la logique-I et la logique

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La logique-I
© Gilles Josse 2008
Qu'est-ce que la logique ?
La logique, c'est ce qui nous sert dans la vie quotidienne à diriger nos actes en
fonction de notre connaissance du monde à un moment donné, ainsi qu'à
organiser cette connaissance. Dans ce sens, elle est superposable avec ce que
les philosophes appellent la raison. Elle nous sert ainsi à conserver un certain
état de bien-être qui, sans elle, serait aléatoire. C'est elle qui nous pousse par
exemple à nous habiller chaudement avant de sortir quand il gèle dehors et
nous évite ainsi de nous enrhumer.
De manière générale, chacun d'entre nous s'accorde à penser qu'il agit de
manière logique la plupart du temps. Il arrive pourtant que deux personnes
soient en désaccord à ce sujet. Ça n'est alors pas « la logique » elle-même qui
est en cause mais plutôt la base de connaissance du monde des deux individus
et/ou leurs motivations. Ainsi, nous avons tous des croyances et des
préférences qui ne sont pas forcément celles de notre voisin. Untel sera par
exemple tenté de jouer régulièrement de petites sommes aux jeux de hasard
quand un autre jouera occasionnellement de grosses sommes et un autre
encore pas du tout. Pourtant, tous trois auront le même souci de conserver ou
d'améliorer leurs conditions de vie et les trois attitudes face au jeu sont
logiquement valables.
On s'aperçoit ainsi que dans la vie quotidienne, l'application de la logique peut
mener à des opinions et à des actes contradictoires. En mathématiques, le
problème se pose de la même manière puisque des théories différentes peuvent
être construites quand on s'appuie sur des jeux d'axiomes différents. L'exemple
le plus flagrant est celui des trois types de géométries distincts que l'on obtient
selon la façon d'envisager le cinquième postulat d'Euclide.
La logique habituellement utilisée en mathématiques est la logique
aristotélicienne, que nous désignerons par logique-H comme logique
habituelle. Cette logique n'attribue que deux valeurs de vérité possibles à une
proposition, qui sont 0 si elle est fausse et 1 si elle est vraie. Ceci constitue le
principe de bivalence de la logique-H.
On en déduit alors la règle du tiers exclus ou principe de non-contradiction, qui
dit que l'on ne peut avoir v(P) = 1 et v(P) = 1 simultanément, où v() désigne la
valeur de vérité et où P désigne la négation de P (que l'on notera également
non(P) au besoin). Autrement dit, une proposition et son contraire ne peuvent
être vraies simultanément et on a :
v( P ET P ) = 0
La règle du tiers exclus est équivalente au principe de non-contradiction via la
règle d'élimination de la double négation qui dit que la négation de la négation
d'une proposition P vaut P. Le raisonnement est alors le suivant :
non contradiction : non (R ET (non(R)) <=> non(R) OU non(non(R))
<=> non(R) OU R : tiers exclu
La règle d'élimination de la double négation semble naturelle. Ainsi « il est faux
qu'il ne pleut pas » semble bien équivalent à « il pleut ». Pourtant, dans le
langage courant, le procédé de la litote, qui consiste à affirmer une chose en
affirmant que son contraire n'est pas vrai, est soumis à l'ambiguïté du contexte
et de l'interprétation. Ainsi, « ce n'est pas mauvais », qui est équivalent à « ce
n'est pas pas bon » peut signifier tout autant « c'est excellent » que « c'est
médiocre », suivant l'intonation du locuteur par exemple.
De la même manière, en mathématiques, certains ont rejeté l'usage de la
double négation, donnant naissance à une logique différente de la logique-H
que l'on appelle logique intuitionniste. Dans ce cadre, l'apparition de la
proposition « il pleut » demande juste à vérifier qu'elle n'est pas contradictoire
avec l'ensemble du raisonnement, alors que sa double négation demande à
vérifier qu'il pleut effecttivement. Pour la logique intuitionniste, le principe du
tiers exclus n'est plus dérivable du principe de non-contradiction, ce qui exclut
ainsi du champ des démonstrations valables les démonstrations par l'absurde.
On constate ainsi que ce que nous avions appelé « la logique » en début de
chapitre peut donner lieu à d'autres interprétations présentant des ensembles
de règles différents de la logique-H. Nous verrons d'ailleurs dans le chapitre
suivant que la logique-H peine à rendre compte de la logique naturelle du
langage et nous introduirons une autre logique que nous appellerons
logique-I, comme logique inhabituelle.
II – Le paradoxe du barbu et la logique-I
Considérons un barbu B avec N poils à sa barbe. Si je retire un poil de sa
barbe, il reste barbu. Si je répète l'opération, c'est la même chose. Pourtant, si
je lui retire successivement N poils, il n'est effectivement plus barbu. Ce
paradoxe est un exemple de ce qu'on appelle paradoxe sorite.
D'où provient-il ? Il provient de ce que la logique-H n'admet que deux valeurs de
vérité qui sont 0 et 1 et que l'on ne peut pas passer continuement de l'une à
l'autre. On peut résoudre aisément ce paradoxe en introduisant une logique
multivaluée où la valeur de vérité de « B est barbu » passe continuement de 1 à
0. Ainsi, si k est le nombre de poils de barbe qui restent au barbu B et N le
nombre de poils qu'il avait à sa barbe au départ, on a :
v( « B est barbu » ) = k / N
Ainsi, tant que k est proche de N, on peut toujours dire que B est barbu, mais
dès que k / N s'approche de 0, il convient de choisir un autre adjectif. Il est à
noter que l'on ne sait pas véritablement où se situe le seuil car, par exemple, si
l'on a retiré la moitié des poils à B et tous du côté gauche, il est évident que l'on
n'a plus affaire à un véritable barbu, alors que si l'on a retiré les poils pour moitié
à gauche et pour moitié à droite, nous avons un barbu à la barbe clairsemée.
De cette manière, une proposition peut se voir attribuer une valeur de vérité
comprise entre 0 et 1. Cette manière de procéder est celle de ce que l'on
appelle la logique floue qui permet de prendre des décisions en cas de
connaissance incertaine. Ainsi, si notre barbu B devait participer au concours du
plus beau barbu, la logique floue nous permet d'estimer nos risques si nous
devons parier sur sa victoire. Si k / N tombe en dessous de 1 / 2 nous ne
parierons certainement pas pour B, alors que la logique-H ne nous donne aucun
élément de décision.
La logique floue peut intervenir dans toute situation où l'on peut graduer la
valeur de vérité entre 0 et 1 mais elle ne permet pas de rendre compte de tous
les paradoxes que peuvent présenter les affirmations du langage. Ainsi, si l'on
considère le paradoxe du menteur, M « cette phrase est fausse », la logique
floue est incapable d'en rendre compte.
Si l'on suppose que M est vraie, alors elle est fausse, et si l'on suppose qu'elle
est vraie, alors elle est fausse : c'est un défi pour la logique-H. La logique floue
ne sait pas non plus attribuer de valeur de vérité à P.
Pour cela, il faut introduire une extension de la logique floue que nous
appellerons logique-I, qui attribue la valeur de vérité 1 / 2 à P, car elle n'est
ni vraie, ni fausse.
Si l'on considère maintenant l'affirmation V « cette phrase est vraie », elle peut
être aussi bien vraie que fausse, et là encore, nous lui attribuerons la valeur de
vérité 1 / 2, ce que ne sait pas faire la logique floue, ni la logique-H.
Nous dirons que les deux affirmations M et V sont indéterminées et nous
poserons que toute affirmation indéterminée à pour valeur de vérité 1 / 2 pour la
logique-I. L'inverse n'est pas vrai et on peut rencontrer des affirmations
auxquelles la logique floue permet d'attribuer la valeur de vérité 1 / 2 qui ne sont
pas indéterminées. Ainsi l'affirmation F, « x est une femme », sur l'ensemble des
êtres humains vaut à peu près 1 / 2 et on peut la calculer par une énumération
exhaustive.
