XXVI.c.ii. La France dans le monde en 1914.

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XXVI. L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E
SIECLE
L'EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E S.
XXVI.
La colonisation reprend avec la conquête de l'Algérie et les initiatives du Second Empire.
Mais son essor date de la III e République. Le « parti colonial » triomphe des oppositions
et de l'indifférence. A la veille de la guerre, la France est présente en Afrique du Nord, en
Afrique noire, à Madagascar, en Indochine.
XXVI.
L'EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E S. ......................... 1
XXVI.A. PREMIÈRES INITIATIVES ......................................................................................... 2
XXVI.a.i. Jusqu'en 1852, des initiatives diverses. ............................................................. 2
XXVI.a.ii.
L'œuvre du Second Empire ............................................................................ 3
XXVI.B. L'EXPANSION ......................................................................................................... 4
XXVI.b.i. Naissance d'un parti colonial ............................................................................ 4
XXVI.b.ii.
Les domaines d'action. ................................................................................... 5
XXVI.C. L'ŒUVRE COLONIALE ............................................................................................. 6
XXVI.c.i. Statut et mise en valeur des pays colonisés. ...................................................... 6
XXVI.c.ii.
Les problèmes sociaux. .................................................................................. 7
XXVI.c.ii.
La France dans le monde en 1914. ................................................................ 7
1
XXVI. L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E
SIECLE
XXVI.a.
Premières initiatives
XXVI.a.i.
Jusqu'en 1852, des initiatives diverses.
Dans la première moitié du 19e siècle, la France ne dispose que de quelques colonies
éparses, héritage de l'Ancien Régime : la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Pierre-etMiquelon, la Guyane et, dans l'océan Indien, la Réunion et cinq comptoirs aux Indes. En
Afrique, quelques comptoirs côtiers au Sénégal n'intéressent guère que les commerçants de
Marseille et de Bordeaux. La Restauration entreprit l'expédition d'Alger pour des raisons de
prestige, à des fins de politique intérieure, et pour mettre fin à la piraterie des corsaires. Le
dey cède Alger le 8 juillet 1830. La monarchie de Juillet fut embarrassée par ce legs. Ce n'est
que progressivement qu'elle passe à l'« occupation restreinte », puis de celle-ci à la conquête,
achevée en 1847 avec la reddition d'Abd el-Kader ; encore certaines régions, comme la
Petite et la Grande Kabylie, restent-elles largement insoumises. Une colonisation de
peuplement européen débute cependant : Italiens, Espagnols, mais aussi Français, dont le
flot est nourri par les insurgés de 1848. En 1871, 300 000 Européens déjà sont installés en
Algérie.
L'administration des colonies françaises reste mal définie jusque sous le Second
Empire. De même qu'il n'existe aucune doctrine coloniale au ministère de la Marine et des
Colonies, l'opinion publique ne porte aucun intérêt à l'aventure coloniale. Les colonies
vivent toujours sous le régime du « pacte colonial » ou « exclusif », qui interdit aux colonies
d'acheter et de vendre à tout autre pays qu'à la métropole. Une décision importante est prise
en 1848 quand le gouvernement provisoire, sous l'impulsion de Victor Schœlcher, abolit
l'esclavage dans les colonies, esclavage dont vivaient les plantations.
La première moitié du 19e siècle voit se renforcer l'influence française au Levant. Les
missions catholiques, s'appuyant sur les « capitulations » du 16e siècle par lesquelles
l'Empire ottoman accordait à la France la protection des catholiques de son Empire, étendent
leur action, notamment dans le domaine scolaire, auprès des maronites, des grecscatholiques et bientôt de l'ensemble des chrétiens d'Orient. Très forte en Syrie (le territoire
inclut l'actuel Liban), la présence culturelle et économique de la France s'affirme également
dans une autre province de L'Empire ottoman, l'Egypte. Méhémet-Ali, pacha d'Egypte,
développe à ce point l'autonomie vis-à-vis du sultan qu'en 1832 son fils Ibrahim conquiert la
Syrie. En 1832, puis en 1840, un ultimatum des puissances européennes guidées par
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XXVI. L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E
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l'Angleterre et la Russie contraint Méhémet-Ali, soutenu par la France, à reculer. La dynastie
de Méhémet-Ali est désormais contenue en Egypte, mais elle obtient le droit d'y être
héréditaire. En définitive, la crise de 1840 ne met pas en cause la place de la France en
Orient.
XXVI.a.ii.
