POUVOIR D`ACHAT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

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JOURNÉE D’ÉCHANGE ET DE RÉFLEXION DU 18 NOVEMBRE 2010
POUVOIR D’ACHAT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
Valérie GERVAIS, présidente de ConsoFrance et Secrétaire générale de l’AFOC, se félicite au nom des 9
associations de consommateurs qui composent ConsoFrance, d’accueillir les participants à ce colloque consacré
au lien entre développement durable et pouvoir d’achat des ménages.
Pourquoi avoir choisi ce thème ?
ConsoFrance a été créée il y a dix ans pour promouvoir un consumérisme social et environnemental, c'est-à-dire
un consumérisme soucieux à la fois de l’accès de tous les consommateurs à des produits et services de qualité et
de la préservation du cadre de vie commun.
La diversité des champs couverts par les associations membres de ConsoFrance est une grande richesse qui
s’accompagne d’une grande cohérence, s’agissant du modèle de consumérisme social et environnemental
revendiqué au sein de ConsoFrance.
Nos préoccupations ont gagné en pertinence, ces dernières années :
L’environnement : Le développement durable, qui intègre à la fois la dimension sociale et environnementale,
est devenu un sujet majeur pour tous les acteurs. La situation appelle des mesures urgentes concernant le
réchauffement climatique ou encore la biodiversité.
Le social : La société française est devenue de plus en plus inégalitaire. Selon une étude du CREDOC de
mars 2009, une personne sur deux vit en France avec moins de 1 500 € par mois, sachant que les dépenses
incompressibles de l’ensemble des ménages augmentent bien plus vite que leurs revenus. Une personne sur
deux ne part pas en vacances et n’a pas accès à internet à domicile, ce qui creuse le fossé social.
Parallèlement progresse l’idée, selon laquelle, les atteintes à l’environnement doivent être taxées : taxe sur les
billets d’avion, bonus- malus, projet de taxe carbone en constituent quelques illustrations.
Dans un tel contexte économique et social, ConsoFrance souhaite mettre en avant l’enjeu d’un développement
durable pour tous et permettre à chacun de tirer un bénéfice des progrès obtenus.
Mais alors se posent immanquablement des questions :
Comment orienter la production et la consommation de biens et de services pour répondre au défi du
développement durable ?
Comment optimiser du point de vue de l’intérêt collectif la gestion des biens de première nécessité comme
l’eau, l’alimentation, l’énergie, ou le logement ?
Qui va payer les atteintes à l’environnement : les pollueurs, les consommateurs, les contribuables ?
La journée d’aujourd’hui a pour but d’amorcer une réflexion sur cette problématique : en clair, comment aller vers
un développement durable qui profite à tous ?
Pour ce faire, nos travaux vont s’organiser autour de trois tables rondes :
1. De la gestion des déchets à l’éco-conception, comment économiser ?
2. Comment faire bénéficier à tous d’un bien essentiel comme l’énergie ?
3. Fiscalité verte, quel impact sur les inégalités sociales et environnementales ?
Table ronde n°1 : De la gestion des déchets à l’éco -conception, comment économiser ?
Modérateur : Frédéric POLACSEK, membre du CA de ConsoFrance, Cnafal
Intervention de Philippe MOATI, professeur d’économie à l’université de Paris VII, directeur de recherche
Le constat : Le modèle de consommation actuel est basé sur l’aspect quantitatif. Ce modèle est incompatible avec
le long terme. Les ménages sont avides de consommation. La décroissance ne forme pas un mot d’ordre
mobilisateur. Le système économique actuel a pour modèle le capitalisme, la croissance s’impose donc.
Or, l’impératif écologique nous impose aujourd’hui de modifier notre consommation. Le contexte économique de
crise actuel va impliquer une baisse du pouvoir d’achat : politique de rigueur publique et hausse de la fiscalité ;
déprime économique ; augmentation des cotisations sociales sont à prévoir. Les familles les plus modestes seront
les plus touchées.
Journée d’échange et de réflexion ConsoFrance du 18 novembre 2010
« Pouvoir d’achat et développement durable »
Par ailleurs, les produits vont finir par avoir un seul prix à la suite de l’uniformisation des salaires d’un pays à
l’autre. C’est ce que les économistes désignent par l’égalisation des coûts des facteurs. En France, cette évolution
va conduire à une pression à la baisse des salaires. A cette austérité salariale, s’ajoute le fait que le
développement durable a un coût (traitement des déchets par exemple).