Lorsque l'on peut calculer la valeur de vérité d'une proposition par énumération
et qu'on trouve une valeur proche de 1 / 2, on dira que la proposition P est
incertaine Lorsque l'on trouve une valeur proche de 0, on dira que P est quasifausse, et quasi-vraie si la valeur de vérité est proche de 1. Par extension, les
propositions indéterminées seront considérées comme des propositions
incertaines.
Il convient de noter une différence importante entre d'une part les affirmations M
et V que nous avons vues plus haut et l'affirmation F : M et V sont des
propositions que nous pouvons appeler unitaires car leur support ou domaine
de définition se réduit à un seul élément. En effet, M et V n'affirment quelque
chose que sur elles-mêmes. La proposition F, en revanche, est une proposition
composée, dont le domaine de définition comporte une multitude d'éléments, à
savoir ici l'ensemble des êtres humains.
L'affirmation F, « x est une femme », est une affirmation qui porte sur un être
humain quelconque pris dans un certain groupe de référence. On voit ainsi que
sa valeur de vérité dépend de ce groupe de référence qui est le support ou le
domaine de définition de la proposition. Ainsi, si l'on rapporte F à un pensionnat
de jeunes filles on trouvera une valeur de vérité proche de 1, alors que si on la
rapporte à l'assemblée nationale, on trouvera plutôt 0,2.
Il ne faut donc pas confondre cette affirmation composée F avec la proposition
unitaire F(x), « x est une femme », où x est un être humain déterminé. Cette
fois-ci, la valeur de vérité de F(x) ne peut être que 0, 1 ou 1 / 2 si cet humain x
particulier est un individu androgyne.
Si l'on rapporte F à un ensemble E comportant h hommes, f femmes et a
individus androgynes, on calcule la valeur de vérité de F sur E par la formule :
v(F) = ( h × 0 + f × 1 + a × 1 / 2 ) / ( h + f + a )
Ainsi, pour la logique-I, la valeur de vérité d'une proposition composée est
calculée par la moyenne pondérée des valeurs de vérité des propositions
unitaires qui la composent.
En résumé, pour la logique-I, les propositions unitaires peuvent être vraies,
fausses ou indéterminées : le principe de bivalence de la logique-H est
remplacé par le principe de trivalence pour les propositions unitaires. Pour
les propositions composées, la valeur de vérité d'une proposition dépend de son
support et peut prendre toute valeur rationnelle entre 0 et 1.
II – Le principe de valence de la logique-I
On a vu que la logique-H utilisait le principe de bivalence des valeurs de vérité,
encore appelé principe du tiers exclus, qui énonce qu'une proposition
quelconque est soit vraie soit fausse.
Malheureusement, de cette manière, la logique-H est incapable d'attribuer une
valeur de vérité à la proposition M « cette phrase est fausse ». On pourrait
penser que c'est un cas isolé anodin mais en fait on peut former une infinité de
propositions auxquelles la logique-H ne peut attribuer de valeur de vérité. Par
exemple :
« M OU F », où F est une proposition fausse.
« M ET V », où V est une proposition vraie.
Une première démarche consisterait à exclure les propositions du type de M qui
sont autoréférentes. Pourtant, on peut former un exemple de deux propositions
qui ne sont pas autoréférentes mais qui mènent à la même impossibilité :
Platon dit : « ce que dit Socrate est vrai »
Socrate dit : « ce que dit Platon est faux »
Si Platon dit vrai, alors ce qu'il dit est faux. Si Platon dit faux, alors ce qu'il dit est
vrai.
La logique-I propose, elle, de remplacer la règle de bivalence par la règle
suivante : toute proposition unitaire est soit vraie, soit fausse, soit
indéterminée.
La logique-I n'est donc plus simplement bivalente, mais trivalente pour les
propositions unitaires. Lorsque l'on conjugue cette règle avec celle du chapitre
précédent pour le calcul des propositions composées, on voit que la valeur de
vérité d'une proposition composée peut alors prendre n'importe quelle valeur
rationnelle entre 0 et 1.
Ici, il se présente une difficulté : que penser de l'affirmation G « Jacques est
grand » où Jacques est un être humain donné ? Si cette proposition G était une
proposition unitaire, elle ne pourrait être que vraie, fausse ou indéterminée.
Pourtant, la logique floue permet de lui attribuer une valeur de vérité comprise
entre 0 et 1 qui ne soit pas forcément 0, 1 ou 1 / 2.
En effet, on peut considérer qu'un individu est grand s'il fait plus de 1,80 m et
qu'il est petit en dessous de 1,60 m. Si t est la taille de Jacques on peut
convenir que :
v(G) = 0 si t < 1,60 m
v(G) = 1 si t > 1,80 m
v(G) = ( t – 1,60) / ( 1,80 – 1,60) sinon
Mais, dans notre raisonnement précédent, les valeurs à partir desquelles on
peut considérer que Jacques est grand ou petit sont arbitraires. Autrement dit, si
l'on prend d'autres seuils, par exemple 1,50 m et 1,90 m, on obtient une valeur
de vérité v(G) différente.
Supposons que la taille de Jacques soit de 1,65. Avec les première valeurs, on
trouvera v(G) = 0,25 et avec les deuxièmes, v(G) = 0,325, ce qui fait de G une
proposition incertaine pour la logique floue, mais à des degrès qui peuvent être
divers. Nous pouvons donc en conclure que la valeur de vérité v(G) elle-même
est incertaine. Pire même, on s'aperçoit qu'elle peut prendre n'importe quelle
valeur entre 0 et 1 selon le choix des seuils.
Autrement dit, bien que l'on puisse attribuer à G une valeur de vérité distincte de
0,1 et 1 / 2 par la logique floue, dans l'absolu, sa valeur de vérité vaut 1 / 2 pour
la logique-I : G est bien une proposition indéterminée pour la logique-I.
On s'aperçoit ainsi que toute proposition unitaire construite sur la base
d'un attribut « flou » se révèle en définitive indéterminée pour la logique-I.
Nous appellerons de telles propositions des propositions floues.
Comment pouvons-nous alors réconcilier la logique-I et la logique floue ? Il
s'agit de comprendre qu'une affirmation floue comme G, « Jacques est grand »,
est effectivement indéterminée tant que l'on n'a pas précisé ce que l'on
entendait par être grand. Dés lors que l'on précise ce que c'est qu'être grand par
une proposition du type P, « x est grand si la condition C est remplie », on peut
calculer une valeur de vérité pour G éventuellement distincte de 0, 1 et 1 / 2,
mais cela n'est pas à proprement parler la valeur de vérité de G, mais celle de
« G et P », qui n'est plus une proposition unitaire mais une proposition
composée.
On constate bien alors que la valeur de vérité trouvée dépend aussi bien de G
que de P et de l'énoncé de la condition C, et le fait que la valeur de vérité
calculée soit différente de 0, 1 et 1 / 2 ne contrarie donc pas le principe de
valence de la logique-I énoncé, qui ne s'applique qu'aux propositions
strictement unitaires.
On calcule en effet v(G) sous condition que P soit vraie alors qu'en fait, la
condition C de P étant choisie arbitrairement, P est indéterminé pour la logiqueI, ce qui fait que l'on ne peut en tirer que des conclusions incertaines, comme
nous le verrons au chapitre suivant.
Une autre manière de dire les choses est d'énoncer que les affirmations
véritablement unitaires sont celles qui ont un support réduit à un seul
élément et qui ne dépendent d'aucune condition quantifiable.
Il en va bien ainsi de l'affirmation du paradoxe du menteur M, « cette phrase est
fausse », de V, « cette phrase est vraie », de « Jacques est vivant » ou « Yvette
est une femme ». Pour ces deux dernières affirmations, il ne peut en effet y
avoir pour réponse que vrai, faux ou indéterminé, sans graduation possible.
En revanche, dès lors que l'on considère des affirmations comme « Jacques est
jeune », « ce ballon est bien gonflé », « cet homme est barbu », on se retrouve
en face d'affirmations floues dont la valeur de vérité ne peut être calculée qu'en
faisant référence à une condition sur une certaine quantité variable et qui ne
sont donc plus des affirmations strictement unitaires. Le principe de valence de
la logique-I ne peut donc pas leur être appliqué.
