registre des cancers, évaluation gériatrique.
Abstract
The originality of the Pilot Coordination Unit in geriatric oncology in Côte-d’Or is twofold: it includes all oncology
departments, both public and private, and it develops a clinical and public health research program from the Côted’Or cancer registers. The development of this unit confirmed the collaboration between geriatricians, organ specialists and general practitioners. However, as this collaboration is not complete, it requires continued contact, including multidisciplinary discussion meetings and exchanges between different professionals. Like other French pilot
coordination units in geriatric oncology, this unit has invested a great deal in this project and the authors would like
to continue and expand its activities in the future.
Keywords: Cancer, elderly patient, cancer register, geriatric evaluation.
E
n 2005, en France, plus de 30 % des cancers ont
été diagnostiqués chez des sujets âgés de 75 ans
ou plus 1. Les données issues des registres de cancers ont permis de souligner l’insuffisance de traitement
des sujets âgés dans certains domaines de l’oncologie 2.
Dans le cadre du premier appel d’offres de l’INCA en
2005 3, concernant la mise en place des UPCOG, notre
objectif principal était d’améliorer la qualité des soins
apportés aux sujets âgés de 75 ans ou plus, atteints d’un
cancer digestif, gynécologique (sein et autre localisation)
ou d’une hémopathie maligne. Avec les registres spécialisés des cancers du département qui sont à l’initiative du
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
projet, l’originalité était d’évaluer tous les cas diagnostiqués dans la population de Côte-d’Or, quel que soit le lieu
de résidence et la filière de soins.
Il était également prévu de développer un programme
de recherche clinique et en santé publique, grâce aux
registres des cancers (digestif, sein et hémopathie maligne).
Des études ponctuelles concernant en particulier l’analyse des comorbidités, de la qualité de vie et des effets
indésirables des traitements étaient envisagées.
L’Unité Pilote de Coordination en Oncogériatrie (UPCOG)
de Côte-d’Or est coordonnée par le Dr Valérie Quipourt –
PH Gériatre au CHU de Dijon et par le Pr Pierre Fumoleau –
251
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Santé publique Public health
Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie
dans le département de la Côte-d’Or :
une expérience originale
Santé publique Public health
UPCOG dans le département de la Côte-d’Or • PCUGO in Côte-d’Or
rendus opératoires et les résultats anatomo-pathologiques
couplés à l’entretien, l’examen clinique et les tests gériatriques (tableau 1), puis a été informatisé à l’aide du logiciel Capture System.
Au 10 décembre 2010, 575 évaluations oncogériatriques
(242 en 2010) ont été réalisées, et 158 suivis (53 en 2010).
Nous présentons les résultats d’une étude rétrospective sur notre activité du 1er janvier 2010 au 30 avril 2010,
qui a porté sur 89 évaluations initiales et 9 suivis. Les caractéristiques des patients sont présentées dans le tableau 2.
Pour les évaluations initiales, la population était à prédominance féminine avec un âge moyen de 83 ans. Un avis
sur le traitement oncologique était principalement demandé.
Les localisations néoplasiques étaient dans plus de 25 %
des cas mammaires, dans 16 % colo-rectales et dans 9 %
pulmonaires. Pour 32,6 %, le statut était métastatique lors
de la consultation. L’impact des comorbidités était important avec en moyenne 2,1 comorbidités considérées comme
sévères. Les comorbidités les plus fréquentes étaient :
hypertension artérielle, arthrose, dyslipidémie, insuffisance
rénale et affections cardiaques (tableau 3).
La stabilisation des comorbidités n’était obtenue que
dans 57,3 % des cas. Un syndrome gériatrique était
dépisté dans plus de 9 cas sur 10. La prise en charge gériatrique était alors principalement nutritionnelle, une adaptation thérapeutique, une prescription de kinésithérapie ou
un soutien social. L’information diagnostique du patient
n’était obtenue que dans 57 % des cas.
Les suivis correspondaient surtout à des demandes de
suivi plus gériatrique qu’oncologique avec, au final, principalement des conseils de prise en charge nutritionnelle.
Les patients apparaissaient mieux informés lors du suivi
PUPH Oncologue et Directeur du Centre Georges-François
Leclerc de Dijon (Centre de Lutte Contre le Cancer
Régional).
Mise en place de l’UPCOG de Côte-d’Or
Organisation de l’évaluation oncogériatrique
Depuis décembre 2006, nous avons instauré une consultation d’oncogériatrie spécifiquement dédiée aux patients
âgés de 75 ans et plus porteurs d’un cancer, et accessible
sur demande des médecins dans un délai maximum de
10 jours. Cette consultation intervient, selon la pathologie,
soit dès le diagnostic avant tout traitement, soit après le traitement chirurgical, chaque fois qu’il existe une indication
de traitement adjuvant ou en cas de traitement palliatif.
L’évaluation concerne toutes les filières de soins du département, publiques et privées. Le gériatre est aidé dans ses
évaluations par une infirmière dédiée à cette activité.
Concernant les cas résidant à Dijon et son agglomération, pour le secteur public et libéral, la consultation est
réalisée soit dans le centre référent du département : pôle
de gérontologie du CHU de Dijon (consultation ou hospitalisation de jour gériatrique avec une approche multidisciplinaire), soit en consultation au Centre Georges-François
Leclerc (CGFL), soit au lit du patient dans le cadre de
l’Équipe Mobile Oncogériatrique (CHU, CGFL, établissements privés). Pour les trois centres hospitaliers généraux
du département (Beaune, Semur-en-Auxois et Châtillonsur-Seine, soit 25 % des cas), la consultation oncogériatrique est assurée sur site par le gériatre du centre référent en gérontologie le plus proche.
Un questionnaire papier a été conçu en utilisant les dossiers médicaux des patients et en particulier les comptes
Tableau 1 : Eléments de l’évaluation gériatrique
Identification du patient
Situation sociale
Condition de l’évaluation
Données oncologiques
Données gériatriques
Données biologiques
Information du patient
Avis du gériatre sur
le traitement oncologique
Proposition d’un Programme
de soins personnalisé
Recueil des données lors d’une évaluation oncogériatrique
Sexe, âge, lieu de résidence
Situation familiale, lieu d’habitation, aides à domicile, APA, régime de protection, profession et niveau
d’études
Motif, médecin et service demandeurs, date, lieu et modalité de l’évaluation
Localisation primitive, histologie, stade TNM 4, présence de métastases, traitement antérieur reçu
< 6 mois
Indice de karnofsky, antécédents, comorbidités selon Charlson, CIRS-G et pathologies chroniques évolutives, dépendance, état nutritionnel (dosage albumine et pré-albumine), évaluations cognitive, thymique, motrice, sensorielle et sphinctérienne, évaluation de la douleur, médicaments (nombre, liste)
Taux d’hémoglobine (g/dl), taux de créatinine plasmatique (µmol/l), clairance de la créatinine (ml/mn)
selon Cockroft et MDRD
Sur le diagnostic, motivation pour un traitement
Médical, chirurgical, radiothérapie, radiochimiothérapie, surveillance sans intervention thérapeutique,
soins palliatifs, autre proposition
Equilibre des comorbidités, détection de syndromes gériatriques, interventions proposées, proposition
d’un suivi gériatrique
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
252
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Tableau 2 : Caractéristiques des patients
(78 % des cas), et il s’agissait de cancer du sein dans plus
d’un tiers des cas.
Recherche en Oncogériatrie
Suivi
(n = 9)
N (%)
29 (32,6)
60 (67,4)
4 (44,4)
5 (55,6)
9 (10,1)
21 (23,6)
22 (24,7)
24 (27,0)
13 (14,6)
83,0
1 (11,1)
3 (33,3)
3 (33,3)
1 (11,1)
1 (11,2)
80,6
36 (40,4)
29 (32,6)
21 (23,6)
3 (3,4)
8 (88,9)
1 (11,1)
0
0
25 (27,2)
15 (16,3)
9 (9,7)
7 (7,6)
7 (7,6)
2 (2,2)
2 (2,2)
2 (2,2)
1 (1,1)
1 (1,1)
1 (1,1)
20 (21,7)
3 (33,3)
1 (11,1)
1 (11,1)
0
1 (11,1)
0
0
0
1 (11,1)
0
0
2 (22,2)
29 (32,6)
60 (67,4)
3 (33,3)
6 (66,7)
14 (15,7)
75 (84,3)
8 (88,9)
1 (11,1)
14,0
2,1
13,6
1,9
Information du patient
Oui
Non
Inconnu
51 (57,3)
20 (22,5)
18 (20,2)
7 (77,8)
1 (11,1)
1 (11,1)
Equilibre des comorbidités
Oui
Non
51 (57,3)
38 (42,7)
5 (55,6)
4 (44,4)
Existence de syndromes gériatriques
Oui
Non
81 (91,0)
8 (9,0)
8 (88,9)
1 (11,1)
Prise en charge gériatrique proposée
Modification de traitement
Prise en charge nutritionnelle
Kinésithérapie
Prise en charge psychologique
Prise en charge cognitive
Prise en charge sociale
45 (50,1)
59 (66,3)
34 (38,2)
24 (27,0)
14 (15,7)
32 (36,0)
6 (66,7)
8 (88,9)
3 (33,3)
4 (44,4)
3 (33,3)
3 (33,3)
Sexe
Homme
Femme
Age
< 75 ans
75 - 79 ans
80 - 84 ans
85 - 89 ans
≥ 90 ans
Age moyen
Type de prise en charge
Consultation CGFL
HJ gériatrique
EMG CHU
EMG CGFL
L’UPCOG a aussi une mission de recherche. Nous avons
participé à l’étude Oncodage suite à l’appel d’offre de l’INCA
en 2007 et plusieurs travaux ont été réalisés en lien avec les
structures de recherche : une étude sur la prise en charge
et la survie du cancer colorectal chez le sujet âgé à partir
des données des registres a été publiée en 2007 dans
European Journal of cancer 5. Un poster a été accepté au
congrès du GRELL à Lugano en 2009 sur l’incidence et la
survie des hémopathies malignes chez les patients âgés de
plus de 75 ans sur une période de 26 ans, et leur prise en
charge thérapeutique au cours des 3 dernières années, en
Côte-d’Or à partir des données du registre des hémopathies malignes. Les résultats confirment chez ces sujets une
augmentation de toutes les hémopathies malignes, exceptées les leucémies aigues, et une insuffisance de traitement.
Un autre travail sur l’influence des comorbidités sur la
prise en charge thérapeutique des patients âgés atteints
de cancer colorectal sur base de population a fait l’objet
d’une communication orale aux Journées Francophones
d’Hépato-gastro-entérologie et d’Oncologie Digestive
(JFHOD), et est en cours de publication dans le Journal
of American Geriatrics Society (JAGS) 6. Ce travail montre que la présence de comorbidités n’explique pas l’insuffisance de prise en charge du sujet âgé.
D’autres projets sont en cours. Une étude rétrospective
sur la prise en charge thérapeutique des patientes âgées
de 75 ans et plus, en comparant celles ayant bénéficié
d’une consultation d’oncogériatrie et les autres, à partir
des données du registre des cancers du sein entre 2007
et 2009, est en phase d’analyse statistique. Nous envisageons également l’analyse des données de notre base
oncogériatrique avec l’objectif de comparer le traitement
oncologique proposé par le gériatre avec celui effectivement réalisé. Une autre étude rétrospective des facteurs
pronostiques de la survie chez les patientes âgées de
75 ans et plus et atteintes d’un cancer du sein, et des facteurs prédictifs de la prise en charge thérapeutique, à partir des données du registre des cancers du sein, est prévue sur l’année 2011. Enfin, un essai de phase III randomisé,
multicentrique (7 centres prévisionnels), évaluant l’efficacité de la consultation oncogériatrique chez les patientes
âgées de 75 ans et plus et atteintes d’un cancer du sein :
étude de l’influence sur la qualité de vie, la prise en charge
thérapeutique et la survie, va faire l’objet d’un projet libre
de recherche INCa.
Localisation primitive
Sein
Colo-rectal
Poumon
Inconnu
Hémopathies
Vessie
ORL
Estomac
Prostate
Rein
Foie
Autres
Métastases
Oui
Non
Type de demande
Avis gériatrique simple
Avis sur traitement oncologique
CIRS-G
Total
Nombre de catégories ≥ 3 (moyenne)
Autres activités
Un groupe de travail régional d’oncogériatrie au sein du
réseau Onco-Bourgogne existe depuis juin 2008. Ses
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Evaluation initiale
(n = 89)
N (%)
253
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Santé publique Public health
UPCOG dans le département de la Côte-d’Or • PCUGO in Côte-d’Or
Santé publique Public health
UPCOG dans le département de la Côte-d’Or • PCUGO in Côte-d’Or
Tableau 3 : Pathologies chroniques évolutives
Formation en Soins Infirmiers). Des formations spécifiques
destinées aux médecins et soignants ont été réalisées dans
le cadre des Régionales de Cancérologie, mais aussi avec
le réseau Onco-Bourgogne.
missions sont la promotion des projets de recherche et
d’études dédiés aux patients âgés atteints de cancer, la
diffusion de référentiels existants pour chaque localisation
tumorale avec les spécificités gériatriques, l’organisation
de réunions de formation médicale continue pour les
médecins et les soignants, et le partage de nos expériences
et formations par le biais d’un site internet.
La participation régulière aux RCP d’organe représente
un investissement important mais indispensable pour une
meilleure prise en charge des patients en lien avec les oncologues, radiothérapeutes et chirurgiens.
L’information des médecins et des soignants est une
autre priorité avec l’organisation de nombreuses réunions
et l’élaboration de brochures d’information destinées aux
professionnels, mais aussi au grand public « Comment mieux
prendre en charge les patients atteints de cancer ? » disponibles dans les Espaces Rencontres Informations (ERI).
Au sein de notre mission universitaire, nous intervenons
dans le cadre de la Capacité de Gériatrie (Diplôme
Interrégional avec les villes de Dijon, Besançon et Reims).
Nous participons également au Diplôme Interrégional
Universitaire de Lyon intitulé « Gériatrie appliquée à la prise
en charge de patients âgés atteints de cancer ». Les personnels paramédicaux sont aussi concernés (Institut de
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Conclusion
La mise en place de l’UPCOG dans le département de
la Côte-d’Or a permis de développer une collaboration plus
étroite entre les gériatres, les spécialistes d’organe et les
médecins généralistes, avec toutefois une certaine fragilité illustrée par l’absence prolongée de la coordinatrice
en 2009, qui n’a pas pu être remplacée au niveau d’une
équipe médicale gériatrique déjà extrêmement limitée,
avec ainsi une nette diminution de l’activité clinique mais
aussi de recherche au cours de cette même année. L’avenir
devrait être plus serein avec l’implication d’un second
gériatre depuis juin 2010.
Notre équipe comporte de réels atouts : déjà une équipe
très motivée (médecins, infirmière, secrétaire) qui nous a
permis de renforcer l’activité clinique, en continuant de participer très régulièrement aux Réunions de Concertation
Pluridisciplinaire, lieux d’échanges, d’autant plus intéressants lorsque le patient a préalablement bénéficié d’une
évaluation gériatrique, mais aussi pour que nos collègues
254
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
dont les résultats ne sont pas acquis et qui nécessite un
investissement permanent. Se pose enfin l’avenir de notre
unité au niveau local, régional et national… n
spécialistes n’oublient pas l’intérêt de cette consultation.
Ainsi, lorsque nous participons aux RCP, le recrutement
des patients augmente très sensiblement. Peut-être que
la diffusion systématique de l’outil de dépistage gériatrique en oncologie (G8), lorsqu’il sera validé, modifiera le
recrutement, mais il est sûr que certains services resteront très réticents à son utilisation et à l’évaluation oncogériatrique, malgré toute la bonne volonté des équipes de
terrain. En tout cas, notre activité clinique ne cesse d’augmenter mais nous pose aussi des problèmes d’organisation avec l’ensemble de nos missions, dont la coordination, la formation et la recherche.
Un autre point fort est la collaboration avec les registres
des cancers du département, bien implantés localement
et sur le plan national, avec lesquels nous avons déjà
développé plusieurs travaux communs. D’autres projets
sont en cours, avec une valorisation par des publications
sur le plan international.
Ces résultats sont tout à fait encourageants mais ne doivent pas nous faire oublier qu’il s’agit d’une activité récente
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Bibliographie :
1 Belot A, Grosclaude P, Bossard N, et al . Cancer incidence and mortality in France
over the period 1980-2005. www.invs.sante.fr/surveillance/cancers/estimations_cancers/default.htm. Rev Epidemiol Sante Publique 2008 ; 56 : 159-75.
2 Faivre-Finn C, Bouvier AM, Mitry E, Rassiat E, Clinard F, Faivre J. Chemotherapy for
colon cancer in a well-defined French population: is it under or over-prescribed? Aliment
Pharmacol Ther 2002 ; 16 : 353-9.
3 Mise en place d’une unité pilote de coordination en oncogériatrie dans le département de la Côte-d’Or. Appel à projet national pour l’émergence d’unités pilotes de
coordination en Oncogériatrie (UPCOG). 2005 INCA.
4 Sobin L, Wittekind C : TNM atlas. International Union Against Cancer, Wiley-Liss, 1997.
5 Faivre J, Lemmens V.E.P.P, Quipourt V, Bouvier AM. Management and survival of
colorectal cancer in the elderly in population-based study. Eur J Cancer 2007 ; 43 :
2279-84.
6 Quipourt V, Jooste V, Cottet V, Faivre J, Bouvier AM. Comorbidities alone do not explain
the under – treatment of colorectal cancer. JAGS 2010. Publication en cours.
255
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Santé publique Public health
UPCOG dans le département de la Côte-d’Or • PCUGO in Côte-d’Or
«
Dossier thématique
• Nutrition en oncogériatrie
Dossier thématique Review
• Nutrition in oncogeriatrics
Coordination : S.M. Schneidera, b
a. Pôle digestif, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, CHU de Nice, France.
b. Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia-Antipolis, France.
»
La Nutrition en oncogériatrie : un élément majeur de l’évaluation et de la prise en charge des malades
Nutrition in oncogeriatrics: a major tool for assessing and treating patients
X. Hébuterne
Evaluation de l’état nutritionnel avant décision thérapeutique en oncogériatrie
Nutritional assessment before therapy in oncogeriatrics
F. Diebold, A. Danalache
Prise en charge de la dénutrition en oncogériatrie
Management of undernutrition in oncogeriatrics
L. Evesque, S.M. Schneider
La sarcopénie : un nouveau concept en oncologie
Sarcopenia: a new concept in oncology
G. Zeanandin, S.M. Schneider, X. Hébuterne
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
257
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
La Nutrition en oncogériatrie : un élément
majeur de l’évaluation et de la prise en
charge des malades
Nutrition in oncogeriatrics: a major tool for assessing and treating patients
X. Hébuterne
Pôle digestif, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, CHU de Nice, France.
Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia-Antipolis, France.
Correspondance : Xavier Hébuterne, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique,
Hôpital de l’Archet 2, 151 route de Saint-Antoine, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3, France.
Tél. : +33 (0)4 92 03 61 68, fax : +33 (0)4 92 03 65 75, courriel : [email protected]
L
a dénutrition est si communément associée à la
maladie tumorale qu’elle est souvent considérée
comme partie intégrante de l’évolution des cancers,
et donc banalisée. Il est pourtant admis que bon nombre de malades cancéreux décèdent de cachexie, et que
la dénutrition limite la tolérance et l’efficacité des traitements. La prévalence globale de la dénutrition, tous
cancers confondus, est de l’ordre de 40 %. Elle est la
même qu’il y a 30 ans, et elle est particulièrement importante au cours des cancers digestifs et des cancers
ORL (figure 1) 1. Chez un malade cancéreux, une perte
de poids supérieure à 15 % est constamment associée
à une altération du pronostic, indépendamment de la maladie tumorale. La dénutrition serait directement responsable du décès des malades dans 5 à 25 % des cas 2.
Au cours des dix dernières années, la prévalence du
cancer a augmenté alors que la mortalité a diminué.
Les progrès thérapeutiques ont été considérables et,
dans certaines situations métastatiques, la médiane de
survie a été multipliée par 3 ou 4. Il est possible d’affirmer que dans certains cas, une maladie autrefois
constamment mortelle a été transformée en maladie
chronique. Certains malades reçoivent par exemple
une chimiothérapie au long cours qui, sans les guérir,
permet une stabilisation prolongée de leur cancer. Ainsi,
le problème nutritionnel, qui était marginal compte tenu
du pronostic effroyable des malades, est passé au premier plan. Par ailleurs, l’âge n’est plus un obstacle au
traitement des malades et l’on sait bien que les personnes âgées (PA) présentent des particularités métaboliques qui augmentent le risque de dénutrition. L’âge,
le cancer et l’agression d’une chirurgie, d’une chimiothérapie et/ou d’une radiothérapie se conjuguent pour
détériorer de manière synergique la situation nutritionnelle des malades.
Figure 1 : Prévalence de la dénutrition mesurée « un jour donné »
Chez un malade cancéreux l’anorexie
chez 1 903 malades cancéreux. Etude Nutricancer 1
est au premier plan, favorisée par des
troubles du goût très fréquents, et la
stimulation du système pro-opiomélanocortine par les cytokines, qui inhibe
la prise alimentaire 3. Dans une enquête
récente réalisée un jour donné chez
1 023 malades, plus de 50 % affirmaient
manger moins, et autant disaient avoir
présenté une modification du goût
depuis le début de leur maladie 4. On
sait, notamment depuis les travaux de
Roberts et al. 5 et de Rolls et al. 6, que
les personnes âgées présentent des
troubles spécifiques du contrôle de l’appétit, même en l’absence d’agression.
La sarcopénie dont on connaît la pré-
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
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valence élevée chez la PA a d’importantes conséquences en cas de cancer, et ceci est rappelé dans un
article de ce numéro de la revue 7. Par ailleurs, nous
avons pu montrer qu’en cas de dénutrition par carence
d’apports, la perte pondérale chez une PA portait plus
spécifiquement sur la masse maigre, alors qu’elle est
homogène (masse maigre et masse grasse) chez une
personne plus jeune 8. Ainsi, une perte pondérale équivalente aura des conséquences fonctionnelles beaucoup plus importantes chez une PA que chez un malade
plus jeune. La dénutrition est également plus difficile à
corriger chez les PA que chez des sujets plus jeunes 9.
Enfin, au cours du cancer, la dénutrition est également
iatrogène, favorisée par la chirurgie, la radiothérapie et
la chimiothérapie, mais aussi par les hospitalisations
répétées des malades, et l’on sait que les PA sont particulièrement sensibles aux stress répétés, médicaux
ou psychologiques.
Alors que les réunions de concertations pluridisciplinaires, les consultations d’annonce, les programmes
personnalisés de soins se généralisent, et que personne ne pourrait imaginer aujourd’hui ne pas proposer une prise en charge psychologique adaptée et ne
pas traiter efficacement la douleur des malades, la
prise en compte de la dénutrition est encore trop souvent absente dans les unités de cancérologie, ou alors
trop tardive et inadaptée.
L’évaluation de l’état nutritionnel doit être systématique
en oncogériatrie. L’utilisation de marqueurs comme le
Performance Status (PS), pourtant largement diffusé en
cancérologie, est insuffisant et nous avons pu montrer
que plus de 50 % des malades avec un PS à 2 (c’està-dire considérés comme aptes à recevoir une chimiothérapie) étaient dénutris 10. Ainsi, pour une même valeur
du PS, il existe deux catégories de malades : dénutris
ou non dénutris. Le cancérologue doit rajouter à sa liste
d’outils une balance pour peser les malades à chaque
visite et établir une courbe de poids, ainsi qu’une échelle
visuelle analogique pour évaluer les ingesta. Cet outil simple et validé 11 permet de se faire une idée suffisamment
précise de ce que mangent nos malades, ce qui permet de mettre en place rapidement les mesures correctives et éviter ainsi un diagnostic tardif de la dénutrition
dont les conséquences sont souvent désastreuses.
Dans l’étude Nutricancer 4, moins de 50 % des
malades qui affirmaient manger moins de la moitié de
leur ration habituelle avaient reçu des conseils nutritionnels ou des compléments nutritionnels oraux (figure 2).
Ceci peut facilement être expliqué par la rareté des diététiciennes dans les unités de cancérologie, alors que
pratiquement aucun poste n’a été créé dans le cadre
du plan cancer. Dans de nombreuses situations, la
supériorité de la nutrition entérale sur la nutrition parenLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
259
Figure 2 : Type de prise en charge nutritionnelle
(Conseils : conseils nutritionnels ; CNO :
compléments nutritionnels oraux) proposée à des
malades cancéreux (n = 1 023) non sélectionnés
interrogés « un jour donné », en fonction de leurs
ingesta évalués à l’aide d’une échelle visuelle
analogique (EVA ; 0 : ingesta nuls ; 10 : ingesta
normaux). Etude Nutricancer 4
térale est bien démontrée et cette dernière doit être strictement réservée aux situations d’insuffisance intestinale
et en cas d’échec de la nutrition entérale 12. Bien
qu’elle soit souvent techniquement possible 13, même
dans des cas où son utilisation était autrefois impensable 14, la nutrition entérale est largement sousemployée dans la prise en charge nutritionnelle des
malades cancéreux. Au cours des cancers ORL, la
mise en place précoce d’une gastrostomie percutanée
endoscopique, pratique maintenant courante, a révolutionné la prise en charge des malades en permettant
des traitements agressifs impossibles il y a quelques
années 15. Cette expérience devrait servir d’exemple
pour les autres cancers et la nutrition entérale devrait
être plus largement utilisée, notamment en oncogériatrie, si besoin dans le cadre d’essais cliniques démontrant son efficacité sur le devenir des malades. Enfin,
la nutrition péri-opératoire a fait la preuve de son efficacité, et il est maintenant démontré que l’immunonutrition pré- et péri-opératoire réduit la morbidité des
malades cancéreux opérés 16. On peut se demander
combien de services de chirurgie ont systématisé ce
genre d’approche pourtant très efficace.
Devant ce constat, la Société Francophone Nutrition
Clinique et Métabolisme (SFNEP) a décidé d’animer, avec
le soutien de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de
l’Institut National du Cancer (INCa), un groupe de travail qui est en train d’élaborer des recommandations de
pratiques cliniques pour la prise en charge nutritionnelle
des malades cancéreux. Ces recommandations qui
seront disponibles vers la fin de l’année 2011, permettront, grâce à un consensus formalisé d’experts, de faire
le point sur les évidences dans le domaine et d’établir
un document de référence. Une attention toute partiVOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Il est important de démontrer, comme l’ont par exemple fait Ravasco et al. 17, qu’un programme de soutien nutritionnel précoce bien conduit permet d’améliorer le pronostic et la qualité de vie des malades. Des
études spécifiques en oncogériatrie doivent voir le jour.
Celles-ci devront s’intéresser aux problèmes de prise
alimentaire chez les PA au cours des traitements du
cancer ; de la sarcopénie avec ses conséquences sur
la tolérance des traitements et éventuellement sur la
modulation des doses de cytotoxiques en fonction de
la masse maigre ; et enfin, bien sûr, aux stratégies de
prise en charge précoce de la dénutrition chez ces
malades en évaluant leurs impact sur la tolérance des
traitements, la qualité de vie et le coût des soins.
Plus encore que chez un sujet plus jeune, le traitement du cancer chez une PA doit s’intégrer dans une
démarche globale qui intègre les soins de support, et
en particulier la prise en charge de la dénutrition. n
Tableau 1 : Stratégie de prise en charge nutritionnelle d’une personne âgée qui présente un tube digestif
fonctionnel (www.has-sante.fr)
Statut nutritionnel
Normal
Dénutrition
Dénutrition
sévère
Normaux
Surveillance
Conseils diététiques
Alimentation enrichie
Réévaluation à un mois
Conseils diététiques
Alimentation enrichie et CNO
Réévaluation à 15 jours
Diminués mais
supérieurs à la moitié de
l’apport habituel
Conseils diététiques
Alimentation enrichie
Réévaluation à un mois
Conseils diététiques
Alimentation enrichie
Réévaluation à 15 jours,
puis en cas d’échec CNO
Conseils diététiques
Alimentation enrichie et CNO
Réévaluation à une semaine,
puis en cas d’échec NE
Très diminués,
inférieurs à la moitié de
l’apport habituel
Conseils diététiques
Conseils diététiques
Conseils diététiques
Alimentation enrichie
Alimentation enrichie
Alimentation enrichie
et CNO
Réévaluation à une semaine,
et NE d’emblée
Réévaluation à une semaine,
puis en cas d’échec CNO
Réévaluation à une semaine
puis en cas d’échec NE
CNO : compléments nutritionnels oraux ; NE : nutrition entérale
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Dossier thématique Review
culière sera donnée à la prise en charge du malade âgé
porteur d’un cancer. Il conviendra, bien sûr, de réfléchir
aux mesures d’évaluation des retombées de ces documents en matière de prise en charge de la dénutrition.
Cependant, chez la PA, il semble possible dès maintenant de s’appuyer sur les recommandations de pratiques
cliniques de l’HAS, pour la stratégie de prise en charge
en matière de dénutrition protéino-énergétique chez le
sujet âgé qui ont été publiées en 2007 (tableau 1). Le
bon sens et la simplicité de ces recommandations font
qu’elles sont facilement applicables, notamment chez
un malade en cours de traitement pour un cancer.
Mais les mesures pour lutter contre la dénutrition des
malades cancéreux ne doivent pas s’arrêter là.
L’élaboration de programmes de recherche clinique
est indispensable. En particulier, pour convaincre les
cancérologues de l’utilité de la nutrition chez leurs
malades, il faut des preuves qui, il faut bien le reconnaître, ne sont pas présentes dans tous les domaines.
Apports alimentaires spontanés
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Bibliographie :
10 Cessot A, Hébuterne X, Coriat R, Durand JP, Mir O, Mateus C, et al. Defining
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Evaluation de l’état nutritionnel avant
décision thérapeutique en oncogériatrie
Nutritional assessment before therapy in oncogeriatrics
F. Diebold, A. Danalache
Court-séjour gériatrique, Centre Hospitalier de Sedan, France.
Correspondance : Frédéric Diebold, Service de Court séjour gériatrique, Centre Hospitalier de Sedan,
2 avenue du Général Margueritte, 08200 Sedan, France. Courriel : [email protected]
Résumé
La dénutrition est fréquente chez la personne âgée. Ses conséquences sont maintenant bien connues et
son dépistage ainsi que sa prise en charge tendent à se développer. En oncogériatrie, elle est un des principaux facteurs pronostiques, tant pour la tolérance au traitement que pour la survie. Lors de l’évaluation gériatrique standardisée (EGS), l’outil le plus souvent proposé pour son dépistage est le MNA.
Nous proposons, à partir des données récentes de la littérature, un bilan nutritionnel plus complet, prenant
à la fois en compte les critères cliniques, biologiques, et des outils d’évaluation tel que le GNRI ou le MNA,
afin d’aider au mieux les oncologues pour la décision thérapeutique, ainsi que pour adapter la prise en charge
nutritionnelle.
Mots clés : Dénutrition, cancer, personne âgée, facteurs pronostiques, évaluation gériatrique.
Abstract
Undernutrition is frequent in the elderly. The consequences are now well known. Screening as well as care
tend to progress. In oncogeriatrics, undernutrition is one of the main prognostic factors for survival and response to treatment. A comprehensive geriatric assessment usually uses MNA as a screening tool for undernutrition.
This review, based on recent studies, proposes a nutritional assessment portfolio including clinical parameters, biological parameters, and tools such as GNRI and MNA, in order to help oncologists adapt therapy as
well as optimise nutritional intervention.
Keywords: Undernutrition, cancer, elderly, prognostic factors, geriatric assessment.
Introduction
La dénutrition est fréquente chez la personne âgée
(PA). Sa prévalence est de 5 à 10 % à domicile, 15 à
18 % en institution et peut atteindre 50 à 60 % à l’hôpital 1. Chez les patients hospitalisés pour un cancer,
environ 40 % sont à risque de dénutrition quand ils ne
sont pas déjà dénutris 2. Une étude a mis en évidence
un état nutritionnel altéré chez 66 % des personnes
âgées atteintes d’un cancer ; les critères étant un MNA
< 24 et un taux d’albumine < 35 g/L 3. Elle est de manière
générale associée à une augmentation de la mortalité,
de la durée de l’hospitalisation, des infections nosocomiales et d’une perte de l’autonomie 1.
En cancérologie, il s’agit d’un des principaux facteurs
péjoratifs pour la survie 3,4. En outre, elle diminue la
tolérance à la chimiothérapie, augmente le délai entre
les cures, diminue le statut immunitaire et, par là-même,
la résistance aux infections 5. Le statut nutritionnel est
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
un facteur prédictif de la mortalité à long terme dans
les cancers du poumon, non à petites cellules, et traités par lobectomie 6.
Les causes de dénutrition sont multiples, à la fois
liées à la maladie cancéreuse elle-même mais aussi aux
comorbidités associées (insuffisances cardiaque, respiratoire, rénale, hépatique, démences, troubles buccodentaires et de la déglutition…), ainsi qu’aux facteurs
psycho-socio-environnementaux.
L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) est une partie essentielle du bilan du cancer de la PA. Elle permet
de dépister les comorbidités, d’aider à la décision thérapeutique et de proposer une prise en charge gériatrique globale. Son efficacité sur la survie et la tolérance
aux traitements a été démontrée dans de nombreuses
études 1,5,7. Cette évaluation est multidisciplinaire mais
peut être longue et délicate selon les patients.
Le bilan nutritionnel est une partie importante de cette
262
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Dossier thématique Review
évaluation mais est encore loin d’être standardisé
(tableau 1). Les différents modèles d’EGS ne proposent souvent que le MNA pour le dépistage. Pourtant,
ainsi que l’a montré une étude récente 3, il n’existe pas
encore de facteur nutritionnel unique à la fois prédictif
de la mortalité, de la tolérance au traitement et du
risque de dépendance secondaire. C’est un ensemble
de critères à la fois anthropométriques, biologiques et
d’outils de dépistage qui permettent de préciser l’état
nutritionnel et d’optimiser sa prise en charge tout au
long du traitement.
A partir des dernières données de la littérature, nous
proposons un bilan nutritionnel plus complet, plus long
à réaliser, mais au vu de l’importance de l’état nutritionnel sur le devenir, nous le croyons nécessaire pour
une prise en charge optimale.
Tableau 1 : Différents éléments du bilan
nutritionnel. D’après 1,3
Valeurs seuils pour le diagnosParamètres :
tic de dénutrition
Clinique
- Perte de poids
≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 %
en 6 mois : modérée
≥ 10 % en 1 mois ou 15 % en
6 mois : sévère
- Indice de masse corporelle
< 21 : modérée
< 18 : sévère
- Périmètre tricipital
- Circonférence du mollet
Biologique
- Albuminémie
- Transthyrétinémie
Poids
Critère essentiel, il doit être recueilli à l’admission.
Mais plus que le poids, c’est surtout la perte de poids
qui est importante et doit alerter. Si le poids antérieur
n’est pas toujours connu, il est possible de prendre pour
référence le poids idéal théorique obtenu à partir de la
formule de Lorentz :
• Homme : poids idéal = taille -100- [(taille – 150)/4] ;
• Femme : poids idéal = taille - 100 - [(taille – 150)/2,5].
Une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en
6 mois caractérise une dénutrition modérée. Une perte
de poids ≥ 10 % en 1 mois ou 15 % en 6 mois caractérise une dénutrition sévère 1.
La perte de poids est fréquente chez le patient âgé
atteint d’un cancer. Elle entraîne une augmentation de
la mortalité et est associée à une baisse de la réponse
à la chimiothérapie (traitement plus court pouvant expliquer en partie la plus faible réponse), de la qualité de
vie et de la survie globale 9,10. C’est un facteur de mauvais pronostic chez les patients recevant une chimiothérapie, surtout dans les cancers digestifs et pulmonaires 1,11. Dans les cancers pulmonaires, une perte
de poids supérieure à 11 % au moment du diagnostic
est associée à une baisse de la survie globale 3.
De préférence mesurée en position verticale, elle peut
également être prédite à partir de la hauteur talon
genou, par l’équation de Chumlea et al, lorsque le
patient ne peut tenir debout. Elle est indispensable
pour calculer l’Indice de Masse Corporelle (IMC).
< 35 g/L : modérée
< 30 g/L : sévère
< 200 mg/L : modérée
< 100 mg/L : sévère
Indice de masse corporelle
< 17 : dénutrition
> 17 et ≤ 23,5: risque de dénutrition
≥ 24 : absence de dénutrition
C’est le rapport poids/(taille)2. Il est corrélé à la masse
maigre, et sa diminution est prédictive de la morbi-mortalité hospitalière. Une valeur inférieure à 21 signe une
dénutrition, et une valeur inférieure à 18 une dénutrition sévère 1. Cependant, ce n’est pas un marqueur
précoce de dénutrition, et il peut encore être normal
quand le MNA dépistera, lui, une dénutrition. De même
chez l’obèse sarcopénique, l’IMC ne dépistera pas une
diminution de la masse maigre et musculaire.
GNRI < 82 : risque majeur
82 ≤ GNRI ≤ 92: risque modéré
Geriatric Nutritional Risk Index
92 ≤ GNRI ≤ 98 : risque faible
GNRI > 98 : absence de risque
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Les paramètres cliniques sont plus pertinents que les
paramètres biologiques et ont démontré un meilleur
impact sur le pronostic 8.