Il faut donc passer d’un modèle basé sur le produit à un modèle basé sur le principe de « l’effet utile ». Quel est
« l’effet utile » attendu de l’eau ? Une eau saine qui ne rende pas malade et qui étanche la soif. Mais quel est son
effet à plus long terme sur la santé ? Fait-elle maigrir ? Quel est son « effet utile » aussi au regard de la société, de
l’environnement ?
La publicité vante déjà « l’effet utile » plutôt que le produit lui-même. Derrière les quantités produites et vendues, il
y a des effets certains qui se répercutent sur les salariés de ces branches d’industrie considérées.
La prime à la casse des voitures se révèle typique de l’économie de la quantité. Pour sortir de ce modèle
économique de la quantité vers la valeur, il y a un passage obligé par la fourniture au consommateur de services.
En termes économiques, on parle de l’économie de la fonctionnalité des biens vers les services. Désormais on
vend un service de mobilité et plus forcément la voiture. Le prestataire reste le propriétaire du produit, il mise sur
sa durabilité. La surconsommation se trouve supprimée, en ligne de mire figure l’économie de ressources. Le
mouvement écologique défend ce modèle avec virulence.
Notre économie est aujourd’hui basée sur la quantité vendue, et donc l’obsolescence des produits est
programmée. Il faut passer, étape par étape, d’un modèle fondé sur la quantité à un modèle fondé sur la qualité.
Pour cela, les consommateurs devront avoir accès à l’information sur la qualité, sur les « effets utiles » et sur ses
conséquences du point de vue sociétal. Mais ces informations n’existent pas aujourd’hui. Il faut donc les produire
et définir des conventions de mesure, d’affichage.
La commission européenne elle-même a inauguré cette voie, en exigeant des informations sur les pneumatiques,
dont on sait maintenant leurs effets attendus sur le freinage ou sur la consommation en carburant de l’automobile.
Dans un système fondé sur l’achat, seul le prix d’achat est affiché à destination du consommateur. Il faudra un
système d’affichage fondé sur le coût d’usage. Ce système devrait prendre en compte la durée de vie du produit. Il
faut faire comprendre au consommateur qu’il convient de réfléchir en termes de coûts sur le long terme. Par
exemple, pour le choix d’une imprimante, le prix d’achat ne doit pas être le seul élément déterminant, il faut aussi
comparer le coût d’usage (électricité, consommables, durée de vie). Aujourd’hui, aucune information sur le coût
d’usage n’est mise à la disposition du consommateur et il est difficile de contrôler la durée de vie des produits.
Il faut instaurer une garantie du fabricant d’une durée de 10 ans. Les fabricants seraient alors poussés à fabriquer
des produits réparables et donc durables. Aujourd’hui la plupart des produits sont conçus pour ne pas être
réparables. On préfère remplacer que réparer. Par ailleurs, il faudrait impliquer les sociétés financières de crédit à
la consommation.
Il faut également agir sur les consommateurs. Aujourd’hui le consommateur se projette socialement par sa
consommation. Des efforts sont à mener pour inverser cela et en commençant par le marketing. Mais il faut être
vigilant et ne pas être moralisateur.
En conclusion : Deux axes de travail sont à envisager
L’information des consommateurs
La durabilité des produits
DEBAT AVEC LA SALLE
Françoise SIBILLE, DGCCRF, fait part de son expérience de consommatrice de nouvelles ampoules qui n’ont pas
la durabilité promise. Les enseignes réclament les tickets de caisse. Qui conserve les tickets de caisse lors de
menus achats comme les ampoules ? A l’ère de l’informatique, il faudrait être en mesure de créer des fichiers pour
ce type d’incident et réfléchir de façon générale à qui doit apporter la preuve.
Philippe MOATI, intervenant, approuve la proposition que les ordinateurs devraient être capables de garder en
mémoire la date de l’achat. La solution technique est imaginable, le champ de la négociation apparait immense.
Arnaud FAUCON, Indécosa-CGT rappelle que son organisation avait organisé une manifestation à propos de la
durabilité, alors même que les assises de l’industrie préféraient octroyer au patronat des exonérations de charges.
Il évoque que l’Asie et notamment les grandes surfaces de Shangaï forment le terrain de jeu des grandes
entreprises françaises. On ne veut pas déranger l’expansion économique ailleurs. Attention à ne pas rêver une
économie sans industrie, sinon elle périclite. Songeons à l’Irlande.