La logique floue permet de solutionner le paradoxe du barbu moyennant l'ajout
d'une condition sur ce qu'est un barbu qui est une fonction du nombre de poils à
sa barbe : de cette manière, la valeur de vérité de « x est barbu » passe
continuement de 0 à 1 quand on enlève un à un les poils de sa barbe.
La logique-I propose alors une solution plus radicale de ce paradoxe en
affirmant que « x est barbu » est une affirmation par nature indéterminée,
puisque s'appuyant sur une définition floue. Partant de là, on ne peut en déduire
que des affirmations indéterminées et la conclusion qui nous choque, « un
homme sans poil de barbe est encore barbu », est donc une proposition
indéterminée, donc ni vraie ni fausse ou pouvant être aussi bien vraie que
fausse. Il n'y a donc plus véritablement de paradoxe.
On résoud de la même manière le paradoxe du cheval qui s'énonce comme suit
: A, « un cheval bon marché est rare », B, « tout ce qui est rare est cher », C,
« conclusion : un cheval bon marché est cher ».
Là encore, les propositions A et B s'appuient sur les concepts flous du prix et de
la rareté : ce sont donc des propositions indéterminées et il n'y a rien d'étonnant
à ce qu'on en tire une conclusion choquante, puisque celle ci est indéterminée
elle aussi.
Si l'on remplace la proposition A par A', « un cheval cher est rare », et qu'on
conserve B, on aboutit à la conclusion C', « un cheval cher est cher ». Cette
nouvelle conclusion ne nous choque pas puisqu'elle représente une évidence
vraie et pourtant, de la manière dont nous l'avons obtenue, en composant A' et
B qui sont toutes deux indéterminées, notre raisonnement nous permet
seulement de dire qu'elle est indéterminée.
Par nature même, de très nombreuses affirmations du langage sont floues, donc
indéterminées pour la logique-I et on ne peut donc rien en déduire d'autres que
de nouvelles propositions indéterminées. Ce qui nous permet néanmoins de
diriger nos actes, c'est l'application intuitive de la logique floue où l'on
subordonne la valeur de vérité des propositions à des critères quantitatifs, à ceci
près que dans la vie courante, ces critères s'expriment de manière floue eux
aussi.
En conclusion et malgré les apparences, c'est la logique-I qui gouverne la
plupart de nos raisonnements dans la vie quotidienne et non la logique-H.
Prenons un exemple de raisonnement « logique » :
Il me faut habituellement 10 minutes pour me rendre à pied à la gare.
Mon train part à 14 heures.
Si je pars à moins cinq de deux heures, je manquerai mon train.
Pour la logique-H, ce raisonnement semble parfaitement valable mais pourtant,
tout le monde sait bien que je peux courir pour aller à la gare et que le train peut
aussi avoir cinq minutes de retard. Aussi, pour la logique-I, la conclusion
énoncée est indéterminée et il n'est pas sûr que j'ai mon train ou que je le
manque.
Autrement dit, nous basons nos actes sur des présupposés que nous
admettons être justes à 100 %, mais qui ne le sont pas pour autant. Et d'ailleurs,
cette incertitude, cette indétermination récurrente ne fait-elle pas le charme de
la vie elle-même ?
III – Tables de vérité de la logique-I
Dans les chapitres précédents, nous avons commencé à envisager la valeur de
vérité de propositions composées, conjonction ET et disjonction OU, sans
donner les règles de composition correspondantes : c'est le moment de le faire.
Notons pour ce faire que nous nous appuyon sur le principe que la valeur de
vérité d'une proposition composée dépend de manière univoque de ces
constituants élémentaires.
Intéressons-nous tout d'abord aux propositions unitaires qui n'admettent que
trois valeurs de vérité possible, ainsi que l'énonce le principe de valence. Nous
noterons les valeurs de vérité V, F et I pour vrai, faux et indéterminé,
coreespondant aux valeurs de vérité 1, 0 et 1 / 2. Comme nous l'avons vu, une
affirmation indeterminée est soit vraie ou fausse en même temps, soit ni vraie ni
fausse.
Commençons par donner les formules permettant de calculer la conjonction
(ET) et la disjonction (OU) :
v(P OU Q) = max( v(P) , v(Q) )
v(P ET Q) = min( vP) , v(Q) )
Ce qui donne les tables :
OU
F
I
V
F
0
1/2
1
I
1/2
1/2
1
V
1
1
1
ET
F
I
V
F
0
0
0
I
0
1/2
1/2
V
0
1/2
1
Intéressons-nous maintenant à la conjonction et à la disjonction pour des
valeurs de vérité quelconques entre 0 et 1, correspondant à des propositions
composées. Après quelques calculs, on trouve deux formes polynomiales
permettant de raccorder les différentes valeurs existantes.
Si x et y désignent v(P) et v(Q), où P et Q sont deux propositions, on trouve :
v( P OU Q ) = 4 ( x y² + y x² – x² y² ) - 5 x y + x + y
v( P ET Q ) = 4 ( x² y² – x y² – y x² ) + 5 x y
On remarquera alors la relation :
v( P OU Q ) + v( P ET Q ) = v(P) + v(Q)
Intéressons-nous maintenant à la négation :
non(V)
non(F)
non(I )
= F OU* I
= V OU* I
= V OU* F
Ici, OU* désigne le OU exclusif. En effet, par exemple, une proposition qui n'est
pas vraie peut-être fausse, ou ne pas être fausse non plus, auquel cas elle est
indéterminée. Autrement dit, le domaine de ce qui n'est pas vrai n'est pas
simplement le domaine du faux : il faut lui ajouter celui de l'indéterminé.
Cela pose alors le problème pratique suivant : quelle valeur de vérité attribuer à
la négation d'une proposition vraie ? On ne peut pas lui attribuer la valeur 0,
auquel cas elle serait simplement fausse, ni la valeur 1 / 2 qui en ferait une
indéterminée.
On conviendra alors des valeurs de vérité suivantes, où le nombre a est
inférieur ou égal à 1 / 2 :
v(non(V)) = a
v(non(F)) = 1 - a
v(non(I)) = 1 / 2
Cela nous amène naturellement à donner la table de vérité du OU* exclusif :
OU*
F
I
V
F
0
a
1
I
a
1/2
1-a
V
1
1-a
0
Dans ce sens, les propositions qui sont non vraies et non fausses deviennent
des propositions incertaines.
Prenons un exemple pour expliquer ce choix : admettons qu'il pleuve en un
certain endroit où un locuteur L se trouve. S'il affirme P, « il pleut », cette
affirmation est vraie et v(P) = 1. Quand il affirme non(P), « il ne pleut pas » cela
revient à affirmer Q1 OU* Q2, avec Q1 « il ne tombe pas une goutte d'eau », et
Q2 « il bruine (sous-entendu : sans qu'on puisse dire qu'il pleuve) », Q2
correspondant au cas d'indétermination. L'affirmation Q1 est ici évidemment
fausse mais Q2 ne l'est pas tout à fait car s'il pleut, c'est qu'au moins il bruine :
c'est pour cette raison que nous choisissons une valeur intermédiaire entre 0 et
1 / 2 pour v(non(P)).
Si on doit appliquer une double négation, on utilisera :
v(non(non(V))) = 1 - a
v(non(non(F))) = a
v(non(non(I))) = 1 / 2
Ainsi, ce qui est non non vrai n'est pas exactement vrai, ce qui est non non faux
n'est pas tout à fait faux et ce qui est non non indéterminé reste indéterminé.
Au premier abord, on pourrait être surpris par les valeurs a et 1 - a qui semblent
contredire le principe de valence. En fait, il n'en n'est rien car les propositions
non(V) et non(F) que l'on déduit de deux propositions V et F ne sont plus
des propositions unitaires mais des propositions composées. Par
exemple, la négation de V affirme que « V est fausse OU* V est indéterminée ».
Rien n'interdit donc que leur valeur de vérité diffère des trois seules valeurs
permises par le principe de valence.
Aussi, il nous faut maintenant expliciter la négation, ainsi que la formule du OU*
(exclusif) pour des valeurs de vérité quelconques entre 0 et 1, correspondant à
des propositions composées. Après quelques calculs, on trouve une forme
polynomiale permettant de raccorder les différentes valeurs existantes.
