Etude de la charge topologique de vortex acoustiques en régime

Etude de la charge topologique de vortex acoustiques en r´egime non lin´eaire
R´egis Marchiano 1, Jean-Louis Thomas2
Universit´e Pierre et Marie Curie-Paris 6, 4 place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05
1Laboratoire de Mod´elisation en M´ecanique (UMR CNRS 7607), courriel : mar[email protected]
2Institut des NanoSciences de Paris (UMR CNRS 7588), courriel : thomasjl@ccr.jussieu.fr
R´esum´e
Un vortex acoustique est une onde dont la phase croˆıt
ou d´ecroˆıt de mani`ere monotone le long d’une courbe
ferm´ee autour de l’axe de propagation. Cet axe est lui
mˆeme une ligne singuli`ere sur laquelle la phase n’est
pas d´efinie. Le nombre de sauts d’amplitude 2πle long
d’un circuit ferm´e est appel´e charge topologique. L’in-
tensit´e moyenn´ee, quant `a elle, est un anneau centr´e sur
l’axe de propagation. Ces structures existent en optique,
en acoustique et mˆeme dans les condensats. Leur pro-
pri´et´e de diffraction faible, les lois de conservation as-
soci´ees et la possibilit´e de cr´eer des solitons spatiaux en
font des ondes prometteuses pour de nombreuses applica-
tions. Une relation tr`es g´en´erale reliant pseudo-´energie,
pseudo-moment cin´etique et charge topologique sera tout
d’abord ´etablie en egime faiblement non lin´eaire. Dans
un milieu isotrope et sans perte, cette loi peut ˆetre in-
terpr´et´ee comme une loi de conservation de la charge to-
pologique pour les vortex en r´egime lin´eaire. Tandis qu’en
r´egime non lin´eaire c’est le rapport entre la charge to-
pologique et l’indice de l’harmonique qui est conserv´e.
Les r´esultats exp´erimentaux confirmant ce comporte-
ment sp´ecifique seront ensuite d´etaill´es. Enfin, des simu-
lations num´eriques de la propagation non-lin´eaire de ces
structures seront pr´esent´ees.
Introduction
Une onde est d´efinie par son amplitude, sa phase et
sa polarisation (dans la suite on ne consid`ere que des
ondes longitudinales dans les fluides). Or, il arrive que
ces quantit´es soient singuli`eres entrainant des comporte-
ments particuliers du champ ondulatoire. Les singularit´es
les plus connues sont les singularit´es d’amplitudes, elles
correspondent `a des r´egions de l’espace ou le champ ondu-
latoire se concentre. Les exemples les plus connus de ces
zones, aussi appel´ees caustiques, sont l’arc en ciel ou bien
encore les scintillement de la mer sous le soleil. Les sin-
gularit´es de phase, tout aussi pr´esentes dans les champs
ondulatoires sont pourtant moins bien appr´ehend´ees. Nye
et Berry [1] ont montr´e qu’il existe 3 types de singularit´es
de phase : les singularit´es de bord (edge dislocations), les
singularit´es en h´elice (screw dislocations) et les singula-
rit´es de type mixte (m´elange des deux premiers types.
Les singularit´es sur un bord sont compos´ees de deux
fronts d’ondes plans dephas´es de π. Les singularit´es en
h´elices sont des faisceaux dont les plans ´equiphase sont
des h´elices avec un pas multiple de la longueur d’onde.
