RepoRtagen
Introduction
Au cours des dernières années, dimportants progrès ont été réali-
sés en matière de traitement de la sclérose en plaques, notamment
par l’introduction de plusieurs nouveaux médicaments. Toutefois,
chez un faible pourcentage des personnes atteintes, la SEP évo-
lue de manière si forte que même les thérapies les plus efcaces,
telles que le natalizumab, les cytostatiques, la mitoxantrone ou
le cyclophosphamide, nagissent pas totalement. Dans ces cas-
là, après intensication du traitement et souvent après utilisation
de médicaments qui ne sont pas encore autorisés pour la SEP, le
La transpLantation de
ceLLuLes souches héma-
topoïétiques autoLogues
(tcsha) dans Le cadre
de La scLérose en pLaques
Le traitement des patients atteints de «SEP agressive» reste compliqué. La transplantation de
cellules souches hématopoïétiques autologues (TCSHA) représente dans ces cas-là une
possibilité d’arrêter partiellement voire complètement l’évolution de la maladie. Ce procédé est
utilisé avec grand succès depuis longtemps mais la méthode ne s’est pas encore imposée. Le
présent article décrit les principaux aspects de ce traitement, les possibilités qu’il apporte, ainsi
que les enjeux. Vous trouverez un résumé de ce document dans le magazine FORTE 3 2013.
grand problème demeure de savoir quelle mesure adopter. Les
autres solutions résident soit dans la mise en place dune théra-
pie causale – ce qui implique de limiter le traitement aux prin-
cipaux symptômes tels que la spasticité ou la fatigue – soit dans
le recours à un traitement lié à la transplantation de CSH auto-
logues, une méthode utilisée depuis longtemps avec succès dans
le traitement des leucémies. En Europe comme en Amérique du
Nord, la TCSHA est donc testée et développée depuis maintenant
plus de 20 ans chez des patients souffrant dune forme de SEP
«agressive». Jusquà présent, plus de 1’000 patients ont suivi un
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vivre avec La sep
FORTE
traitement par cette méthode. Compte tenu
des résultats de plusieurs études cliniques
et des analyses des données relatives aux
divers procédés, on peut aujourd’hui esti-
mer que cette méthode est sufsamment
au point pour être considérée comme une
bonne alternative dans certains cas précis
de SEP grave, et dans certaines conditions.
Lobjectif de cet article est de présenter
lapplication de la TCSHA dans la pra-
tique, son efcacité et ses effets potentiel-
lement indésirables, le type de patient chez
qui elle peut être envisagée et les étapes
concrètes nécessaires lorsquelle est consi-
dérée comme option de traitement.
SEP – une maladie auto-immune
La SEP est une maladie auto-immune ty-
pique, cest-à-dire que le système immuni-
taire du patient sattaque à tort aux cellules
du corps, en loccurrence aux structures
de protéines ou antigènes du cerveau et de
la moelle épinière (en un mot au système
nerveux central ou SNC). Normalement,
le système immunitaire est là pour nous
protéger contre les virus et bactéries. Dans
certaines conditions, que lon nappréhende
pas encore très bien mais dont on sait
quelles incluent les infections virales et les
facteurs génétiques, les cellules du système
immunitaire cessent de tolérer et attaquent
même les structures propres à lorganisme
concer. Les immunologues parlent alors
de la disparition de limmunotolérance
pouvant déboucher sur une maladie auto-
immune. Ce sont des processus similaires
qui sont responsables des allergies. Seule
différence dans ces cas-là: les réactions im-
munitaires à l’origine du problème portent
sur les protéines des poils de chat, les aca-
riens, les pollens ou dautres structures
similaires. Dans le cadre de la SEP, il sagit
dune réaction immunitaire erronée à len-
contre des tissus du SNC, principalement
transmise par ce que lon appelle les lym-
phocytes T régulateurs – un type de glo-
bules blancs – ce qui déclenche les autres
mécanismes et cellules inammatoires. Ce
processus peut apparaître parallement à
une infection virale. Certains virus, tels
que celui d’Epstein-Barr – à lorigine de la
mononucléose infectieuse –, peuvent effec-
tivement être responsables de la première
apparition de la maladie. Toute une série
dautres virus provoquant des infections
des voies respiratoires supérieures ou la
grippe peuvent probablement aussi avoir