Si x et y désignent v(P) et v(Q), où P et Q sont deux propositions, on a :
v( P OU* Q ) = 4 ( a – 1 / 2 )( y²( 2 x – 1 ) + x²( 2 y – 1 ) )
+ 2 ( 3 – 8 a ) x y + ( 4 a – 1 ) ( x + y)
On pourra remarquer que dans le cas où a = 1 / 2 cette formule se réduit à :
v( P OU* Q ) = x + y – 2 x y
Avec la courbe suivante :
Mais alors, cela signifierait que la négation de toute proposition vraie ou fausse
soit indéterminée et « laminerait la logique » : on ne pourrait faire aucun
raisonnement puisque tout serait ramené à l'indétermination.
Pour la négation, on utilisera :
v( non (P) ) = 1 - a - (1 - 2 × a ) × v(P)
De cette manière, on retrouve les valeurs de vérité de la négation déjà données
pour les propositions unitaires vraies, fausses et indéterminées. Pour une
proposition composée quelconque, on trouve donc encore une valeur de vérité
de sa négation comprise entre a et 1 - a.
Pour la double négation, nous utiliserons la formule :
v( non ( non(P) ) ) = 1 – v( non(P) ) = a + ( 1 - 2 × a ) × v(P)
Encore une fois cette formule coïncide avec les valeurs données pour la double
négation des affirmation unitaires vraies, fausses et indéterminées. Pour une
proposition composée la valeur de vérité de sa double négation se situe entre a
et 1- a, tout comme sa simple négation. On constate encore que v( non( non(P))
est plus grande que v(P) si v(P) est inférieure à 1 / 2, et plus petite sinon.
Autrement dit, si P est quasi-fausse ou quasi-vraie, sa double négation sera plus
proche de l'indétermination.
Etudions maintenant le cas des propositions composées et des propositions
floues qui, elles, peuvent admettre des valeurs de vérité quelconques entre 0 et
1. Pour la conjonction et la disjonction, on peut dans un premier temps utiliser
les mêmes formules que pour les propositions unitaires :
v(P OU Q) = max( v(P) , v(Q) )
v(P ET Q) = min( vP) , v(Q) )
Mais au lieu des formules du min et du max, nous pouvons aussi utiliser les
formules polynomiales :
v( P OU Q ) = 4 ( x y² + y x² – x² y² ) - 5 x y + x + y
v( P ET Q ) = 4 ( x² y² – x y² – y x² ) + 5 x y
Où x et y désignent v(P) et v(Q)
On a alors les courbes suivantes pour le OU, puis pour le ET :
De cette manière, on est assuré d'avoir une coïncidence des valeurs souhaitées
quand P et Q sont vraies, fausses ou indéterminées, puisque ces formules ont
justement été calculées pour cela.
IIII – L'arbitraire de la valeur de vérité
Il faut bien noter que dans le cas des propositions composées ou floues, les
formules donnant la valeur de vérité de la conjonction et de la disjonction que
nous avons décrites au chapitre précédent ne sont pas « exactes » dans le sens
où la valeur de vérité trouvée peut-être différente de celle qu'un calcul direct
donnerait.
Considérons par exemple l'ensemble N des entiers et formons les propositions
P et Q, avec P, « les entiers son pairs » et Q, « les entiers sont multiples de
trois ». En calculant v(P) sur Nn, ensemble des entiers plus petits que n, on
trouve une valeur de vérité s'approchant de plus en plus de 1 / 2 quan n tend
vers l'infini, comme proportion du nombre d'entiers pairs parmi les entiers de Nn.
On en déduit que v(P) = 1 / 2. De même v(Q) = 1 / 3.
En utilisant la formule on trouve alors :
v(P ET Q) = min( v(P), v(Q) ) = min( 1 / 2, 1 / 3) = 1 / 3
Pourtant P ET Q revient à affirmer que « les entiers sont multiples de 2 et de
3 », ce qui est équivalent à « les entiers sont multiples de 6 », dont la valeur de
vérité peut être calculée directement comme valant 1 / 6.
De même, P OU Q revient à affirmer que les entiers sont multiples de 2 ou 3 et
quand on fait le calcul exhaustif, on trouve v(P OU Q) = 2 / 3, alors que la
formule du max nous donne seulement 1 / 2.
Avec les formules polynomiales, on trouve :
v(P ET Q) = 14 / 36
v(P OU Q) = 16 / 36
Comment expliquer ces différences ? Il a été démontré que, pour toute logique
multivaluée, il ne pouvait pas exister de formules donnant exactement la valeur
de vérité de P ET Q ou de P OU Q en fonction des valeurs de vérité de P et Q
dans tous les cas, à moins d'utiliser une logique probabiliste utilisant les
formules de Bayes des probabilités composées. La formule min utilisée pour
calculer la disjonction est la plus optimiste des formules possibles mais peut
être remplacée par d'autres formules et il en va de même pour la fonction max
qui est la plus pessimiste des formules possibles.
De la même manière, la formule donnant la valeur de l'implication peut-être
remplacée par d'autres formules.
Pourquoi alors utiliser ces formules si elles ne sont pas exactes ? Il faut alors se
souvenir de ce qu'elles ont été conçues pour s'appliquer à des propositions
floues. Or, comme nous l'avons vu, la valeur de vérité d'une proposition floue
dépend de l'expression d'une condition qui la définit, cette condition étant
arbitraire.
Aussi, quand on combine deux propositions floues, on obtient certes une valeur
de vérité unique, mais partant de deux valeurs de vérité incertaines : on peut
donc dire que la valeur de vérité de la composée est elle-même incertaine. Il n'y
a donc rien d'étonnant à ce qu'elle se révèle différente de la valeur de vérité
obtenue directement quand cela se peut. Mais ce cas de figure n'intervient
quasiment jamais dans la pratique, car aucun calcul direct n'est généralement
possible : notre exemple est donc une exception.
Finalement, il faut se souvenir que la logique floue a été crée pour pouvoir
prendre des décisions dans des contextes où les proposition sont incertaines,
ce que ne permet pas la logique-H. Ainsi, rappelons-nous le paradoxe du barbu
où, pour la logique-H, un barbu reste barbu tant qu'il a au moins un poil de
barbe. Si nous devons parier sur ce barbu pour un concours du plus beau
barbu, la logique floue nous permet de décider d'un seuil au-delà duquel nous
ne parierons plus sur le barbu dont on enlève les poils de barbe, car il ne sera
plus assez barbu.
Les formules données pour la conjonction, la disjonction et même l'implication
ne sont donc ni exactes, ni uniques mais elles nous permettent néanmoins de
diriger nos actions en fonction de connaissances imprécises : c'est bien le but
que nous avions assigné à la logique dans notre premier chapitre.
V – La logique-I et le comptage
Pour calculer la valeur de vérité de la conjonction de deux propositions, nous
avons considérée qu'elle était fonction de celle de chacune de ces deux
propositions, par la formule du minimum. Pourtant, cela soulève un problème.
Imaginons un livre énonçant un cartain nombre d'affirmations les unes à la suite
des autres. S'il se révèle qu'il y a une seule erreur, on devra affecter une valeur
de vérité nulle à ce livre, ce qui est paradoxal. Dans ce cas, il vaudrait mieux
faire la moyenne pondérée entre les choses vraies, les fausses et celles qui
sont indéterminées.
Ainsi, on devrait utiliser la formule :
v( P ET Q ) = ( v(P) + v(Q) ) / 2
Appliqué à notre livre L comportant les affirmations successives P1, P2, ... , Pn,
on aurait alors :
v( L ) = ( v(P1) + v(P2) + ... + v(Pn) ) / n
C'est la logique du comptage.
Mais tout n'est pas si simple car un livre n'est bien souvent pas seulement une
succession d'affirmations déconnectées les unes des autres. Il y a des liens
logiques entre les affirmations, des déductions qui s'opèrent, des prémisses et
des conclusions.