Taille
- Protéine C-réactive
- Leptine
- Hémoglobine
- IL-6
Mini Nutritional Assessment
Bilan clinique
263
Périmètres et plis cutanés
Dans les études, c’est principalement le pli cutané
tricipital qui est proposé pour identifier la dénutrition 3.
Il doit être mesuré en même temps que le plis cutané
bicipital 4.
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
La circonférence du mollet est un marqueur de la
masse musculaire. Elle est un reflet du handicap et est
corrélée aux taux d’albumine plasmatique ainsi qu’au
MNA dont elle est un des critères, et peut représenter
un paramètre valide de dénutrition 12.
perte de poids > 3 kg dans les 3 mois (p = 0,01). En
analyse multivariée, seule l’albuminémie était proche du
seuil de significativité 18. Enfin, il a été montré qu’une
combinaison des taux d’albuminémie, d’interleukine6 et de CRP pouvait être prédictive de la mortalité à
trois et sept ans 15.
Autres
Le reste du bilan doit également comprendre un examen bucco-dentaire et la recherche de troubles de la
déglutition 3,13.
Enfin, un bilan des ingesta est indispensable. Au cours
de ce bilan la recherche de l’autonomie du patient vis
à vis de son alimentation est importante à rechercher
et peut s’appuyer sur l’ADL et/ou l’IADL. L’ADL (Activities
of Daily Living), ou Echelle de Katz, prend en compte
l’autonomie à la toilette, la continence, l’habillage, la locomotion et l’alimentation. C’est un facteur prédictif de
la mortalité à un an 6. L’IADL (Instrumental Activities of
Daily Living) prend, elle, en compte la capacité à utiliser le téléphone, prendre ses médicaments, utiliser un
moyen de transport, gérer son argent, faire ses courses
et préparer un repas. Un bon score IADL est associé
à un meilleur pronostic 14. Ces deux échelles sont souvent proposées dans l’EGS pour l’évaluation du statut
fonctionnel de la personne âgée
Bilan biologique
De nombreux paramètres ont été étudiés et mesurés,
mais peu d’entre eux ont fait leur preuve comme facteur pronostique pertinent. Parmi eux, l’albuminémie et
le taux d’hémoglobine sont les deux plus importants 15.
Transthyrétinémie
Son taux varie également en fonction de l’état inflammatoire. Sa demi-vie est plus courte et elle serait un
marqueur de la dénutrition aigüe ou chronique surtout
en l’absence d’inflammation.
Les valeurs proposées sont < 200 mg/L en cas de
dénutrition modérée et < 100 mg/L pour une dénutrition sévère 4.
Protéine C-réactive
C’est une des protéines de l’inflammation. Si elle n’est
pas un des marqueurs de la dénutrition, elle doit être prise
en compte, car corrélée à la perte de poids 9 et à la réponse
à la radio chimiothérapie 4. De plus, l’albuminémie doit
être analysée en regard de l’état inflammatoire.
Leptinémie
Le taux plasmatique de leptine est corrélé à la masse
grasse. Un taux bas de leptine est un facteur de mauvais pronostic dans les cancers pulmonaires 3. Dans une
étude portant sur 192 patients âgés (médiane 85 ± 7 ans),
le taux de leptine était le seul facteur biologique pronostique corrélé au statut nutritionnel défini par l’IMC et le
pli cutané tricipital. Les valeurs seuils étaient de 4 ng/mL
pour l’homme et de 6,48 ng/mL pour la femme 3.
Albuminémie
S’il s’agit du marqueur nutritionnel le plus ancien et
le plus utilisé, il reste très décrié comme marqueur
nutritionnel pur, car très variable selon les situations,
notamment inflammatoires. Sa demi-vie est de 21 jours
et un taux inférieur à 35 g/L peut faire évoquer une dénutrition. C’est plus un marqueur du risque de morbi-mortalité 1.
La diminution de l’albumine plasmatique entraîne une
diminution des doses de chimiothérapies délivrées aux
organes cibles, et augmente la toxicité. De tous les paramètres cliniques et biologiques étudiés, c’est le principal facteur pronostic d’événements infectieux, non
infectieux et de mortalité dans les 30 jours suivant une
intervention chirurgicale 8, et un facteur de risque indépendant de mortalité 2,12,15,16.
Dans une étude portant sur 54 patients suivis pour
une hémopathie (âge moyen 86 ± 6 ans), les trois facteurs prédictifs de la mortalité, en analyse univariée,
étaient : albumine plasmatique < 30 g/L, échelle IADL
< 3 et échelle ADL > 5. Etait également retrouvée une
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Hémoglobine
L’anémie entraîne une augmentation de la fatigue
(facteur de dépendance) et aggrave la toxicité des chimiothérapies par hémoconcentration 7. Elle est corrélée au déclin fonctionnel et à la mortalité 15, et le plus
souvent combinée à d’autres paramètres biologiques.
Cytokines
Si l’interleukine-1, l’interleukine-6, le TNF-α et l’IFN-γ sont
souvent citées dans les études 11, c’est sur l’interleukine6 que nous avons retrouvé le plus de données comme
facteur pronostique. Cette cytokine pro-inflammatoire
joue, avec l’interleukine-1 et le TNF-α, un rôle dans l’anorexie. Comme la CRP, elle est un facteur pronostique significatif pour le déclin fonctionnel 12 et la survie 9. En postopératoire, les personnes âgées avec un IMC bas ont un
taux d’interleukine-6 augmenté, suivi d’une augmentation de la réaction inflammatoire et d’une aggravation de
la perte de poids. A contrario, en cas de statut nutritionnel correct, la réaction immunitaire reste stable 3. Dans
264
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
une étude sur les cancers pulmonaires, le pronostic était
lié à un taux élevé d’interleukine-6, un taux bas d’IFN-γ,
un âge avancé et le nombre de métastases 3.
Protéine vectrice du rétinol
Nous avons retrouvé une étude dans laquelle a RBP
ou Retinol Binding Protein est corrélée aux scores du
MNA et du NRS dans le dépistage de la dénutrition 8.
Cette protéine est synthétisée par le foie et de demivie très courte. Mais, dans l’état actuel, il s’agit plus
d’un outil de recherche que de diagnostic courant de
la dénutrition.
GNRI
Outils d’évaluation nutritionnelle
Dossier thématique Review
MNA
Le Mini Nutritional Assessment a été développé par
Guigoz et Vellas en 1991 pour l’évaluation du risque
de dénutrition de la personne âgée. C’est l’échelle
d’évaluation la plus utilisée dans la littérature 3,5,9,17-20,
et une de celles recommandées par la société européenne de nutrition clinique et métabolisme (ESPEN)
pour le dépistage de la dénutrition.
Les scores sont :
• < 17 : dénutrition ;
• > 17 et ≤ 23,5 : risque de dénutrition ;
• ≥ 24 : absence de dénutrition.
Il est corrélé à la perte de poids et permet le dépistage de la dénutrition lorsque l’IMC et l’albumine sont
encore normales 13. Dans le dépistage de la dénutrition, sa sensibilité est de 96 %, sa spécificité de 98 %
et sa valeur prédictive positive de 97 % 4. Il est plus
sensible que l’albuminémie dans le dépistage des personnes à risque de dénutrition et prédictif de la mortalité à trois mois (8 % pour les PA classées à risque
et 33 % si dénutries) et à un an (48 % si MNA < 17,
24 % si le score est entre 17 et 23,5) 1. C’est aussi un
facteur prédictif de fragilité, de morbi-mortalité et du
statut fonctionnel. Il est également en rapport avec un
mauvais état bucco-dentaire 13.
Dans la plupart des EGS, c’est l’échelle recommandée pour le dépistage de la dénutrition, par entre autres
la SIOG, dans le bilan d’évaluation du cancer de la prostate 20. Chez une série de patients âgés suivis pour un
cancer, le risque de décès à six mois était de 7,4 %
pour un MNA ≥ 24 et de 34 % pour un MNA ≤ 17 quel
que soit le type de cancer. Dans une autre étude de
202 patients âgés de plus de 70 ans, et pour qui une
chimiothérapie était proposée, un MNA < 24 était associé à une moins bonne survie et à une diminution des
cycles de chimiothérapie 19.
Les limites du MNA sont : une durée de remplissage
qui peut être longue, l’impossibilité de renseigner certains items en cas de confusion, d’aphasie ou de
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
démence quand l’entourage n’est pas présent et que
l’histoire clinique est difficile à reconstituer. Il existe une
version courte : le MNA-SF. Un score ≤ 11 indique une
possibilité de malnutrition et doit être alors être complété par les 12 questions restantes du MNA. Dans
notre bibliographie, c’est toujours le MNA dans sa version longue qui est utilisé. Une nouvelle version du MNASF permet de prendre en compte le périmètre du mollet en cas d’impossibilité de calculer l’IMC et de se
limiter à la version courte ; elle est en cours de validation 21.
265
Le Geriatric Nutritional Risk Index a été adapté à partir du NRI en utilisant le poids idéal obtenu par la formule de Lorentz 22.
GNRI = [1,489 x albuminémie (g/l)] + [41,7 x poids
actuel/poids idéal théorique].
Les valeurs seuil retenues sont :
• GNRI < 82 : risque majeur ;
• 82 ≤ GNRI ≤ 92 : risque modéré ;
• 92 ≤ GNRI ≤ 98 : risque faible ;
• GNRI > 98 : absence de risque.
Sa valeur pronostique sur le risque de mortalité a été
confirmée. Dans une enquête de prévalence du RESCLAN de Champagne-Ardenne de 2006 (données
fournies par le Pr E. Bertin et en cours de publication),
pour un GNRI < 82, l’OR était pour les escarres de 3,92
et pour les infections nosocomiales de 1,77 dans une
population de 857 personnes âgées de plus de 70 ans.
Autres
La mesure de la composition corporelle est souvent
évoquée dans les études, mais nous n’avons pas
retrouvé de données validant son intérêt, tant comme
facteur pronostique que comme facteur modulateur des
traitements.
Conclusion
Dans les différents modèles d’EGS proposés, la dénutrition est le plus souvent dépistée à partir du seul MNA.
Si son intérêt n’est plus à démontrer, le bilan nutritionnel ne peut se limiter à ce seul paramètre, mais doit
prendre en compte un ensemble de critères cliniques
biologique et échelles d’évaluation. Le bilan des ingesta,
la perte de poids, l’IMC, la circonférence du mollet, l’état
bucco-dentaire, un éventuel trouble de la déglutition,
un bilan biologique comprenant l’albuminémie, la CRP,
le taux d’hémoglobine, peut-être la leptine et l’interleukine-6, doivent figurer dans l’évaluation nutritionnelle,
couplés au MNA et au GNRI. Ces critères semblent,
aujourd’hui, les plus utiles et les plus pertinents dans
la prise en charge du patient âgé cancéreux.
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Ce bilan doit être adapté à l’état général du patient,
aux objectifs, au temps disponible et aux possibilités
de chaque équipe. Il reste également à déterminer la
Bibliographie :
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12 Drescher T, Singler K, Ulrich A, Koller M, Keller U, Christ-Crain M, et al.
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VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
bonne combinaison pronostique en termes d’efficacité
thérapeutique et de survie, ainsi qu’à évaluer l’intérêt
de la mesure de la composition corporelle. n
13 Guigoz Y, Lauque S, Vellas BJ. Identifying the elderly at risk for malnutrition.
The Mini Nutritional Assessment. Clin Geriatr Med 2002 ; 18 : 737-57.
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treated with chemotherapy. Crit Rev Oncol Hematol 2010, doi : 10.1016/j. critrevonc.2010.05.009
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266
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Prise en charge de la dénutrition en
oncogériatrie
Management of undernutrition in oncogeriatrics
L. Evesquea, b, S.M. Schneidera, b
a. Pôle digestif, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, CHU de Nice, France.
b. Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia-Antipolis, France.
Correspondance : Ludovic Evesque, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, Hôpital de l’Archet
2, 151 route de Saint-Antoine, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3, France.
Tél. : +33 (0)4 92 03 61 68, fax : +33 (0)4 92 03 92 31, courriel : [email protected]
Dossier thématique Review
Résumé
Le dépistage systématique de la dénutrition nécessite, par la suite, de pouvoir prodiguer une prise en charge
nutritionnelle adaptée aux besoins de chaque patient. Pour ce faire, une évaluation de la situation en milieu
spécialisé permettra de pouvoir envisager un projet de soins personnalisé pour chaque patient. Dans tous
les cas, un conseil nutritionnel semble indispensable, afin de prévenir ou de traiter une dénutrition sous-jacente.
Ce conseil nutritionnel peut être associé à la prescription de compléments nutritionnels oraux en cas de difficulté pour le patient à maintenir des ingesta satisfaisants, sous réserve de la vérification régulière d’une
bonne observance thérapeutique. Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, une nutrition artificielle par voie entérale ou parentérale doit alors être envisagée. Il est cependant important de bien évaluer le rapport bénéfice/risque
de ce type de prise en charge car, si elle a démontré un bénéfice clair dans certaines indications comme la
situation périopératoire ou en prévention des toxicités induites par les traitements anticancéreux, elle expose
également le patient à des effets secondaires spécifiques. De plus, le bénéfice en termes de qualité de vie
n’est pas clairement établi, probablement en raison de difficulté méthodologique des essais dans cette situation (hétérogénéité des patients étudiés, difficultés d’ordre éthique). Au final, la prise en charge de ces patients
nécessite une coordination de l’ensemble des acteurs impliqués (nutritionnistes, oncologues, gériatres, chirurgiens, diététiciennes) afin de proposer un projet personnalisé au cas par cas.
Mots clés : Gériatrie, Cancer, Dénutrition, Prise en charge.
Abstract
Screening for undernutrition should be followed by nutritional support tailored for each patient. Dietary advice
is always necessary to prevent or treat an underlying malnutrition. This nutritional counselling may be associated
with the prescription of oral nutritional supplements if the patient has difficulty maintaining a satisfactory food
intake, provided that proper compliance is checked on a regular basis. If these measures prove to be insufficient,
artificial nutrition by enteral or parenteral administration should be considered. However, it is important to assess
the risk/benefit ratio of this type of support because, although clear benefits have been demonstrated in specific indications such as the perioperative situation, or in the prevention of drug-related toxicity, it also exposes the
patient to specific side effects. Moreover, benefits in terms of quality of life have not been clearly established, probably due to methodological difficulties (heterogeneity of the populations studied, ethical difficulties). In conclusion, the management of these patients requires the coordination of all professionals involved (nutritionists, oncologists, geriatricians, surgeons, dieticians) to provide an individualized project on a case-by-case basis.
Keywords: Geriatrics, Cancer, Undernutrition, Management.
Introduction
Dans le domaine de l’oncogériatrie, la prise en charge
de la dénutrition devrait permettre d’augmenter la ration
énergétique des patients, et par là-même leurs paramètres nutritionnels, afin d’envisager une diminution de
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
267
la morbidité liée aux traitements ainsi qu’une meilleure
qualité de vie. Toutefois, les modalités de cette prise
en charge doivent être étroitement modulées en fonction du type de patient et du type de pathologie néoplasique sous-jacente.
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Objectifs
Dans ses guidelines, l’European Society for Clinical
Nutrition and Metabolism (ESPEN) suggère que les
besoins énergétiques d’un patient cancéreux sont de
30 à 35 kcal/kg/j pour les patients valides, et de 20 à
25 kg/j pour les patients alités 1,2. Bien qu’il semble
exister en situation cancéreuse une augmentation de
la lipolyse 3, contrastant avec une insulinorésistance
4, aucune étude n’a évalué l’intérêt d’une composition
spécifique pour les patients cancéreux L’apport protéique nécessaire est par ailleurs de 1,2 à 2 g/kg/j, et
ne devrait pas être en deçà de 1 g/kg/j 5. La question
du sujet âgé cancéreux n’est pas spécifiquement établie dans ces recommandations. Toutefois, elles correspondent aux besoins établis pour la population
gériatrique, et peuvent par conséquent pleinement
s’appliquer à ce sous groupe de patients 6.
Stratégies de prise en charge
La figure 1 présente la stratégie globale de traitement
de la dénutrition, qui ne diffère pas chez le malade âgé
et porteur de cancer des autres indications.
sur le conseil nutritionnel seul, sans association à une
prescription de compléments oraux 7. Toutefois, dans
le domaine de la cancérologie, Ravasco et al. ont montré, dans une étude randomisée, que l’administration d’un
conseil nutritionnel adapté à des patients traités par
radiothérapie pour cancer colorectal était suivie d’une
amélioration de la qualité de vie et de la quantité des
ingesta, ainsi qu’une diminution des effets secondaires
à trois mois supérieure par rapport à la prescription de
compléments nutritionnels oraux seuls 8. On peut aisément concevoir l’impact positif que pourrait représenter
l’usage d’un conseil nutritionnel en oncogériatrie, au sein
d’une population de patients pouvant présenter des
carences d’apport liées à une texture des repas inadaptée, ou à des difficultés de préparation de ceux-ci par
exemple. Le bénéfice d’une intervention nutritionnelle seule
sur la qualité et la quantité des ingesta au sein d’une population de 592 patients de plus de 65 ans non cancéreux
n’a cependant pas pu être établi, mais il s’agissait de
patients suivis en milieu hospitalier sur une courte période.
L’étude multicentrique française INOGAD actuellement
en cours évalue l’intérêt du conseil nutritionnel dans le
domaine spécifique de l’oncogériatrie.
Conseils diététiques
Le conseil nutritionnel représente l’ensemble des interventions éducatives visant à entraîner une augmentation
de la quantité et de la qualité des ingesta pour un patient.
Il est en pratique délivré par une diététicienne. Une revue
systématique a évalué l’impact du conseil nutritionnel sur
les paramètres nutritionnels des patients adultes dénutris, toutes pathologies confondues. Les auteurs soulignent le faible niveau de preuve d’une stratégie basée
Compléments nutritionnels oraux
Les compléments nutritionnels oraux (CNO) peuvent
être prescrits en cas de baisse des ingesta, afin de maintenir l’équilibre nutritionnel des patients. Leur prescription est fréquente, et devrait être réalisée au plus tôt.
