SNP – La mémoire : physiologie, exploration et pathologie.
06/11/2013
SEDAN Marie L3
Système neurosensoriel et psychiatrie
Pr Olivier FELICIAN
10 pages
La mémoire : physiologie, exploration et pathologie.
L'une des tâches du cerveau est de sélectionner les informations les plus pertinentes en provenance de
l'environnement pour pouvoir les mémoriser de façon stable et durable.
Ces informations arrivent dans un système de mémorisation à court terme : c'est l'encodage. Puis, elles
sont réorientées dans des systèmes de mémorisation à long terme, plus complexes, pour garder une trace stable
et durable : c'est la consolidation et le stockage.
Il y a ensuite l'étape de la récupération des infos mises en mémoire.
A. Physiologie
I. Quelques repères historiques (grandes figures historiques qui se sont intéressées à la mémoire)
1) Franz Joseph Gall (1757-1828)
C'est un neurologue allemand. C'est le premier à introduire des bases conceptuelles intéressantes pour
l'étude de la mémoire :
Il définit 27 « facultés morales et intellectuelles » fondamentales. En posant ce principe, il démontre que
le cerveau a plusieurs fonctions distinctes et donc une non-équipotentialité du cerveau.
De plus, il pose les bases des premiers principes de l'expérimentation animale en définissant un certain
nombre de facultés mentales communs avec l'homme (19 sur les 27 individualisées).
« Une fonction est d'autant meilleure que la part du cerveau qui lui est subordonnée est quantitativement
importante » : c'est une idée qui va amener à une dérive de la neurologie, la phrénologie. C'est un mode
d'étude clinique où selon la forme du crâne des individus, on faisait des hypothèses sur la qualité des
fonctions sous-jacentes. Elle est définie comme « l'art de reconnaître les instincts, les penchants, les
talents et les dispositions morales et intellectuelles des hommes et des animaux par la configuration de
leur cerveau et de leur tête ». Cette idée, évidemment erronée, durera longtemps (jusqu'aux nouvelles
idées de Santiago Ramón y Cajal).
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Plan
A. Physiologie
I. Quelques repères historiques
II. Les mécanismes cellulaires de la mémoire : LTP
III. Organisation anatomo-fonctionnelle de la mémoire
B. Exploration clinique de la mémoire
C. Les grands syndromes amnésiques
I. Le syndrome de Korsakoff
II. L'ictus amnésique
III. Les autres causes d'amnésie aiguë
IV. Les maladies neurodégénératives (maladie d'Alzheimer)
D. Conclusion
SNP – La mémoire : physiologie, exploration et pathologie.
2) Santiago Ramón y Cajal (1852-1934)
C'est un neuroanatomiste espagnol. Il émet l'hypothèse que la formation de la mémoire n'implique pas
nécessairement la formation de neurones supplémentaires.
Il postule que la mémoire va se former par le renforcement de connexions entre des neurones existants,
augmentant l'efficacité de ces connexions.
3) Donald Hebb (1904-1985)
Il formalise l'hypothèse de Cajal ; c'est le postulat de Hebb :
« Lorsque l'axone d'une cellule A est suffisamment proche anatomiquement d'une cellule B pour l'activer et que
la cellule A active la cellule B de façon répétée, voire permanente, des processus de croissance ou des
changements métaboliques se mettent en place dans l'une d'elles ou dans les deux afin que l'efficacité de cette
activation soit augmentée. »
II. Les mécanismes cellulaires de la mémoire : LTP
Le LTP (Long Term Potentiation) se traduit facilement par la potentialisation à long terme.
C'est un phénomène décrit récemment (il y a une quarantaine d'années) par deux chercheurs
norvégiens, Lomo et Bliss. Ils s’intéressaient à l’hippocampe car on savait qu'il était impliqué dans les
processus mnésiques (qui se rapportent à la mémoire).
Ils posaient 2 électrodes au niveau de l'hippocampe du lapin :
La 1ère électrode au niveau de la voie d'entrée appelée voie perforante. Elle stimule la cellule pré-
synaptique.
La 2ème au niveau de la voie de sortie : les cellules du gyrus denté. Elle recueille le potentiel d'action
post-synaptique, généré par l'électrode pré-synaptique..
Ils ont mis en évidence, dans les conditions normales, qu'une stimulation électrique unique produit un
potentiel post-synaptique excitatoire (PPSE) dans les cellules du gyrus denté.
Ils observent aussi un effet non prévu en faisant précéder la stimulation électrique par un train de
stimulations à haute fréquence sur les fibres pré-synaptiques. La réponse est alors un potentiel post-
synaptique à longue durée pouvant perdurer plusieurs heures à plusieurs jours.
Ces bases de la potentialisation à long terme sont l'un des principaux mécanismes biologiques de la
mémoire.
Ce phénomène a été généralisé à :
d'autres structures cérébrales (le cortex cérébral, le cervelet, l'amygdale...)
d'autres espèces animales non humaines
à l'homme indirectement sur cultures cellulaires.
Les mécanismes moléculaires de la LTP: Plasticité synaptique.
Dans les années 80, on observe des molécules qui ont des actions sélectives sur des récepteurs (R)
glutamatergiques que sont les R NMDA, AMPA et kaïnates.
En envoyant des molécules anti-NMDA à la synapse, on va bloquer le phénomène de LTP. Par contre, si
on applique ces substances une fois que le phénomène de LTP est établi, cela ne produit aucun effet.