L'œuvre du Second Empire
Sous le Second Empire sont posées les bases de l'expansion. Poussé par les partisans
de la colonisation, missionnaires, militaires et marins, certains milieux d'affaires, les saintsimoniens dont il se sent proche, l'empereur mène une politique coloniale plus ambitieuse et
plus cohérente que celle de ses prédécesseurs. Gouverneur du Sénégal de 1854 à 1861 et de
1863 à 1865, Faidherbe lance le premier le projet de relier le Sénégal à la vallée du Niger. Il
développe la mise en valeur du pays grâce aux cultures d'arachide. La France est d'autre part
de plus en plus présente en Extrême-Orient et dans le Pacifique. En Chine, elle obtient des
droits économiques, juridiques et religieux en même temps que l'Angleterre en 1860. En
Indochine, la présence de missionnaires français sert de prétexte pour établir la souveraineté
française sur la Cochinchine (1862-1867) et un protectorat sur le Cambodge en 1863.
L'implantation française reste très limitée face à des résistances solides. Les Français se sont
aussi installés en Nouvelle-Calédonie (1853), bientôt utilisée comme bagne, et à
Madagascar.
Ces extensions ne modifient pas fondamentalement l'administration des colonies.
L'expérience du ministère de l'Algérie et des Colonies (1858-1860) reste éphémère. Du
moins l'abolition du pacte colonial en 1861 permet-elle une progressive assimilation
douanière avec la métropole.
L'influence au Proche-Orient s'affirme. La guerre de Crimée avec la Russie est due
avant tout au souci de maintenir l'alliance anglaise ; mais l'expédition de Syrie, en 1860, est
entreprise pour la défense des chrétiens, en particulier des maronites, contre les druzes. La
France et l'Angleterre obtiennent que le Mont-Liban soit désormais administré par un
gouverneur chrétien nommé par le sultan. La présence au Levant est également économique.
Les capitaux français sont déterminants dans la culture des vers à soie, grâce aux soyeux
lyonnais, dans la construction des chemins de fer en Syrie, dans le domaine bancaire
ottoman et dans de nombreuses entreprises de grands travaux. Le canal de Suez est construit
par Ferdinand de Lesseps de 1859 à 1869.
En Algérie, le Second Empire facilite l'implantation de sociétés financières et favorise
les travaux publics. Sous l'influence d'un saint-simonien converti à l'islam, Ismaïl Urbain,
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XXVI. L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E
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apparaît le souci des populations arabes. L'Empire développe les « bureaux arabes » dirigés
par des officiers, plus proches des Algériens que ne l'est le « régime civil », plus favorable,
lui, aux colons. Après une expérience d'assimilation qui ne satisfaisait que ces derniers et la
création d'un ministère de l'Algérie, Napoléon III revient au régime antérieur et souhaite
l'association des Arabes et des Européens. « L'Algérie, proclame-t-il dans sa lettre du 6
février 1863, n'est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe. » C'est le retour
au régime civil après la chute de l'Empire qui déclencha la grande insurrection de Kabylie en
1871. L'administration de la IIIe République devait au reste se montrer beaucoup plus dure
pour les « indigènes » que le Second Empire.
XXVI.b.
L'expansion
XXVI.b.i.
Naissance d'un parti colonial
La colonisation connut sa pleine expansion sous la IIIe République. Des causes
diverses expliquent le caractère désormais systématique de la colonisation. L'opinion
publique resta longtemps indifférente ; mais il s'était formé peu à peu un courant de pensée
favorable, encore que composite. Certains pouvaient invoquer des justifications économiques : les colonies, riches de matières premières, marché ouvert par temps de
protectionnisme renaissant - à partir de 1892 surtout - et exutoire de capitaux, n'étaient-elles
pas source de richesse ? L'expérience prouva le plus souvent la faiblesse de ce calcul, mais
de grandes compagnies ou sociétés bénéficièrent des facilités d'implantation et d'exploitation
dans les colonies. La curiosité géographique que suscitèrent les explorations du continent
africain notamment, encore mal connu, fut un autre élément favorable à la colonisation. La
rivalité avec l'Angleterre et l'Allemagne en Afrique, ou avec la seule Angleterre en Orient,
poussait aussi les dirigeants français à ne pas se laisser supplanter par les autres puissances
dans des terres encore à conquérir, et à affirmer le prestige national. Les républicains de
gouvernement enfin, ferrystes et gambettistes, développèrent l'idée d'une mission