Toutefois, la prescription de CNO ne peut se concevoir
que dans le cadre d’un suivi nutritionnel associé. Une
étude réalisée en milieu gériatrique a montré la discordance parfois majeure entre
la quantité de compléments
Figure1 : Arbre décisionnel du soin nutritionnel (www.sfnep.org)
prescrite et celle effectivement
prise par le patient 9. Sur
29 patients institutionnalisés
auxquels étaient prescrits des
CNO, seuls neuf d’entre eux
recevaient effectivement le
traitement prescrit, et deux
d’entre eux prenaient effectivement la totalité du traitement. Au total, la quantité
effectivement prise par le
patient était d’environ 55 % de
la quantité prescrite. En cancérologie, Ovesen et al. ont
comparé pendant cinq mois,
avant et en cours de chimiothérapie, un groupe de
patients recevant des CNO
et des conseils diététiques
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
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réguliers, à un groupe témoin sans CNO ni conseil diététique systématique 10. Les ingesta énergétiques totaux
augmentaient progressivement et significativement dans
le groupe avec conseil diététique, alors qu’ils diminuaient
dans le groupe témoin. Le poids diminuait durant les trois
premiers mois dans les deux groupes (-1,5 kg en 3 mois)
puis augmentait uniquement dans le groupe CNO (+1,5 kg
en 2 mois). En pratique, malheureusement, les CNO
sont, faute de temps, fréquemment prescrits sans prendre en compte la dimension éducative nécessaire, ce
qui explique sans doute les données discordantes concernant l’efficacité des CNO sur la prise pondérale en pathologie cancéreuse. Ainsi l’analyse des données publiées
dans le domaine faite par Raynard en 2005 montrait que
seuls cinq essais randomisés sur huit publiés, représentant 349 patients au total, mettaient effectivement en évidence un bénéfice à l’adjonction de CNO en termes de
gain pondéral dans une population de patients cancéreux 11. Ces essais souffraient néanmoins d’une qualité méthodologique médiocre : absence de prise en
compte de l’observance, durée d’étude variable, absence
de conseils nutritionnels.
Nutrition entérale
La nutrition entérale (NE) doit être classiquement proposée en cas de troubles de déglutition ou de dysphagie haute entravant une prise alimentaire correcte, avec
intégrité du tube digestif. Elle peut être réalisée par le
biais d’une sonde nasogastrique ou par l’intermédiaire
d’une sonde de gastrostomie en cas de nécessité de
nutrition entérale prolongée (supérieure à trois semaines).
Les contre-indications classiques en sont la présence
de vomissements mal contrôlés, de troubles cognitifs
gênant le bon déroulement de la nutrition, ou de troubles de la vigilance. Il s’agit là d’une méthode relativement contraignante. En oncogériatrie, ce mode de nutrition ne peut s’envisager qu’après avoir clairement évalué
la motivation du patient et de son entourage, ainsi que
sa compliance attendue. Une évaluation gériatrique
préalable semble par conséquent indispensable. L’ESPEN a édité en 2006 des guidelines concernant l’utilisation de la NE en gériatrie 12. L’effet positif de la NE
sur la qualité de vie des patients en gériatrie n’est pas
clairement établi. Le faible nombre d’essais publiés, de
même que les effets secondaires de la NE que peuvent
représenter les nausées, les diarrhées, et qui sont fréquemment majorées en situation cancérologique, expliquent sans doute également cette absence de bénéfice démontré. En termes de durée de vie des patients,
le bénéfice n’est, là aussi, pas clairement démontré. Une
revue systématique des essais publiés évaluant la NE
par gastrostomie des patients gériatriques menée par
Mitchell et al. en 2000 n’a pas mis en évidence de gain
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
269
de survie par rapport aux patients contrôles 13. Un âge
avancé ainsi que la présence concomitante d’un cancer évolutif représentaient les facteurs les plus péjoratifs en termes de mortalité. Toutefois la faible qualité
méthodologique des cinq essais pris en compte ne
permettait pas aux auteurs de conclure de façon définitive. Enfin, l’ESPEN recommande de ne pas entamer
de nutrition entérale pour les patients fragiles à haut risque
de mortalité. La NE a clairement démontré son intérêt
dans certains sous-groupes de patients. Une étude
randomisée a analysé l’impact d’une nutrition périopératoire entérale ou parentérale à l’appréciation de l’investigateur chez des patients (N = 468) devant être
opérés de cancers digestifs (estomac ou côlon) et présentant une dénutrition initiale. Les patients ayant bénéficié du support nutritionnel artificiel présentaient moins
de complications post opératoires (18,3 % vs 33,5 % ;
p = 0,012) (6,0 vs 2,1 % ; p = 0,003) 14.
Nutrition parentérale
La nutrition parentérale (NP) ne doit se concevoir
qu’en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance de la NE. Elle présente en effet un risque de complications plus élevé que la NE. Globalement, le taux
d’infection sur cathéter veineux central varie selon les
études de 6 % à 38 %, selon les conditions de réalisations de la nutrition parentérale 15. En revanche, il
n’a pas été spécifiquement étudié dans la population
gériatrique. La problématique demeure donc la même
que pour la NE. Il s’agit, là aussi, d’un moyen de support nutritionnel invasif dont le rapport bénéfice/risque
et les modalités doivent être clairement établis et expliqués au patient et à son entourage avant de l’initier. Il
n’existe pas non plus de données rapportées dans la
littérature concernant la qualité de vie des patients
gériatriques sous NP. La NP a cependant montré un
bénéfice en situation péri-opératoire, comme indiqué
dans le paragraphe précédent 14. Au final, la place de
la NP dans l’arsenal thérapeutique des patients en
oncogériatrie apparaît donc modeste, bien qu’elle ne
doive pas être exclue. En pratique, l’absence de support nutritionnel chez un malade aphagique, quel que
soit le stade d’évolution de sa maladie, est difficile à
accepter par les patients et leur entourage, et cette
modalité de support est, par conséquent malgré, tout
fréquemment utilisée.
Immunonutrition
Divers nutriments tels que l’arginine, la glutamine ou
les acides gras oméga-3 ont montré, utilisés seuls ou
en association, qu’ils étaient capables de moduler les
paramètres nutritionnels, immunologiques, et inflammatoires des patients. Dans une méta-analyse de 2 419
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
patients hospitalisés en soins intensifs ou en post opératoire (après chirurgie carcinologique digestive pour la
plupart), Heyland et al. ont mis en évidence une diminution des complications infectieuses (RR = 0,66 ;
IC 95 % = 0,54-0,80) et une diminution de la durée
d’hospitalisation (-3,33 jours ; IC 95 % = -5,63 à
-1,02 jours). Ces effets positifs étaient plus particulièrement observés pour le sous-groupe de malades chirurgicaux et pour les solutions nutritives ayant un apport
élevé en arginine 16. De même, Gianotti et al. ont
démontré dans une étude prospective ayant inclus 305
malades devant être opérés d’un cancer digestif, en
bon état nutritionnel (IMC moyen à 24), qu’une immunonutrition préopératoire (arginine, oméga 3) pendant
5 jours sans support nutritionnel post-opératoire, entraînait significativement moins de complications infectieuses (14 malades vs 31 malades, p < 0,02) et une
durée significativement plus courte d’hospitalisation
(12,2 ± 4,1 jours vs 14,0 ± 7,7 jours, p < 0,03) 17. En
revanche, le bénéfice de l’immunonutrition en situation
de dénutrition n’est pas établi 18. L’immunonutrition pourrait également jouer un rôle bénéfique sur la toxicité des
traitements. Ainsi, il a été montré, dans un essai de phase
III ayant porté sur 86 patients, que l’adjonction par voie
orale de glutamine (15 g/j) diminuait de façon significative (11,9 versus 31,8 % ; p = 0,04) l’incidence des
neuropathies sévères au cours du traitement par oxaliplatine (schéma Folfox 4) pour carcinome colorectal,
sans altérer la réponse à la chimiothérapie 19. En termes
de mortalité, il a enfin été montré qu’une supplémentation orale en n-3 chez des patients (N = 60) porteurs
de cancers à un stade avancé conduisait à une amélioration de la survie à un an, de 30 % dans le groupe
témoin à 60 % dans le groupe expérimental 20. Ces
données concernant l’amélioration de la survie et de
la toxicité demeurent toutefois trop isolées pour recommander l’usage d’une immunonutrition en dehors d’essais cliniques. A l’heure actuelle, la seule indication
validée d’une immunonutrition en cancérologie demeure
donc, en situation périopératoire, une chirurgie carcinologique majeure chez des patients initialement non
sévèrement dénutris. De plus, il n’existe pas de données spécifiques dans le domaine de l’oncogériatrie.
Conclusion
La prise en charge nutritionnelle en oncogériatrie est
une problématique extrêmement fréquente. Cependant,
bien qu’un grand nombre de données abordent la
question de la nutrition en gériatrie ou en cancérologie, il n’existe en revanche que très peu d’essais ayant
évalué de front la double problématique oncogériatrique. De plus, en dehors de certaines situations bien
précises comme la période périopératoire, l’interpréVOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
tation des données de la littérature dans le domaine
est rendue difficile par la grande hétérogénéité des
patients analysés, de leur type néoplasique, de leur durée
de suivi inégale, et par les problèmes d’ordre éthique
suscités par la question de la nutrition en fin de vie. Il
apparaît, par conséquent, fondamental de réaliser une
évaluation précise de la situation globale de chaque
patient, qui doit passer par une expertise gériatrique
et oncologique au cas par cas. n
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270
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
La sarcopénie : un nouveau concept
en oncologie
Sarcopenia: a new concept in oncology
G. Zeanandina, b, S.M. Schneidera, b, X. Hébuternea, b
a. Pôle digestif, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, CHU de Nice, France.
b. Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia-Antipolis, France.
Correspondance : Gilbert Zeanandin, Service de Gastro-entérologie et Nutrition Clinique, Hôpital de
l’Archet 2, 151 route de Saint-Antoine, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3, France.
Tél. : +33 (0)4 92 03 61 68, fax : +33 (0)4 92 03 59 23, courriel : [email protected]
Dossier thématique Review
Résumé
Le cancer du sujet âgé revêt une forme particulière car les conséquences de la cachexie cancéreuse se greffent sur celles liées au déclin physiologique de la masse et de la fonction musculaires, la sarcopénie. Les
deux processus se potentialisent, et les effets délétères se traduisent par une augmentation du risque de morbidité et de mortalité. Les récentes études ont fait émerger que la toxicité de nombreuses chimiothérapies
était directement corrélée à la masse musculaire totale résiduelle. Celle-ci peut être estimée par coupe tomodensitométrique passant au niveau de la troisième vertèbre lombaire. Le calcul des doses des molécules anticancéreuses selon la surface corporelle semble dépassé. Dans un proche avenir, il faudra certainement intégrer la composition corporelle dans la détermination des posologies des chimiothérapies cytotoxiques, et
prendre plus activement en charge la sarcopénie en parallèle de la cachexie cancéreuse. L’exercice physique
contre résistance régulière et la prise en charge d’une dénutrition protéino-énergétique sont les stratégies qui
ont fait leurs meilleures preuves, mais elles demandent à faire l’objet d’études dans ce domaine.
Mots clés : Sarcopénie, cancer, toxicité, chimiothérapie, masse musculaire.
Abstract
Undernutrition in the elderly cancer patient is remarkable as it combines the consequences of cancer
cachexia with those of age-related sarcopenia, namely muscle mass and function loss. Both phenomena increase
morbidity and mortality. Recent studies show that the toxicity of chemotherapy is strongly linked to residual
and total muscle mass. Muscle mass can be estimated by computed tomography with a lumbar vertebral
landmark (L3). Dose-limiting toxicity according to body surface area seems to be unsuitable in predicting this
toxicity. In the near future, the body composition will probably be included to determine the dose-limiting toxicity and the active management of sarcopenia will be necessary at the same time as cancer cachexia.
Resistance training and adequate protein supplementation are currently the most effective and safe interventions available to attenuate or recover some of the loss of muscle mass and strength that accompany ageing,
although their effect in this situation needs to be assessed.
Keywords: Sarcopenia, cancer, toxicity, chemotherapy, muscle mass.
Introduction
La prévalence du cancer est croissante dans le monde
et reste en très grande partie liée au vieillissement de la
population mondiale. L’oncogériatrie occupe désormais
une place privilégiée dans le paysage de l’oncologie
médico-chirurgicale. Ces dernières années, la recherche
clinique en cancérologie a été animée par un souci permanent de développer une vision intégrée de l’approche
du patient cancéreux, mais aussi de repérer le plus précocement, dans la démarche diagnostique, les facteurs
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
271
cliniques et biologiques de mauvais pronostic. De nombreuses études ont clairement montré que la dénutrition
protéino-énergétique était très fréquente au décours de
l’évolution de tout cancer, et qu’elle associait la carence
d’apports à une forme particulière appelée cachexie
cancéreuse. Cette entité complexe constitue pour le
patient un facteur de mauvais pronostic, et reste indépendant des caractéristiques de la tumeur initiale. Les
études mécanistiques rapportent cette conséquence à
une déplétion quantitative et qualitative de la masse
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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musculaire correspondant à la sarcopénie. La sarcopénie induite par la néoplasie peut alors se greffer à la sarcopénie liée à l’âge et avoir un effet global négatif sur le
devenir du patient. Le diagnostic de la sarcopénie est
donc une étape primordiale de la prise en charge en oncogériatrie. Les stratégies visant à limiter la sarcopénie
revêtent un intérêt particulier en complément des thérapeutiques conventionnelles pour améliorer le pronostic
global. Après un rappel sur la définition récente retenue
par les experts pour la sarcopénie, nous aborderons successivement sa physiopathologie, ses points divergents
et communs avec la cachexie cancéreuse, les causes
de la déplétion du capital musculaire au décours du
cancer, l’impact spécifique de la sarcopénie en oncologie, avant de conclure sur les stratégies interventionnelles
thérapeutiques ou préventives dans ce domaine.
Sarcopénie, une entité relativement
récente en médecine mais lourde de
conséquences
Le vieillissement est marqué par une profonde modification de la composition corporelle avec un accroissement de la masse grasse au détriment de la masse
maigre (masse des organes dont masse musculaire,
masse osseuse). Cette modification commence en
moyenne dès l’âge de 40 ans, ne s’accompagne pas
nécessairement d’une perte de poids, et intéresse
essentiellement la masse maigre et plus particulièrement la masse musculaire. En 1989, Irwin Rosenberg
pose les fondements de la sarcopénie en définissant
ainsi la diminution de la masse musculaire squelettique
liée à l’âge 1. La prévalence de la sarcopénie est variable dans les études, du fait de critères diagnostiques
et techniques d’évaluation différents. Classiquement,
le diagnostic de sarcopénie répond au critère d’une
masse musculaire inférieure à la moyenne moins deux
écarts types des valeurs de ceux d’individus âgés de
40 ans. Dans une cohorte américaine de 4 449 sujets
de plus de 60 ans, Janssen et al. ont relevé une sarcopénie modérée chez 35 % des personnes âgées et
sévère chez 10 % d’entre eux 2. En France, Vellas et
son équipe ont décrit, sur une cohorte de femmes de
plus de 75 ans, une prévalence de la sarcopénie de
9,4 % 3. Le concept de sarcopénie a longtemps souffert d’une définition uniquement quantitative avec pour
support la seule diminution de la masse musculaire. En
2008, Clark l’a complétée en intégrant les notions de
perte de la force musculaire aboutissant à une perte
de la fonction musculaire, la dynapénie 4. Un groupe
d’experts européens a récemment proposé une définition consensuelle de la sarcopénie. La diminution de
la masse musculaire n’est plus le primum movens (présarcopénie), mais accompagne soit une diminution de
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la force soit une diminution de la performance 5. La sarcopénie est dite sévère dès lors où ces trois paramètres sont réunis. Le déclin de la force et des performances
fonctionnelles musculaires sont les facteurs les plus péjoratifs car ils sont directement responsables de l’aggravation de la morbidité du patient. L’intérêt suscité par
la sarcopénie est issu du lien étroit entre perte de la
masse musculaire et diminution de la force musculaire
d’une part, entre perte de la masse musculaire et diminution des performances fonctionnelles d’autre part.
Rapportée naguère comme une entité exclusive au
sujet âgé, la sarcopénie peut s’observer dans de nombreuses situations cliniques où existe une perte de
masse musculaire, dont la cachexie. Il en est ainsi des
pathologies cancéreuses qui peuvent induire, à un certain moment de leur évolution, une perte préférentielle
de masse musculaire et s’additionner aux conséquences délétères du processus physiologique de la
sarcopénie liée à l’âge 6.
Etiopathogénie de la sarcopénie, de
la dénutrition protéino-énergétique
et de la cachexie : points
de convergence et de divergence
Sarcopénie, dénutrition protéino-énergétique et
cachexie sont des états dynamiques et ont pour socle
commun la perte de la masse musculaire 7. Les processus de sarcopénie et de dénutrition protéino-énergétique peuvent survenir en condition physiologique en
dehors de toute agression métabolique. Toutefois, la perte
de masse musculaire découle le plus souvent d’une
condition pathologique : maladie chronique évolutive,
dénutrition protéino-énergétique suite à une agression
aigüe ou chronique, cachexie dans la cadre du cancer
ou d’une insuffisance d’organe. La sarcopénie résulte
de la conjoncture de plusieurs mécanismes aussi différents que l’inactivité, la dégénérescence des motoneurones innervant les fibres musculaires, l’inflammation
secondaire au vieillissement, la diminution des hormones anabolisantes circulantes, la prédisposition génétique, et surtout une protéosynthèse musculaire insuffisante en regard de la protéolyse physiologique 8. La
diminution de la protéosynthèse musculaire sans franche
altération de la protéolyse est d’ailleurs la caractéristique
la plus importante de la sarcopénie et la distingue de la
cachexie où il existe un hypercatabolisme avec protéolyse accrue associée à une protéosynthèse en déclin
et à une lipolyse accrue 7,9. Un statut plasmatique en
cytokines pro-inflammatoires exacerbé, la déplétion en
hormones anabolisantes, l’inadéquation des ingesta
aux besoins, une insulinorésistance périphérique d’origine inflammatoire sont des mécanismes décrits autant
dans la sarcopénie que dans la cachexie. La physiopa272
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thologie très proche de ces deux entités explique aussi
leurs conséquences communes sur la diminution de la
force et des performances musculaires ainsi que leur
caractère péjoratif sur la morbidité comme la mortalité
de l’individu.
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Mécanismes spécifiques
de la perte de la masse musculaire
dans le cancer
L’évolution de tout cancer est marquée, à des degrés
différents, par une perte de masse musculaire. Chez la
personne âgée, ce tableau revêt une importance particulière car cette perte pathologique vient se greffer à
la perte physiologique du capital musculaire, et les effets
délétères de l’un et de l’autre se potentialisent. Les
deux principales causes de déclin musculaire du sujet
âgé cancéreux sont, d’une part la perte de l’appétit avec
diminution des ingesta protéiques et énergétiques, d’autre part les dommages liés à l’inflammation secondaire
à la fois au vieillissement et à la tumeur. L’anorexie du
sujet âgé atteint d’un cancer est multifactorielle. La
tumeur elle-même, via l’activation de la sécrétion de peptides anorexigènes (mélanocortine hypothalamique) et
la synthèse accrue de cytokines pro-inflammatoires
(tumor necrosing factor de type α), réprime les circuits
centraux de promotion de l’appétit 10. Les molécules
anticancéreuses sont sources de nombreux effets secondaires digestifs tels nausées, mucite, diarrhée. Le vieillissement s’accompagne physiologiquement d’une perte
de l’appétit 11. D’autres facteurs comme la dépression
ou une plus grande dépendance pour s’alimenter y
participent aussi. Durant le cancer, l’inflammation est le
plus souvent à un stade infraclinique et elle est sous tendue par une élévation des cytokines pro-inflammatoires
12. Elle induit des dommages métaboliques majeurs qui
vont s’accentuer dans le temps : exacerbation de la
protéolyse au détriment de la protéosynthèse musculaire, insulinorésistance musculaire avec une perte du
signal anabolique des nutriments, lipolyse. La baisse de
la synthèse des hormones anabolisantes au profit de
protéines inflammatoires, la diminution de l’activité physique, la prévalence croissante des maladies chroniques
sont d’autres facteurs qui contribuent à la déplétion
musculaire du patient cancéreux âgé.
