Appréciation de l`aptitude à la pratique sportive sous l`angle

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Forum Med Suisse 2007;7:889–894
Appréciation de l’aptitude à la pratique
sportive sous l’angle cardiaque
Andreas Hoffmann a, Ruedi Isler b
a
Ambulantes Kardiales Rehabilitationsprogramm KARAMBA, Basel, b Allgemeinpraxis, Reigoldswil
Quintessence
% L’évaluation médicale de l’aptitude à la pratique sportive comprend un élément essentiel, l’appréciation du risque cardiovasculaire, tant chez les sujets
sains que chez les patients souffrant d’une cardiopathie connue. Chez les sujets
en bonne santé âgés de moins de 35 ans, il s’agit surtout d’exclure des anomalies congénitales. On préconise une méthode de screening comportant une
anamnèse personnelle détaillée, une anamnèse familiale et un examen clinique,
ainsi qu’un ECG de repos chez les sportifs de compétition et/ou d’élite. Des examens complémentaires ne sont indiqués qu’en cas de constatations suspectes
ou franchement anormales. Chez les individus en bonne santé âgés de plus de
35 ans, c’est l’appréciation du risque d’atteinte coronarienne qui est au premier
plan, un ECG d’effort étant recommandé chez les sujets de plus de 65 ans ou en
présence de facteurs de risque.
% Les patients porteurs d’une cardiopathie connue ne devraient pratiquer
du sport qu’après avoir été soigneusement investigués, avoir subi une épreuve
d’effort et avoir reçu toutes les recommandations appropriées. Des limitations
générales sont aussi inappropriées que la recherche de performances exagérées.
% La meilleure prévention des complications associées aux myocardites est une
interdiction de compétition durant les infections virales aiguës. Cette mesure
est valable pour toutes les disciplines sportives.
% On accordera par ailleurs une attention particulière aux pathologies spécifiques touchant d’autres systèmes organiques. Elles peuvent impliquer des restrictions pour la pratique de certaines activités physiques ou nécessiter des
adaptations de traitement.
Summary
Cardiac screening for sport fitness
% Medical screening for sport fitness includes, as an important element,
assessment of cardiovascular risk in both healthy individuals and patients
with a history of heart disease. In healthy individuals aged under 35, the purpose of screening is to rule out cogenital abnormalities. The recommended
screening method comprises a detailed personal history, a family medical history and physical examination and a resting ECG prior to high performance and
competitive sports. Further investigations are indicated only in the presence of
abnormal findings. In healthy over 35-year-olds chief importance attaches to
assessment of the risk of coronary disease, exercise ECG being recommended
in the over-65s and where risk factors are present.
% Patients with a history of heart disease should practise sport only if it is
recommended, with precise knowledge of the findings and after an exercise test;
general restrictions are just as misplaced as overexertion to improve performance.
Contexte
L’activité physique et plus particulièrement les
activités sportives sont depuis longtemps considérées comme faisant partie d’un mode de vie
sain. La sédentarité est, à l’inverse, un facteur de
risque cardiovasculaire reconnu [1]. On estime
que la sédentarité, avec son incidence de 20 à 25%
dans la population générale, joue un rôle favorisant dans 5 à 10% des cas d’infarctus du myocarde
(«population attributable risk») et suit ainsi de
près le tabagisme, l’hyperlipidémie et l’hypertension artérielle. La sédentarité occupe une place
quantitativement aussi importante que le diabète
et les antécédents familiaux dans les manifestations d’artériosclérose précoce [13].