Le Grenelle de l’environnement n’a pas rendu l’affichage obligatoire. Gare aussi à l’exemple de la filière solaire
allemande, cette filière-là crée toute une industrie. En France, il y a aussi le marché du solaire, mais les produits
viennent d’ailleurs. Le marché français ne va pas au bout de sa logique.
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« Pouvoir d’achat et développement durable »
Emmanuelle LAMBERT, AFOC Lille, indique qu’il existe encore des articles pour bébés garantis à vie, ce qui
dénote de la part du fabricant une volonté de mener une politique de qualité avec des produits durables.
Philippe MOATI, intervenant, fait part de son inquiétude face au développement des pays émergents, lorsque la
priorité stratégique se déplace sur ce terrain. Dans le monde marketing, on sent la montée de l’aspiration à
consommer autrement. L’avenir c’est l’orientation client. La qualité devient stratégique. Le fabricant d’automobiles
KIA garantit ses modèles 7 ans.
Julien ADDA, Fédération nationale de l’agriculture biologique, s’interroge : comment consommer autrement ?
Le bio est souvent regardé comme une économie nutritionnelle inabordable. La transformation du modèle agricole
ne s’effectue que difficilement, à tel point que celui-ci s’efforce de façonner le bio pour le spécifier et le massifier.
On force le bio à une économie de la quantité pour rentrer dans le rang. Ce serait la jungle que de vouloir définir un
coût d’usage pour les produits alimentaires. Est-ce que le consommateur a conscience de payer deux, trois fois, le
coût de l’agriculture traditionnelle, si on intègre le coût de l’eau, le coût de la dépollution ? La fiscalité inversée
donne le chiffre de 900 euros à l’hectare.
Philippe MOATI, intervenant, confirme cette vue : il y a en effet un coût d’usage collectif.
Marc LAGAE, ALLDC, indique que, concernant le secteur de la recherche et du développement, les
infrastructures et les changements de produits sont incessants. Il cite l’exemple de la TNT. Si nous suivons
l’orientation de la commercialisation du service et non plus du produit, nous dépendons du travail des chercheurs
et de la technologie sans autre choix.
Philippe MOATI, intervenant, considère que l’on ne peut multiplier à l’infini les infrastructures. Il est vrai que les
nouveaux produits chassent les autres. Mais en appliquant le principe de « l’effet utile », on chasse les pseudoinnovations, on les démasque.
Jean-Michel ROTHMANN, INC, fait remarquer que la notion de qualité est difficilement palpable, elle est liée au
temps. Sur la durabilité des produits, par le comparatif des produits, les ingénieurs s’essaient à la mesurer mais la
tâche est ardue. Quid enfin de l’obsolescence des produits ? Souvent le marketing ne fait que changer l’apparence
des produits. Il n’est pas certain que la notion de service remplace l’automobile.
Philippe MOATI, intervenant, suggère de comparer les évolutions qui affectent les « boxes ADSL », où les
renouvellements s’effectuent assez lentement parce que les fournisseurs d’accès restent propriétaires des boxes,
avec celles concernant les téléphones portables, où les progrès apparaissent sans commune mesure. Il nous faut
alors retenir les qualités du produit, tirées des usages du produit. La qualité aussi par la durabilité, on dépasse le
problème de la mesure par les tests comparatifs, si les fabricants garantissent leurs produits 10 ans.
Emilie SPIESSER, ADEME, observe que le coût induit une meilleure production, plus on avance dans la
technique. Lorsqu’un produit obtient l’éco-label NF, la qualité environnementale de ces produits s’en trouve
améliorée. Parfois, ces produits peuvent présenter un coût à l’achat, mais il peut aussi être en deçà d’un produit de
marque. Certes la gestion des déchets à un coût et le meilleur déchet reste celui qui n’est pas produit.
Pour empêcher la consommation de masse, peut-être que les associations de consommateurs doivent mener des
actions de sensibilisation sur l’interrogation, avant même d’acheter, portée sur le besoin réel ou non de l’achat. De
la même manière que le CNC a rendu un avis sur les allégations environnementales, en s’attachant à définir le
durable, le naturel, il conviendrait de sensibiliser les consommateurs à l’éco-label.