La phase croˆıt ou d´ecroˆıt de mani`ere monotone le long
d’une courbe ferm´ee autour de l’axe de propagation. Cet
axe est lui-mˆeme une ligne singuli`ere sur laquelle la phase
n’est pas d´efinie. Le nombre de sauts d’amplitude 2πle
long de circuit est appel´e charge topologique. L’intensit´e
moyenn´ee, quant `a elle, est un anneau centr´e sur l’axe de
propagation. Ces structures existent en optique en acous-
tique et mˆeme dans les condensats. Ce type d’onde a
´et´e tr`es ´etudi´e en optique. En effet, il a de nombreuses
propri´et´es : conservation de la charge topologique [2],
[3], stabilit´e contre les perturbations et mˆeme propri´et´es
d’auto reconstruction [4]. Ces ´etudes ont donn´e lieu a plu-
sieurs applications parmi lesquelles : les pinces optiques
[5], solitons [6], t´el´ecommunications. En acoustique, il
n’existe que peu d’´etude sur ce sujet pourtant promet-
teur [7], [8]. Par analogie avec l’optique ou ces structures
sont appel´ees vortex optiques, nous les appelons vortex
acoustiques. Dans une premi`ere partie nous montrons
qu’il existe une loi tr`es g´en´erale liant le pseudo-moment
cin´etique de l’onde `a sa charge topologique. Dans une
seconde partie, des r´esultats exp´erimentaux supportant
l’´etude th´eorique sont discut´es. Enfin dans la derni`ere
partie, les premiers r´esultats d’une simulation num´erique
3D sont pr´esent´es.
Th´eorie
Les faisceaux de Gauss-Laguerre (GL) sont connus pour
transporter une singularit´e en h´elice [9]. Ces faisceaux ont
la particularit´e d’avoir une ´etendue spatiale finie (am-
plitude modul´ee par une enveloppe gaussienne) et une
phase h´elico¨ıdale (phase proportionnele `a exp(imθ). m
est la charge topologique d´efinie ci-dessus, et θrep`ere
l’angle de rotation dans un plan perpendiculaire `a la di-
rection de propagation. En utilisant, le formalisme des
pseudo-moments [3], il est possible d’obtenir une relation
tr`es g´en´erale reliant le pseudo-moment angulaire MZ, la
pseudo-´en´ergie < E >, la pulsation ωet la charge topo-
logique m:
MZ=m
ω< E > (1)
Les lois de conservation associ´ees au pseudo-moment
cin´etique et `a la pseudo-´energie sont li´ees aux sym´etries
du milieu de propagation, contrairement `a la conserva-
tion du moment cin´etique total ou de l’´energie totale
qui est li´ee aux sym´etries de l’espace. Par cons´equent,
si le milieu de propagation est isotrope (conservation
du pseudo-moment cin´etique) et non dissipatif (conser-
vation de la pseudo-´energie) le rapport m/ω doit ˆetre
constant. Ceci signifie que la charge topologique doit
ˆetre constante au cours de la propagation. Ce r´esultat
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g´en´eralise une pr´ec´edente ´etude restreinte au cas des
ondes ´electromagn´etiques dans le vide [2]. Pr´ecisons, qu’il
est valable en acoustique mais aussi en optique pour
les ondes polaris´ees circulairement se propageant dans
des milieux di´electriques. De plus, ce esultat peut ˆetre
´etendu au cas de l’acoustique faiblement non-lin´eaire
(jusqu’`a la distance de choc). Pour obtenir une descrip-
tion satisfaisante de la propagation des ondes acous-
tiques d’amplitude finie, il faut se placer dans le cadre de
l’acoustique non-lin´eaire. On assiste alors au ph´enom`ene
de cascade d’harmoniques. L’´energie du fondamental est
transf´er´ee aux harmoniques sup´erieures. Dans ce cas la
formule pr´ec´edente devient :
X
i
Miz =X
i
mi
ωi
< Ei> . (2)
L’indice id´esigne le num´ero de l’harmonique. Cette
relation montre que le pseudo-moment cin´etique et la
pseudo-´energie ne sont conserv´es que si le rapport entre
la charge topologique de l’harmonique iet la pulsation
ωiest constant. Or, si le milieu de propagation est iso-
trope et non dissipatif, ces deux quantit´es doivent ˆetre
constantes, et donc le rapport charge topologique pulsa-
tion doit ˆetre constant. Si ce rapport est constant, cela si-
gnifie que la charge topologique augmente proportionnel-
lement aux harmoniques g´en´er´es non-lin´eairement. Dans
la suite, nous allons montrer que cette propri´et´e est
v´erifi´ee exp´erimentalement et num´eriquement.
Exp´eriences
Afin de valider les pr´edictions th´eoriques, un dispositif
exp´erimental permettant de g´en´erer des vortex acous-
tiques a ´et´e mone. Il se compose d’un r´eseau de 61 trans-
ducteurs pi´ezo-´electriques (fr´equence centrale 1MHz)
r´epartis sur un hexagone plac´e dans une cuve `a eau (Fig.