Impact de la sarcopénie
sur le pronostic du patient
et ses conséquences spécifiques
en oncologie
La principale répercussion de la sarcopénie est liée à
ses conséquences sur les performances fonctionnelles
musculaires aboutissant à ce qui a été défini par Linda
Fried comme le syndrome de fragilité incluant faiblesse
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273
musculaire, lenteur à la marche, inactivité physique,
appréciation subjective de fatigue et une perte de poids
récente 13. Le syndrome de fragilité est corrélé à un
très mauvais pronostic morbide du patient en majorant
le risque de chutes, de fractures, de dépendance, et
en précipitant l’entrée dans une institution ou en induisant des hospitalisations récurrentes. Il aggrave aussi
la probabilité de mortalité. Les conséquences du syndrome de fragilité sont liées à une diminution des
réserves physiologiques exposant le patient aux nombreux événements péjoratifs lorsqu’il est confronté à
un stress quelconque. Toute agression aigüe ou chronique induit un hypercatabolisme qui devient délétère
en cas de réserves protéiques entamées. D’ailleurs, cette
dernière situation correspond à celle observée lors
d’une néoplasie évolutive et plus particulièrement chez
le sujet âgé. Chez le patient cancéreux, la déplétion quantitative et qualitative de la masse musculaire a fait l’objet d’études récentes et il a été mis en évidence que
ce facteur était associé à une diminution des performances physiques, à une toxicité plus élevée induite
par la chimiothérapie, et enfin à une baisse de la survie sans progression. Dans une étude prospective
menée chez 55 patientes traitées par capécitabine
pour cancer du sein métastasé, Prado et al. ont évalué l’influence de la masse musculaire sur la toxicité liée
à la chimiothérapie après un cycle de traitement, ainsi
que la survie sans récidive 14. La surface musculaire
a été estimée par coupes tomodensitométriques passant par la troisième vertèbre lombaire (figure 1). Le diagnostic de sarcopénie a été ainsi retenu chez un quart
des patientes comparativement à des valeurs seuils précédemment validées. Cette prévalence était identique
autant chez les patientes à indice de masse corporelle
bas qu’élevé (surpoids ou obésité). Une toxicité induite
par la chimiothérapie a été observée chez la moitié des
sarcopéniques contre seulement un quart chez les non
sarcopéniques avec une différence statistique significative (p = 0,03). Par ailleurs, le délai sans récidive était
significativement plus court chez les sarcopéniques
comparativement aux non sarcopéniques (101,4 jours
contre 173,3 jours, IC95 % = [59,3-142,9] vs [126,1220,5], p < 0,05). Cette même équipe avait constaté
des résultats similaires sur une étude précédente
conduite chez 62 patients porteurs d’un cancer colorectal réséqué avec nécessité d’une chimiothérapie
adjuvante (5 FluoroUracile = 5 FU) 15. La toxicité avait
été évaluée après le premier cycle de traitement et elle
était significativement liée à la masse musculaire résiduelle. D’ailleurs, quand la dose totale de 5 FU administrée (425/m²) était rapportée à la masse maigre, les
posologies variaient du simple au double (12 à 23 mg/kg
de masse maigre) sans différence entre les sexes, et il
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Figure 1 : Coupe acquise par tomodensitométrie
passant par la troisième vertèbre lombaire
L’utilisation d’un logiciel (Slice-O-Matic software V4.3 ;
Tomovision, Montreal, Quebec, Canada) va permettre, en fonction des unités Hounsfield, de mesurer la surface occupée par
la masse musculaire (en rouge), celle occupée par le tissu adipeux viscéral (en jaune) et celle occupée par le tissu adipeux
sous-cutané (en bleu). Ces surfaces sont linéairement corrélées à la masse musculaire ainsi qu’au tissu adipeux de l’ensemble de l’organisme. D’après 17
était noté une toxicité plus élevée au dessus d’un seuil
de 20 mg de 5 FU/kg de masse maigre. Outre l’effet
seuil, il ressortait un effet sexe avec une toxicité significativement plus fréquente chez les femmes. Cette
différence semblait être expliquée par une proportion
plus importante d’individus de sexe féminin au dessus
du seuil toxique de 20 mg de 5 FU/kg de masse maigre comparativement au sexe masculin. Il avait préalablement été décrit que les obèses sarcopéniques
étaient ceux qui avaient le plus mauvais pronostic au
sein d’une cohorte de patients atteints de cancers
solides du tractus digestif ou respiratoire 16. Ce sousgroupe de patients présentait une altération significative des performances physiques (p = 0,009) et un
taux de survie quatre fois moindre par rapport aux
sujets sans obésité sarcopénique (hazard ratio = 4,2 ;
IC95 % = 2,4 – 7,2, p < 0,0001). Très récemment, Antoun
et al. ont mené chez des patients traités pour cancer
du rein une étude sur le même design que celle de
Prado 17. Ils ont montré que le sous-groupe de patients
avec un indice de masse corporelle normal ou bas et
une masse musculaire diminuée avait un risque plus
élevé de toxicité chimio-induite, et nécessitait des ajustements de dose comparativement aux individus avec
une masse musculaire conservée (7/15 vs 5/40,
p = 0,035). Il est connu depuis longtemps que la tolérance à la chimiothérapie est fortement conditionnée
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par l’existence d’une dénutrition 18. Toutefois, la relation entre masse maigre et toxicité est une notion très
récente dans le domaine de l’oncologie et avait été très
peu décrite. Aslani et al. se sont intéressés chez
31 patients à la toxicité hématologique du cyclophosphamide, du méthotrexate et du 5 FU, dont les doses
avaient été calculées selon la surface corporelle totale 19.
Ils avaient relevé, en analyse multivariée, un risque relatif de neutropénie 28 fois plus important en cas de
masse maigre inférieure à 89 % de celle considérée pour
l’âge et le sexe. Même si toutes ces études concordent pour montrer que la masse musculaire est un
indice pronostique majeur, l’appréciation de la fonction
musculaire reste certainement l’élément essentiel. Gale
et al. ont répertorié 800 patients autonomes, de plus
de 65 ans, qu’ils ont suivi sur une durée de 27 ans 20.
Au début de l’étude, chaque patient avait bénéficié
d’une évaluation de la performance musculaire par test
contre-résistance (hand grip test). Le taux de mortalité, toutes causes confondues, était significativement
plus élevé chez les personnes présentant une altération de la performance fonctionnelle musculaire. La
même observation était faite pour le taux de mortalité
par cancer, mais seuls les hommes maintenaient cette
tendance en analyse multivariée, et il ne semblait pas
exister de lien significatif entre circonférence musculaire brachiale inférieure abaissée et taux de mortalité.
Stratégies préventives
et thérapeutiques de la sarcopénie
dans le cadre du cancer
Au vu de ce qui vient d’être évoqué, la prévention de
la sarcopénie dans le cancer a pour but de prévenir la
sarcopénie primaire liée à l’âge, et la sarcopénie secondaire induite par la tumeur et des traitements associés.
La dernière ne peut se concevoir qu’au prix d’une mise
en rémission prolongée ou définitive de la maladie. De
ce fait, les moyens d’intervention se limitent à la seule
sarcopénie primaire. La sarcopénie est inévitable lors
du vieillissement et conduit inexorablement à une diminution de la masse et de la force musculaire. A défaut
d’une prévention efficace, la limitation du déclin musculaire et le retardement de l’entrée dans une sarcopénie symptomatique sont les deux pistes préventives
possibles. Les différentes stratégies interventionnelles
ont pour objectif de remédier aux différents mécanismes de dysrégulation dans la sarcopénie, préalablement évoqués. A ce jour, la pratique régulière d’une activité physique contre résistance est la stratégie la plus
efficace, avec une rapide amélioration des performances physiques, en l’absence même de gain significatif de masse musculaire 21. L’Association américaine
de cardiologie conseille une pratique régulière, au moins
274
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Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
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deux fois par semaine, d’un exercice physique de résistance sollicitant au moins 2/3 des muscles appendiculaires et axiaux. Ce type d’exercice stimule la protéosynthèse musculaire, augmente le recrutement des
unités motrices, diminue l’insulinorésistance périphérique, exerce un effet anti-inflammatoire s’opposant
aux effets délétères des cytokines pro-inflammatoires,
diminue la fatigue et stimule l’appétit.
La prise en charge parallèle d’une dénutrition protéinoénergétique est indispensable pour corriger les carences
en protéines et substrats énergétiques mais également
tous les déficits en micronutriments anti-oxydants 22.
Dans ce cadre, la supplémentation en acides aminés
a éveillé un grand intérêt et particulièrement la supplémentation en leucine. Cet acide aminé essentiel ramifié, en dehors d’être le plus abondant dans les muscles, se comporte comme un véritable nutriment signal.
Il active la protéosynthèse musculaire in vitro mais aussi
in vivo, chez l’animal comme chez l’homme, via des
voies de signalisation cellulaire indépendantes de l’insuline et impliquant un complexe protéique – le complexe mTOR (mammalian target of rapamycin) – dont
le rôle majeur dans la régulation de la synthèse protéique et la différenciation de la cellule est actuellement
clairement établi. Le vieillissement est caractérisé par
une perte de réponse de cette voie aux nutriments
avec une protéosynthèse musculaire suboptimale même
si les apports protéiques sont suffisants. Toutefois, la
leucine est le seul acide aminé à restaurer l’activation
de cette voie quand elle est administrée en bolus lors
des repas.
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
275
La correction ou la supplémentation en différentes hormones anabolisantes déficitaires n’ont pas fait leur
preuve et les résultats restent décevants.
D’autres pistes sont en cours d’élaboration et de validation (vitamine D, myostatine) et constitueront certainement des perspectives prometteuses dans un avenir proche.
Conclusions
Le dépistage et le diagnostic de la déplétion musculaire sont indispensables en début de toute prise en
charge en oncologie et plus particulièrement en oncogériatrie, au vu du pronostic extrêmement péjoratif de
la sarcopénie en termes de morbidité et de mortalité.
Les quelques études qui se sont intéressées au sujet
montrent que la toxicité de certaines chimiothérapies
est directement corrélée à la masse musculaire, et que
le calcul des doses limitantes selon la surface corporelle totale n’est pas le plus pertinent. Plus que la simple réduction de la masse musculaire, il semblerait que
le facteur pronostique le plus important soit la performance fonctionnelle musculaire. Toutes ces données
sont en faveur, dans un proche avenir, de l’intégration
de la composition corporelle dans la détermination des
posologies des chimiothérapies cytotoxiques. Les pistes
thérapeutiques dans le domaine de la sarcopénie restent très limitées à ce jour, et la meilleure prévention
gravite autour de la pratique régulière d’un exercice physique d’endurance et de la prise en charge d’une dénutrition protéino-énergétique. Ceci reste, bien sûr, à être
démontré. n
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276
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
Dossier thématique Review
Nutrition en oncogériatrie • Nutrition in oncogeriatrics
Kaposi’s sarcoma and the elderly subject
A.-L. Couderca, D. Giaccherob, I. Beredera, R. Boulahssassa, O. Guérina
a. Pôle de Gérontologie, CHU Nice, Hôpital de Cimiez, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice, France.
b. Service de Dermatologie, CHU Nice, Hôpital de l’Archet 2, 151 route de St Antoine de Ginestière, 06200 Nice, France.
Résumé
L’histoire clinique d’un patient âgé de 89 ans ayant peu de comorbidités et sans perte d’autonomie, atteint d’un
Sarcome de Kaposi (SK) de forme classique ou méditerranéen nous rappelle qu’il s’agit d’une pathologie assez fréquente du sujet âgé dans les régions méditerranéennes. Ce patient a été traité par plusieurs types de chimiothérapies et de la radiothérapie suite à de nombreuses rechutes de la pathologie, et a finalement présenté peu d’effets
secondaires après les différentes chimiothérapies. La robustesse de certains patients âgés, voire très âgés, montre
bien que l’âge n’est pas un critère de fragilité en oncogériatrie.
Mots clés : Maladie de Kaposi, grand âge, polychimiothérapie.
Abstract
The clinical history of an 89-year old, autonomous patient with few co-morbidities, suffering from classic (Mediterranean)
Karposi’s sarcoma reminds us that this is a fairly common disease in the elderly subject in the Mediterranean regions.
This patient was treated with several types of chemotherapy and radiotherapy following a great many recurrences
of the disease. He presented few adverse effects after the different chemotherapies. The hardiness of certain elderly
or even very old patients proves that age is not a criterion of fragility in oncogeriatrics.
Keywords: Kaposi’s sarcoma, elderly patient, polychemotherapy.
Cas Clinique
réduite de 25 %) est réalisée fin 2008, en l’absence de
contre-indications devant l’apparition de nouvelles lésions
de Kaposi aux membres inférieurs, et a permis une nette
amélioration clinique dans les suites. Etant donné la réapparition de nodules violacés de Kaposi sur les membres
inférieurs droit et gauche en 2010, il est décidé en Réunion
de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) de reprendre un
traitement par Doxorubicine Liposomale Pégylée après un
avis oncogériatrique et un bilan préthérapeutique.
Le patient avait comme antécédents des troubles visuels,
suite à un traumatisme de l’œil gauche dans l’enfance,
un diabète de type 2, une hypertrophie bénigne de la prostate et un tabagisme ancien à 15 Paquets Années (PA).
Son traitement comportait Glimépiride 2 mg/j, Alfuzosine
LP 10 mg/j, Naftidrofuryl 200 mg 2/j et Ranélate de strontium 1/j. Au niveau social, il vivait seul et n’avait pas d’enfant ; mais une aide-ménagère intervenait 6 heures par
semaine à son domicile. Il ne présentait pas de perte d’autonomie : les activités de la vie quotidienne (ADL) et les
activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL)
n’étaient pas altérées. Il présentait par ailleurs des troubles de la marche secondairement à l’amputation de
Mr T. âgé de 89 ans, d’origine corse, est adressé en
consultation d’oncogériatrie, avant décision d’un traitement
anti-cancéreux de type chimiothérapie, pour un sarcome
de Kaposi méditerranéen ou classique localisé aux membres inférieurs. Le patient est suivi dans le service de dermatologie pour un sarcome de Kaposi évoluant depuis 1997
sans association au virus de l’immunodéficience humaine
(VIH). Il a déjà eu plusieurs traitements pour cette pathologie dont 10 cures de Vinblastine en 2003 qui se sont
compliquées d’une neuropathie périphérique, et 13 séances
de radiothérapie sur les lésions cutanées de l’avant-pied
droit compliquées de radiodermite. Devant la récidive des
nodules de Kaposi en 2006, un nouveau traitement est
instauré par 24 cures de Bléomycine (dose cumulée à
300 mg). En 2007, le patient a présenté une ostéite de
l’avant-pied droit compliquant la radiodermite tout d’abord
traitée par antibiothérapie puis, devant l’insuffisance de
réponse au traitement médical et aux soins locaux, il est
décidé de réaliser une amputation transmétatarsienne de
l’avant-pied droit en 2008. Une nouvelle chimiothérapie
de 6 cures de Doxorubicine Liposomale Pégylée (dose
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
277
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Cas clinique Clinical case study
Sarcome de Kaposi et sujet âgé :
à propos d’un cas
Cas clinique Clinical case study
Sarcome de Kaposi et sujet âgé : à propos d’un cas • Kaposi’s sarcoma and the elderly subject
Discussion
l’avant-pied droit, et le Get up and Go test était donc pathologique. Le patient ne présentait pas de perte d’appétit,
pas de perte de poids et le Mini Nutritional Assessment
(MNA) ne montrait pas de risque de dénutrition. Il existait tout de même au bilan biologique une carence en vitamine B9 à 5,1 ng/ml qui nécessitait une supplémentation mais pas d’autres carences vitaminiques associées.
Un bref bilan cognitif montrait un Mini Mental State
Examination (MMSE) à 29/30 et un test de l’Horloge à
7/7. Le patient ne présentait par ailleurs aucun trouble
neurologique à l’examen clinique. Aucun trouble de type
dépressif n’existait également chez ce patient, que ce soit
lors de l’entretien ou lors de la réalisation du Geriatric
Depression Scale (GDS). A l’examen dermatologique, on
retrouvait au niveau des membres inférieurs, des nodules
violacés prédominant sur la face interne de la jambe
droite et du creux poplité droit, ainsi que des nodules de
la jambe gauche (cf. photos 1 et 2). Le moignon d’amputation et la face dorsale du pied droit présentaient une
lésion nodulaire ulcérée.
La Maladie de Kaposi (MK) est associée à l’infection par
l’herpès virus 8 (HHV-8) sous quatre formes épidémiologiques 1 : classique, endémique, post-transplant et épidémique (ou associée au VIH).
La forme classique ou méditerranéenne, qui est la forme
ayant atteint notre patient, est présente de façon sporadique chez des patients du pourtour méditerranéen (surtout en Italie, en Grèce) 2 et d’Europe de l’Est 3. Une origine ethnique est probablement en cause dans cette
pathologie 4. Cette maladie atteint principalement les
hommes âgés (5 à 15 hommes pour une femme au-delà
de 60 ans). La MK, sous sa forme classique, survient surtout sous forme cutanée et atteint principalement les
membres inférieurs, comme cela est le cas dans notre
observation. La deuxième forme est la forme endémique,
qui est fréquente en Afrique de l’Est et Centrale, où elle
représente de 1 à 10 % des cancers diagnostiqués dans
ces régions 1. Elle survient principalement chez les hommes
à partir de 40 ans et est beaucoup plus agressive que la
forme classique avec souvent des nodules disséminés, des
lésions infiltrantes parfois viscérales et des atteintes ganglionnaires. La troisième forme de MK est la forme dite
post-transplant, rencontrée chez les patients greffés, en
particulier du rein, recevant un traitement immunosuppresseur de longue durée. La dernière forme est dite épidémique car liée à l’épidémie de l’infection par le VIH dont
elle constituait autrefois le mode d’entrée vers le stade SIDA.
Cette forme épidémique représentait une des maladies
opportunistes les plus fréquentes et était le premier cancer chez les patients infectés par le VIH au stade SIDA.
