DES TROUBLES, DES DEMANDES ET DES PATIENTS
DIFFÉRENTS
Chaque trouble anxieux est différent, tant par sa clinique que par
les demandes de soin qu’il suscite. Le trouble panique et le trouble
anxieux généralisé (TAG) sont le plus souvent vus par le médecin
généraliste, qui a du mal à les diagnostiquer. Les attaques de
panique ont une expression somatique prédominante qui, lors de la
phase de début, se confond avec un problème organique. Le patient
attribue très souvent ses crises à un problème médical et est deman-
deur d’examens complémentaires et de traitements. Ce n’est
qu’après un temps d’information qu’il pourra accepter une attri-
bution “psychologique” à son problème et modifier la perception
qu’il a de son trouble et de la façon de le prendre en charge. Toutes
les études montrent, au niveau de l’urgence, du soin primaire ou
spécialisé, que, si ce temps d’information manque, le patient est
conforté dans sa conviction de l’organicité de son trouble, ce qui
le conduit à réitérer les demandes de soins et, en fait, à ne pas trai-
ter correctement son problème. L’anxiété généralisée, dans sa
forme “pure” de début vue par le médecin généraliste, est souvent
évoquée par un style de vie ou une perception du monde traduisant
la notion de personnalité anxieuse. Les représentations sont
variables selon les patients, en ce qui concerne tant l’origine que
l’évolution de leur problème. Beaucoup se demandent s’ils peu-
vent réellement changer et si cet état n’est pas en eux. Ils sont sou-
vent amenés à consulter à l’occasion de situations stressantes ou
d’épreuves qui aggravent leur symptomatologie. Le problème se
pose du soin curatif de l’épisode, souvent médicamenteux, et de
l’accompagnement psychologique de fond. Le temps d’informa-
tion est souvent plus complexe pour le médecin généraliste, compte
tenu du caractère “psychologique” du problème, du manque de
recours au spécialiste et à la diversité des psychothérapies propo-
sées. Les phobies (agoraphobie et phobies sociales principalement)
et les obsessions-compulsions sont de plus en plus reconnues par
le patient lui-même, compte tenu de l’information fournie par les
médias. Il fait, directement ou avec l’aide de son médecin généra-
liste, de plus en plus fréquemment la démarche d’aller voir un psy-
chiatre et, là aussi, son attente est très souvent celle d’un soin
rapide et d’un soulagement de ses maux par les nouveaux traite-
ments dont il a entendu parler. Le psychiatre, en fonction de sa pra-
tique, va l’informer et lui proposer un traitement médicamenteux
et/ou psychothérapeutique. À côté des troubles anxieux, d’ailleurs
souvent associés, l’anxiété est indissociable d’un stress, d’un trau-
matisme ou d’une épreuve de vie dans le trouble de l’adaptation,
le stress aigu et le stress post-traumatique. Dans ces cas, le patient
est en quête d’un soutien psychologique, d’une résolution, voire
d’une réparation de son problème.
DE LA NÉCESSITÉ DE RECOMMANDATIONS DU SOIN
PSYCHOLOGIQUE
Toutes les anxiétés ne sont donc pas les mêmes, et il faut définir
des niveaux d’intervention adaptés selon les patients, les troubles
anxieux considérés, le niveau d’évolution, la gêne et le handicap.
Compte tenu du nombre important de patients souffrant de
trouble anxieux en demande, il paraît légitime de distinguer ce
qui est de l’ordre du mieux-être et du développement personnel
et ce qui relève du soin, qui apparaît comme la priorité du psy-
chiatre. Il est donc indispensable de définir quelques grandes
règles. Les autorités et les organismes scientifiques et profes-
sionnels commencent à proposer des recommandations élaborées
par des groupes d’experts. Le seul trouble anxieux ayant à ce jour
fait l’objet de recommandations de prise en charge est le TAG (1).
Schématiquement, les propositions sont les suivantes :
– dans tous les cas, il convient d’informer le patient et de lui pro-
poser un accompagnement psychologique ;
– deux traitements sont validés : médicaments (antidépresseurs)
et psychothérapie ;
– parmi les psychothérapies structurées, les TCC ont été les plus
étudiées et sont donc validées ;
– les TCC, en fonction de leur accessibilité et du choix du patient,
doivent être recommandées par rapport aux traitements médica-
menteux.
En dépit de la quasi-absence d’études randomisées comparatives
évaluant la psychothérapie analytique dans le TAG, l’expérience
clinique suggère que certains patients ayant une anxiété handi-
capante peuvent voir leur état significativement amélioré par la
psychothérapie analytique, en particulier lorsqu’il existe des
troubles de la personnalité.
On constate qu’une majorité de patients demandent bien souvent
un soulagement des symptômes, un soutien, une écoute et une
guidance de la part d’un professionnel. Les TCC apportent cer-
tainement la réponse la mieux adaptée au plus grand nombre de
patients anxieux et peuvent aider le psychiatre, mais aussi le
médecin généraliste, dans sa prise en charge. La pratique des
TCC est bien codifiée, la formation accessible partout en France ;
chaque psychiatre et chaque médecin généraliste peut, dans sa
pratique, en utiliser les principes, dans le cadre d’un conseil, d’un
accompagnement psychologique ou d’une psychothérapie struc-
turée. La durée de la thérapie est généralement limitée dans le
temps (trois à six mois environ, parfois plus) et elle nécessite une
bonne adhésion de la part du patient. Schématiquement, les pro-
grammes de TCC vont associer la thérapie cognitive et l’exposi-
tion pour tous les troubles anxieux. On y associera en outre les
techniques de relaxation pour le TAG et le trouble panique et
celles de gestion du stress dans le trouble de l’adaptation avec
anxiété (TAA) et le TAG. L’effet bénéfique des TCC paraît plus
durable que celui d’une prescription médicamenteuse isolée, ce
qui conduit à les proposer systématiquement, a fortiori lorsque
l’on met en route un traitement médicamenteux.
Certains patients ne répondent pas aux TCC et présentent des
résistances au changement, soit parce qu’ils n’adhèrent pas aux
fondements de la thérapie, soit parce qu’ils ne participent pas
activement au changement proposé. Des traits de personnalité et
des défenses psychiques peuvent parfois être mis en évidence. Il
n’est pas toujours simple de proposer un type de psychothérapie,
et il faut tenir compte des attentes et des souhaits du patient. Une
prise en charge centrée sur des conflits personnels actuels ou
anciens ou sur le mal-être de soi-même ou de la relation aux
La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 5
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