A la limite, dans un livre, l'auteur pourrait partir de prémisses fausses et en
déduire des conclusions qui soient néanmoins des vérités. Or, pour la logiqueH, une déduction qui s'opère sur la base d'une prémisse fausse reste
nénanmoins vraie.
Ainsi, on voit que la valeur de vérité d'un livre devrait dépendre à la fois de la
valeur de vérité des prémisses, autant que des implications qui en sont tirées.
Un livre qui partirait de prémisses justes pour ne tirer que des conclusions
fausses auraient une valeur de vérité nulle. De même pour un livre qui ne
partirait que de prémisses fausses.
Appelons P l'ensemble des prémisses et D l'ensemble des déductions opérées
à partir de ces prémisses. Nous pouvons alors poser :
v( L) = v( P) × v( D )
On a alors le graphique suivant :
Pour estimer v(P) et v(D), on procède alors par comptage, comme
précédemment.
On constate alors sur cet exemple à
d'assigner une valeur de vérité à un fait
H, pour laquelle cette valeur de vérité
problème mais comment pouvons nous
une seule erreur et elle devient nulle.
quel point il est difficile et arbitraire
complexe, comme un livre. La logiqueest soit 0 soit 1 ne rencontre pas ce
juger avec elle de la valeur d'un livre :
V – Le paradoxe du menteur et sa version renforcée
Maintenant que nous avons posé toutes les formules de calcul de la logique-I, il
convient de réexaminer la « preuve » du paradoxe du menteur M, « cette
phrase est fausse ».
Supposons la vraie, alors ce qu'elle affirme est vrai : on en déduit qu'elle est
également fausse, ce qui présente une contradiction avec l'hypothèse de
départ, à moins qu'elle ne soit à la fois vraie et fausse, auquel cas elle est
indéterminée.
Si on la suppose fausse, alors, comme elle affirme qu'elle est fausse, elle peut
donc être vraie ou indéterminée. Mais elle ne peut pas être vraie sans
contradiction à moins d'être à la fois vraie et fausse, ce qui implique encore
qu'elle est indéterminée.
A ce point, on peut conclure que M ne peut être qu'indéterminée, du type vrai et
faux.
Dans la littérature on trouve parfois une version modifiée du paradoxe du
menteur, qui est considérée comme « renforcée ». Elle s'exprime par M', « cette
phrase est fausse ou indéterminée ».
M' ne peut pas être vraie sans contradiction, à moins d'être agalement fausse,
auquel cas elle est indéterminée. Si M' est fausse, alors elle est vraie, ce qui ne
peut être le cas encore une fois, sauf si elle est indéterminée.
M' ne peut donc être qu'indéterminée.
Un raisonnement, faux, consiste à dire que si M' est indéterminée, alors il est
bien vrai qu'elle soit fausse ou indéterminée, d'où l'on déduit que M est à la fois
indéterminée et vraie, ce qui représenterait une contradiction empêchant de lui
trouver une valeur de vérité.
En effet, si M est indéterminée, on peut bien effectivement dire qu'il est vrai
qu'elle soit fausse ou indéterminée, donc qu'elle est vraie. Mais alors elle peut
également être fausse Et indéterminée, ce qui ne représente pas de
contradiction puisqu'elle est alors vraie et fausse et indéterminée, soit
indéterminée.
VI – Les différents cas d'indétermination
Nous venons de voir au cahpitre précédent que l'autoréférence peut nous
amener à l'indétermination. C'était également le cas avec le paradoxe de
Socrate et Platon. Dans ce cas, une affirmation est à la fois vraie et fausse,
sans que l'on puisse trancher.
Le cas des affirmations sur le futur nous suggère qu'une affirmation peut aussi
être vraie ou fausse sans que l'on puisse trancher non plus. « Il pleuvra demain
à tel endroit » est effectivement une affirmation à laquelle on ne peut attribuer
de valeur de vérité autre que prévisionnelle et, dans de nombreux cas, aucune
prévision n'est possible car le futur ne nous est pas accessible.
Ça n'est pas le seul cas de figure possible. Enonçons B, « tout ce qui est dans
l'univers est bleu ». B est alors indéterminé car son support est infini, c'est-à-dire
que l'on ne peut réaliser le comptage des cas où B est vraie et où B est fausse :
on ne peut donc pas effectuer le rapport de ces deux nombres pour affecter une
valeur de vérité à B. b reste donc indéterminée.
Un autre cas d'indétermination est celui des affirmations de support vide comme
N, « chaque fois que je parle à napoléon, j'ai mal à la tête ». cette fois-ci, le
rapport du nombre de cas rendant N vraie sur le nombre de cas total amène à la
division de 0 par 0, qui ne donne aucun résultat. N reste donc indéterminée.
Le cinquième cas d'indétermination, que nous n'avons pas encore signalé, est
le cas d'affirmations de suppport fini non vide dont on ne peut néanmoins pas
calculer la valeur de vérité. Par exemple, on ne sait pas dire si « les lions ont
des aigreurs d'estomac lorsqu'ils mangent du singe » est vraie ou fausse ou
dans quelle proportion.
Au vu de ce dernier exemple, on peut penser que les propositions
indéterminées sont de loin les plus nombreuses dans la « nature ».
VII – La règle du tiers exclus
Si x désigne v(P) et y = v( non(P) ), où P est une proposition quelconque,
cherchons v( P ET non(P) ) :
v( P ET non(P) ) = 4 ( x² y² – x y² – y x² ) + 5 x y
=xy(4xy–4(x+y)+5)
Sachant que y = 1 - a - (1 - 2 a ) x , on trouve :
v( P ET non(P) ) = 4 ( 1- 2 a)² x^4 – 8 ( 1 – 2 a )² x^3 +
( 20 a² – 18 a + 3 ) x² + ( - 4 a² + 3 a + 1) x
En choisissant la valeur a = 1 / 4 on trouve :
v( P ET non(P) ) = x^4 – 2 x^3 – 1 / 4 x² + 3 / 2 x
On s'aperçoit alors que pour une valeur v(P) légèrement supérieure à 1 / 2, la
valeur de vérité de la conjonction prend une valeur légèrement supérieure à 1 /
2.
Or, nous n'avons aucune raison de privilégier cette valeur de v(P). Aussi, nous
allons calculer pour quelle valeur de a le maximum de la conjonction se situe à
1 /2 pour la valeur v(P) = 1 / 2.
Pour ce faire, il faut que la valeur 1 / 2 soit un maximum pour le polynôme :
v( P ET non(P) ) = 4 ( 1- 2 a)² x^4 – 8 ( 1 – 2 a )² x^3 +
( 20 a² – 18 a + 3 ) x² + ( - 4 a² + 3 a + 1) x
On doit donc calculer la valeur de a pour que 1 / 2 anulle la dérivée de ce
polynôme et on trouve alors que a doit valoir 0 :
A l'autre extrémité, si a vaut 1 / 2, le maximum de la conjonction se situe pour
v(P) = 3 / 4 et vaut 9 / 16 = 0.5625.
Autrement dit, si nous choisissons cette valeur de 1 / 2 pour la négation d'une
proposition vraie, nous introduisons une dissymétrie flagrante entre les
propositions vraies et fausses vis à vis du principe du tiers exclus. Si P est vraie,
v( P ET non(P) ) vaut 1 / 2, alors que si P est fausse cette valeur de vérité vaut
0. De manière générale, quelque soit la valeur de a plus grande que 0, les
propositions fausses respectent le principe du tiers exclus, alors que les
propositions vraies s'en écartent.
Mais malheureusement, nous ne pouvons pas prendre a = 0, auquel cas l'on
aurait :
v( non(V) ) = 0
v( non(I) ) = 1 / 2
v( non(F) ) = 1
Cela pose effectivement un problème car cela revient à assimiler le non vrai au
faux et le non faux au vrai, alors que nous avons vu qu'une proposition unitaire
non vraie était ou bien fausse, ou bien indéterminée, du type ni vraie ni fausse.
Poser v( non(V) ) = 0 reviendrait à dire qu'elle est simplement fausse, ce qui ne
convient pas.
