Singularités des modules différentiels à coefficients dans un corps ou avec un corps algébriquement clos ou un corps de nombres) Salah eddine Remmal Exposé donné le 3/9/2012 à l’Ecole de recherches CIMPA-UNESCO Singularités des espaces, des fonctions et des feuilletages qui a eu lieu à La Faculté des Sciences FES entre le 3 et 14 septembre. Introduction : On sait que la donnée d’un système différentiel linéaire correspond à la donnée d’un module différentiel muni d’une connexion. De même, deux systèmes différentiels linéaires équivalents correspondent à des modules isomorphes dans la catégorie des modules différentiels. La classification des systèmes différentiels linéaires est basée d’abord sur la caractérisation des singularités et la distinction entre singularités : ordinaire, régulière ou irrégulière. Un des outils de cette caractérisation est le rang de Poincaré-Katz. Le calcul de ce rang n’est pas difficile si on dispose d’un bon lemme de vecteur cyclique qui permet de passer d’un système différentiel linéaire à une équation différentielle linéaire .On peut alors calculer sur les coefficients de l’équation différentielle la plus parts des invariants du module associé au système : Rang de Katz Les invariants de Gérard Levelt L’indice de Malgrange et de Ramis Le calcul des facteurs déterminants dans la décomposition de Turrittin D’autre part, il existe des algorithmes qui permettent de calculer le rang de Katz sans passer par le lemme de vecteur cyclique comme les algorithmes de Babith-Varadarajan (Propositions1et 2). On peut également, dans le cas où est un corps de nombres, utiliser l’analyse p-adique et la notion de rayon de convergence générique du module associé au système différentiel pour avoir des informations sur les singularités et les exposants (voir théorème3 et corollaire 2). Ces résultats utiles en géométrie arithmétique nous permettent de voir qu’un G-opérateur différentiel n’a que des singularités régulières à exposants rationnels alors qu’un E-opérateur (transformé de Fourrier-Laplace d’un G-opérateur) ne possède qu’une singularité régulière et une singularité irrégulière En plus les coefficients de la matrice de réduction à la 1 www.freeschoolmaths.com forme de Krull- Turrittin(corollaire1) au voisinage d’une singularité régulière0 sont des G-fonctions dans le cas d’un G-opérateur et des E-fonctions dans le cas d’un E-opérateur. , . 1. Généralités Soit un anneau commutatif muni d’une dérivation d et soit l’anneau des constantes de . Un -module différentiel est un -module libre de rang fini muni d’un opérateur c-a-d un -endomorphisme de qui vérifie : Si et sont deux -modules différentiels. Une application -linéaire est dite horizontale si : . On note ( ) la catégorie dont les objets sont les -modules différentiels libres de rang fini sur et les morphismes sont les applications -linéaires horizontales. C’est une sous catégorie de la catégorie des -modules de type fini. Si est un sur-anneau différentiel de c.-à-d. un -module libre de rang fini contenant et muni d’une dérivation prolongeant la dérivation de et si alors est un -module différentiel muni de l’opérateur défini par : Si est une base de , il existe alors des coefficients On dit que la matrice représente dans la base et on note : Si est une autre base de et si est la matrice de changement de bases, l’opérateur est alors représenté par la matrice : On appelle solution du module toute application -linéaire s de (c-a-d ) dans un sur-anneau différentiel dans telleque : de 2 www.freeschoolmaths.com D’où : où est une base de . Autrement dit le vecteur est solution du système différentiel linéaire De même on a : est solution du système différentiel linéaire . Les systèmes et associès au même module relativement aux bases et sont alors équivalents. Inversement, étant donné un système différentiel , on peut lui associer le -module différentiel définie par : où est la base canonique de et Considérons l’ensemble des équations différentielles .On sait que c’est un anneau euclidien à droite et à gauche non commutatif et simple muni de l’opération : . défini un -module différentiel Tout élément de rang muni de l’opérateur et est une base et De même tout élément différentiel de la forme : Tout -module différentiel l’opération : tel que : ; où )= ; . défini un système où est un -module muni de Lemme de vecteur cyclique : Si est un -module différentiel de rang et si est un corps de caractéristique 0 ou de caractéristique rang , alors, il existe un vecteur tel que : soit une base de appelée base cyclique de . 