1). L’eau a ´et´e choisie car c’est un milieu de propagation
isotrope, non-dissipatif et non-lin´eaire. Une ´electronique
programmable de puissance permet de controler l’am-
plitude et la phase des signaux ´emis par chaque trans-
ducteur. Un hydrophone mont´e sur un syst`eme de mo-
teurs permet de balayer le champ dans les 3 directions
de l’espace. Les signaux ´emis par les transducteurs sont
Fig. 1: Dispositif exp´erimental
d´etermin´es dans une premi`ere phase de l’exp´erience par
une technique de synth`ese de champ appel´e filtre inverse.
Cette technique permet de synth´etiser des champs spatio-
temporels complexes dans une r´egion de l’espace choisie.
Pour cette exp´erience, un ensemble de 2916 points de
contrˆole situ´e sur un plan parall`ele au r´eseau de trans-
ducteurs (`a 50 cm de celui-ci) et r´epartis r´eguli`erement
sur un carr´e de 80 ×80 mm a ´et´e utilis´e. L’op´erateur
de propagation reliant les sources acoustiques aux points
de contrˆole est mesur´e dans un premier temps. Puis, cet
op´erateur est invers´e num´eriquement et est utilis´e pour
d´eterminer les signaux `a ´emettre par les transducteurs
pour synth´etiser un vortex acoustique. Pour cela on uti-
lise comme champ cible des faisceaux de Gauss-Laguerre
(voir [10] pour l’expression exacte du champ impos´e).
−40
−20
0
20
40
y [mm]
−40 −20 0 20 40
−40
−20
0
20
40
x [mm]
y [mm]
−40 −20 0 20 40
x [mm]
−3
−2
−1
0
1
2
3
(a) (b)
(d)(c)
Fig. 2: Amplitude RMS (a et c) et phase (b et d) dans un plan
parall`ele au r´eseau de transducteurs de vortex de charge1
impos´e (a et b) et mesur´e (c et d)
La figure 2 montre le champ impos´e (a-b) (il s’agit d’un
vortex acoustique de charge 1) et le champ mesur´e
exp´erimentalement (c-d) sur l’ensemble des points de
contrˆole. Les figures 2 (a) et (c) pr´esentent l’amplitude
RMS et les figures (b) et (d) la phase du champ de pres-
sion. Les amplitudes RMS ainsi que les phases sont tr`es
proches entre champ impos´e et champ mesur´e. La forme
particuli`ere en anneau de l’amplitude RMS, tr`es connue
en optique, est bien retrouv´ee. Les figures (b) et (d)
montrent que la phase a bien une structure h´elico¨ıdale
et qu’elle n’est pas d´efinie au centre du faisceau.
En utilisant les emes signaux ´emis par le r´eseau de
transducteurs mais `a forte amplitude, il est possible de
g´en´erer un vortex acoustique en r´egime non-lin´eaire. Les
phases des second, quatri`eme et sixi`eme harmoniques
sont pr´esent´es sur la figure 3 (colonne de gauche). On
peut observer que le nombre de sauts de 2π(transi-
tion rouge/bleu) augmente proportionnellement avec la
fr´equence, ainsi le rapport charge topologique / fr´equence
est constant ´egal `a 1 dans ce cas. Ceci est en accord avec
la relation th´eorique 2
Simulations Num´eriques
Les faisceaux de Gauss Laguerre sont des faisceaux di-
rectifs. Ils forment une base de solutions de l’´equation
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Fig. 3: Phases mesur´ees (colonne de gauche) et simul´ees
num´eriquement (colonne de droite) `a diff´erentes fr´equences
pour un vortex de charge 1 ´emis en r´egime non-lin´eaire
paraxiale. Si l’amplitude de ces ondes est grande, il faut
prendre en compte les ph´enom`enes r´egissants les non-
lin´earit´es de la propagation. Pour mod´eliser la propaga-
tion de ces faisceaux, il est naturel d’utiliser l’´equation
de Khokhlov-Zabolotskaya (KZ) [11] `a trois dimensions
(ses stuctures sont intrins`equement tri-dimensionnelles) :
2P
ZT = ∆P+2P2
T 2(3)
cette ´equation est ´ecrite sous forme adimensionn´ee.
est l’op´erateur Laplacien transverse, Zla distance longi-
tudinale (dimensionn´ee par la longueur de choc), Pest la
pression sans dimension (dimensionn´ee par la pression ca-
ract´eristique du faisceau), et Test le temps retard´e sans
dimension (dimensionn´e par la pulsation caract´eristique
de l’onde).