Elle est en net recul épidémiologique depuis l’avènement
de la trithérapie. Il s’agit souvent de formes disséminées
avec des lésions multifocales et une atteinte viscérale 1.
La MK classique dont est atteint notre patient réalise un
tableau typique de MK limitée à la peau, avec des lésions
multiples à type de papulo-nodules rouge sombre prédominant aux membres inférieurs. Initialement superficielles,
elles s’épaississent en plaques ou tuméfactions, en nodules
bruns ou violacés, de tailles variables, kératosiques ou ulcérés. A un stade avancé, un oedème des membres inférieurs, dur et scléreux s’associe aux placards infiltrés et
aux nodules 3,5. Les autres atteintes de type viscérales
sont rares 3, de l’ordre de 10 % des patients atteints de
la forme classique 6. Le plus souvent, les lésions évoluent
lentement et l’état général est conservé pendant de longues
années, mais certaines études ont montré que dans la forme
classique de MK il existait une augmentation du risque de
certaines néoplasies type lymphomes malins non hodgkiniens ou mélanomes 7. Le traitement de la forme classique de MK consiste le plus souvent en une simple surveillance lorsque le patient est immunocompétent et
asymptomatique. La mortalité est relativement faible dans
Photos 1 et 2 : Nodules violacés de Kaposi chez Mr T.
Le bilan biologique montrait un ionogramme et un bilan
hépatique normaux, une clairance de la créatinine en
MDRD à 100 ml/min et une hémoglobine à 7,1 mmol/l.
Les examens paracliniques à la recherche d’une extension de la maladie de Kaposi se sont révélés négatifs : une
radiographie thoracique normale et une échographie abdominale ne montrant pas d’anomalie hépatique. Une échographie cardiaque transthoracique a été également réalisée en bilan préthérapeutique et montrait une hypertrophie
concentrique du ventricule gauche, une fraction d’éjection à 58 %, une insuffisance tricuspide et pas d’hypertension artérielle pulmonaire. Au vu de l’évaluation oncogériatrique, le patient était de type fragile mais ne présentait
pas de contre-indications à la chimiothérapie. Selon la classification de Balducci, ce patient est de type Balducci III
(soins de confort) mais notre expertise clinique gériatrique
nous a plutôt orientés vers un Balducci II, avec des réserves
fonctionnelles diminuées. Un traitement par Doxorubicine
Liposomale Pégylée a donc été instauré et est actuellement poursuivi.
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
278
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
chance en terme de survie mais également de qualité de
vie. Nous touchons là également les limites de la classification de Balducci pour ces patients très âgés qui sont
en général de fait classés Balducci III, alors qu’une expertise clinique approfondie montre chez certains de ces
patients une chance raisonnable de traitement.
cette pathologie comme le montre l’étude de Brenner et
al 8 où 4 % des patients sur 123 patients atteints de MK
étaient décédés des suites de cette pathologie. Lorsque
la pathologie est plus évoluée, la radiothérapie obtient
des rémissions fréquentes et souvent prolongées 8. Dans
les formes plus étendues une chimiothérapie est plus
appropriée. Des réponses ont été obtenues sous
Vinblastine, Bléomycine, Doxorubicine et Dacarbazine
seules ou en association 6. Les anthracyclines liposomales type Doxorubicine Liposomale Pégylée montrent
actuellement des résultats encourageants 3. Des traitements locaux comme des injections d’interféron alpha
dans la lésion peuvent être une alternative aux traitements
systémiques.
Notre patient a eu plusieurs types de chimiothérapies suite
à une extension importante des lésions de MK. Il a tout
d’abord eu, lors de la découverte de la pathologie, un traitement par Vinblastine et de la radiothérapie, puis trois ans
après la rémission, un traitement par Bléomycine a dû être
instauré. Devant une nouvelle apparition de lésions cutanées au bout de deux ans, une chimiothérapie de type
anthracycline liposomale a été réalisée et a permis une
rémission pendant deux ans. Une nouvelle cure d’anthracycline liposomale a été proposée au patient devant une
rechute de la MK qui, pour l’instant, se déroule sans effets
secondaires. La particularité de ce cas clinique est la
bonne tolérance aux différentes chimiothérapies de ce
patient pourtant très âgé. Seule une neuropathie périphérique sous Vinblastine avait motivé une interruption ; les
autres types de chimiothérapie n’ont pas altéré son autonomie ou fait décompenser ses comorbidités. Ainsi cette
robustesse de certains patients âgés, voire très âgés,
face aux différents cycles de chimiothérapie nous montre
une fois encore que le critère d’âge seul, ne doit pas
contre indiquer un traitement efficace qui améliore la qualité de vie. Des études concernant les facteurs influençant
la longévité et la robustesse chez les patients âgés et très
âgés 9-11 indiquent que la perte d’autonomie pour les actes
de la vie quotidienne ou les troubles cognitifs sont les critères déterminants de fragilité et de mortalité notamment
chez les très âgés. Un sujet âgé et très âgé (>85 ans) devrait
donc bénéficier systématiquement d’une évaluation gérontologique standardisée avant d’instaurer ou de contre
indiquer une thérapeutique anti-cancéreuse, car si sur-traiter certains patients fragiles peut être très délétère, soustraiter des patients robustes est une véritable perte de
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Conclusion
La MK sous sa forme classique atteint donc de préférence les patients originaires du pourtour méditerranéen
ou d’Europe de l’Est, de sexe masculin âgé de plus de
60 ans. C’est une forme cutanée qui touche habituellement les membres inférieurs et a une évolution relativement lente. Dans notre cas clinique, l’évolution a été marquée par plusieurs périodes de rémissions et de rechutes
dont les traitements ont été de la radiothérapie et plusieurs
types de chimiothérapies incluant les anthracyclines liposomales. Ce patient pourtant très âgé a finalement présenté peu d’effets secondaires après les différents cycles
de chimiothérapie mais a présenté une complication non
négligeable de la radiothérapie. Ce cas illustre la robustesse de certains patients très âgés aux effets indésirables médicamenteux, et notamment aux effets secondaires post-chimiothérapies. n
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279
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Cas clinique Clinical case study
Sarcome de Kaposi et sujet âgé : à propos d’un cas • Kaposi’s sarcoma and the elderly subject
Applicability of the comprehensive geriatric assessment recommendations by general
practitioners during the follow-up of elderly cancer outpatients
Ph. Cailleta, M.-A. Cariotb, E. Paillauda, b
a. Département de Médecine Interne et Gériatrie, Centre Hospitalo-universitaire Henri Mondor, Albert Chenevier
(AP-HP), 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil Cedex, France.
b. Département de Médecine Interne et Gériatrie, Centre Hospitalo-universitaire Henri Mondor, Albert Chenevier
(AP-HP), 41 rue de Mesly, 94010 Créteil Cedex, France.
Correspondance : Philippe Caillet, Hôpital Henri Mondor, Département de Médecine Interne et Gériatrie,
Consultation d’Onco-Gériatrie (UPCOG Créteil), 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny,
94010 Créteil Cedex, France. Tél. : +33 (0)1 49 81 47 14, courriel : [email protected]
Résumé
Objectif : Le but de cette étude prospective était d’évaluer, au travers d’une enquête d’opinion auprès des médecins traitants, si les recommandations de l’évaluation gériatrique standardisée (EGS) étaient applicables au cours
du suivi en ville des malades âgés cancéreux.
Matériel et méthode : Nous avons interrogé les médecins de ville auxquels les comptes rendus (CR) de l’EGS avaient
été envoyés. Les difficultés rencontrées en ville pour appliquer les recommandations de l’EGS ont été appréciées
par des questions à choix binaire (réponse par oui ou par non) ou à réponse ouverte.
Résultats : Parmi 80 médecins interrogés, 45 questionnaires (56,3%) ont pu être analysés. La majorité des médecins (77,7%) a estimé que les informations contenues dans le CR et les recommandations de l’EGS étaient utiles
pour la prise en charge en ville de leurs patients âgés cancéreux. Les recommandations proposées ont été jugées
difficilement applicables en ville dans 60% des cas, principalement les recommandations concernant la prise en
charge nutritionnelle et sociale, respectivement pour 53,4% et 46,7% des médecins interrogés. Les recommandations relatives à la prise en charge en kinésithérapie, au traitement de la douleur et à la réalisation d’examens complémentaires ont été jugées applicables en ville respectivement dans 60,0%, 64,4% et 84,4% des cas.
Conclusion : Les médecins de soin primaire ont jugé utiles les recommandations de l’EGS pour la prise en charge
de leurs malades cancéreux âgés. Les recommandations relatives à la prise en charge nutritionnelle et sociale sont
apparues les plus difficiles à appliquer en ville.
Mots clés : Patients âgés, évaluation gériatrique, cancer, médecine générale.
Abstract
Purpose: This prospective study used an opinion survey of primary care physicians to determine whether the recommendations of the comprehensive geriatric assessment (CGA) were applicable during the follow-up of elderly cancer patients in private practice.
Materials and methods: The authors surveyed the physicians receiving the CGA reports. In private practice, the
difficulties encountered in implementing the CGA recommendations were assessed using binary-choice questions
(yes / no) or open answers.
Results: It was possible to analyse 45 out of the 80 questionnaires (56.3%). Most physicians (77.7%) felt that the
information contained in the CGA reports and the CGA recommendations were useful in the management of their
elderly cancer patients in private practice. The proposed recommendations were considered unpractical in 60% of
the cases, mainly the recommendations for nutritional care and social management, in 53.4% and 46.7% of the
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
281
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Article original Original article
Applicabilité des recommandations de
l’évaluation onco-gériatrique par les médecins
généralistes au cours du suivi en ville des
malades âgés atteints de cancer
Article original Original article
Applicabilité en ville des recommandations de l’EGS • Applicability of CGA recommendations for outpatients
cases respectively. The recommendations for physiotherapy, pain management and additional examinations were
considered applicable in private practice in 60.0%, 64.4% and 84.4% of the cases respectively.
Conclusion: Primary care physicians found the CGA recommendations useful in the care of their elderly cancer
patients. The implementation of the nutritional care and social management recommendations appeared most difficult in private practice.
Keywords: Elderly patients, comprehensive geriatric assessment, cancer, general practice.
Introduction
charge proposées et/ou initiées lors de la consultation sont
multiples et peuvent concerner :
• la prise en charge sociale (évaluation des aides nécessaires à domicile, mise en place de ces aides, aide à la
constitution du dossier d’Allocation Personnalisée
d’Autonomie, orientation vers un Service Social, etc.) ;
• le maintien ou l’amélioration de l’autonomie (prescription de kinésithérapie, orientation du patient vers un service de soins de suite et réadaptation, etc.) ;
• la prise en charge nutritionnelle (prescription de compléments alimentaires, orientation vers une consultation
diététique, etc.) ;
• la prise en charge psychologique (orientation vers un
suivi psychologique et/ou une consultation psychiatrique,
prescription d’un antidépresseur, etc.) ;
• la prise en charge d’un trouble cognitif existant ou
révélé par l’EGS (orientation vers une consultation mémoire,
prescription des examens complémentaires nécessaires
à cette consultation, etc.) ;
• les comorbidités (proposition de mesures correctives
adaptées en cas de comorbidités non stabilisées, prescription d’examens complémentaires utiles au suivi et/ou
à la prise en charge spécifique de ces comorbidités, etc.) ;
• le traitement habituel du patient (arrêt de certains médicaments responsables d’effets iatrogènes, réévaluation de
l’indication de certains médicaments, mise en place de
moyens pour faciliter l’observance thérapeutique, etc.) ;
• la prise en charge de la douleur (prescription ou adaptation du traitement antalgique, gestion des effets secondaires de ces traitements, orientation vers la consultation
douleur, etc.).
Les éléments de l’EGS et l’ensemble des recommandations de prise en charge sont synthétisés dans un compterendu de consultation dactylographié adressé à l’oncologue, mais également au médecin traitant du patient.
Cependant, l’applicabilité en ville des recommandations
de cette évaluation n’a jamais été étudiée.
L’objectif de ce travail est d’évaluer, au travers d’une
enquête d’opinion auprès des médecins traitants des
malades âgés cancéreux, si les recommandations de
l’EGS sont applicables au cours du suivi en ville.
La prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer est devenue un important enjeu de santé publique dans
les pays occidentaux, en raison du vieillissement régulier de
la population et de l’augmentation de l’incidence des cancers avec l’âge. Actuellement, plus de 60 % des cancers et
75 % des décès par cancer surviennent chez des personnes
de plus de 65 ans en Europe et aux Etats-Unis 1-3. En
France, l’âge moyen au moment du diagnostic est de 64
ans pour les femmes et de 67 ans pour les hommes 4.
Cependant, l’hétérogénéité de la population âgée, en
termes de comorbidités et de statut fonctionnel, explique
en grande partie la difficulté à établir des recommandations de prise en charge thérapeutique du cancer chez
les malades âgés. Afin d’optimiser la prise en charge des
personnes âgées, les gériatres ont développé une procédure d’évaluation médico-psycho-sociale : « l’Évaluation
Gériatrique Standardisée » (EGS) ou « Compréhensive
Geriatric Assessment » (CGA) dans la littérature anglosaxonne 5,6. L’EGS permet une évaluation multidimensionnelle de l’état de santé global des patients âgés au travers de l’analyse des comorbidités et de leurs traitements,
du statut fonctionnel, de l’état nutritionnel, cognitif et thymique, et de l’environnement social. Basée sur des échelles
gériatriques validées, elle permet l’identification des différents problèmes de santé et la mise en œuvre d’un plan
de soins personnalisés pour la prise en charge de ces problèmes. Chez le patient non cancéreux, cette approche
globale multidisciplinaire a prouvé son intérêt en retardant
la perte d’autonomie, en diminuant le taux d’institutionnalisation ainsi que la mortalité dans certaines études 7.
Cette procédure d’évaluation et de prise en charge globale des malades âgés est actuellement proposée pour
la prise en charge des patients âgés atteints de pathologies cancéreuses 6,8-11.
Au sein de l’Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie (UPCOG) de notre centre hospitalier, une EGS
peut être réalisée pour tous les patients âgés de 70 ans
et plus atteints de cancer, adressés par les oncologues,
les radiothérapeutes, les chirurgiens, les hématologues ou
tout autre spécialiste d’organe prenant en charge des
patients âgés cancéreux. A l’issue de cette évaluation, le
gériatre rend non seulement un avis sur la faisabilité du
traitement anticancéreux envisagé par l’équipe oncologique,
mais il élabore également des recommandations de prise
en charge globale du patient âgé. Les actions de prise en
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Matériel et méthode
Médecins interrogés
Pour cette étude descriptive et observationnelle, les données ont été recueillies de manière prospective entre jan282
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
vier et mars 2010, à l’initiative de l’Unité Pilote de
Coordination en Onco-Gériatrie (UPCOG) d’un Groupe
Hospitalo-Universitaire de la région parisienne (France).
Nous avons établi la liste des médecins traitants auxquels
les comptes-rendus de consultation (CRC) d’évaluation oncogériatrique avaient été envoyés au cours de l’année 2009.
Un premier contact téléphonique a été établi avec chacun des médecins de cette liste afin de leur présenter l’étude
et d’obtenir leur accord de participation. Les médecins non
joignables à plusieurs reprises ont été exclus. Les données pouvaient être recueillies dès le premier contact, si
le médecin était disponible pour répondre immédiatement
au questionnaire. S’ils n’étaient pas disponibles immédiatement, les médecins choisissaient de répondre au questionnaire ultérieurement selon un des procédés suivants :
1/au cours d’un second entretien téléphonique ;
2/questionnaire adressé et retourné par mail ;
3/par fax ;
4/par courrier.
Un délai maximal d’un mois était accordé pour compléter et retourner le questionnaire. Pour chaque médecin interrogé, nous avons noté son sexe, son âge et le nombre
d’années d’exercice depuis l’installation en ville.
Figure 1 : Schéma de l’étude et réponses exploitables
pour l’analyse statistique descriptive.
CRC : compte-rendu de consultation
EGS : évaluation gériatrique standardisée
Résultats
Nombre de questionnaires analysables
Les comptes-rendus des évaluations onco-gériatriques
ont été adressés par courrier à 95 médecins traitants au cours
de l’année 2009. Dix médecins (10,5 %) n’ont jamais pu être
contactés pour leur proposer de participer à l’étude, et cinq
médecins (5,3 %) ont refusé d’emblée de participer à l’étude.
Au total, 80 médecins ont accepté de participer à notre
enquête. Parmi eux, 45 praticiens (56,3 %) ont répondu
à l’ensemble des questions. Dix questionnaires (12,5 %)
ont été exclus de l’analyse statistique dans la mesure où
plus de six questions étaient restées sans réponse. Vingtcinq médecins (31,2 %) n’ont jamais retourné le questionnaire, malgré plusieurs relances. Finalement, 45 questionnaires ont été retenus pour l’analyse statistique descriptive.
La figure 1 résume le schéma de notre étude.
Les réponses ont été obtenues de la façon suivante : onze
par mail (24,5 %), neuf par courrier (20,0 %), quinze par
fax (33,3 %) et dix par entretien téléphonique (22,2 %) dont
huit (17,8 %) dès le premier contact téléphonique.
Questionnaire de l’étude
L’intégralité du questionnaire de l’étude comportait
20 questions à choix binaire (réponse par oui ou par non)
dont certaines étaient complétées par des questions
ouvertes afin de permettre une libre expression et de préciser les difficultés rencontrées en ville pour appliquer les
recommandations de l’EGS. Les questions se répartissaient
selon quatre thèmes :
1/la connaissance de l’onco-gériatrie par les médecins
de ville et le lien ville-hôpital ;
2/l’utilité des informations transmises dans le CRC pour
la prise en charge et le suivi des patients ;
3/l’applicabilité des recommandations proposées en ville ;
4/l’amélioration de la pratique professionnelle concernant
la prise en charge spécifique des malades âgés cancéreux au travers des recommandations proposées.
Dans cet article, nous présentons les résultats relatifs aux
questions concernant l’utilité des informations transmises
dans le CRC et à l’applicabilité des recommandations de
l’EGS en ville par les médecins généralistes au cours de
la prise en charge et du suivi à domicile de leurs malades
cancéreux âgés (cf. tableau 1).
Profils des médecins dont les questionnaires
ont été retenus pour l’analyse
Les médecins interrogés avaient un âge moyen de
51,5 ± 7,5 ans, compris entre 36 et 64 ans. Ils se répartissaient en 13 femmes (28,9 %) et 32 hommes (71,1 %).
Le temps d’exercice depuis l’installation était en moyenne
de 20,9 ± 8,7 ans, compris entre 5 et 36 ans.
Environ trois quart des médecins généralistes interrogés
(73,3 %) ne connaissaient pas l’existence d’une consultation d’évaluation onco-gériatrique avant d’avoir reçu le
premier CRC.