S’agissant de créer de l’emploi, les SAV présentent des pénuries. Il conviendrait d’explorer cette piste de création
d’emplois.
Quant au prix dans l’agriculture, qu’est-ce que le prix juste ? Ne faudrait-il pas sensibiliser les consommateurs à la
qualité dans leurs assiettes ?
Le Grenelle de l’environnement a réussi à imposer l’affichage environnemental a minima d’un produit, depuis sa
fabrication jusqu’à sa fin de vie.
Corine RINALDO, CNL, explique que beaucoup de familles en difficulté n’ont pas le choix. A leurs yeux, la
question cruciale demeure le coût. Comment aider ces familles à aller vers la sensibilisation que vous prônez ?
Léonard COX, MEDEF, mentionne que les produits venant des pays émergents doivent intégrer la dimension
européenne de mise sur le marché communautaire. Il réclame une compétitivité équitable dans un marché
européen au service des consommateurs.
Philippe MOATI, intervenant, note que c’est là l’un des rares domaines où la Commission travaille dans un
espace assez libéral d’emblée à l’échelle communautaire des 27.
Patrice BOUILLON, Indécosa-CGT, cite Socrate pour les notions de juste prix et de valeur d’usage. Il nous faut
en revenir à la source plus qu’à l’apparence. Il cite aussi le sociologue Weber, auteur de la théorie de la projection
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sociale à travers la consommation. Il faut inverser ce rapport. Le fait-on avec la technologie discriminante de la
voiture électrique où pour brancher sa voiture, il faut être à proximité d’une borne ? Le rapport à la consommation,
c’est embrasser la diversité des consommateurs et cette consommation apparait bien différente si elle s’adresse à
des cadres ou à des ouvriers spécialisés. Ce qui nous amène à nous interroger sur la place du travail dans la
société. Le but est-il vraiment de travailler ?
Alain TOSTAIN, AFOC, remarque que nous sommes en pleine guerre des labels. Ces derniers deviennent des
marchandises et sont incompréhensibles. La grande distribution a-t-elle véritablement créé des emplois ?
Yves GIQUEL, FO Trésor, s’interroge : qui contrôle les labels, dans le contexte de l’affaiblissement de l’Etat ? Les
gens qui ne disposent pas du pouvoir d’achat ne peuvent traiter toutes ces informations.
Philippe MOATI, intervenant, indique que le commerce de détail est créateur d’emploi, quoiqu’il recule
légèrement. Gare à ne pas idéaliser le commerce d’antan et à ne pas s’enfermer dans le modèle de distribution
des années 60 ! Attention aussi à ne pas être moralisateur : il est facile de blâmer ceux qui consomment à tout va.
On peut inciter à consommer si on en a vraiment besoin, mais le quotidien du consommateur c’est d’être
continuellement la cible d’un marketing agressif. La consommation, marqueur social, ou la socio-consommation est
gênante pour l’économiste. Pour s’en sortir en économie, il faut voir la valeur, la qualité, l’immatériel ou les vertus
magiques des ressources de l’économie du luxe qui vend très cher. Au bout, tout le monde est content avec un
minimum de ressources. Ce n’est que du vent, du ressort de la consommation.
Valérie GERVAIS, Présidente de ConsoFrance, pour conclure cette première table ronde, suggère aux
associations de consommateurs de retenir deux axes de travail : l’information qui doit être délivrée aux
consommateurs ainsi que la durée de garantie des biens ou produits. Elle propose d’en discuter avec les
professionnels et les pouvoirs publics.
X……X
X
Table ronde n°2 : Comment faire bénéficier à tous d ’un bien essentiel comme l’énergie ?
Modérateur : Marc LAGAE, Vice-président de ConsoFrance, ALLDC
Marc LAGAE anime ce second moment du colloque. La table ronde réunit Violaine LANNEAU, Chef du service
consommation, Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR), Jean-Pierre
HERVÉ, GDF-Suez (qui a en charge le marché des professionnels), Edouard CAHEN, membre du CCE
d’EDF (représentant FO), et Bernard CASTILLE, EDF.
Marc LAGAE ALLDC, modérateur, indique que l’énergie est vitale. C’est un bien commun dans un espace
mondialisé. Or, elle est confrontée à des défis majeurs puisque c’est une énergie fossile, elle est épuisable. Dans
le même temps la menace des émissions de gaz à effets de serre sévit. Comment être efficient dans un contexte
mondial ? L’énergie serait-elle une marchandise comme une autre ? L’ouverture des marchés s’est-elle montrée
satisfaisante pour les consommateurs ? S’est-elle faite à un juste prix ? La consommation de cette énergie doit-elle
être liée aux investissements ? Est-ce que notre modèle est durable ? Quid de la loi NOME ?