Une proposition unitaire non fausse est, elle, ou bien vraie, ou bien
indéterminée, du type ni vraie ni fausse, alors qu'une proposition non
indéterminée n'est ni ni vraie ni fausse, ni vraie et fausse à la fois, c'est à dire
qu'elle est soit vraie soit fausse soit indéterminée du type vraie et fausse à la
fois, tout en ne pouvant pas être de ce dernier type : elle ne peut donc être que
vraie ou* fausse. Cela explique pourquoi l'on ne peut poser que v( non(I) ) = 1 /
2 et pas v( non(F) ) = 1 qui assimilerait le non faux au vrai tout court.
Au lieu d'utiliser notre formule polynomiale, nous aurions pu prendre la formule
du min pour calculer la conjonction, nous aurions alors trouvé les mêmes
valeurs dissymétriques :
v( F ET non(F) ) = 0
v( I ET non(I) ) = 1 / 2
v( V ET non(V) ) = a
On peut alors essayer d'interpréter cette dissymétrie du comportement des
propositions vraies et fausses vis-à-vis de la règle du tiers exclus.
Si j'affirme P, « il pleut », trois cas sont à distinguer : soit il ne pleut pas une
goutte, soit il bruine, soit il pleut vraiment.
Supposons qu'il pleuve vraiment, alors P est vraie. Qu'affirme alors non(P) : qu'il
ne pleut pas, c'est-à-dire qu'il bruine ou bien qu'il ne tombe pas une goutte
d'eau. Mais s'il pleut, c'est qu'au moins il bruine et donc non(P) n'est pas tout à
fait fausse. C'est pourquoi v( P ET non(P) ) ne sera pas égal à zéro.
Supposons maintenant qu'il ne pleuve pas : alors, soit il ne fait que bruiner, soit
il ne tombe pas une seule goutte d'eau. Dans le premier cas, s'il bruine, P n'est
pas tout à fait fausse. Pour que P soit vraiment fausse, il faut donc
nécessairement que nous soyons dans le deuxième cas et qu'il ne tombe pas
une goutte d'eau. Mais alors, peu importe ce qu'affirme non(P), puisque, si P est
fausse, pour toute proposition Q, on a v( P ET Q ) = 0. Par conséquent, on a
bien v( P et non(P) ) = 0.
S'il bruine maintenant, on ne peut pas vraiment dire qu'il pleut, mais pas non
plus affirmer qu'il ne pleut pas : P n'est donc ni vraie ni fausse ou, ce qui revient
au même, aussi bien vraie que fausse, donc indéterminée. Mais c'est la même
chose pour non(P). Et par conjonction, on trouve bien v( P et non(P) ) = 1 / 2.
Au final, on arrive à s'expliquer sur cet exemple la dissymétrie
« paradoxale » entre faits positifs et faits négatifs, qui provient de ce que
la négation d'un fait positif contient une part de vérité non nulle. En
revanche, l'énoncé d'une erreur écrase à 0 la valeur de vérité de sa
conjonction avec n'importe quelle autre proposition.
On peut encore énoncer que la négation d'une proposition vraie est au pire
fausse et au mieux indéterminée, ce qui justifie l'introduction de la valeur a dans
la formule :
v( non (V) ) = a
Ce qui reste plus difficile à expliquer, quand on utilise la formule polynomiale
pour calculer v( P ET non(P ), c'est ce maximum de la valeur de vérité qui ne
coïncide pas avec le point 1 / 2 , 1 / 2.
Pour éviter le problème, il nous modifier la fonction y(x) donnant la valeur de
vérité de y = v( non(P) ), où x = v(P).
Posons alors :
f(x) = v( P ET non(P) ) = 4 ( x² y² – x y² – y x² ) + 5 x y
Nous devons calculer la valeur de la dérivée de f en 1 / 2 et trouver la condition
sur la fonction y(x) pour que cette dérivée soit nulle. En tenant compte du fait
que x = 1 / 2 et de ce que y ( 1 / 2) = 1 / 2 , on trouve alors :
f ' ( 1 / 2 ) = ( 1 + y ' ( 1 / 2) ) / 2
Autrement dit, nous devons choisir pour la négation, une formule y (x ) dont la
dérivée vaille – 1 en 1 / 2. D'autre part, on doit avoir y( 0 ) = 1 – a et y( 1 ) = a.
La fonction polynomiale la plus simple vérifiant ces trois conditions admet pour
dérivée :
y ' ( x ) = 24 a x ( x – 1) + 6 a – 1
Elle vaut :
y ( x ) = 8 a x^3 – 12 a x² + ( 6 a – 1 ) x + 1 – a
On peut encore écrire :
y ( x ) = 8 a ( x – 1 / 2 )^3 - ( x - ½ ) + 1 / 2 = 8 a ( x – 1 / 2 )^3 – x + 1
Pour que cette fonction soit monotone décroissante entre 0 et 1, il faut que a
soit plus petit que 1 / 6. Si on choisit a = 1 / 6 , on trouve la courbe suivante pour
la négation y(x) :
On a ensuite, pour la loi du tiers exclus :
f(x) = v( P ET non(P) ) = 4 ( x² y² – x y² – y x² ) + 5 x y
= 256 a² x^8 – 1024 a² x^7 + ( 1728 a² – 64 a ) x^6 + ( 192 a – 1600 a² ) x^5
+ ( 880 a² – 216 a + 4 ) x^4 + ( 116 a – 288 a² – 8 ) x^3
+ ( 56 a² – 30 a + 3) x² + ( 3 a – 4 a² + 1 ) x
= 256 a² x ( x – 1 )( x – 1 / 2 )^6 – 64 a x ( x – 1 / 2 )^3 ( x² – 3 / 2 x + 3 / 8 )
+ 4 x ( x – 1)( x² – x – 1 / 4 )
En choisissant a = 1 / 6 , on obtient la courbe suivante :
Alors, cette fois, ce sont bien les propositions indéterminées qui violent le plus la
règle du tiers exclus, avec le maximum au point (1 / 2, 1 / 2) de la courbe.
VIII – Le cas de l'implication
Voyons maintenant le cas de l'implication. Habituellement dans la logique-H, on
considère que P => Q est équivalent à Non ( P ET non(Q) ), qui affirme que l'on
ne peut avoir P sans avoir Q. Nous avons également utilisé la formule du min
pour le calcul du ET.
Si x désigne v(P) et y = v(non(Q)), on a alors :
v( P => Q ) = v( non ( P ET non(Q) )
= non ( v ( x ET y ) )
= non ( x y ( 4 ( 1 – x)( 1 – y ) + 1 )
= non ( u ( x, y ) )
= 8 a ( u – 1 / 2 )^3 –u + 1
u est nul quand x = 0 ou y = 0, c'est-à-dire seulement si P est fausse, car y vaut
au minimum a. Alors v( P => Q ) = 1 – a
La règle du « ex falso quolibet » est presque respectée dans ce sens que d'une
proposition fausse, on en déduit n'importe quoi avec la valeur de vérité du non
faux.
Si P est vraie, x = 1 et u = y, avec y = 1 – a si Q est fausse, y = 1 / 2 si Q est
indéterminée, y = a si Q est vraie. Alors v( P => Q ) vaut respectivement non( 1
– a ), 1 / 2, et non( a ).
Si P est indéterminée, x = 1 / 2 et v( P => Q ) respectivement non ( (1 – a)( 2 a
+ 1) / 2 ), 1 / 2 et non ( a ( 3 – 2 a ) / 2 ) suivant que Q est fausse, indéterminée
ou vraie.
Nous avons alors le tableau suivant pour l'implication :
P (Vert.) =>
Q (Hor.)
F
I
V
F
1-a
1-a
1-a
I
non ( (1 – a)( 2 a + 1) / 2 )
1/2
non ( a ( 3 – 2 a ) / 2 )
V
non( 1 – a )
1/2
non( a )
Discutons les valeurs du tableau :
(1 – a )( 2 a + 1 ) / 2 est compris entre 1/ 2 et 0 et donc sa négation possède
une valeur de vérité inférieure à 1 / 2 et 1 - a. Cela revient à dire qu'une
implication partant d'une proposition indéterminée pour déduire une proposition
fausse a une valeur de vérité moins grande que toute implication basée sur une
prémisse fausse.
