lules immunitaires se reforment à partir de
ces cellules souches, ce qui entraîne la re-
construction d’un «nouveau» système im-
munitaire; l’organisme du patient retrouve
ainsi son immunocompétence et peut donc
contrôler ou prévenir les infections de ma-
nière tout à fait normale.
Revenons maintenant à notre probléma-
tique initiale: comment traiter des patients
atteint d’une forme de SEP «agressive»,
dont le système immunitaire ne se com-
porte pas de façon «normale» mais at-
taque au contraire le cerveau et la moelle
épinière? Sur la base de ce que nous ve-
nons d’expliquer brièvement à propos du
développement de la TCSHA, quelques
hématologues, comme Riccardo Saccardi
et Athanassios Fassas, spécialistes des
transplantations de cellules souches, ou
encore Richard Burt, et des neurologues
tels que Gianluigi Mancardi, pour ne citer
que quelques pionniers de cette méthode,
ont opté il y a presque 20 ans pour une
solution logique similaire: remplacer tout
simplement le système immunitaire dé-
cient. La démarche ici est la transplanta-
tion de cellules souches hématopoïétiques
autologues, impliquant le prélèvement des
cellules souches de l’organisme du patient,
l’élimination d’un système immunitaire
présentant de graves anomalies puis la
«reconstruction» d’un nouveau système
immunitaire, en principe tolérant.
En ce qui concerne la transplantation de
cellules souches hématopoïétiques, il im-
porte de distinguer les CSH autologues,
dont il est question ici, des CSH allogènes.
Les CSH autologues sont prélevées et in-
jectées chez un seul et même patient, une
procédure très bien tolérée à long terme,
mais utilisant les mêmes cellules qui sont
en principe à l’origine de la prédisposition
génétique à la SEP. Les CSH allogènes,
elles, sont prélevées auprès d’un donneur,
par exemple un frère, une sœur ou un autre
membre de la famille, an d’être aussi
compatibles que possible avec les cellules
du receveur. Comme cette compatibilité
tissulaire n’est que très rarement totale,
cette méthode entraîne souvent une réac-
tion du greffon contre l’hôte pouvant varier
en intensité: le nouveau système immuni-
taire implanté chez le receveur se retourne
contre son hôte et attaque ses organes, les
considérant comme étrangers. An d’évi-
ter cela, le receveur d’une transplantation
de CSH allogènes doit en règle générale
subir un traitement immunosuppresseur,
ce qui s’accompagne de nombreux pro-
blèmes. Il importe que les patients sachent
qu’une transplantation de CSH autologues
ne suscite qu’un risque de mortalité d’envi-
ron 1,2%, contre un taux de 7 à 10% voire
plus dans le cas d’une TCSH allogènes.
Cette dernière n’est donc pas envisagée
dans le cadre de la SEP et des maladies au-
to-immunes en général. Le risque de décès
dans le cas d’une transplantation de CSH
autologues se limite au moment même de
la transplantation, pendant laquelle le pa-
tient n’a plus aucun système immunitaire
et est donc très vulnérable aux infections.
Passé ce stade, aucun autre traitement n’est
nécessaire – le système immunitaire du
patient retrouve un état similaire à celui de
l’enfance et de l’adolescence, un retour à
l’état d’avant la maladie en quelque sorte,
et commence à se reformer.
Enn, on a pu démontrer de façon convain-
cante – notamment dans notre propre la-
boratoire – que la TCSHA permet effec-
tivement de parvenir chez la plupart des
patients à ce que l’on espérait, c’est-à-dire
l’échange et le renouvellement complet du
système immunitaire. Les tests effectués
sur les animaux avaient déjà permis de
démontrer cela dans plusieurs modèles,
mais dans le contexte de la SEP, ceci n’a
été prouvé qu’en 2005 pour la première
fois, constituant une pierre fondatrice pour
la compréhension du mécanisme d’action.
A quel type de patient s’adresse
la TCSHA?
L’étape principale et initiale est l’identi-
cation des patients atteints d’une forme
de SEP «agressive» an de trouver un
juste milieu – en l’état des connaissances
actuelles en la matière – entre les risques
et les chances offertes par la TCSHA. Sans
entrer dans les détails faisant l’objet de dé-
bats intenses ces dernières années entre les
experts d’Europe et d’Amérique du Nord,
on peut citer les éléments centraux: dans
l’idéal, les patients concernés doivent être
dans la phase rémittente de la maladie ou –
si on envisage le traitement pour un patient
atteint d’une SEP à évolution primaire pro-
gressive ou secondaire progressive – pré-
senter une activité de la maladie entraî-
nant des lésions inammatoires du SNC.
En outre, le taux de poussées, leur inten-
sité et leur régression partielle, le type de
symptômes (décits moteurs graves, dys-
fonctionnements du cervelet ou des fonc-
tions autonomes) et les résultats de l’IRM
doivent tous converger et révéler qu’il s’agit
d’une forme d’évolution agressive/active de
SEP. L’âge du patient fait aussi partie des
critères. Au delà de 40–45 ans, on observe
chez les patients atteints de SEP un vieil-
lissement prématuré des cellules immuni-
taires – dont on ignore encore la cause –
qui fait que la création du nouveau système
immunitaire sera moins réussie, entraînant
également plus de risques. Par ailleurs,
comme pour tous les traitements axés sur
le système immunitaire, il importe d’y
avoir recours avant que les tissus du SNC
ne présentent trop de lésions durables, tant
que le patient présente un degré moyen de
handicap, c’est-à-dire de moins de 4–5 sur
l’échelle EDSS. Par conséquent, il vaut
mieux que le patient se situe dans les cinq
voire au maximum dix premières années
suivant le diagnostic de SEP. L’énumé-
ration de ces critères révèle toutefois un
dilemme important: le groupe cible décrit
plus haut est précisément le même que
celui visé par les substances autorisées et
efcaces telles que le natalizumab et bien-
tôt quelques autres. Le dé consiste donc
à essayer, sur une période donnée et avant
que le patient ne soit considérablement
handicapé, non seulement les thérapies
initiales de base (par exemple interféron-
bêta, acétate de glatiramère, ngolimod
ou acide fumarique) mais aussi de passer
à des substances plus efcaces telles que
le natalizumab en cas d’inefcacité des
premières, avant d’envisager ou d’opter
pour la thérapie la plus efcace selon l’état
actuel des connaissances: la TCSHA. La
3 | N° 3 | Août 2013
vivre avec La sep