La relation entre le manque de mouvement et
l’athérogenèse semble reposer sur un mécanisme directement associé au maintien de la fonction de l’endothélium vasculaire. En effet, les
contraintes de cisaillement s’exerçant sur l’endothélium vasculaire à l’effort contribuent significativement à une fonction optimale de ce dernier
[12]. Si l’on se souvient de l’extraordinaire surface que représente l’endothélium vasculaire en
tant qu’organe (environ 1500 m2 = 2 terrains de
football), on réalise immédiatement combien ce
facteur est important. La promotion de la santé
inclut la recommandation d’une activité physique quotidienne d’intensité modérée (élévation
de la fréquence cardiaque et respiratoire, impression d’échauffement et légère sudation) durant
au moins 30 minutes. Et pourtant, nous sommes
sans cesse confrontés aux comptes-rendus de la
presse rapportant des morts subites, inattendues
et tragiques, en rapport avec une activité sportive. Il existe effectivement un «paradoxe du risque»: si la mortalité de l’homme actif est globalement plus basse, il y a tout de même un risque
Abréviations
SA = Sténose aortique
CMHO = Cardiomyopathie hypertrophique obstructive
TC = Troubles de la conduction
MC = Maladie coronarienne
FR = Facteurs de risque
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 885 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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% The best way of combating the danger of myocarditis-associated complications is a ban on competitive sports during acute viral infections, which should
be valid for all sportspeople.
% In addition, attention should focus on specific conditions in other organ systems which impose limits on physical effort or require treatment adaptations.
accru à court terme de mort subite pendant
l’effort physique proprement dit. Ce risque est
particulièrement important chez les sujets non
entraînés ayant un profil à haut risque cardiovasculaire [12]. On attend donc aujourd’hui (à
juste titre dans une certaine mesure) que notre
médecine moderne, forte de ses moyens techniques, développe des stratégies adaptées pour
dépister précocement ce genre de risque.
De nombreuses études statistiques ont révélé les
principales causes des complications mortelles
non accidentelles de la pratique sportive [9]. En
simplifiant, on peut résumer ainsi: chez les individus jeunes (<35 ans), les anomalies congénitales
méconnues, telles qu’une cardiomyopathie hypertrophique obstructive, une sténose aortique, des
malformations coronariennes et des troubles de
la conduction, sont les principales causes de mort
subite. Chez les personnes de plus de 35 ans, on
trouve surtout des occlusions coronariennes dans
le cadre d’une coronaropathie athéromateuse
occulte et de complications d’une coronaropathie
préexistante connue. On évoque parmi les mécanismes pathogéniques une ischémie du myocarde,
mais aussi la stimulation adrénergique et l’augmentation de la tension artérielle survenant
durant l’effort. Les myocardites se développant
dans le cadre d’infections virales banales peuvent en outre passer inaperçues à n’importe quel
âge et constituer un facteur de risque transitoire
d’arythmies potentiellement fatales. Les performances sportives de haute intensité et les compétitions lors d’un état fébrile ne sont donc pas
sans danger!
Il s’agit par conséquent, lors d’une appréciation
de l’aptitude à la pratique sportive, de dépister
des pathologies causales chez des sujets apparemment en bonne santé, à l’aide de méthodes
de screening aussi simples que possible et à un
prix aussi raisonnable que possible. Chez les individus atteints de maladies connues, il n’est
en revanche plus question de screening, mais
bien plus d’un bilan spécifique, axé en priorité
sur la détermination de la tolérance à l’effort,
donc forcément plus extensif. Pour l’évaluation
d’un patient avec une cardiopathie connue, il faut
connaître les exigences posées par les efforts
envisagés et adapter les recommandations en
conséquence (par ex. le saut à la perche ou le saut
en parachute par rapport au golf ou au jeu
d’échecs) [3].
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Aspects médicaux généraux
Pour l’interniste, il convient de tenir compte non
seulement des aspects strictement cardiovasculaires, mais aussi d’autres éléments déterminants
pour l’appréciation de l’aptitude à la pratique sportive. On peut penser aux troubles métaboliques,
aux maladies neurologiques, à l’asthme, aux allergies et aux anémies. On n’oubliera pas d’intégrer
l’état nutritionnel, le type constitutionnel et les signes suggérant la consommation de substances
nocives dans l’anamnèse et l’examen clinique.
Diabète
Tous les diabétiques devraient pratiquer une activité physique adaptée à leur âge et à leurs goûts
durant au moins une demi-heure par jour. L’éventail des activités appropriées est très large et va
de simples promenades à de véritables compétitions sportives. Du point de vue du contrôle de la
glycémie, l’idéal serait que l’activité physique soit
programmée plus ou moins aux mêmes heures
chaque jour.