Intervention de Jean-Pierre HERVÉ, GDF-Suez : L’expérience d’une grande entreprise
L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres. C’est une marchandise car elle fait appel à une chaîne
(transport, stockage, distribution) qui a un coût et celui-ci doit se retrouver dans les prix. C’est un bien marchand
donc les prix doivent couvrir les coûts. L’énergie est une marchandise très réglementée.
Pour tenir compte de la spécificité de la marchandise énergie, il existe des tarifs spéciaux à destination des
personnes vulnérables : pour GDF-Suez, le TSS (Tarif spécial de solidarité) gaz.
GDF-Suez réalise des investissements de 20 millions d’euros par an. Cette société participe aussi au FSL (fonds
de solidarité logement) et a doublé son apport, soit 6 millions par an.
Par ailleurs, GDF-Suez a mis en place un dispositif de prévention du paiement des factures et travaille en réseau
avec des partenaires de terrain sur l’ensemble du territoire (PIMMS).
L’ouverture à la concurrence de l’énergie a été un « big bang » des processus plus qu’un « big bang » de la
concurrence. Elle a imposé des transformations importantes au sein des entreprises et particulièrement vis-à-vis
des salariés conseillers clientèles. Elle a impliqué la mise en place de nouveaux systèmes d’information propres à
chaque entreprise. La séparation des services entre GDF et EDF a engendré des difficultés humaines.
En 2010, la phase d’ouverture n’est pas terminée. Pour le moment aucun bilan de l’ouverture n’est disponible.
GDF-Suez est en attente du rapport du médiateur national de l’énergie.
Pour GDF-Suez, la qualité est la seule façon de garder ses clients, elle procède à de nombreuses enquêtes de
satisfaction auprès de ses clients et les retours sont positifs en termes de qualité de service.
Un gros travail d’explication reste encore à faire auprès des clients : expliquer, communiquer. Les processus
doivent être encore améliorés, notamment en ce qui concerne le relevé des index. En effet, la facturation sur
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estimation de la consommation est très mal supportée. Nous attendons beaucoup des compteurs intelligents. De
plus, nous ne sommes pas insensibles au phénomène de la précarité énergétique qui touche trois millions de
familles.
La loi Nome va bientôt être applicable. Elle introduit des éléments positifs pour le consommateur et elle crée les
conditions d’une vraie concurrence.
A l’avenir, il faudra penser à la diversité des énergies, promouvoir les bâtiments à basse consommation et travailler
sur la précarité énergétique.
Intervention de Bernard CASTILLE, EDF : L’expérience d’une autre grande entreprise
EDF commercialise le TPN ou tarif de première nécessité. Il concerne deux millions d’ayants droit et 600 000
bénéficiaires. EDF est favorable à ce que tous les ayants droit puissent en bénéficier. Il faudrait l’automatisation du
dispositif mais pour cela il faut un décret.
EDF contribue également aux FSL à hauteur de 2 millions d’euros. EDF souhaite travailler sur la maîtrise de la
consommation. Pour ce faire, l’entreprise développe des partenariats, notamment avec l’association « Unis-Cité »,
dont le but est d’apprendre aux consommateurs les bons gestes.
Ensuite, il faut s’attaquer à la rénovation des logements. Pour cela, EDF a mis en œuvre un partenariat avec la
fondation Abbé Pierre pour la réhabilitation de 2 000 logements sur trois ans.
Pour EDF, l’ouverture du marché a favorisé la création d’interfaces supplémentaires. Le service clients doit être
amélioré. EDF développe des points de médiation sociale avec des partenaires (notamment les PIMMS).
La péréquation : c’est du domaine du législateur. EDF est favorable à la concurrence et la loi NOME s’impose à
elle.
En ce qui concerne l’avenir énergétique, nous avons mis au point un plan : le 3 fois 20. Il se décompose en :
il faut réduire de 20 % sa consommation ;
il faut des énergies renouvelables pour 20 % ;
il faut une baisse des gaz à effet de serre pour 20 %.