un effet déclencheur. La personne atteinte
présente aussi nécessairement une prédis-
position génétique particulière. La SEP
fait partie des maladies génétiques dites
«complexes», ce qui signie quun grand
nombre de gènes, probablement plusieurs
centaines, peuvent, de par leur interaction,
entraîner un risque accru de développe-
ment de la maladie. Il en est de même pour
les autres maladies auto-immunes telles
que le diabète de type I, la polyarthrite rhu-
matoïde ou encore les maladies inamma-
toires de lintestin sauf que, dans ces cas-là,
les gènes à risque et les facteurs environ-
nementaux sont quelque peu différents et
que la réaction auto-immune nuit au pan-
créas ou aux membres. Lorsque la SEP se
manifeste par une première poussée ou
quelle est déjà clairement présente aupa-
ravant sans être remarquée par le patient
ni son médecin, les cellules T mention-
nées plus haut entrent alors en activité et
sattaquent non seulement au virus déclen-
cheur, mais également de manière erronée
aux structures des protéines ou à certaines
composantes du SNC, ce qui entraîne des
lésions tissulaires. Au l du temps, ces cel-
lules T auto-réactives se multiplient et se
déclenchent de plus en plus facilement en
cas de nouvelle infection virale ou de libé-
ration dauto-antigènes du SNC. Cela pro-
voque alors une réaction en cascade qui ne
sarrête généralement pas d’elle-même et
entraîne la destruction de plus en plus de
tissus du SNC; le patient souffre alors de
pouses et de décits neurologiques. Lob-
jectif du traitement doit donc être de mettre
un terme dès que possible à ce cercle dacti-
vation croissante des cellules immunitaires
autoréactives, darrêter lactivité de ces cel-
lules ou de les éliminer et de faire en sorte
que le système immunitaire retrouve son
état normal, dans lequel il nattaque pas les
tissus de lorganisme, c’est-à-dire rétablir
limmunotolérance.
A quoi correspond le traitement par
transplantation de cellules souches?
C’est précisément ce dernier point évoqué
dans le paragraphe précédent que lon sou-
haite atteindre avec la TCSHA. An de
mieux comprendre ce procé, quelques
précisions sont nécessaires quant à son
développement. Dans le cadre des cancers
du système hématopoïétique (leucémies,
lymphomes) et dautres tumeurs, les scien-
tiques ont essayé d’éliminer complète-
ment les cellules cancéreuses au moyen
de chimiothérapies agressives et de gué-
rir ainsi le patient. Le principal problème
posé par ce procédé était que les médi-
caments utilisés néradiquaient pas seule-
ment les cellules cancéreuses mais aussi
dautres cellules à division rapide présentes
notamment dans lintestin ou dans le sys-
tème hématopoïétique. Cela signie que la
thérapie éliminait aussi des cellules saines
essentielles à la vie – des cellules immuni-
taires que nous portons en nous (intestin,
voies respiratoires et autres organes) voire
sur nous (peau) et qui nous protègent des
attaques infectieuses extérieures. Cette
chimiothérapie rend donc le patient vul-
nérable aux infections, lexposant à des
maladies dangereuses voire mortelles en
quelques jours. Parallèlement les cellules
souches du sang – cest-à-dire les cellules
présentes dans notre moelle osseuse et à
partir desquelles se forme notre système
immunitaire – sont éliminées, ce qui en-
traîne ivitablement la mort puisquune
infection grave se déclare toujours, tôt ou
tard. An de contourner ce problème, les
médecins et scientiques ont conçu, il y a
30 ans déjà, une solution intelligente pour
laquelle E. Donnall Thomas a reçu le prix
Nobel de médecine en 1990: la transplanta-
tion de cellules souches hématopoïétiques.
En prélevant et en congelant les propres
cellules souches du patient (cellules auto-
logues) avant de commencer la chimio-
thérapie, on peut ensuite les réintroduire
dans lorganisme du patient par une simple
injection, après que la chimiothérapie a
éliminé les cellules tumorales, sanguines
et immunitaires. En quelques semaines
voire quelques mois, la majorité des cel-
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vivre avec La sep
lules immunitaires se reforment à partir de
ces cellules souches, ce qui entraîne la re-
construction dun «nouveau» système im-
munitaire; lorganisme du patient retrouve
ainsi son immunocompétence et peut donc
contrôler ou prévenir les infections de ma-
nière tout à fait normale.