Le principal problème chez les diabétiques sportifs relève des hypoglycémies. Chez les diabétiques non insulinodépendants, une activité sportive intensive peut être gérée par la consommation de collations supplémentaires.
Les diabétiques insulinodépendants pratiquant
des activités sportives intenses et irrégulières
contrôleront au mieux leur glycémie à l’aide d’un
système de type Base-Bolus.
Epilepsie
Les disciplines sportives impliquant un danger
particulier pour le pratiquant lui-même ou pour
les autres (parapente, varappe) sont à déconseiller ou éventuellement à discuter avec le neurologue qui suit le cas. En principe, ce sont les
mêmes critères qui s’appliquent que ceux auxquels on se réfère pour l’appréciation de l’aptitude à la conduite de véhicules automobiles (un
bon contrôle médicamenteux de la maladie, deux
années sans crise, un EEG normalisé).
Asthme
L’anamnèse comportera un interrogatoire à la
recherche de symptômes d’asthme, en particulier
d’un asthme à l’effort peut-être pas encore diagnostiqué. En cas de doute, on procèdera à une
évaluation de la fonction pulmonaire, éventuellement complétée par une spirométrie à l’effort.
Un asthme ne justifie jamais une interdiction de
pratique sportive. Il s’agit plutôt de traiter les
patients correctement (traitement prolongé par
inhalation avec des sprays combinés associant
des bêtamimétiques et des corticostéroïdes plus,
le cas échéant, des inhalations de bêtamimétiques à courte durée d’action immédiatement
avant l’effort). Dans les cas légers, cette dernière
forme de traitement peut suffire. Les compétiteurs auront alors besoin d’un certificat médical
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pour satisfaire aux exigences de Swiss Olympic
(liste des produits dopants et des méthodes interdites!).
Allergies
Les pollinoses (par ex. rhume des foins) sont fréquentes. Les sports en plein air devraient être
évités durant la période de pollinisation. Les antihistaminiques et/ou les corticostéroïdes inhalés
peuvent être indiqués.
La mesure de l’hémoglobine et/ou de la ferritine
fait obligatoirement partie de l’examen du sportif, du moins du sportif d’endurance. Il existe
souvent des besoins augmentés en fer justifiant
une supplémentation journalière de longue durée.
Au-delà des complications cardiovasculaires et
internistes, les problèmes orthopédiques et traumatologiques méritent une attention toute particulière lors de l’examen d’aptitude au sport dans
l’optique de la prévention. Une discussion détaillée de cet aspect dépasserait cependant le cadre
de ce résumé.
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d’appel cliniques et électrocardiographiques parfois plutôt subtils. Ce n’est que si ces examens
de base révèlent des éléments suspects qu’on préconise la poursuite du bilan par des investigations complémentaires, notamment une épreuve
d’effort ou une échocardiographie. Le rendement
de ces examens complémentaires est beaucoup
trop faible pour justifier un recours à ces méthodes dès la phase de screening [7]. Les principaux critères posant l’indication aux investigations complémentaires sont résumés dans le
tableau 1 p et la figure 1.
Ce qui est nouveau, c’est que l’utilisation à large
échelle d’une méthode de screening simple, comprenant un ECG de repos, telle que la loi italienne
la prescrit et qu’elle est pratiquée depuis une
bonne vingtaine d’années, a effectivement permis de diminuer significativement le nombre de
morts subites liées à la pratique sportive (autrefois 1/100000, actuellement 0,2/100000 par an).
La présence de signes anormaux à l’ECG impose
des investigations complémentaires dans environ
12% des cas, et seuls 2% des sujets examinés
Nouvelles données
et recommandations
Tableau 1. Evaluation cardiovasculaire chez le sujet
en bonne santé: critères indiquant des examens
complémentaires.
Population en bonne santé (fig. 1 x)
Diverses instances internationales ont régulièrement proposé des directives et des recommandations basées sur les données scientifiques disponibles et les consensus de spécialistes (Maron BJ:
AHA statement for health professionals 1996; Haskell W: ACSM and AHA – recommendation 2007;
Löllgen H: Arbeitsgruppe der DGSP 2007). En Italie, ces recommandations ont même été intégrées
récemment dans des dispositions légales, un pas
supplémentaire à vrai dire assez controversé [15].