Pour r´esoudre cette ´equation une nouvelle simulation
num´erique a ´et´e evelopp´ee. A notre connaissance il
n’existe qu’une autre simulation num´erique de cette
´equation [12]. La r´esolution utilis´ee est bas´ee sur une
formulation en potentiel (P=dΦ/dT ) de l’´equation
KZ ´ecrite dans le domaine fr´equentiel. La nouvelle
´equation ainsi obtenue ne fait plus apparaˆıtre expli-
citement le temps. Elle est alors r´esolue par la tech-
nique de l’op´erateur fractionn´e : sur chaque pas d’avan-
cement dans la direction Zon r´esoud parall`element deux
´equations. La premi`ere prend en compte les effets de dif-
fraction. Elle est r´esolue par la m´ethode du spectre angu-
laire (transforme´es de Fourier spatiales de l’´equation). La
deuxi`eme prend en compte les effets non-lin´eaires. Elles
est r´esolue par la m´ethode semi-analytique de Hayes [13].
Les conditions aux limites impos´ees sur les bords du do-
maine sont P= 0, la pression en Z= 0 est un faisceau
de Gauss Laguerre dont on peut faire varier l’amplitude,
la largeur de l’enveloppe gaussienne ainsi que la charge
topologique.
La figure 3 (colonne de droite) pr´esente la phase des
harmoniques 1, 2 et 3 dans un plan perpendiculaire `a
l’axe de propagation en Z= 1 (1 distance de choc). Le
champ ´emis en Z= 0 est un faisceau de Gauss Laguerre
(amplitude 5.105Pa), largeur de la gaussienne 7.5 lon-
gueurs d’onde, et charge topologique 1, comme dans
l’exp´erience. On constate sur ces figures, que le rapport
entre le num´ero de la charge topologique et le num´ero de
l’harmonique est constant conform´ement aux pr´edictions
th´eoriques et observations exp´erimentales. Ceci est une
validation indirecte de l’outil de simulation num´erique
puisque les r´esultats montrent que le couplage diffrac-
tion / non-lin´earit´e 3D `a l’origine des propri´et´es de la
charge topologique est bien simul´e.
Conclusions
Nous avons d´evelopp´e successivement un mod`ele
th´eorique et exp´erimental pour l’´etude de la propagation
des vortex acoustique en r´egime faiblement non lin´eaire
[3] [10]. Ces travaux sont compl´et´es ici par une simula-
tion num´erique de la propagation des vortex acoustiques
valid´ee par la loi de conservation de la charge topologique
pour diff´erents harmoniques. Une validation quantita-
tive de cette simulation num´erique fera l’objet d’´etudes
ult´erieures. Nous disposons ainsi d’un ensemble complet
th´eorique, exp´erimental et num´erique pour l’´etude de la
propagation des vortex acoustique en r´egime non lin´eaire.
Les d´eveloppements futurs int´egrerons l’h´et´erog´en´eit´e du
milieu pour ´etudier la stabilit´e de ces structures et leur
inerˆet potentiel dans diff´erentes applications des ultra-
sons.
R´ef´erences
[1] J. F. Nye and M. V. Berry, Proc. R. Soc. Lond. A.
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[10] R. Marchiano and J.-L. Thomas, Phys. Rev. E, 71
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CFA 2006
441
[11] E. A. Zabolotskaya and R. V. Khokhlov, Sov. Phys.
Acoust., 15 (1969), 35-40
[12] X. Yang and R. O. Cleveland, J. Acoust. Soc. Am.,
117 (2005), 113
[13] F. Coulouvrat and R. Marchiano, J. Acoust. Soc.
Am., 114 (2003), 1749-1757
CFA 2006
442
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