3 www.freeschoolmaths.com Dans ce cas, si , le module module : est isomorphe au où Remarque 1: Soient alors et tel que : une base de , est un vecteur cyclique de 2. Modules différentiels algébriques Soient un corps commutatif algébriquement clos de caractéristique nulle et le corps des séries formelles à coefficients dans . Rappelons que la clôture algébrique de est où est l’extension galoisienne de degré de et que la dérivation s’étend d’une manière unique sur . Si avec de , on note : 2.1 Singularités : Rang de Poincaré-Katz et nombre de Fuchs-Malgrange Soient un -module différentiel de rang , une base de et . Le nombre rationnel : est appelé rang de Poincaré-Katz de . Remarques 2: 1. Ce nombre ne dépend pas de la base e choisie. En plus, il est le même pour tous les -modules c-a-d : 2. Si le module M à une singularité régulière (resp.irrégulière) en 0 3. admet un point singulier régulier en 0 s’il existe une extension de dérivation et une base de espace vectoriel est représentée par une matrice où la telle que 4. Un système différentiel linéaire ou une équation différentielle linéaire ont un point singulier régulier (resp.irrégulier) en 0 si le module associée à une singularité régulière (resp.irrégulière) en 0. 4 www.freeschoolmaths.com Proposition1 Si que : 1. : est une base de -module telle alors : et on retrouve les conditions de Fuchs pour la caractérisation des singularités de l’équation associée à . 2. alors on a : telle que : ; ; où est à coefficients dans , est une matrice non nilpotente et est le plus petit entier tel que : . Remarques3: 1. Une matrice de la forme : où est appelée une transformation de Schearing. 2. Si on écrit sous la forme : avec , le nombre de Fuchs est : . La nullité du nombre de Fuchs caractérise une singularité régulière. 3. Si on considère la dérivation et l’opérateur , , ( ) , où , le polygone de Newton de , et , qui est la clôture convexe dans de possède une seule pente et cette pente est nulle si et seulement si 0 est un point singulier régulier de . ( ). (Voir ) 4. Si est l’équation différentielle associée à , on écrira : ) et on notera le rang de Poicaré-Katz 5 www.freeschoolmaths.com de l’opérateur obtenu à partir de (resp. par le changement de variables : ) Proposition2 : Soient un -module différentiel de rang , . Alors : 1. 2. une base de et tels que: est une matrice non nilpotente si . Remarques4 : 1. La matrice décrit un algorithme qui est un composé fini de transformations matricielles polynomiales et de transformations de Schearing. 2. Si on pose : , les systèmes différentiels et sont alors équivalents. 2.2 Décomposition de Krull-Turrittin La décomposition de Krull-Turrittin permet une classification des -modules selon la nature des singularités. Un -module différentiel se décompose ainsi comme somme directe de modules indécomposables (irréductibles) c.-à-d. dont les sous-modules différentiels n’ont pas de supplémentaire. Dans le cas d’une singularité régulière, nous retrouvons la décomposition formelle classique des modules Fuchsiens. L’analogue de cette décomposition dans le ca d’un opérateur linéaire correspond à une factorisation de selon les pentes de son polygone de Newton en un produit d’opérateurs ayant une seule pente ( ). On peut retrouver aussi cette décomposition en appliquant le lemme de Hensel ( ). Définition : Une matrice est dite sous forme canonique ou réduite si : 1. 2. Les matrices sont semi-simples et commutent deux à deux 3. Les matrices commutent avec la matrice . 4. Remarques5 : 6 www.freeschoolmaths.com 1. Si où sont des blocs de matrices, on notera . 2. Si on pose : = alors, on peut écrire : et , , où , où 3. Si est un -module différentiel associé à la matrice -module différentiel associé à la matrice alors, on a : où (irréductible). 4. Si est une matrice de la forme : Jordan. On peut écrire : Jordan de valeur propre . et si est un est un module indécomposable où où est sous forme de est une matrice de Théorème1 (Décomposition de Krull-Turrittin) Soit un -module différentiel de rang . Alors, 1. Si 0 est une singularité régulière, il existe une extension et une base de espace vectoriel de où la dérivation est représentée par une matrice canonique de la forme : Dans ce cas, on a : où est un différentiel associé à la matrice 2. Si 0 est une singularité irrégulière, il existe une extension de et une base de espace vectoriel -module où la dérivation est représentée par une matrice canonique de la forme : Dans ce cas, on a : différentiel associé à la matrice est un -module 7 www.freeschoolmaths.com Corollaire Soit un système différentiel linéaire. Alors : 1. Si 0 est une singularité régulière, il existe une extension , une matrice ) et une matrice de telles que : Dans ce cas, est une solution formelle du système différentiel. 