En prenant a = 1 / 6 ,on trouve dans ce cas une valeur de 1945 / 4374 = 0.445
a ( 3 – 2 a ) / 2 étant inférieur à 1 / 2 puisque a est lui-même inférieur à 1 / 2, on
en déduit que dans ce cas v( P => Q ) a une valeur plus grande que 1 / 2, mais
moins grande que 1 - a. Pour a = 1 / 6 , on trouve 3277 / 4374 = 0.750
On s'aperçoit alors que l'on a une dissymétrie dans l'implication suivant qu'on
déduit des propositions vraies ou fausses à partir d'une proposition
indéterminée. Pour supprimer cette dissymétrie, il faudrait prendre une valeur
de a telle que :
a ( 3 a – 2 ) / 2 + ( 1 – a )( 2 a +1 ) / 2 = 1
Les deux seules solutions de cette équation sont 0 et 1. Autrement dit, puisque
a est plus grand que 0 et inférieur à 1 / 2 , il n'est pas possible de choisir une
valeur de a annulant la dissymétrie. Elle s'interprète en disant que de
l'indétermination, on déduit plus facilement des vérités que des erreurs.
Après avoir calculé non( a ) et non( 1 – a ) pour a = 1 / 6 , on a le tableau
suivant :
P (Vert.) => Q (Hor.)
F
I
V
F
0.83
0.83
0.83
I
0.44
0.5
0.75
V
0.22
0.5
0.78
Nous pouvons voir ces résultats sur le graphique suivant :
Examinons maintenant le cas où Q est vraie. Alors y = a.
On pourrait vouloir que v( P => Q ) passe par un minimum pour x = 1 / 2 lorsque
P est vraie et que donc y = a. On doit donc avoir la condition :
u ' ( 1 / 2 ) × non ' ( u ( 1 / 2 ) ) = 0
Or u ' ( x ) = a et n'est jamais nul. De plus u ( 1 / 2 ) = 3 / 2 × a – a² et l'équation
non ' ( u ( 1 / 2 ) ) = 0 qui ne dépend que de a n'admet pas de solution pour a
compris entre 0 et 1 / 2.
En fait, v( P => Q ) quand Q est vraie admet un minimum pour une valeur x = v (
P ) située entre 1 / 2 et 1. Par exemple et y = v ( non(Q) ) = a, pour a = 1 / 6, on
a:
v ( P => Q ) = ( 13 x – 10 x² – 9 )^3 / ( 6 × 9^3 ) + ( 10 x² – 13 x + 18 ) / 18
Et la courbe suivante :
Revenons maintenant aux valeurs de notre tableau pour a = 1 / 6.
On conste qu'un raisonnement partant d'une affirmation vraie pour arriver à une
affirmation fausse n'est que quasi-faux et non strictement faux. De même un
raisonnement partant d'une vérité pour déduire une autre vérité nest que quasivrai et non strictement vrai.
Cela découle simplement de l'introduction de la valeur de vérité indéterminée
qui nous a amené à prendre des valeurs de vérité intermédiaires pour les
négations des propositions vraies ou fausses.
VIIII – Les affirmations disparates
Considérons la population d'un collège et les deux affirmations suivantes :
F : « Les étudiants de ce collège sont des filles »
P : « les étudiants de ce collège reçoivent de l'argent de poche »
On peut calculer par comptage v(F) = x et v(P) = y.
Comment interpréter F ET P : par exemple en énonçant Q, « les étudiants de ce
collège sont des filles qui reçoivent de l'argent de poche ». Si l'on pose v(Q) = z,
il est bien évident que z est plus petit que x et que y.
C'est pourquoi l'on a pu poser z = min( x , y ). Mais il est alors bien évident que
cette formule est la plus optimiste possible. En effet si x est plus petit que y, il n'y
a rien d'évident à ce que l'ensemble des filles touchent de l'argent de poche.
Cela n'est toujours vrai que si y = 1.
C'est pourquoi nous avons posé la formule :
z = x y ( 4 ( 1 – x )( 1 – y ) + 1 )
De cette manière si x ou y vaut 0, z vaut 0. De même, si x vaut 1, alors z = y, et
si c'est y qui vaut 1, alors z = x. Dans ces quatre cas, la formule est toujours
vraie et coïncide avec la formule du min.
Si x et y valent 1 / 2, ce qui signifie que la moitié des étudiants sont des filles et
que la moitié des étudiants touchent de l'argent de poche, alors z = 1 / 2 et
pourtant, il peut se faire que la valeur de vérité de Q soit 1 si ces deux moitiés
coïncident, c'est-à-dire s'il n'y a que les filles pour toucher de l'argent de poche,
ou bien qu'elle vaille 0 si ce sont seulement les garçons qui reçoivent de l'argent
de poche.
Aussi, on peut affirmer que la valeur de vérité de la valeur de vérité de Q,
calculée par le min ou par la formule polinomiale varie suivant la valeur de x et
y. v( v(Q) ) ne vaut 1 que lorsque nous sommes dans l'un des quatre cas cités
précédemment, c'est-à-dire lorsque l'une des deux affirmations F ou P sont
strictement vraies ou fausses.
Si u désigne la valeur moyenne de l'écart de v( v(Q) ) à 1 / 2 lorsque F et P sont
indéterminées, on en déduit le tableau suivant :
v( v(Q) )
F
I
V
F
1
1
1
I
1
1-u
1
V
1
1
1
Nous cherchons alors une formule polynomiale coïncidant avec les valeurs de
ce tableau et nous trouvons :
v( v( Q ) ) = 1 - 16 u x y ( 1 – x )( 1 – y )
Il n'est pas garanti que cette formule coïncide en tout point avec celle que nous
aurions trouvée si nous avions fait un calcul de probabilité sur la base de
dénombrements. Toutefois, cela n'a pas d'importance car là n'est pas l'objet de
la question. L'important est de constater que v(v(Q)) n'est pas toujours égal à 1.
On notera aussi que u est inférieur à 1 / 2.
Considérons mainteant deux collèges A et B et les deux affirmations suivantes :
F' : « Les étudiants du collège A sont des filles »
P' : « les étudiants du collège B reçoivent de l'argent de poche »
Si x' et y' désignent les valeurs de vérité de F' et P', on n'a alors aucune raison
de faire dépendre de la même manière la valeur de vérité de leur conjonction Q'
de x' et y'. Si A désigne le nombre d'élèves du collège A et B celui du collège B,
on devra plutôt prendre :
v(Q' ) = (A x' + B y') / (A +B)
On est ici dans le cas d'affirmations disparates et on applique ici la logique du
comptage.
X – Une nouvelle formule pour la négation
Si j'affirme P, « il pleut et il ne pleut pas ». S'il pleut, v(« il pleut) = 1 et v(« il ne
pleut pas ») = a, donc v(P) = a. S'il ne pleut pas du tout, v(« il pleut ») = 0 et v(P)
= 0 cette fois-ci. S'il bruine, v(« il pleut ») = v(« il ne pleut pas ») = 1 / 2, car on
n'a aucune raison de privilégier l'une ou l'autre des deux propostions.
En moyenne, on s'aperçoit alors que v(P) = ( 1 / 2 + a ) / 3 ce qui donne, pour a
= 1 / 6, v(P) = 2 / 9.
D'où, pour que v(P) soit en moyenne inférieure à a, qui est la valeur de vérité
des choses non vraies, il faut que a vaille au moins 1 / 4 :
Mais si a = 1 / 4 , on a alors la courbe suivante pour la négation :
On ne s'explique pas alors pourquoi la courbe n'est pas strictement
décroissante. Pour corriger le phénomène, on peut choisir une autre fonction
pour la négation et par exemple :
v( non(x) ) = - 4 ( x – 1 / 2 )^5 + 3 ( x – 1 / 2 )^3 – x + 1
Cette fonction est telle que v( non( 1 ) ) = a = 1 / 4 et on a la courbe suivante :
On constate alors que l'on pourrait remplacer la fonction de négation par une
autre encore, qui soit linéaire par morceau avec :
v( non(x) ) = 3 / 4 pour x compris entre 0 et 1 / 4
v( non(x) = = 1 – x pour x compris entre 1 / 4 et 3 / 4
v( non(x) ) = 1 / 4 pour x compris entre 3 / 4 et 1
De cette manière, les négations de propositions sont divisées en trois
catégories fausses ou quasi-fausses, incertaines, et vraies ou quasi-vraies.