Revenons maintenant à notre probléma-
tique initiale: comment traiter des patients
atteint dune forme de SEP «agressiv,
dont le système immunitaire ne se com-
porte pas de façon «normale» mais at-
taque au contraire le cerveau et la moelle
épinière? Sur la base de ce que nous ve-
nons dexpliquer brièvement à propos du
développement de la TCSHA, quelques
hématologues, comme Riccardo Saccardi
et Athanassios Fassas, spécialistes des
transplantations de cellules souches, ou
encore Richard Burt, et des neurologues
tels que Gianluigi Mancardi, pour ne citer
que quelques pionniers de cette méthode,
ont opté il y a presque 20 ans pour une
solution logique similaire: remplacer tout
simplement le système immunitaire dé-
cient. La démarche ici est la transplanta-
tion de cellules souches hématopoïétiques
autologues, impliquant le prélèvement des
cellules souches de lorganisme du patient,
lélimination dun système immunitaire
présentant de graves anomalies puis la
«reconstruction» d’un nouveau système
immunitaire, en principe tolérant.
En ce qui concerne la transplantation de
cellules souches hématopoïétiques, il im-
porte de distinguer les CSH autologues,
dont il est question ici, des CSH allogènes.
Les CSH autologues sont prélevées et in-
jectées chez un seul et même patient, une
procédure très bien tolérée à long terme,
mais utilisant les mêmes cellules qui sont
en principe à lorigine de la prédisposition
génétique à la SEP. Les CSH allogènes,
elles, sont prélevées auprès dun donneur,
par exemple un frère, une sœur ou un autre
membre de la famille, an d’être aussi
compatibles que possible avec les cellules
du receveur. Comme cette compatibilité
tissulaire nest que très rarement totale,
cette méthode entraîne souvent une réac-
tion du greffon contre l’hôte pouvant varier
en intensité: le nouveau système immuni-
taire implanté chez le receveur se retourne
contre son hôte et attaque ses organes, les
considérant comme étrangers. An dévi-
ter cela, le receveur d’une transplantation
de CSH allogènes doit en règle générale
subir un traitement immunosuppresseur,
ce qui saccompagne de nombreux pro-
blèmes. Il importe que les patients sachent
quune transplantation de CSH autologues
ne suscite quun risque de mortalité denvi-
ron 1,2%, contre un taux de 7 à 10% voire
plus dans le cas d’une TCSH allogènes.
Cette dernière nest donc pas envisagée
dans le cadre de la SEP et des maladies au-
to-immunes en général. Le risque de décès
dans le cas dune transplantation de CSH
autologues se limite au moment même de
la transplantation, pendant laquelle le pa-
tient na plus aucun système immunitaire
et est donc très vulnérable aux infections.
Passé ce stade, aucun autre traitement nest
nécessaire – le système immunitaire du
patient retrouve un état similaire à celui de
lenfance et de ladolescence, un retour à
létat d’avant la maladie en quelque sorte,
et commence à se reformer.
Enn, on a pu démontrer de façon convain-
cante – notamment dans notre propre la-
boratoire – que la TCSHA permet effec-
tivement de parvenir chez la plupart des
patients à ce que lon espérait, cest-à-dire
léchange et le renouvellement complet du
système immunitaire. Les tests effectués
sur les animaux avaient déjà permis de
démontrer cela dans plusieurs modèles,
mais dans le contexte de la SEP, ceci na
été prouvé quen 2005 pour la première
fois, constituant une pierre fondatrice pour
la compréhension du mécanisme daction.
A quel type de patient s’adresse
la TCSHA?
Létape principale et initiale est lidenti-
cation des patients atteints dune forme
de SEP «agressive» an de trouver un
juste milieu – en létat des connaissances
actuelles en la matière – entre les risques
et les chances offertes par la TCSHA. Sans
entrer dans les détails faisant lobjet de dé-
bats intenses ces dernières années entre les
experts d’Europe et dAmérique du Nord,
on peut citer les éléments centraux: dans
lidéal, les patients concernés doivent être
dans la phase rémittente de la maladie ou –
si on envisage le traitement pour un patient
atteint dune SEP à évolution primaire pro-
gressive ou secondaire progressive – pré-
senter une activité de la maladie entraî-
nant des lésions inammatoires du SNC.
