
XXVI.  L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E  SIECLE 
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une  sensibilité  coloniale  se  développe,  faite  de  l'imagerie  répandue  par  les  publications 
missionnaires, de la part d'exotisme que comportent les Expositions universelles de 1889 et 
1900, et de nationalisme diffus. Publié en 1874, l'Essai sur la colonisation chez les peuples 
modernes de P. Leroy-Beaulieu connaît cinq rééditions jusqu'en 1908 : indice d'une audience 
certaine.  La  politique  coloniale  eut  cependant  de  farouches  adversaires.  Tenants  du 
« recueillement »,  Clemenceau  et  les  radicaux  s'élèvent  en  1885  contre  « ces  expéditions 
coloniales  qui  nous  prennent  notre  or  et  le  meilleur  de  notre  sang »,  affaiblissent  l'armée 
nécessaire  à  la  défense  nationale,  sont  contraires  aux  « droits  de  l'homme ».  Les 
monarchistes avancent des raisons analogues. Mais, à partir du début du siècle, l'état d'esprit 
est  tout  autre.  Au  pouvoir,  les  radicaux  ont  assuré  la  continuité de  la  politique  coloniale. 
Longtemps  hostile,  la  droite  nationaliste  en  arrive  à  soutenir  celle-ci  :  « J'aime  le  Maroc, 
écrit Maurice Barrès en 1912, parce qu'il est dans le destin de la France. » 
XXVI.b.ii.  Les domaines d'action.  
L'intervention de la France en Tunisie, en 1881, prend prétexte d'un incident frontalier 
entre Algérie et Tunisie. Le traité du Bardo, signé avec le bey de Tunis, permet à la France 
d'établir son protectorat, malgré une résistance très vive du Sud tunisien. La formule se veut 
souple, pour éviter le poids d'une administration directe, mais la pratique amène bientôt les 
fonctionnaires  français  à  doubler  les  autorités  tunisiennes.  Heurtées  de  plein  fouet  par  la 
révélation déchirante de la modernité, les élites musulmanes de Tunisie déclinent, tandis que 
les bourgeoisies juives autochtone ou européenne immigrée s'affirment rapidement. 
La pénétration au Maroc se fait par étapes. Les problèmes de frontière avec l'Algérie, 
la conquête du Sahara après 1900, l'anarchie où le pays se trouve plongé amènent la France à 
imposer progressivement au sultan une véritable mainmise économique. Écartée des accords 
qui  établissaient  les  «  droits  »  français  au  Maroc,  l'Allemagne  ne  peut  éviter,  après  deux 
crises internationales, et moyennant compensation au Congo, l'établissement du protectorat 
français au Maroc (1912). 
L'influence  française  en  Syrie  et  au  Liban  était  bien  établie.  En  Egypte,  la  dette 
énorme  contractée  par  le  khédive  Ismaïl,  à  l'égard  de  la  France  comme  de  l'Angleterre, 
conduit  à  une  mainmise  politique  de  l'Angleterre  qui  devance  la  France  en  1882  dans  la 
répression  de  la  révolte  d'Arabi  Pacha.  Les  Anglais  occupent  l'Egypte,  faisant  pièce  à 
l'influence culturelle et scolaire des missions françaises. 
En Afrique,  la  France, l'Angleterre  et l'Allemagne  se  partagent le  continent après la 
conférence coloniale de Berlin (1884-1885). Les territoires occupés en Afrique équatoriale à 
la  suite  de  missions  de  Brazza  (1875-1880),  le  Gabon,  le  Congo,  l'Ouban-gui-Chari,  sont