Analyse statistique
Les questionnaires incomplets n’ont pas été retenus
dans l’effectif utilisé pour l’analyse statistique. Les données qualitatives sont exprimées sous forme d’effectifs et
de pourcentages. Les données quantitatives sont exprimées sous forme de moyennes et d’écarts-types.
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Applicabilité en ville des recommandations de l’EGS • Applicability of CGA recommendations for outpatients
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Applicabilité en ville des recommandations de l’EGS • Applicability of CGA recommendations for outpatients
Tableau 1 : Questionnaire utilisé pour évaluer l’applicabilité par les médecins de ville des recommandations
de prise en charge proposées par l’EGS.
Réponses courtes
Oui
n (%)
1. Ces recommandations vous paraissent-elles utiles pour la prise en charge de vos patients âgés cancéreux ?
O-N
35 (77,7)
2. Souhaiteriez-vous avoir des informations supplémentaires pour le suivi de vos patients âgés cancéreux ?
⇨Si oui, lesquelles ?
O-N
8 (17,7)
3. Le CR vous aide-t-il à répondre aux questions spécifiques du patient sur sa pathologie cancéreuse
et sa prise en charge ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
32 (71,1)
4. Les recommandations concernant le traitement habituel vous paraissent-elles pertinentes ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
37 (82,2)
Questions
Questions relatives aux informations contenues dans le CR :
Questions relatives à l’applicabilité des recommandations de l’EGS :
5. Les recommandations du CR vous paraissent-elles facilement applicables au cours de votre suivi du
patient ?
⇨Si non, pourquoi ? (N=27)
 recommandations trop nombreuses.
 recommandations trop difficiles à mettre en œuvre.
 manque de correspondants pour les mettre en œuvre.
Autre :
O-N
6. Les recommandations sur la prise en charge nutritionnelle sont-elles applicables dans votre pratique
courante ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
21 (46,6)
7. Les recommandations sur la prise en charge en kinésithérapie sont-elles applicables dans votre pratique courante ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
27 (60,0)
8. Les recommandations sur la prise en charge sociale sont-elles applicables dans votre pratique courante ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
24 (53,3)
9. Les recommandations sur la prise en charge de la douleur sont-elles applicables dans votre pratique
courante ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
29 (64,4)
10. Les recommandations concernant d’éventuels examens complémentaires sont-elles applicables
dans votre pratique courante ?
⇨Si non, pour quelle(s) raison(s) :
O-N
38 (84,4)
18 (40,0)
2 (7,4)
6 (22,2)
5 (18,5)
Abréviations. EGS : évaluation gériatrique standardisée – CR : compte-rendu – O : oui – N : non.
Les recommandations de l’EGS et leur
applicabilité en ville
pour la prise en charge de leurs patients âgés cancéreux,
ainsi que pour répondre aux questions spécifiques des
patients à propos de la pathologie cancéreuse et de sa
prise en charge. Cependant, huit médecins de soins primaires (17,8 %) souhaitaient des informations complémentaires pour :
• mieux expliquer cette prise en charge au patient et à
son entourage (1 médecin) ;
Le tableau 1 présente les résultats relatifs aux questions
concernant l’utilité et l’applicabilité des recommandations
de l’EGS au cours de la prise en charge des patients âgés
cancéreux suivis en ville. La majorité des médecins (77,7 %)
a estimé que les informations contenues dans le CRC d’évaluation et les recommandations de l’EGS étaient utiles
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
des urgences de la Réunion, a montré que les comptesrendus de passage aux Urgences étaient considérés dans
100 % des cas utiles au suivi du patient par les médecins
généralistes 12. L’utilité des recommandations de l’EGS
nous paraît d’autant plus importante que, selon certaines
données de la littérature, 70 % des médecins généralistes
prescrivent des traitements adjuvants ou symptomatiques
aux patients cancéreux qu’ils suivent à domicile 13.
Toutefois, même si les recommandations de prise en
charge ont été jugées utiles, plus de la moitié des médecins de ville interrogés a estimé qu’elles étaient difficilement applicables en ville. Une étude, réalisée auprès de
163 médecins de ville, avait montré un résultat ambivalent similaire : 75 % des médecins de ville interrogés se
déclaraient satisfaits du contenu du compte-rendu hospitalier, mais 55 % d’entre eux n’étaient pas satisfaits du
projet de prise en charge 14.
Dans notre travail, le nombre important des recommandations et le manque de correspondants pour les mettre
en œuvre constituaient les deux principaux facteurs limitant
l’applicabilité des recommandations. L’EGS est une évaluation multidimensionnelle médico-psycho-sociale qui
appréhende le patient dans sa globalité. Toute anomalie
constatée au cours de l’évaluation fait l’objet d’une prise
en charge spécifique et/ou de recommandations. Le nombre important de ces recommandations s’explique principalement par la fréquence de la polypathologie, de la polymédication et de l’altération de l’autonomie physique, de
l’état nutritionnel, cognitif et/ou thymique, avec l’avancée
en âge. Une étude concernant la prise en charge de patients
âgés cancéreux a révélé qu’en moyenne l’EGS mettait en
évidence six problèmes de santé par patient, non traités et/ou
non stabilisés avant la consultation 15. Dans cette même
étude, il a été rapporté qu’au cours du suivi, 17 interventions en moyenne par patient étaient mises en œuvre. Le
nombre élevé des recommandations proposées dans nos
CRC au décours de l’EGS s’accorde à ces données de la
littérature. Toutefois, il serait probablement nécessaire de
mieux hiérarchiser les recommandations de prise en charge.
Les difficultés d’applicabilité des recommandations étaient
liées selon certains praticiens à un manque de correspondants en ville. L’impression d’ensemble paraît être celle
d’une offre de soins quantitativement insuffisante pour
répondre aux besoins exprimés, même si, en France, l’offre de soins en ville est très diversifiée (infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, diététiciennes…) et peut
répondre qualitativement aux besoins des malades âgés.
Cette situation, mise en avant par les médecins interrogés, risque de se dégrader considérablement en raison
de l’insuffisance du nombre de diplômés dans les années
à venir, à l’image de ce qui est observé dans de nombreux
pays développés 16. Cependant, selon les estimations,
l’offre de soins en kinésithérapie en France est en crois-
• avoir une connaissance des alternatives thérapeutiques
éventuelles pour en discuter avec le malade et son entourage en cas de refus du traitement proposé (1 médecin) ;
• préciser l’intérêt de certains examens complémentaires dans le cadre du traitement (1 médecin) ;
• être informé des interactions médicamenteuses éventuelles entre la chimiothérapie proposée et le traitement
habituel du patient, et des effets indésirables prévisibles
de la chimiothérapie (2 médecins).
Les recommandations proposées dans le CRC de l’EGS
étaient difficilement applicables au cours du suivi en ville
pour 60 % des médecins interrogés, en raison d’un nombre trop important de recommandations ou par manque
de correspondants pour les mettre en œuvre.
Dans notre étude, les recommandations concernant la
prise en charge nutritionnelle et la prise en charge sociale
des patients âgés cancéreux ont été considérées comme
difficiles à appliquer en ville, respectivement pour 53,4 %
et 46,7 % des médecins interrogés. Concernant la prise
en charge nutritionnelle, un médecin a précisé qu’il existait une mauvaise observance de la prise en charge nutritionnelle proposée dès lors qu’il n’y avait pas de membre
de la famille ou d’aide à domicile pour surveiller la prise
des repas ou des compléments alimentaires. Deux autres
médecins ont rapporté le refus d’un suivi nutritionnel à domicile par leurs patients.
Concernant les difficultés d’applicabilité de la prise en
charge sociale, deux médecins ont rapporté le refus des
aides à domicile par leurs patients. Un médecin a souligné les problèmes financiers qui pouvaient limiter la mise
en place des aides au domicile. Enfin, trois médecins ont
expliqué qu’ils manquaient de temps pour contacter les
différents intervenants, en évoquant également le manque
de disponibilité des assistantes sociales en ville.
Peu de médecins interrogés ont affirmé qu’il était difficile de réaliser des examens complémentaires en ville
(15,6 %) et que, dans la pratique courante, la perte d’autonomie et/ou l’isolement social du patient constituaient
les principaux obstacles à la réalisation de ces examens.
Discussion
Dans notre étude, les informations et recommandations établies à l’issue de l’EGS et transmises aux médecins de ville
dans les CRC d’évaluation ont été jugées utiles pour la prise
en charge en ville à près de 78 %. Cependant, 60 % des
médecins interrogés ont estimé que les recommandations
étaient difficilement applicables au cours du suivi en ville.
Les informations contenues dans le CRC ont été majoritairement jugées utiles au cours de la prise en charge
des patients âgés cancéreux en ville. L’intérêt des informations apportées par la prise en charge hospitalière pour
la prise en charge en ville est souligné par d’autres travaux. Une étude récente, conduite au service d’accueil
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patient âgé lui-même ou à son entourage 20. Les réseaux
gérontologiques qui regroupent des professionnels de la
santé et du social peuvent occuper ici une place privilégiée dans l’organisation du maintien à domicile et l’accompagnement de la personne âgée grâce à une action directe
de soins et de suivi à domicile.
Un entretien téléphonique établi systématiquement entre
le gériatre hospitalier et le médecin traitant du patient
pourrait permettre de mieux expliquer les recommandations proposées, et de préciser d’emblée celles qui apparaitraient difficiles à mettre en œuvre. Cet entretien pourrait également permettre de mieux hiérarchiser l’ensemble
des actions de prise en charge recommandées lorsqu’elles
sont nombreuses, en intégrant l’avis du médecin traitant
et les contraintes environnementales du patient. L’intérêt
d’un tel entretien quant à l’amélioration de l’applicabilité
en ville des recommandations de l’EGS par les médecins
de ville reste à démontrer par de nouvelles études.
La principale faiblesse de notre étude réside dans la taille
restreinte de l’échantillon puisque nous n’avons pu analyser que 45 questionnaires. Ce faible effectif ne saurait
être représentatif de l’avis de l’ensemble des médecins
qui prennent en charge les sujets âgés cancéreux en ville.
Les difficultés exprimées concernant la mise en œuvre de
certaines recommandations de l’EGS peuvent être liées
à des contraintes locales qui n’ont pas pu être vérifiées
dans notre étude, mais qui mériteraient probablement une
recherche particulière. Enfin, un biais de sélection a pu être
introduit par le nombre de médecins qui ont refusé de participer à l’étude ou qui n’ont jamais retourné le questionnaire. Le motif de refus ou de non retour des questionnaires n’a pas pu être étudié. Cependant, malgré notre
effectif modeste, notre travail constitue, à notre connaissance, la première étude qui s’est proposée d’étudier
l’applicabilité des recommandations de l’évaluation oncogériatrique par les médecins de soins primaires au cours
du suivi de leurs malades âgés atteints de cancers.
sance, et le nombre de kinésithérapeutes libéraux devrait
être proche de 60 000 en 2020 ce qui devrait permettre
un accès à la rééducation à domicile plus aisé pour les
patients âgés, cancéreux ou non 17.
Dans notre étude, les recommandations les plus difficiles
à mettre en œuvre concernaient principalement la prise en
charge nutritionnelle et la prise en charge sociale. Un peu
plus de la moitié des médecins interrogés a estimé qu’il
était difficile d’appliquer les recommandations concernant
la prise en charge nutritionnelle à domicile, particulièrement
en l’absence de conjoint, de membre de la famille ou d’aide
à domicile. La Haute Autorité de Santé (HAS) répond à ce
problème en présentant plusieurs possibilités d’aides pour
coordonner la prise en charge nutritionnelle de la personne
âgée à domicile et aider les médecins de ville 18 :
• des aides individuelles : aide de l’entourage, aide ménagère, portage des repas, restaurants de foyers ;
• des structures qui ont un rôle de mise en place des
dispositifs, de coordination et d’information : réseaux de
soins dont les réseaux gérontologiques, centres communaux d’action sociale (CCAS), centres locaux d’information et de coordination (CLIC) et services sociaux ;
• les services d’hospitalisation à domicile ont également
pour mission d’assurer la prise en charge nutritionnelle des
malades qu’ils ont en charge par l’intervention d’une diététicienne et/ou d’une infirmière.
L’utilisation d’un carnet de suivi nutritionnel à domicile
pourrait être utile pour conserver le bénéfice du suivi diététique mis en place dans un service de soins de suite et
réadaptation chez les patients âgés dénutris 19.
Les difficultés financières, parfois mises en avant pour
expliquer les difficultés de prise en charge, sont également
évoquées par l’HAS. Une aide financière pour la mise en
place d’aides à domicile peut être obtenue grâce à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), à l’aide sociale
départementale, à l’aide des caisses de retraite ou à certains contrats de mutuelles 18. Les compléments nutritionnels oraux remboursés à 100 % dans la dénutrition étaient
déjà intégralement pris en charge dans le cadre d’une
pathologie cancéreuse (arrêté du JO du 10 novembre 2000).
La moitié environ des médecins interrogés dans notre
étude a trouvé qu’il était difficile d’appliquer en ville les
recommandations relatives à la prise en charge sociale de
leurs patients âgés cancéreux. Pour pallier les problèmes
financiers également évoqués à ce sujet et faciliter la mise
en place des aides à domicile, l’APA et l’aide sociale aux
personnes âgées évoquées ci-dessus sont utiles 20. De
même, l’organisation et la mise en place d’un plan d’aide
à domicile peuvent être facilitées par les différents organismes ou structures d’information citées ci-dessus : les
CLIC et les CCAS peuvent transmettre les informations
nécessaires à l’organisation du maintien à domicile au
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Conclusion
Cette étude constitue le premier travail qui a évalué, au
travers d’une enquête d’opinion, l’intérêt et l’applicabilité
en ville des recommandations de l’évaluation onco-gériatrique réalisée en milieu hospitalier, au cours du suivi des
patients cancéreux âgés par les médecins de soins primaires. Les médecins interrogés ont majoritairement estimé
que les recommandations de l’évaluation étaient utiles en
ville au cours de la prise en charge. Cependant, certaines
recommandations sont apparues difficilement applicables
pendant le suivi à domicile, telles que les recommandations concernant la prise en charge nutritionnelle et sociale.
Un entretien téléphonique établi systématiquement entre
le gériatre hospitalier et le médecin traitant du patient
pourrait permettre une meilleure coordination. n
286
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
listes sur les comptes rendus de passage aux urgences de leurs patients [abstract].
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Applicabilité en ville des recommandations de l’EGS • Applicability of CGA recommendations for outpatients
Un « eczéma » du mamelon pas ordinaire
L. Rotenberg
Clinique Hartmann, 26 boulevard Victor Hugo, 92200 Neuilly-Sur-Seine, France.
Mme B, 76 ans, sans antécédent mammaire, présente une lésion sèche du mamelon droit évoluant depuis 8 mois.
Pas de prurit ni écoulement mamelonnaire.
Examen clinique normal par ailleurs.
1. Décrivez la lésion cutanée : quels diagnostics évoquez-vous ?
2. Quelles anomalies décrivez vous sur le cliché mammographique fourni. BiRads ?
3. Qu’attendez vous de l’IRM dans cette indication ?
4. Conduite à tenir
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Actualités News
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Maladie de Paget du sein
s’étendre sur de nombreux mois, aboutissant à un placard débordant largement le mamelon.
1. Lésion mamelonnaire eczématiforme, rouge, croûteuse
a. Eczéma ;
b. Maladie de Paget.
2. Mammographie normale = Birads 1 mais la clinique
impose un Birads 0 soit bilan à compléter avec indication
de biopsie de l’aréole.
3. IRM avec injection de Gadolinium :
a. Prise de contraste et épaississement de l’aréole ;
b. Courbe type 2 ou 3 (progressive ou en plateau, voir
lavage précoce (Wash-out) ;
c. Recherche d’une infiltration intra-mammaire de la
lésion cutanée, d’une lésion mammaire sous-jacente ;
d. Sein controlatéral, creux axillaires, CMI.
4. Histologie : Maladie de Paget du mamelon. Pas de
lésion mammaire sous-jacente.
5. Traitement :
a. Chirurgie : pamectomie + ganglion sentinelle (GS) ;
b. Radiothérapie ;
c. Chimiothérapie si N +.
Dans 1 cas sur 2, la lésion se localise au mamelon en
surface, dans l’autre moitié des cas la lésion envahit le sein.
La maladie de Paget est susceptible d’apparaître également dans les régions de la vulve et du pourtour de l’anus.
Examens complémentaires
1. Biopsie cutanée pour analyse histologique : cellules
carcinomateuses au sein du revêtement malpighien du
mamelon. Les cellules sont de grandes tailles, polygonales,
au cytoplasme abondant clair, au noyau irrégulier et d’architecture lentigineuse 1,3.
2. Mammographie : le plus souvent normale, elle peut
révéler un cancer sous-jacent.
3. Échographie : épaississement de la plaque aréolaire, et
bilan mammaire à la recherche de lésions associées.
4. IRM : prise de contraste de la plaque aréolaire et visualisation de l’infiltration en profondeur. Recherche de lésions
intra mammaires associées 2.
Commentaires
Affection rare touchant le mamelon, elle accompagne environ 3 % des cancers du sein 1.
Elle se caractérise comme une lésion cutanée eczématiforme, infiltrant peu à peu la glande mammaire.
Le problème essentiel de la maladie de Paget du mamelon est son diagnostic tardif.
La similitude avec l’eczéma entraîne souvent un retard
diagnostic.
La lésion est en général bien limitée, unilatérale, résistante au traitement topique.
Traitement
Le traitement chirurgical dépend de l’envahissement
intra-mammaire.
1. Tumorectomie en cas de lésion cutanée isolée : pamectomie et ganglion sentinelle (GS).
2. Mastectomie + GS ou curage axillaire en cas d’envahissement plus profond.
3. Traitements complémentaires dans les indications habituelles.
Sémiologie cutanée
En l’absence de diagnostic suffisamment précoce, le
pronostic n’est pas favorable.
Taux de survie à 5 ans de 30 à 50 % 1,3. n
• Rougeurs.
• Écoulement de liquide non purulent.
• Aspect croûteux de la lésion, quelquefois à l’origine
d’une légère érosion, s’accompagnant d’une petite perte
de substance.
• Lésion unilatérale.
• Résistance au traitement local (topique).
• Le prurit est absent ou discret.