2. Si 0 est une singularité irrégulière, il existe extension de une matrice ) telles que : où Dans ce cas, on a : , Remarques6 : 1. Les valeurs propres de la matrice exposants du module différentiel est une matrice canonique. est une matrice non nilpotente et est solution du système. modulo sont appelées les (ou du système différentiel 2. La matrice n’est pas unique et elle est appelée matrice de réduction. 3. L’anneau des séries formelles muni de la valuation -adique est un anneau valué discret dont est le corps résiduel puisque que les corps et la classe de sont isomorphes. Si , on notera modulo Lemme de Hensel : On considère le corps muni de la dérivation et on suppose que est un corps algébriquement clos. Soit tels que : et dans où est un polynôme unitaire de degré Si , les polynômes sont premiers entre eux, alors, il existe un relèvement unique de tel que : avec : . 8 www.freeschoolmaths.com Application au cas singulier régulier : On considère l’équation : Le système différentiel linéaire associé à est défini par la matrice : On a : si 0 est une singularité régulière. Dans ce cas, le polynôme caractéristique de la matrice appelé polynôme indiciel de l’équation différentielle est : +…+ On peut écrire car le corps est algébriquement clos. Les racines du polynôme indiciel sont les exposants du module ou du système associé à . On peut appliquer Le lemme de Hansel, en posant : +…+ , , ; . La condition du lemme de Hansel est équivalente a : ce qu’on peut toujours avoir moyennant une transformation de Schearing). Il existe donc : , tels que : avec ; Cette factorisation de correspond à une décomposition de krull-Turrittin du module différentiel : On a : où où : . . D’autre part, si on applique le théorème de Krull-Turrittin au module , on obtient car où est un facteur de Jordan associé à la valeur propre En plus, où est un -espace vectoriel de dimension muni de l’opérateur défini relativement à la base canonique par : est un -espace vectoriel de dimension 1 muni de l’opérateur tel que 9 www.freeschoolmaths.com l’opérateur est une base de module différentiel défini par : muni de 3. Modules Différentiels arithmétiques On suppose que et on note la clôture algébrique de 3.1. Séries Gevrey de type arithmétique Soit une suite de nombres algébriques On considère la condition suivante : : : 1. Les conjugués de sont de module inférieur à 2. Le dénominateur commun à est inférieur à Définitions : 1. Une série entière la série associée >0, < dans . est dite Gevrey d’ordre a un rayon de convergence non nul ! . est dite Gevrey arithmétique d’ordre s si et la suite de terme générale : vérifie la propriété 2. si . 3. Une série Nilsson- Gevrey arithmétique d’ordre s est une combinaison linéaire finie de la forme : où d’ordre s. et est une série Gevrey arithmétique Remarques7 : 1. Une série Gevrey d’ordre 0 est une série convergente. 2. Une série Gevrey d’ordre est généralement une série divergente. 3. Une série Gevrey d’ordre est une série entière d’ordre exponentiel . 4.L’ensemble des séries Gevrey arithmétiques d’ordre s noté est un sous -algèbre de stable par différentiation et par intégration. 5.L’ensemble des séries Nilsson- Gevrey arithmétiques d’ordre s noté est une -algèbre stable par différentiation et par intégration. Définitions (G-fonctions,E-fonction) 10 www.freeschoolmaths.com telle que f est solution d’un opérateur différentielle de Soit . Alors f est une G-fonction (resp. une E-fonction) si Exemples : 1. La fonction de Bessel est une E-fonction. (resp. si ). 2. est une G-fonction alors que est une E-fonction (où + 1 ). La présence d’une série Nilsson Gevrey parmi les solutions d’une équation différentielle linéaire à coefficients polynomiaux nous renseigne sur les singularités et sur la structure de l’équation Théorème : soit l’opérateur d’ordre et soit minimal annulant .Alors : 1. Si , est Fuchsien c.-à-d. n’a que des singularités régulières. En tout point , admet une base de solutions dans et une base de solutions dans 2. Si et sont les seules singularités de . ( admet une base de solutions analytiques en tout point différent de et de ). En plus : 0 est une singularité régulière à exposants rationnels et admet une base de solutions dans . est une singularité irrégulière et admet une base de solutions de la forme : 3. Si où , et et sont les seules singularités non triviales de En plus : 11 www.freeschoolmaths.com 0 est une singularité irrégulière et forme : admet une base de solutions de la où et est une singularité régulière à exposants rationnels et admet une base de solutions dans 3.2. Rayon de convergence générique : On suppose que k est un corps de nombres et on note : l’ensemble de toutes les places finies normalisées sur k le complété de la clôture algébrique de pour une place finie normalisée associée au nombre premier . ; associée au nombre premier une extension de complète et algébriquement close dont l’ensemble des valeurs absolues est transcendant sur celui de . et dont le corps résiduel est un point générique de valeur absolue c.