Toutes ces recommandations ont en commun la
recherche d’éléments dans l’anamnèse suggérant
la présence d’une prédisposition génétique d’affection cardiaque, ainsi que de certains signes
Anamnèse
Antécédents familiaux de maladie coronarienne chez
les sujets de <65 ans, d’autres affections cardiaques
héréditaires ou de cas de mort subite.
Age >45 (m) ou 55 (f) + ≥2 facteurs de risque
Syncope ou vertiges, palpitations,
dyspnée à l’effort / oppression thoracique
Examen clinique
Constitution de type Marfan
Absence/faiblesse des pouls fémoraux
Clics systoliques
Eclatement du 2e bruit cardiaque
Bruits cardiaques systoliques de forte intensité ou tout
bruit dans la diastole
Pouls irrégulier
TA plusieurs fois >140/90
Critères ECG
Signes de surcharge de l’oreillette gauche ou droite
Déviation axiale ≥ +120° ou –30°
Sport d’élite
+ Imagerie,
épreuve d’effort
Haut voltage (R ou S ≥2 mV dans les dérivations
extrêmes; S en V1–2 ou R en V5– 6 ≥3 mV)
Ondes Q anormales; complexes QS dans ≥2 dérivations
Sport de compétition
+ ECG de repos
(épreuve d’effort et imagerie
dans les cas douteux
BBD ou BBG avec QRS ≥120 msec
R ou R’ en V1 ≥0,5 mV et R:S ≥1
Sous-décalage du ST ou T aplatis ou négatifs
dans ≥2 dérivations
QTc >0,44 (m) et >0,46 (f)
Sport de masse
Anamnèse, clinique
ESV ou arythmie ventriculaire de plus haut grade
TSV, flutter ou fibrillation auriculaire
Syndrome de pré-excitation (pR <0,12)
Figure 1
Pyramide des méthodes d’investigation à utiliser dans le screening pour l’appréciation de l’aptitude
à la pratique sportive chez les sujets en bonne santé.
Bloc AV 1° ≥0,21(non réductible par hyperventilation),
2° ou 3°.
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seront finalement déclarés inaptes aux sports
de compétition, ce qui n’est dans le fond pas un
chiffre si extraordinaire. Les motifs de ces disqualifications sont les suivants, par ordre de fréquence décroissant: les arythmies et les troubles
de la conduction (39%), l’hypertension artérielle
(23%), les valvulopathies, y compris le prolapsus
mitral (21%), et les cardiomyopathies (7%) [4].
Les anomalies à l’ECG de repos, en particulier les
ondes T négatives, semblent indiquer la présence
d’une cardiomyopathie avec une grande sensibilité, même à un stade précoce.
Le dépistage des coronaropathies congénitales
reste par contre problématique. Le CT-scan à
multicoupes (CT à 64 lignes) se prête très bien
à ce diagnostic, et le recours plus fréquent à cette
méthode, dans un contexte plus général, aura
probablement pour effet des découvertes fortuites en l’une ou l’autre circonstance.
Patients avec cardiopathie connue (fig. 2 x)
Grâce à la revascularisation précoce largement
utilisée de nos jours, toujours plus de patients
coronariens conservent une fonction myocardique intacte, et l’aptitude à l’effort sera donc surtout déterminée par les comorbidités et par l’état
qui prévalait avant la découverte de la pathologie. La capacité à l’effort pourra être améliorée
par la pratique régulière d’une activité physique,
si bien que des efforts même importants deviennent possibles selon le degré d’entraînement des
patients. On rappellera toutefois au profane que
l’entraînement ne renforce pas le muscle cardiaque (comme c’est le cas de la musculature squelettique), mais qu’il améliore les conditions de
travail du myocarde, aussi bien chez le sujet sain
que chez le malade. Les risques encourus sont en
partie déterminés par la pathologie sous-jacente,
mais aussi dans une grande mesure par les dangers inhérents aux traitements médicamenteux,
comme par exemple l’augmentation du risque
hémorragique sous antiagrégation plaquettaire,
plus particulièrement dans le cadre de traitements
combinés. Au début de l’utilisation des stents,
Sport d’élite
Sport de compétition
Sport de masse
Exceptions,
investigations
personnalisées par
le spécialiste
Echo, épreuve d’effort dans
certaines situations définies
Anamnèse, clinique, épreuve d’effort
dans tous les cas
Figure 2
Pyramide des critères d’appréciation de l’aptitude sportive chez les patients cardiaques.