Avec a = 1 / 4 , on obtient une formule polynomiale très simple pour le OU*
exclusif :
v( P OU* Q ) = ( x + y )( x + y – 2 x y )
On remarque encore que prendre a = 1 / 4 revient à utiliser la logique du
comptage pour calculer le OU*
Nous allons alors reprendre le calcul de l'implication avec notre nouvelle formule
de négation :
Si x désigne v(P) et y = v(Q), on a alors :
v( P => Q ) = v( non ( P ET non(y) )
= non ( v ( x ET non(y) ) )
= non ( x non(y) ( 4 ( 1 – x)( 1 – non(y) ) + 1 )
= non ( u ( x, y ) )
Nous allons alors distinguer un certain nombre de cas.
Si y est compris entre 0 et 1 / 4 , alors non(y) = 3 / 4 , et on a :
u ( x, y ) = 3 x ( 2 – x ) / 4
u ( x, y ) est alors croissant de 0 à 3 / 4 pour x allant de 0 à 1. u ( x, y ) atteint la
valeur 1 / 4 pour x = 1 – sqr (6) / 3
Donc, pour x entre 0 et 1 – sqr (6) / 3, on a :
v( P => Q ) = 3 / 4
Et, pour x compris entre 1 – sqr (6) / 3 et 1, on a :
v( P => Q ) = 1 - u ( x, y ) = 1 - 3 x ( 2 – x ) / 4 = f1(x)
Où f1(x) décroit de 3 / 4 à 1 / 4.
Si maintenant y est compris entre 3 / 4 et 1, on a non(y) = 1 / 4 et :
u ( x, y ) = x ( 4 – 3 x ) / 4
Alors, u ( x, y ) est croissante de 0 à 1 / 3 pour x allant de 0 à 2 / 3, passe par la
valeur 1 / 4 pour x = 1 / 3, puis décroit de 2 / 3 à 1 / 4 pour x allant de 2 / 3 à 1.
Autrement dit, pour x compris entre 0 et 1 / 3, on a :
v( P => Q ) = 3 / 4
Et, pour x compris entre 1 / 3 et 1 :
v( P => Q ) = 1 - x ( 4 – 3 x ) / 4 = f2(x)
Avec f2(x) décroissant de 1 / 3 à 2 / 3 et passant de la valeur 3 / 4 à 2 / 3, puis
croissant de 2 / 3 à 1 et passant de 2 / 3 à 3 / 4.
Si y est maintenant compris entre 1 / 4 et 3 / 4, alors non(y) = 1 – y et on a :
u ( x, y ) = x ( 1 – y )( 4 ( 1 – x ) y + 1 )
= ( 1 – y )( ( 1 + 4 y ) x – 4 y x² )
Le maximum M de u est alors atteint pour x = x0 = 1 / 2 + 1 / ( 8 y ) et il vaut :
M = ( 1 – y )( 1 + 4 y )² / ( 16 y )
On cherche alors à savoir si M dépasse ou non les valeurs seuil de 1 / 4 et 3 / 4
et on a le graphe ci-dessous, où l'ordonnée représente M :
On constate alors que le maximum M est toujours supérieur à 1 / 4 et inférieur à
3 / 4 pour y entre 1 / 4 et 3 / 4.
Il existe donc deux valeurs x1(y) et x2(y) également située de part et d'autres de
x0(y) = 1 / 2 + 1 / ( 8 y ) telles que u ( x1 , y ) = u ( x2 , y ) = 1 / 4.
Pour y entre 1 / 4 et 3 / 4 , seul x1(y) est compris entre 0 et 1. Aussi, quand x
est compris entre x1 et 1, on a :
v( P => Q ) = 1 - u ( x, y ) = 1 - ( 1 – y )( ( 1 + 4 y ) x – 4 y x² )
La valeur de v( P => Q ) est alors minimale pour x0 (y ). v( P => Q ) décroit donc
de 3 / 4 à 1 – u ( x0 (y) , y ), pour x allant de x1 (y) à x0 (y), puis croit jusqu'à 1
–u(1,y)=y
Et quand x est plus petit que x1 , alors v( P => Q ) = 3 / 4
On peut donc dresser le tableau suivant :
Le minimum de la valeur de vérité se trouve donc sur la ligne bleue ciel de
droite, qui va en décroissant de 2 / 3 à 1 / 4, lorsque x varie de 2 / 3 à 1 et y de
3 / 4 à 1 / 4.
On peut aussi se demander que devient la règle du tiers exclus avec cette
nouvelle loi pour la négation :
v( P ET non(P) ) = v( x ET 3 / 4 ) pour v(P) = x compris entre 0 et 1 / 4
=3x(2–x)/4
v( P ET non(P) ) = v( x ET 1- x ) pour x compris entre 1 / 4 et 3 / 4
= x ( 1 – x )( 4 x ( 1 – x ) + 1 )
v( P ET non(P) ) = v( x ET 1 / 4 ) pour x compris entre 3 / 4 et 1
=x(4–3x) /4
On trouve alors la courbe suivante (en rouge) :
XI – Le principe d'indétermination
Considérons un groupe G de N personnes et affirmons la proposition P, « les
personnes de ce groupe possèdent en commun une propriété Q », où Q est une
propriété quelconque qui peut être « ces personnes ont toutes leurs dents » ou
bien « elles ont au moins un euro en poche ».
Admettons qu'il y ait exactement k personnes pour qui P soit vraie. Alors on a
v(P) = k / N. Combien de groupes de k personnes pouvons nous former parmi N
? La réponse est N ! / ( k ! ( N – k ) ! ) , où ! Désigne la factorielle. On peut donc
calculer la valeur de vérité moyenne de v(P) comme étant la somme :
k =n
∑ N ! /k !  N −k !×k / N / 2 N
k =0
En effet, le nombre total de parties de G vaut 2^N. On peut prendre un exemple
numérique avec N = 100 et on trouve la courbe de répartition des valeurs de
vérité suivante :
La valeur de la somme est de 1 / 2, ce qui veut dire qu'en moyenne, une
affimation choisie au hasard sur un groupe suffisamment important sera
indéterminée : c'est ce que l'on peut appeler le principe d'indétermination.
XII – L'équivalence logique
Pour la logique-H, deux propositions P et Q sont équivalentes si P => Q et Q =>
P sont vraies toutes les deux, d'où :
v ( P <=> Q )
= v ( ( P => Q ) ET ( Q => P )
= v ( non( P ET non(Q) ) ET non( Q ET non(P) ) )
Considérons alors deux propositions incertaines P et Q dont les valeurs de
vérité x et y sont comprises entre 1 / 4 et 3 / 4, alors v(non(P)) = 1 – x et
v(non(Q)) = 1 – y, d'où :
v ( P <=> Q )
= v( (1 - ( 1 – y )( ( 1 + 4 y ) x – 4 y x² ) ) ET (1 - ( 1 – x )( ( 1 + 4 x ) y – 4 x y² ) )
= v( u1 ( x, y ) ET u2 ( x , y ) )
= u1 u2 ( 4 ( 1 – u1 )( 1 – u2 ) + 1 )
= u 1 u2 ( 4 ( 1 – x)( 1 – y )( ( 1 + 4 y ) x – 4 y x² )( ( 1 + 4 x ) y – 4 x y² ) + 1 )
On trouve alors la courbe suivante :
Son maximum est atteint pour x = y = 1 / 4 ou x = y = 3 / 4 et il vaut alors
environs 0.645 et son minimum est atteint pour x = 1 / 4 et y = 3 / 4 ou x = 3 / 4
et y = 1 / 4 et il vaut environs 0.375.
Ainsi, ce sont deux propositions quasi-fausses ou deux propositions quasivraies qui ont le plus de chances d'être équivalentes. Pour deux propositions
indéterminées, l'équivalence est elle-même indéterminée.
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