civilisatrice, dans la droite ligne de la diffusion des « lumières » en Europe par la Révolution
française. Les « races supérieures », disait Ferry le 28 juillet 1885, « ont le devoir de
civiliser les races inférieures » (voir DOCUMENT XXVI.a.). Ainsi se constitue bientôt en
France un « parti colonial ». Eugène Étienne, député d'Oran, porte-parole des colons d'Algérie, proche des opportunistes, s'y retrouve avec des universitaires, des hommes d'affaires, des
officiers acquis à l'expansion outre-mer pour le maintien de la puissance française. La
France est alors un grand pays missionnaire ; il ne semble pas que le monde catholique soit
pour autant venu apporter sa caution à ce qui reste un groupe de pression, fort de 100
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députés en 1892 et de publications comme la Quinzaine coloniale, fondée en 1893. Surtout,
une sensibilité coloniale se développe, faite de l'imagerie répandue par les publications
missionnaires, de la part d'exotisme que comportent les Expositions universelles de 1889 et
1900, et de nationalisme diffus. Publié en 1874, l'Essai sur la colonisation chez les peuples
modernes de P. Leroy-Beaulieu connaît cinq rééditions jusqu'en 1908 : indice d'une audience
certaine. La politique coloniale eut cependant de farouches adversaires. Tenants du
« recueillement », Clemenceau et les radicaux s'élèvent en 1885 contre « ces expéditions
coloniales qui nous prennent notre or et le meilleur de notre sang », affaiblissent l'armée
nécessaire à la défense nationale, sont contraires aux « droits de l'homme ». Les
monarchistes avancent des raisons analogues. Mais, à partir du début du siècle, l'état d'esprit
est tout autre. Au pouvoir, les radicaux ont assuré la continuité de la politique coloniale.
Longtemps hostile, la droite nationaliste en arrive à soutenir celle-ci : « J'aime le Maroc,
écrit Maurice Barrès en 1912, parce qu'il est dans le destin de la France. »
XXVI.b.ii.
Les domaines d'action.
L'intervention de la France en Tunisie, en 1881, prend prétexte d'un incident frontalier
entre Algérie et Tunisie. Le traité du Bardo, signé avec le bey de Tunis, permet à la France
d'établir son protectorat, malgré une résistance très vive du Sud tunisien. La formule se veut
souple, pour éviter le poids d'une administration directe, mais la pratique amène bientôt les
fonctionnaires français à doubler les autorités tunisiennes. Heurtées de plein fouet par la
révélation déchirante de la modernité, les élites musulmanes de Tunisie déclinent, tandis que
les bourgeoisies juives autochtone ou européenne immigrée s'affirment rapidement.
La pénétration au Maroc se fait par étapes. Les problèmes de frontière avec l'Algérie,
la conquête du Sahara après 1900, l'anarchie où le pays se trouve plongé amènent la France à
imposer progressivement au sultan une véritable mainmise économique. Écartée des accords
qui établissaient les « droits » français au Maroc, l'Allemagne ne peut éviter, après deux
crises internationales, et moyennant compensation au Congo, l'établissement du protectorat
français au Maroc (1912).
L'influence française en Syrie et au Liban était bien établie. En Egypte, la dette
énorme contractée par le khédive Ismaïl, à l'égard de la France comme de l'Angleterre,
conduit à une mainmise politique de l'Angleterre qui devance la France en 1882 dans la
répression de la révolte d'Arabi Pacha. Les Anglais occupent l'Egypte, faisant pièce à
l'influence culturelle et scolaire des missions françaises.
En Afrique, la France, l'Angleterre et l'Allemagne se partagent le continent après la
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XXVI. L’EXPANSION FRANÇAISE DANS LE MONDE AU 19E
SIECLE
conférence coloniale de Berlin (1884-1885). Les territoires occupés en Afrique équatoriale à
la suite de missions de Brazza (1875-1880), le Gabon, le Congo, l'Ouban-gui-Chari, sont
regroupés en 1910 dans l'Afrique-Équatoriale française (AEF). En Afrique occidentale, la
France occupe successivement la Côte-d'Ivoire à partir de 1883, la Guinée en 1896 et le
Dahomey (années 1890), réalisant ainsi les projets de Faidherbe. En 1895, l'AfriqueOccidentale française (AOF) regroupait le Sénégal, le Tchad et l'ensemble des territoires du
golfe de Guinée, sauf le Nigeria (boucle du Niger), occupé par les Anglais. Les années 18901900 voient enfin la jonction des grands ensembles africains français (Algérie, AOF, AEF)
par la difficile exploration du Sahara français. Mais les troupes françaises, secondées par les
« méharistes » indigènes, continuent à affronter les « rezzous » des nomades.