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nous étions confrontés à certains cas isolés de
thromboses aiguës de l’implant durant l’effort,
thromboses mises aujourd’hui sur le compte de
l’anticoagulation insuffisante à l’époque.
Nous avons souvent à répondre simultanément
à la question de la tolérance à l’effort et à celle
de la tolérance à l’altitude. Les études réalisées
sur l’effort en haute altitude ont montré qu’il n’y
avait pas de perte de capacité de performance
excédant la diminution physiologique, même
chez les patients ayant une fonction ventriculaire
modérément diminuée (FEVG 30–50%) [2].
Si la maladie coronarienne est au premier plan
du conseil médicosportif, d’autres anomalies
cardiaques jouent un rôle d’importance croissante. On pensera par exemple au foramen ovale
ouvert, souvent découvert fortuitement, au prolapsus mitral ou à certaines pathologies génétiques, symptomatiques ou non. Une bonne
connaissance de la littérature médicoscientifique
récente et, le cas échéant, celle des recommandations actuelles émises par les sociétés de spécialistes est indispensable pour apprécier correctement les situations particulières et donner
les conseils appropriés.
La question de l’attitude à tenir devant une hypertension à l’effort et celle du choix des médicaments antihypertenseurs chez les sportifs restent
encore ouvertes et elles n’ont pas fait l’objet
jusqu’ici de recommandations fondées sur des
preuves. On doit donc s’en tenir à une appréciation clinique individuelle.
L’évolution de la pyramide des âges dans notre
population a pour effet une augmentation considérable du nombre de patients souffrant d’une
insuffisance cardiaque sévère. Une activité physique adaptée présente, dans ce groupe aussi, un
intérêt thérapeutique [16]. On attirera cependant
l’attention sur le fait que la participation à des
compétitions sportives et la pratique de disciplines induisant un stress psychique important ou
un risque de blessures est déconseillée et que la
prescription d’exercices et d’activités physiques
requiert toujours la prudence. Les risques cardiaques (ischémie et troubles du rythme) sont
nettement augmentés en cas d’atteinte sévère de
la fonction ventriculaire et de cicatrices étendues
du myocarde.
De nombreux guidelines et recommandations
énumèrent en détail les critères d’appréciation
de l’aptitude à la pratique sportive pour la plupart des anomalies cardiaques et cardiopathies
et cela en fonction des différents types d’activité
et de l’intensité de l’effort.
Recommandations et revues consacrées
à la question de l’aptitude aux
activités sportives des patients souffrant
de diverses affections cardiaques
(Pour les détails, veuillez consulter la bibliographie):
– 26th Bethesda Conference. JACC. 1994
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– Maron B et al. (AHA Working group committee). Circulation. 2004
– Pelliccia A et al. (Consensus document of the
ESC). Eur Heart J. 2005.
Tableau 2. Résumé des méthodes d’investigations reconnues comme efficaces
et recommandées comme normes dans l’appréciation cardiovasculaire de l’aptitude
à la pratique sportive.
A) Personnes en bonne santé (Screening)
Recherche/Exclusion
Méthode
Remarque
Age <35
Anomalie congénitale
(SA, CMO, troubles de la
conduction, anomalie
coronarienne)
Symptômes,
signes cliniques,
anamnèse familiale,
évt. ECG de repos
Examens complémentaires en cas
d’anomalies
Age >35
Maladie coronarienne
Symptômes,
facteurs de risque,
anamnèse familiale,
ECG de repos
ECG d’effort en
présence de FR ou
si âge >65 ans
Epreuve d’effort en cas
de suspicion clinique ou
de risque augmenté
Tout âge
Myocardite
Anamnèse
(état fébrile),
ECG de repos
Pause de compétition
(env. 5 jours)
B) Patients cardiaques
Tous les
patients
Evaluation
Méthode
Remarque
Maladie connue,
tolérance à l’effort,
capacité à l’effort,
réponse thérapeutique,
médicaments
(exclusion d’une
ischémie ou d’une
arythmie)
Consultation du dossier,
de la littérature,
anamnèse, clinique,
epreuve d’effort;
évt. Imagerie
évt. tests invasifs
Conseil personnalisé pour
l’entraînement et,
le cas échéant,
la compétition
– Borjesson M et al. (ESC Study Group of Sports
Cardiology). Eur J Cardiovasc Prev Rehabil.