• La plaque s’étend ensuite très lentement en surface, avec
un aspect eczématiforme mais très bien limité. L’érythème
peut être érosif, squameux ou croûteux 2. L’évolution peut
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Bibliographie :
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290
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
19-21 octobre 2010, Nice, France – Compte-rendu
O. Guérin, Université de Nice Sophia-Antipolis, CNRS UMR 6267, INSERM U998. Pôle de Gérontologie, CHU de
Nice, Hôpital de Cimiez, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice, France. Correspondance : [email protected]
L
Frédérique Retornaz (gériatre au centre gérontologique
départemental de Montolivet, Marseille, France) a fait le
lien entre l’identification et l’évaluation de fragilités et la prise
en charge oncogériatrique, insistant sur l’importance de
la confrontation clinique avant la décision, et l’utilité de
l’abord gériatrique tout au long du projet de soins, et pas
seulement lors de la décision thérapeutique initiale. MarieClaire Van Nes (gériatre chef de service à Louvain, Belgique)
a montré par la suite l’intérêt de la coordination ville-hôpital dans la prise en charge de nos patients âgés atteints
de cancer, en présentant l’expérience pilote qu’elle a mise
en place en Belgique. Enfin, le Pr Gilbert Zulian (cancérologue et gériatre, Collonge-Bellerive, Suisse) a insisté sur
les aspects éthiques qui guident nos décisions oncogériatriques, au travers de cas cliniques.
Lors de la session de posters spécifiques, 27 communications affichées ont été présentées, toutes d’un bon
niveau. Il s’agissait là d’une des sessions les plus fournies
dans le programme de communications affichées.
Tout d’abord, il est à signaler quelques communications
concernant la chirurgie carcinologique des sujets âgés, avec
notamment un poster sur la cytoréduction chirurgicale et
chimio-hyperthermie intra-péritonéale pour le traitement de
la carcinose péritonéale 3 dont la conclusion était qu’une
approche thérapeutique associant cytoréduction chirurgicale et CHIP pouvait apporter un gain de survie à long terme
chez les sujets âgés de plus de 65 ans et atteints de carcinose péritonéale. Ces patients avaient été sélectionnés
par une EGS initiale, ayant éliminé une vulnérabilité initiale.
Cela confirme la possibilité de réaliser des actes très lourds
sur des sujets âgés présentant un vieillissement réussi.
D’autres présentations, nombreuses, ont abordé l’évaluation gérontologique en oncogériatrie, son utilisation et
ses conséquences. Ainsi, l’équipe bordelaise 4 a montré
que la qualité de vie globale (évaluée par le QLQ-C30) n’était
pas influencée par l’âge, l’état métastatique ou les comorbidités. Une qualité de vie médiocre était corrélée avec un
faible score à l’EGS. Les fonctions altérées et la présence
de symptômes étaient liés à un état de dénutrition (perte
e 9ème congrès international francophone de gériatrie
et gérontologie de Nice s’est tenu du 19 au 21 octobre 2010 au palais Acropolis à Nice. Ce congrès
était également le congrès annuel de notre société nationale. Plus de 1 400 consœurs et confrères gériatres issus
de plus de 25 pays se sont retrouvés autour des trois thématiques centrales de ce congrès : les innovations thérapeutiques concernant nos patients âgés, les gérontechnologies, et la culture méditerranéenne. L’oncogériatrie a
tenu une place d’honneur dans ce programme fourni et
varié, avec une session dédiée de communications orales,
d’intéressantes interventions lors des communications
libres, et une session de posters spécifique. L’affluence
du public lors de ces différentes séances a témoigné, si
besoin en était, de l’importance que prend cette thématique au sein de l’approche gériatrique internationale.
Lors des communications libres, l’équipe bordelaise 1 a
présenté les résultats préliminaires de l’étude ONCODAGE
dont le but est de construire et valider un outil de dépistage simple, rapide et utilisable par les oncologues, permettant de sélectionner les patients pour lesquels l’EGS
(Evaluation Gériatrique Standardisée) est la plus utile avant
de décider de la stratégie thérapeutique oncologique à leur
proposer. Le recrutement (près de 1 700 sujets) est achevé,
et les résultats étaient en cours d’exploitation à ce stade.
Une équipe parisienne 2 a montré l’intérêt de l’évaluation
gériatrique avant la prise en charge chirurgicale d’un cancer digestif, et notamment comment réduire le risque de
syndrome confusionnel post-opératoire par quelques
conseils simples, par exemple sur le choix des antalgiques.
Lors de la session d’experts dédiée à l’oncogériatrie, la
première communication présentée par le Dr Véronique
Girre (cancérologue à l’Institut Curie, Paris, France) a permis de faire le point sur la recherche clinique concernant
les thérapies ciblées, en particulier le bevacizumab et le
trastuzumab, dans la prise en charge du cancer du sein
de la femme âgée. L’usage de ces thérapies est une avancée pour le traitement de nos patientes âgées, même si
des études spécifiques font encore défaut. Puis le Dr
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Actualités News
9ème Congrès International Francophone de
Gériatrie et Gérontologie (CIFGG)
30èmes Journées Annuelles de la Société Française
de Gériatrie et Gérontologie
Actualités News
9ème Congrès International Francophone de Gériatrie et Gérontologie (CIFGG)
pour le groupe bien nutri (MNA supérieur ou égal à
23,5 points). Il est à noter également que plus de la moitié
des sujets étaient dénutris ou à risque de dénutrition au
moment du diagnostic de cancer, selon le critère MNA.
Une étude prospective particulièrement intéressante a été
présentée, et concernait les facteurs associés à une modification du traitement anti-cancéreux 10. L’âge moyen des
sujets était de 80 ans. L’EGS pratiquée a montré que
52 % d’entre eux avaient une altération du statut ECOG
(PS ≥ 2), 34 % une dépendance ou plus aux activités basales
de la vie quotidienne (ADL), 58 % une dénutrition, 29 %
une altération cognitive et 27 % une dépression. Le nombre moyen de comorbidités était de plus de 5. Cela représente donc une population âgée gériatrique assez représentative, ayant un nombre assez élevé de fragilités
gérontologiques. En analyse multivariée, les facteurs indépendants associés à une modification du plan de traitement étaient l’altération du PS (OR = 3,6, 95 % CI : 1,77,7), la dénutrition (OR = 1,8, 95 % CI: 1,0-3,3), et le nombre
de syndromes gériatriques (OR = 1,4, 95 % CI : 1,1-1,8).
Enfin, des communications ont présenté des éléments
liés à l’organisation de la filière et de l’activité oncogériatrique. Ainsi, l’équipe lyonnaise a fait part de son expérience pionnière en France concernant l’organisation d’une
réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) oncogériatrique spécifique 11. Leur étude a porté sur 300 patients,
et la discussion lors de ces réunions de concertation
oncogériatrique a montré un fort intérêt pour l’élaboration
commune d’un programme de soins adapté.
Les communications oncogériatriques lors du CIFGG
ont donc été nombreuses et de qualité. La thématique oncogériatrique est désormais, lors des congrès généralistes
de gériatrie et de gérontologie, absolument incontournable tant dans le champ médical que paramédical et dans
l’espace des sciences humaines. n
de poids, faible score au MNA) et à une perte d’autonomie (mauvais statut OMS et IADL altérées). Un autre travail rétrospectif 5 a montré l’intérêt d’un outil simplifié
d’évaluation, le SGE, dans l’aide à la prise de décision d’une
chirurgie carcinologique thoracique pour des sujets âgés
atteints de cancer du poumon. Le retour d’une expérience intéressante de nos collègues de Fort-de-France
a également été présentée, portant sur 60 patients 6. Leur
EGS, suivie d’une discussion en RCP confrontant les
arguments cliniques des gériatres et des oncologues impliquait, dans plus de 21 % des cas, une adaptation des traitements en fonction des fragilités identifiées. Dans leur expérience, un patient sur deux voyait son projet personnalisé
de soins influencé par cette approche oncogériatrique
exemplaire. L’expérience marseillaise s’est, quant à elle,
intéressée notamment aux interventions gériatriques recommandées suite à l’EGS en oncogériatrie 7. Cette étude a
concerné 81 patients, d’un âge moyen de 82 ans. Pour
chaque patient, 2,74 interventions gériatriques ont été
proposées suite à l’EGS. Elles concernaient principalement
le statut nutritionnel, les comorbidités et le statut cognitif.
80 % des patients présentaient au moins un critère de fragilité. Dans 60 % des cas, le traitement proposé par l’oncologue était maintenu, mais nécessitait des ajustements,
et dans 30 % des cas il a été contre-indiqué.
Une étude sur l’intérêt des traitements par chimiothérapie dans le cancer du pancréas 8, portant sur 259 patients,
dont 72 de plus de 75 ans, a montré que la survie globale
(de 9,4 mois) n’était pas significativement différente entre
les sujets jeunes (<75 ans) et les plus âgés. De même, la
chimiothérapie améliorait la survie des patients quel que
soit l’âge, et de manière identique pour les sujets plus jeunes
ou plus âgés. Par contre, les sujets âgés avaient moins
souvent de chimiothérapie que les plus jeunes (73 % vs
92 %), et présentaient plus souvent des réductions de
doses. La conclusion des auteurs était que, même concernant ce cancer de mauvais pronostic, les sujets âgés
sélectionnés, en bon état général, bénéficiaient autant de
la chimiothérapie que des patients plus jeunes.
Quelques communications affichées ont insisté sur l’impact majeur de la fragilité nutritionnelle ou de la dénutrition
avérée sur les possibilités de traitement et le pronostic des
cancers chez les sujets âgés. Ainsi, le Mini Nutritional
Assessment (MNA) a été présenté comme un facteur pronostic très puissant de la survie 9. Dans le cadre de l’étude
INOGAD, essai multicentrique chez les patients âgés cancéreux traités par chimiothérapie, le MNA a été pratiqué lors
du screening. Chez ces 550 patients de médiane d’âge de
77,5 ans, les survies ont été très différentes en fonction de
leur statut au MNA. Ceux qui étaient dénutris (MNA inférieur ou égal à 17 points) avaient une médiane de survie de
8,4 mois, pour 14,4 mois pour le groupe « à risque de
dénutrition » (MNA entre 17,5 et 23 points), et pour 32 mois
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Bibliographie :
1 Rainfray M, Soubeyran P, Bellera C, Mertens C. Validation d’un outil de dépistage en oncogériatrie
(G-8) dans une cohorte de 1669 patients âgés de plus de 70 ans, atteints de tumeurs malignes et
devant recevoir un traitement: étude oncodage. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 246 (O2.2).
2 Moulias S, Benoist S, Brouquet A, Teillet L, Cudennec T. Facteurs de risque de syndrome confusionnel lors de chirurgie digestive carcinologique du sujet âgé, résultats d’une étude prospective menée
auprès de 108 patients. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 249 (O2.9).
3 Bereder I, Boulahssass R, Mailland V, Couderc AL, Brocker P, Guérin O, et al. Cytoréduction chirurgicale et chimio-hyperthermie intra péritonéale pour le traitement de la carcinose péritonéale chez 59
patients âgés de plus de 65 ans. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 412 (P4.2-168).
4 Blanc-Bisson C, Rainfray M, Mathoulin-Pelissier S. La qualité de vie: l’état nutritionnel et l’autonomie, des facteurs déterminants. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 412 (P4.2-169).
5 Cudennec T, Gendry T, Moulias S, Chinet T, Teillet L. Utilisation d’une évaluation gériatrique simplifiée
en oncologie thoracique. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 416 (P4.2-179).
6 Fanon JL, Godaert-Simon L, Khattar M, Rouquet-Saliba C, Delobel R, Bonnet M, et al. Cah Annee
Gerontol 2010; 2: 417 (P4.2-182).
7 Magarian MF, Pauly V, Potard I, Molines C, Retornaz F. Prise en charge des patients âgés atteints de
cancer: intérêt de la consultation d’évaluation gériatrique. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 422 (P4.2-194).
8 Lagrandeur J, Mitry E, Cudennec T, Moulias S, Moussous W, Teillet L. Est-il pertinent de traiter les
formes avancées de cancer du pancréas après 75 ans? Cah Annee Gerontol 2010; 2: 420 (P4.2-188).
9 Blanc-Bisson C, Blanc JF, Houede N, Mertens C. Le MNA: un facteur pronostic très puissant de la survie des patients âgés cancéreux. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 413 (P4.2-170).
10 Caillet P, Vouriot J, Canoui-Poitrine F, Berle M, Reinald N, Krypciak S, et al. Facteurs indépendants
associés à une modification multivariée chez 392 patients âgés cancéreux. Cah Annee Gerontol 2010;
2: 413 (P4.2-172).
11 Castel-Cremer I, Terret C, Lombard-Bohas C, Albrand G. Démarche décisionnelle en oncogériatrie
à propos de 300 patients de plus de 70 ans. Cah Annee Gerontol 2010; 2: 414 (P4.2-173).
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Interview du Docteur Michel Hery, Service de radiothérapie, Centre Hospitalier Princesse Grâce, Avenue Pasteur,
98000 Monaco, Monaco.
Par Dimitri Verza, Directeur de la publication du Journal d’OncoGériatrie
Le Journal d’OncoGériatrie : Comment évaluezvous l’évolution du concept d’oncogériatrie au cours
des 10 dernières années ?
Michel Hery : Le concept d’oncogériatrie était, il y encore
10 ans, une grande nébuleuse. Ces dernières années, grâce
à une prise de conscience collégiale, des actions menées
par l’INCa, mais aussi de terrain comme le MAO (Monaco
Age Oncologie), nous avons pu observer une grande évolution ; en effet, il existe aujourd’hui une évaluation gériatrique qui est entrée dans les mœurs, bien qu’encore
inexistante à la fin des années 90.
De plus en plus de travaux spécifiques ou d’essais thérapeutiques sur le sujet âgé sont réalisés (exemple de
communication à l’ASCO sur le cancer digestif chez le sujet
âgé, ce qui témoigne d’une réelle progression). Les spécificités du sujet âgé sont mises en avant et davantage
prises en compte, ce qui nous permet également de mieux
« catégoriser/classer » les patients âgés et ainsi, de les
traiter plus facilement et efficacement.
Parmi les progrès réalisés, au travers du MAO, nous
pouvons recenser l’amélioration de la prise en charge du
patient âgé entre le gériatre et l’oncologue. Pendant longtemps, l’oncogériatrie était dédiée aux oncologues uniquement, éludant le versant « gériatre » et ne permettant donc
pas l’apprentissage mutuel.
Enfin, citons un autre exemple patent de cette évolution :
la création des DU/DIU d’oncogériatrie qui participent au
développement de l’oncogériatrie et au partage des
connaissances entre oncologues, gériatres et infirmières.
Le JOG : Quels pourraient être les freins à la continuité de l’ouverture entre l’oncologie et la gériatrie,
donc au développement de l’oncogériatrie ?
M.H. : Il existe un ralentissement dans cette ouverture
car beaucoup d’oncologues ont du mal à « franchir le pas »
et à faire appel aux gériatres. Pourtant il est essentiel de
faire équipe et de s’ouvrir aux autres, afin d’améliorer la
pratique courante.
Le JOG : Quels sont, selon vous, les facteurs d’accélération de la prise de conscience des deux spécialités ?
M.H. : Lors de la 1ère réunion du MAO en 2007, il est ressorti l’importance de lier les spécialités d’oncologie et de
gériatrie, car les gériatres sont une ressource essentielle
qui permet de mieux comprendre les patients et de prendre en compte leur vieillissement.
Le JOG : Hormis les réunions, quelles actions de terrain pourrions-nous mettre en place pour favoriser
ce rapprochement ?
M.H. : Nous pourrions faire participer les gériatres à l’élaboration des essais thérapeutiques car bien souvent le
patient âgé n’est pas traité de façon optimale. Il est donc
important d’intégrer les gériatres dans notre réflexion et
confronter nos expertises et points de vue.
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Le JOG : Cependant, il serait difficile d’impliquer des
gériatres partout, nous ferions face à une pénurie
dans cette spécialité…
M.H. : Il est évident qu’il ne faut pas faire appel aux
gériatres pour tous les patients de 75 ans ; néanmoins,
si les oncologues notent une fragilité chez leur patient,
il est primordial qu’ils puissent s’adresser à un gériatre,
dans des situations bien précises afin d’utiliser leur
savoir et leurs spécificités à bon escient. Peut-être
existe-il aujourd’hui une méconnaissance du rôle des
gériatres ?
Le JOG : Concernant l’oncogériatrie dans sa pratique quotidienne, quelles actions concrètes mettre
en place sur l’ensemble du territoire ?
M.H. : Il est important de favoriser et de multiplier les réunions de rencontres entre oncologues et gériatres pour
créer de bonnes relations, partager sur des sujets communs et ouvrir des portes, afin de promouvoir le “partage”
du malade.
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VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
Billet d’humeur Personal view
L’Oncogériatrie, un partage des compétences :
position du Docteur Michel Hery, co-président
du congrès Monaco Age Oncologie (MAO)
Billet d’humeur Personal view
L’Oncogériatrie, un partage des compétences : position du Docteur Michel Hery, co-président du congrès Monaco Age Oncologie (MAO)
Le JOG : Jusqu’où aller dans ce transfert de compétences entre oncologues et gériatres ? Faut-il aller
jusqu’à une double compétence ?
M.H. : Il est difficile de dire jusqu’où ira le partage du
malade, nous devons avancer pas à pas.
collaboration. Il faut créer des actions pour que les oncologues et les gériatres s’impliquent dans ce rapprochement et se mélangent davantage. La programmation du
déploiement de nouvelles Unités de Coordination en
OncoGériatrie dans le cadre du plan cancer 2009-2013,
sous l’égide de l’INCA, va dans ce sens. n
Le JOG : Quels sont vos vœux « oncogériatriques »
pour 2011-2012 ?
M.H. : Augmenter les partenariats entre oncologues et
gériatres et impliquer davantage les gériatres dans cette
VOLUME 1 - N°6 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2010
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Agenda
Février 2011
• 1er – 4 février, Paris – 22nd International Congress on Anti-Cancer Treatment
www.icact.com
• 3 – 5 février, Monaco – 3ème Monaco Age Oncologie
www.mao-monaco.org
• 17 – 19 février, Orlando, États-Unis – ASCO Genitourinary Cancers Symposium
www.gucasymposium.org
Mars 2011
• 10 – 12 mars, Paris – Congrès 2011 de la Société Française d’Hématologie
sfh.hematologie.net
• 16 – 19 mars, St. Gallen, Suisse – 12th St. Gallen International Breast Cancer Conference
www.oncoconferences.ch
• 18 – 22 mars, Vienne, Autriche – EAU Annual Congress
www.eauvienna2011.org
• 19 mars, Paris – 14èmes Rencontres Infirmières en Oncologie
www.assoafic.org
Avril 2011
• 2 – 6 avril, Orlando, États-Unis – American Association for Cancer Research 102nd Annual Meeting
www.aacr.org
• 3 – 6 avril, Paris – 37th Annual Meeting of the European Group for Blood and Marrow Transplantation
www.ebmt.org
Mai 2011
• 11 – 14 mai, Washington, DC, États-Unis – Annual Scientific Meeting of the American Geriatrics Society
www.americangeriatrics.org
• 14 – 19 mai, Washington, DC, États-Unis – AUA 2011 Annual Meeting
www.aua2011.org
Retrouvez l’agenda complet des congrès sur notre site internet www.le-jog.com
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