En outre, le taux de poussées, leur inten-
sité et leur régression partielle, le type de
symptômes (décits moteurs graves, dys-
fonctionnements du cervelet ou des fonc-
tions autonomes) et les résultats de l’IRM
doivent tous converger et réler quil sagit
dune forme dévolution agressive/active de
SEP. Lâge du patient fait aussi partie des
critères. Au delà de 4045 ans, on observe
chez les patients atteints de SEP un vieil-
lissement prématuré des cellules immuni-
taires – dont on ignore encore la cause –
qui fait que la création du nouveau système
immunitaire sera moins réussie, entraînant
également plus de risques. Par ailleurs,
comme pour tous les traitements axés sur
le système immunitaire, il importe d’y
avoir recours avant que les tissus du SNC
ne présentent trop de lésions durables, tant
que le patient présente un degré moyen de
handicap, c’est-à-dire de moins de 4–5 sur
léchelle EDSS. Par conséquent, il vaut
mieux que le patient se situe dans les cinq
voire au maximum dix premières années
suivant le diagnostic de SEP. Lénumé-
ration de ces critères révèle toutefois un
dilemme important: le groupe cible décrit
plus haut est précisément le même que
celui visé par les substances autorisées et
efcaces telles que le natalizumab et bien-
tôt quelques autres. Le dé consiste donc
à essayer, sur une période donnée et avant
que le patient ne soit considérablement
handicapé, non seulement les thérapies
initiales de base (par exemple interféron-
bêta, acétate de glatiramère, ngolimod
ou acide fumarique) mais aussi de passer
à des substances plus efcaces telles que
le natalizumab en cas dinefcacité des
premières, avant denvisager ou dopter
pour la thérapie la plus efcace selon létat
actuel des connaissances: la TCSHA. La
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vivre avec La sep
FORTE
plupart du temps, ce processus dure trop
longtemps et nest pas assez cohérent, et
on dépasse donc le moment optimal. Il a
dailleurs été clairement démontré que
dans les stades tardifs de la forme primaire
progressive ou secondaire progressive, on
peut tout au plus ralentir lévolution de la
maladie mais, dans ce cas, le risque engen-
dré par le traitement dépasse probablement
les bénéces potentiels. Pendant de nom-
breuses années, on sest principalement
axé sur le traitement de cette dernière
catégorie de patients, et cest lune des rai-
sons pour lesquelles le grand potentiel de
ce traitement a mis si longtemps avant de
commencer à se proler.
Comment se passe la TCSHA
concrètement?
Au cours des deux dernières décennies, on
a étudié de manière approfondie tous les
paramètres de la TCSHA, tels que la mé-
thode optimale de prélèvement des cellules
souches – la leucaphérèse, un procédé si-
milaire à une prise de sang, effectué à par-
tir du sang périphérique – les médicaments
utilisés pour annihiler le système immu-
nitaire, ainsi que la protection du patient
contre les infections virales, bactériennes
et mycosiques au moyen dantibiotiques
pendant la phase suivant la transplanta-
tion. Sans entrer dans les détails, voici le
procédé qui en est ressorti – après nombre
de débats entre spécialistes – comme meil-
leur compromis entre une grande efcacité
et une bonne tolérance: après identica-
tion dune forme de SEP «agressive» chez
le patient et après discussion approfondie
avec ce dernier concernant les diverses
thérapies disponibles, la TCSHA est pré-
parée et entamée par une équipe pluridis-
ciplinaire constituée de spécialistes des
transplantations, généralement des héma-
tologues et oncologues, de spécialistes de
la SEP et dun personnel soignant qualié.
La formulation dindications et la réalisa-
tion des examens préliminaires relèvent de
la compétence de neurologues expérimen-
tés de ce secteur. Le patient se présente
ensuite aux hématologues an dexclure
léventuelle présence préalable de toute
maladie interne et en particulier hémato-
logique/immunologique. Après accord des
spécialistes concernant les indications et
labsence de risque, le patient est pris en
charge par le département d’hématolo-
gie/des transplantations, où lon procède
tout dabord à la mobilisation des cellules
souches par ladministration dun facteur
de croissance des globules ainsi que d’un
produit de chimiothérapie (cyclophospha-
mide). Ce traitement permet de faire passer
les cellules souches hématopoïétiques de la
moelle épinière dans le sang périphérique,
à partir duquel elles peuvent ensuite être
prélevées par leucophérèse, pour ensuite
être congelées. Létape suivante est le trai-
tement au moyen d’un mélange de quatre
cytostatiques désignés par lacronyme
BEAM. Ce procédé entraîne lélimina-
tion presque totale des cellules sanguines
et immunitaires. On appelle cette phase
le conditionnement. Elle est suivie de la
réinjection des cellules souches du patient
après décongélation, et de ladministration
unique d’anticorps contre les lymphocytes
T (globuline anti-thymocyte, GAT) an
déliminer les cellules immunitaires qui
auraient subsisté. Dans les deux à quatre
semaines suivantes, le patient est traité de
manière stationnaire au moyen dantibio-
tiques contre les bactéries, virus et mycoses.