L'induction de la LTP dépend donc des R NMDA.
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On observe un bouton synaptique avec une fibre pré-synaptique l'axone et une fibre post-synaptique, le
dendrite.
Dans la situation d'une transmission normale, les vésicules chargées en glutamate vont fusionner avec la
membrane pré-synaptique puis les molécules de glutamate vont être larguées dans l'espace synaptique. Elles
vont se fixer sur les R AMPA sodium-dépendants. Il va y avoir une entrée de sodium dans la cellule, ce qui
génère un PPSE.
Pour induire le phénomène de LTP, on applique un train de stimulations à hautes fréquences. Il permet
de débloquer les R NMDA calcium-dépendants donc il y a entrée de calcium dans la cellule. Il va y avoir
activation de la calmoduline qui à son tour active un certain nombre de protéines kinases (la calmoduline
kinase, la tyrosine kinase, la protéine kinase C). Ces protéines activent des facteurs de transcription qui
produisent des R AMPA supplémentaires. Donc, l'amplitude de l'effet sera plus importante du fait du nombre
plus important de R AMPA.
Donc la LTP est un phénomène biologique qui modifie la structure à l’échelle synaptique.
On a essayé de comprendre parallèlement son rôle dans le comportement de l'individu, en particulier
dans la mémoire. Il y a eu de nombreuses procédures expérimentales pour bloquer la LTP.
On peut :
utiliser des antagonistes NMDA
saturer la LTP par stimulation à haute fréquence de façon très élevée et très durable (assez paradoxal
puisque cette stimulation induit la LTP, c'est la fréquence plus importante et la durée plus longue de
cette stimulation qui va entraîner l'effet inverse)
délétion des gènes (manipulation génétique , gènes KO) codant pour des protéines kinases
inhiber de la synthèse des protéines kinases.
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Lorsqu'on bloque la LTP à l'échelle cellulaire, on a des effets perceptibles sur le plan de la mémorisation
selon l'animal que l'on choisit.
Il y a de nombreuses expériences pour évaluer la capacité de mémorisation chez les animaux. L'une est
très utilisée, la « piscine de Morris » : on plonge une souris dans l'eau. On cache sous l'eau une petite plate-
forme. La souris a pour « mission » d'aller trouver cette plate-forme qu'elle peut associer à des repères spatiaux
placés préalablement.
Si on répète l'expérience, une souris à qui on a bloqué le phénomène de LTP aura du mal à mémoriser
l'endroit où se situe la plate-forme par rapport aux repères visuels, et mettra plus de temps à la retrouver qu'une
souris saine. On a donc altéré ses performances en mémoire spatiale.
On a décrit aussi le phénomène inverse à la LTP : la long-term depression LTD. Cette dépression à long
terme est un autre phénomène de plasticité synaptique. Des stimulations à basses fréquences au niveau de la
fibre pré-synaptique diminuent l'amplitude de la réponse au niveau post-synaptique. Son rôle physiologique
est encore mal défini.
Conclusion : La LTP est un mécanisme clé de l'apprentissage. C'est un facteur de plasticité cérébrale à
l'échelle : 1) Synaptique :
Elle augmente l'efficacité synaptique
Les contacts synaptiques sont plus nombreux
2) Des systèmes neuronaux, par la constitution et la sélection de réseaux.
III. Organisation anatomo-fonctionnelle de la mémoire
Tout a commencé avec le patient HM (Henry Gustave Molaison ;1926-2008) mondialement connu et
très étudié par une neuropsychologue anglaise, Brenda Milner.
Né dans le Connecticut (USA), il commence à faire des crises d'épilepsie partielles à 10 ans et
généralisées à 16. La pharmacopée à cette époque était pauvre pour ce type de maladie. Ses épilepsies étaient
extrêmement invalidantes, pluri-quotidiennes au point qu'on a envisagé de l’opérer.
Les crises d'épilepsie prenant leur origine dans les structures temporales internes : on choisit donc
d'enlever les structures temporales internes des deux hémisphères. Il est opéré à 27 ans. Le schéma ci-dessous
montre une reconstitution des lésions à gauche par rapport à un individu « normal » à droite. C'est une vue
inférieure cérébrale. On lui a enlevé la partie interne (avec les hippocampes et les amygdales) et antérieure des
deux lobes temporaux.
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SNP – La mémoire : physiologie, exploration et pathologie.
Quant il se réveille, HM souffre sévèrement d'amnésie :
Antérograde : il se perd, oublie après 10 minutes ce qu'il a dit et fait.
Rétrograde : il a une « lacune » de son passé de plus de 10 ans.
Ses capacités attentionnelles et de mémorisation à très court terme (quelques secondes), elles, ne sont
pas affectées, tout comme ses fonctions cognitives (langage, jugement, résolution de problèmes...).
Il montre quelques capacités résiduelles d'apprentissage de certaines habiletés, par exemple
lorsqu'on le soumet au test de « l'étoile en miroir » :
On lui demande de s'installer devant un miroir avec un cache lui empêchant de voir sa main. Il doit
réaliser une étoile en se basant seulement sur le reflet dans le miroir. Il commet de moins en moins d'erreurs en
répétant les essais car il apprend la procédure et la réalise beaucoup plus rapidement. Il s'améliore dans cette
tâche au fil des jours. HM ne se rappelait pourtant même pas qu'il avait réalisé cette tâche.
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