-à-d : et Pour tout réel positif non nul r et toute valeur absolue non archimédienne du corps de nombres k, on définit une valeur absolue sur k(x) en posant : si et si . Cette valeur absolue vérifie : sur en posant : et se prolonge en une norme si . le complété la de l’anneau des fractions rationnelles à coefficients dans sans pôles dans la couronne : 12 www.freeschoolmaths.com pour la norme : On sait que coïncide avec l’anneau analytiques dans la couronne et que : des fonctions , (Voir Soient Les matrices un et ) -module différentiel de rang , une base de, . sont liées par la formule de récurrence: ; . est l’unique solution du système La matrice différentiel : vérifiant : . C’est une solution analytique dans le disque du centre et de rayon . Le nombre ne change pas si je remplace par où et est le corps de fractions de . Ce nombre est donc identique pour toutes les bases du module . On l’appellera le rayon de convergence générique du -module différentiel au voisinage du point générique pour la place finie du corps associée au nombre premier et on le notera ou . Si écrira est l’équation différentielle linéaire associée à M, on au lieu de . Définition (caractérisation) d’un G-opérateur Soit : .Alors : L est un G-opérateur si et seulement si : Définition d’un E-opérateur . 13 www.freeschoolmaths.com est un E-opérateur si son transformé de Fourier-Laplace est un G-opérateur. Où tels que : et Les résultats suivants nous permettent de voir qu’un G-opérateur n’a que des singularités régulières à exposants rationnels alors qu’un Eopérateur ne possède que deux singularités non triviales (une singularité régulière en 0 dont les exposants sont des nombres rationnels et une singularité irrégulière à l’infini) Théorème : si est un module différentiel, alors les assertions suivantes sont équivalentes : 1. Il existe une famille ( ) de nombres réels de où décrit les places finies de ) telle que : . 2. 0 est une singularité régulière à exposants rationnels Corollaire2 ( Katz) : Si est un module différentiel te tel que : où alors décrit les nombres premiers, n'a que des singularités régulières exposants rationnels. Théorème4 (Caractérisation des E-opérateurs) Soit . alors L est un E-opérateur si et seulement si les conditions suivantes sont satisfaites : 1. Les pentes du polygone de Newton (au sens de Ramis) de L sont dans 2. 14 www.freeschoolmaths.com Remarque : 1. Dans le cas d’un G -opérateur, les coefficients de la matrice de réduction et de la matrice (voir corollaire1) sont des G-fonctions ( Propriété :Local Galochkin) . 2. Dans le cas d’un E-opérateur, les coefficients de la matrice de réduction et de la matrice au voisinage de 0 sont des E-fonctions et les exposants en 0 sont rationnels. 3. La grande différence entre la théorie des équations différentielles complexes et la théorie des équations différentielles p-adiques est qu’une solution p-adique ne converge pas jusqu'à la première singularité contrairement à une solution complexe ce qui nous amène à introduire la notion du rayon de convergence des solutions au voisinage d’un point. 4. La plus part des équations différentielles linéaires à coefficients polynomiaux qui émaillent les traités de fonctions spéciales sont soit fuchsiennes sur la sphère de Riemann, soit elles n’ont que deux singularités, l’origine et l’infini, l’une des deux étant régulière. 5. Si est une série Nilsson-Gevrey d’ordre de type arithmétique, vérifiant une équation différentielle à coefficients polynomiaux, alors est solution d’un E-opérateur. Ce résultat montre l’importance des E-opérateurs. Références Y.ANDRE, Séries Gevrey de type arithmétique,Annals of mathématic,Vol 151 (2000). DG.BABITT,VS.VARADARAJAN, Formal reduction of meromorphic differential equation, a group theoric view, Pacific J.Math108,1983. B.MALGRANGE, Equations différentielles à coefficients polynomiaux, Birkhausser Vol 96, 1991. S.MANJRA ,S.REMMAL, Rayon de convergence générique des équations différentielles à coefficients polynomiaux sur un corps de nombres, Annales mathématiques BLAISE PASCAL,Vol 8,N°2,pp 89-105 (2001). S.MANJRA ,S.REMMAL, Equations différentielles p-adiques et Séries Gevery arithmétiques. Mathematische Annalen.334,pp 37-64 (2006). S.REMMAL,G.CHRISTOL, Irregular p-adic differential equation, Lecture notes in algebra and number theory. Vol 208. Marcel Dekker 1999. 15 www.freeschoolmaths.com P.ROBBA, Lemme de Hensel pour les opérateurs différentiels. Ens.Math.26.Fasc 3-4,1980. Marius van der Put, Michael F.Singer,Grundlehren der mathematischen Wissenchften. Vol 328,Springer. 16 www.freeschoolmaths.com