Imdiatement après la transplantation, le
patient est dépourvu de protection immu-
nitaire et donc vulnérable aux infections,
doù ce traitement. En quelques semaines
ou mois, un nouveau système immunitaire
fonctionnant parfaitement se forme à par-
tir des cellules souches hématopoïétiques.
Seule la reformation des lymphocytes T
régulateurs CD4+ prend plus de temps et
nest complète quau bout denviron une
année et demie voire deux ans.
Bénéces et risques de la TCSHA
Dimportantes discussions menées au cours
des dernières années, des méta-analyses,
des études de cas, des études cliniques de
moindre envergure, une étude clinique de
phase II-b (ASTIMS) ainsi quune évalua-
tion systématique des données du registre
de l’European Blood and Marrow Trans-
plantation Group (EBMT) en Europe et
du Center for International Blood and
Marrow Transplant Research (CIBMTR)
en Amérique du Nord, ont révélé les élé-
ments suivants: le procédé de TCSHA
avec BEAM-GAT, décrit plus haut et uti-
lisé chez des patients présentant une forme
rémittente et agressive de la maladie, est
très efcace et engendre chez la majorité
des patients un arrêt complet et durable de
lévolution de la SEP, sans autre traitement
nécessaire à long terme, et peut même sou-
vent entraîner une régression dune partie
des décits cliniques. A cet aspect positif
soppose un risque de mortalité de 1,2%
dans les trois premiers mois suivant la
TCSHA. Chez les patients ayant subi une
transplantation avant lannée 2000, le taux
de mortalité était denviron 7%, attribuable
à certains facteurs de risque tels que lâge
avancé du patient, le stade tardif de la
SEP et les schémas de transplantation, ne
comprenant ni lirradiation globale ni le
cytostatique oral busulfan. Lune des prin-
cipales autres causes, rétrospectivement,
réside dans lexpérience alors limitée des
centres et le manque de collaboration entre
les spécialistes de la transplantation et les
neurologues spécialisés dans la sclérose en
plaques. Ces facteurs de risque étant désor-
mais connus, on a pu identier le schéma
de TCSHA représentant le meilleur com-
promis avec la plus grande efcacité et un
bon prol d’effets indésirables, le BEAM-
GAT, et on constate, dans un grand nombre
de centres, une solide coopération entre les
hématologues/spécialistes des transplanta-
tions et les neurologues. Si lon compare
en plus les taux de leucémies secondaires,
les effets indésirables plus importants sur
le système cardio-vasculaire, ainsi que la
période relativement restreinte pendant
laquelle la mitoxantrone peut être admi-
nistrée et son efcacité nettement duite
par rapport à la TCSHA, on relativise alors
clairement le taux de mortalité évoqué plus
haut. Ce taux paraît donc acceptable pour
des patients atteints de sclérose en plaques
«agressive». Toutefois, il importe bien évi-
demment de réduire encore le risque de
mortalité.
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vivre avec La sep
Quelle est la diérence entre la TCSHA
et les thérapies immunomodulatrices/
immunosuppressives actuelles ou
prochaines de la SEP?
Les traitements immunomodulateurs/im-
munosuppresseurs actuellement autori-
sés dans le cadre de la SEP ne présentent
quune efcacité modérée (interféron-bê-
ta, acétate de glatiramère) ou entraînent,
lorsquils sont plus efcaces, des effets
indésirables dont certains sont graves
(natalizumab: LEMP; ngolimod: effets
indésirables cardiaques et ophtalmolo-
giques ainsi que, plus rarement, réactiva-
tion potentiellement mortelle d’infections
liées au virus de l’herpès). Tous ont pour
point commun de devoir être administrés
à long terme et davoir un grand nombre
d’effets non spéciques sur le système im-
munitaire et certains organes. Lexception
est vraisemblablement le natalizumab,
dont ladministration au long cours est
nettement réduite car le risque de LEMP
augmente avec la durée du traitement. Au
contraire, la TCSHA est un traitement
unique ne nécessitant aucune thérapie
durable. La principale différence est quil
ne sagit pas du tout du même mécanisme:
par l’élimination totale du système immu-
nitaire décient et la reconstruction com-
plète dun nouveau système immunitaire
tolérant les tissus du SNC, la TCSHA s’at-
taque à la cause de la SEP et son effet est
le plus proche d’une guérison, bien quon
observe une reprise dactivité de la mala-
die après la TCSHA chez un faible pour-
centage de patients. A l’heure actuelle, on
ne sait pas encore clairement sil sagit
dans ces cas-là dun nouveau développe-
ment de la SEP ou d’une stimulation des
nouvelles cellules immunitaires, due aux
lésions préalables du SNC et à la libéra-
tion de protéines/anticorps du SNC, et
donc dune reprise de la SEP existante.