2006
– Rees, K et al. Cochrane review 2005. www.
cochranelibrary.com
– Recommandations du Groupe Suisse de Travail pour la Réadaptation Cardiovasculaire
(GSRC): www.sakr.ch
– Société Suisse de Médecine Subaquatique et
Hyperbare (SUHMS): www.suhms.org
Fondamentalement, toutes ces recommandations
mettent la priorité sur la nécessité d’une approche
individuelle des patients cardiaques. L’anamnèse
et l’examen clinique forment là aussi l’essentiel
d’une bonne appréciation de l’aptitude à la pratique sportive. Mais, ne serait-ce que pour des raisons éthiques et juridiques, il faudra davantage
recourir dans ces cas aux investigations complémentaires pour établir que l’effort physique envisagé n’implique pas des risques excessifs, surtout lorsqu’une activité intensive fait partie de la
prescription thérapeutique. Les examens complémentaires ont pour but d’évaluer les capacités
fonctionnelles à un moment donné, d’objectiver
la tolérance à l’effort sans ischémie et de mesurer
la capacité à l’effort du sujet. Les données ainsi
obtenues fournissent alors la base des recommandations concernant le type et l’intensité de
l’activité sportive.
Exemples cliniques
Anamnèse familiale
Anamnèse personnelle, symptômes
Examen physique
Normal
Anormal
Sport de compétition ou d'élite?
Non
Oui
ECG de repos
Normal
Pas d'examens complémentaires
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Anormal
Bilan complémentaire
Figure 3
Algorithme décisionnel pour l’appréciation de l’aptitude au sport chez les sujets sains.
Premier exemple
Un homme de 50 ans souffre d’une maladie coronarienne. Il a subi par le passé une PTCA avec
pose de stent. Hormis les facteurs de risque cardiovasculaires classiques, tels que tabagisme,
diabète, etc., d’autres critères sont à prendre en
considération dans ce genre de cas pour apprécier l’étendue du risque:
– fonction de pompe du ventricule gauche
(FEVG),
– ischémie à l’effort,
– tolérance globale à l’effort.
Comme les patients qui ont subi un événement
coronarien aigu prennent en général un bêtabloquant, on calculera la fréquence cardiaque adéquate durant l’entraînement en se basant sur la
fréquence maximale observée durant l’épreuve
d’effort. Cette dernière devrait être réalisée sans
toucher au traitement médicamenteux en cours.
En règle générale, la FEVG est déjà connue, mais
on peut admettre qu’elle est conservée en cas
de maladie monotronculaire avec un événement
inaugural sans augmentation excessive des valeurs de CK.
Dans le cas présent, le sujet a été capable de fournir un effort de 180 Watt sans symptômes particuliers et sans modifications au niveau du tracé
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ECG. L’augmentation de la tension atérielle était
adéquate et la fréquence cardiaque maximale atteinte était 150 pulsations/minute.
Un tel patient peut opter pour n’importe quelle
activité sportive, sans restriction particulière, et on
pourra lui conseiller un pouls à l’entraînement
correspondant à 70–80% de la valeur maximale
obtenue durant l’épreuve d’effort, soit environ
110–120 pulsations/minute.
Deuxième exemple
Un homme de 72 ans aux antécédents de PTCA
avec mise en place de stent suite à l’occlusion
d’un pontage veineux réalisé huit ans plus tôt,
infarctus inférieur et antérieur, FEVG de 25% et
implantation d’un défibrillateur intracardiaque
(ICD).
Il s’agit comme précédemment de déterminer
chez ce patient le degré et l’intensité des efforts
qu’il tolère, mais aussi de vérifier la réponse à
l’effort de la fréquence cardiaque et d’apprécier
le danger de déclenchement inadéquat de l’ICD
suite à la tachycardie sinusale.