La pression des colons de la Réunion pousse la France à établir à Madagascar, dès
1885, une manière de protectorat, qui conduit, après des révoltes, à l'annexion pure et simple
en 1896. Certains coloniaux, comme Lyautey, blâment la dureté de la répression et l'absence
d'autonomie administrative des populations. Lyautey écrit en 1901 de Madagascar : « Nous
oublions que les indigènes ont une histoire et une civilisation. »
Sous la présidence du Conseil de Jules Ferry (1882-1885), la France établit son
protectorat sur l'Annam (1884) et le Tonkin. Mais elle se heurte aux résistances de la Chine
jusqu'au traité de Tien-tsin (1885), qui consacre l'emprise française sur l'Indochine. La fin du
siècle voit la pénétration pacifique au Laos, de 1887 à 1893. En 1893 est créée l'Union
indochinoise, qui regroupe la colonie de Cochinchine et les protectorats du Tonkin, de
l'Annam, du Cambodge et du Laos.
XXVI.c.
L'œuvre coloniale
XXVI.c.i.
Statut et mise en valeur des pays colonisés.
Certains de ces territoires sont des colonies gérées directement, d'autres des
protectorats qui maintiennent la fiction de la souveraineté indigène. Dans les faits, les
colonies françaises connaissent une variété très grande de statuts. L'Algérie dépend du
ministère de l'Intérieur ; les protectorats, du ministère des Affaires étrangères ; les autres
colonies, du ministère des Colonies créé en 1894 seulement. Peu à peu se forme une
administration coloniale spécifique, avec la création de l'École coloniale.
La doctrine coloniale reste oscillante entre plusieurs thèmes : l'exploitation
économique, l'association, l'assimilation impossible. La volonté d'exploitation économique
est souvent déçue. Elle est manifeste dans le développement des cultures d'exportation
(comme la vigne en Algérie), la confiscation des terres dites « vacantes » et la cession de ces
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terres aux colons, en Algérie, ou aux grandes compagnies en AEF. L'administration
coloniale accomplit certes de grands travaux d'équipement : barrages pour l'irrigation au
Maghreb, chemins de fer, périmètres d'agriculture intensive en Algérie. Mais elle exclut tout
développement de l'industrie locale, hormis les mines et les industries extractives. Les
équipements eux-mêmes sont conçus pour les besoins de la métropole plus que pour le
développement intérieur de la colonie : témoin les voies ferrées menant aux ports. Bien des
installations coloniales, enfin, bouleversent les complémentarités traditionnelles des terroirs ;
ainsi le déclin du mouton en Algérie est-il dû au cantonnement des tribus.
XXVI.c.ii.
Les problèmes sociaux.
Plus violentes et plus durables encore sont les conséquences sociales. L'installation de
colons entraîne la juxtaposition de deux populations en Algérie ; en 1914, 680 000
Européens vivent en Algérie, pour les deux tiers dans les villes, face à 4 800 000
musulmans. L'ordre, une meilleure hygiène, la répression de l'esclavage sont de réels acquis,
mais l'enseignement reste peu développé. La mission civilisatrice dont se réclame la France
mène à la formation d'une élite moderne restreinte, qui fournit les futurs cadres des
mouvements nationalistes indigènes. L'urbanisation, la diffusion de la propriété privée et de
la monnaie sont certains des aspects d'une modernisation forcée, d'autant plus mal acceptée
qu'elle vient de l'extérieur. Les indigènes bénéficient rarement de la liberté qu'on prétend
leur apporter : sujets français, ils ne peuvent devenir citoyens qu'en demandant la
naturalisation. Ils s'y refusent, car elle entraîne la perte du statut personnel, c'est-à-dire
religieux. Au total, malgré le discours officiel, il n'existe pas de réelle assimilation, non plus
que de véritable association.
XXVI.c.ii.
La France dans le monde en 1914.
L'Empire, à la veille de la Première Guerre mondiale, constitue une masse imposante :
environ 10 millions de kilomètres carrés, peuplés de 50 millions d'habitants. Mais l'influence
française dans le monde de la seconde moitié du 19e siècle ne s'affirme pas seulement par
l'expansion coloniale. Si l'émigration est faible, l'influence culturelle est favorisée par le
prestige intellectuel et artistique de Paris, par le rayonnement du français, langue des élites
en Europe comme en Amérique latine, langue aussi de la diplomatie. A partir de la fin du
siècle, l'expansion financière française est considérable : les épargnants exportent leurs
capitaux. En 1913, les emprunts d'État, valeurs « sûres », représentent plus de la moitié des
placements à l'étranger. L'allié russe attire, mais aussi l'Autriche-Hongrie, l'Empire ottoman,
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SIECLE
l'Amérique latine, la Chine.
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