En principe, le risque dune nouvelle
manifestation de la SEP est bien présent
puisque, dans le cadre de la TCSHA, on
réinjecte dans lorganisme du patient ses
propres cellules souches hématopoïé-
tiques, lesquelles contiennent précisément
la prédisposition génétique à la SEP.
La TCSHA est-elle disponible en Suisse?
La TCSHA est utilisée de façon routinière
dans le cadre des maladies hématologiques
et tumorales dans de nombreux centres
d’hématologie/oncologie en Suisse. Ce pro-
cédé peut donc être appliqué également aux
personnes atteintes de SEP. Il importe tou-
tefois de souligner que cette thérapie nest
pas encore prise en charge par les caisses-
maladie. Pour que cela puisse être le cas
à lavenir, il faut le lancement dau moins
une étude internationale sur la TCSHA
dans le cadre de la SEP, an de garantir un
recueil systématique et une prise en consi-
dération de lexpérience accumulée quant
à ce traitement. Une étude correspondant à
ces critères est actuellement en préparation
à Zurich, dans le cadre d’une collaboration
entre la clinique d’hématologie (Prof. M.
Manz) et le département de neuroimmu-
nologie et de recherche pour la SEP (Prof.
Dr R. Martin) à la clinique de neurologie
(Prof. Dr M. Weller), et devrait bientôt
être soumise à la commission cantonale
déthique. Nous espérons que dans le cas
de SEP «agressiv et dabsence d’efca-
cité des thérapies autorisées, des dossiers
bien documentés pourront ouvrir le droit
à une demande de prise en charge des
frais. Pour les patients privés, suite à lin-
troduction dun forfait daprès le nombre
dactes médicaux à l’hôpital universitaire
de Zurich, les prix xés vont de 160’000 à
180’000 francs. Ces frais peuvent certes se
défendre par rapport aux thérapies au long
cours, qui doivent être suivies pendant
des années voire des dizaines d’années et
qui sont moins efcaces, mais demeurent
nettement trop élevés par rapport à ceux
pratiqués dans les pays voisins (Alle-
magne, GB, Italie), situés autour de 30’000
à 50’000 euros. Les patients privés seront
donc traités dans les pays frontaliers.
Perspectives
Au cours des prochaines années, non
seulement des recherches complémen-
taires seront effectuées sur le mécanisme
daction de la TCSHA dans le cadre de la
SEP, mais on espère aussi que les moyens
nanciers nécessaires pourront être mis à
disposition des médecins et scientiques
travaillant sur ce thème depuis des années
pour létude dite «de phase III», an de
comparer directement lefcacité de la TC-
SHA avec les traitements autorisés les plus
efcaces, et ce dans le cadre d’une étude
clinique d’envergure. Malgré les longs
travaux préliminaires, il ne sera toutefois
pas aisé de trouver ces fonds: ce procédé
entre en concurrence avec des produits de
lindustrie pharmaceutique et la TCSHA
ne protera nancrement à aucune entre-
prise. Cela implique donc de demander le
soutien dorganismes publics de nance-
ment tels que l’UE ou les National Insti-
tutes of Health. Nous espérons donc pou-
voir compter sur laide des associations de
patients et des sociétés SEP des différents
pays à léchelle internationale. Lobjectif
est en effet de pouvoir bientôt proposer
cette thérapie, très prometteuse et ayant
déjà fait l’objet détudes approfondies, aux
personnes atteintes de SEP «agressiv.
Texte: Prof. Roland Martin
pour pLus
d’informations
Pour toute question, s’adresser au
Professeur Roland Martin,
département de neuroimmunologie
et de recherche pour la SEP,
clinique de neurologie, hôpital
universitaire de Zurich
(roland.martin@usz.ch).
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vivre avec La sep
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