Lors de l’épreuve d’effort, le patient est capable
de fournir 80 Watt, et on observe une augmentation de la fréquence cardiaque de 70/min. à
120/min, ainsi que de brefs épisodes intermittents de fibrillation auriculaire avec une fréquence ventriculaire de 150/min. Pas de signes
d’ischémie myocardique.
Avant de pouvoir formuler chez un tel patient des
recommandations en matière d’exercice physique, il conviendra d’ajuster son traitement (bêtabloquant, antiarythmiques) et de régler la fréquence de déclenchement de l’ICD à un niveau suffisamment élevé (>180). La fréquence cardiaque
cible se situera vers 90/min.
Perspectives d’avenir
Correspondance:
Prof. Dr Andreas Hoffmann
Facharzt für Kardiologie
Ambulantes Kardiales Rehabilitationsprogramm KARAMBA
Lange Gasse 78
CH-4052 Basel
[email protected]
De nouvelles techniques d’investigation, surtout
dans le domaine de l’imagerie non invasive (IRM
et CT) et de l’écho-Doppler cardiaque à haute résolution temporelle et spatiale, permettent de nos
jours une appréciation tridimensionnelle en temps
réel du cœur, des gros vaisseaux et, dans une certaine mesure également, des artères coronaires.
Il est ainsi possible aujourd’hui déjà de diagnostiquer des cardiomyopathies, des valvulopathies,
d’autres troubles de la fonction myocardique, ainsi
que pratiquement toutes les anomalies congénitales, y compris les malformations coronarien-
Références
Vous trouverez la bibliographie complète dans la version en
ligne de cet article sous www.medicalforum.ch.
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nes. Le rapport coût-bénéfice de ces techniques
complexes est cependant beaucoup trop élevé
pour justifier leur utilisation dans le cadre d’un
screening de base. Elles sont pour l’instant réservées aux cas où subsiste un doute. Le screening
général avant le sport est montré sous forme d’un
algorithme dans la figure 3 x.
L’anamnèse à la recherche d’antécédents personnels et familiaux ainsi que l’examen clinique forment toujours la base du screening et permettent
déjà de dépister la majorité des pathologies significatives pour l’appréciation de l’aptitude à la
pratique sportive. Comme mesure complémentaire simple, on peut encore proposer l’ECG de
repos. Certaines modifications, visibles sur l’ECG
de repos, sont parfois révélatrices de cardiomyopathies ou d’anomalies coronariennes ayant
échappé à l’examen clinique. Une échocardiographie, une IRM ou un CT pourra apporter la
sécurité requise en cas de suspicion d’une pathologie sous-jacente. Non seulement les techniques
d’investigation diagnostique non invasives sont
aujourd’hui plus nombreuses et plus précises
que par le passé, mais encore nous disposons
maintenant de plus de méthodes de traitement,
moins risquées et plus efficaces pour corriger des
anomalies potentiellement dangereuses (par ex.
dans les cas de syndrome de WPW). L’application
à grande échelle de ces techniques complexes
dépend néanmoins de contraintes non seulement médicoscientifiques, mais aussi politicoéthiques et financières.
On peut discuter de savoir s’il est approprié d’introduire, comme c’est le cas en Italie, des dispositions légales définissant un standard minimal, éthiquement et financièrement défendable,
et imposant un examen obligatoire des sportifs
de compétition évoluant dans les ligues de niveau
régional et national ([14, 15] DGSP-Leitlinien
2007). Dans notre pays, il y a fort à parier qu’une
telle démarche se heurterait à pas mal d’oppositions. Il est, de plus, difficile de tracer une frontière claire entre les sportifs d’élite et les amateurs, ce qui compliquerait d’autant la mise en
application d’une loi de ce type. La question
concernant la prise en charge des coûts d’investigations relativement étendues reste également
ouverte.
Il va sans dire que des examens complémentaires
indiqués par la présence de signes cliniques ou
d’une suspicion de pathologie sous-jacente (par
ex. asthme) sont à la charge des caisses-maladie.
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