Intervention de Violaine LANNEAU, FNCCR : Le point de vue des collectivités locales
L’énergie, et plus spécifiquement l’électricité, est un produit de première nécessité, un bien essentiel facteur de
cohésion sociale. Il convient donc d’assurer des conditions acceptables d’accès à ce produit au plus grand
nombre en garantissent un véritable « droit à l’énergie ». Or, la FNCCR constate une dégradation de ces
conditions d’accès, qui sont constituées par le niveau de prix et les conditions de commercialisation et ce, malgré
un encadrement par les pouvoirs publics des tarifs et la prise en compte par le législateur européen, dans un
premier temps, puis français de la situation de vulnérabilité des consommateurs d’énergie.
De fait, on constate un phénomène de renchérissement des prix de l’énergie qui entraîne une augmentation des
tarifs réglementés de l’électricité mais également du gaz naturel. Par ailleurs, on ne peut que craindre dans ce
contexte une tendance à la dépolitisation du mode de fixation des tarifs. C’est d’ailleurs une tendance confirmée
par le projet de loi NOME. En outre, les conditions de vente se sont fortement détériorées en raison de :
une complexification des relations entre le fournisseur, le gestionnaire de réseau et le consommateur ;
l’apparition de pratiques commerciales déloyales ;
la perte du lien de proximité entre le consommateur et son fournisseur ;
la déshumanisation du traitement des dossiers de litiges ;
etc.
Dans ce contexte, et face à ces constats, les consommateurs semblent être les laissé-pour-compte de la création
d’un marché européen de l’énergie. La détérioration des conditions d’accès à l’énergie conduit à une augmentation
inquiétante d’une fracture énergétique non seulement en France mais également au sein de l’Union européenne.
On dénombre ainsi en France 3,4 millions de ménages en situation de précarité énergétique, des ménages qui
consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques.
Dans ces conditions, il semble absolument indispensable de garantir un véritable droit à l’énergie, qui suppose une
préservation du service public local de l’électricité et du gaz naturel et une préservation, voire une adaptation, des
dispositifs préventifs et curatifs de traitement des impayés.
La commercialisation du produit énergétique dans le cadre du service public - une commercialisation adossée aux
tarifs réglementés - doit demeurer sous le contrôle d’autorités publiques et non être laissée à la seule mainmise
d’intérêts privés. Par ailleurs, il paraît indispensable de remettre le citoyen-consommateur au cœur du marché, au
risque de voir s’accentuer encore davantage la fracture énergétique et son corolaire : la précarité énergétique.
DEBAT AVEC LA SALLE
Arnaud FAUCON, Indécosa-CGT souhaite revenir sur la fixation du prix. Est-ce que le ministre de l’écologie
fixera le prix de l’énergie renouvelable ? Est-ce que la CRE donnera le la ? Attention le service réglementé
représente quelque chose de sacré !
Françoise THIEBAULT, ALLDC, rapporte que la loi NOME fixe le tarif réglementé comprenant l’ensemble des
coûts. Cette juste rémunération ne cache-t-elle pas la condamnation précisément de ce tarif réglementé ? Quel
sera le contenu du prochain contrat de service public d’EDF ? La CRE n’est-elle pas un leurre pour compenser les
augmentations liées à la diffusion de ces compteurs évolués qu’on qualifie à tort de compteurs intelligents ? Les
inégalités sont profondes d’autant plus que les profils des consommateurs ne sont pas les mêmes. Nous sommes
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inégaux devant les équipements. La bataille de la maîtrise de l’énergie ne sera pas remportée, si elle n’est pas
reprise par le public.
Corine RINALDO, CNL, estime que pour prendre en compte la plus grande précarité, il faut relever les plafonds
de ressources et ouvrir à nouveau les agences de nos villes.
Jean-Pierre HERVÉ, intervenant, répond que sur la fixation du prix, la CRE vérifie si l’application de la formule de
er
calcul est juste. L’Etat reste présent : c’est la Ministre LAGARDE qui a décidé de déplacer la hausse du gaz au 1
avril 2011. GDF ne connait pas suffisamment le logement de ses clients. La réussite serait véritablement de mieux
travailler demain ensemble. Les tarifs sociaux de solidarité ne s’appliquent pas bien au logement collectif. Les
bailleurs sociaux ne font pas d’information sur l’énergie. Le coût du gaz correspond à la chaîne de production
augmentée de la marge. La pédagogie peut inciter à faire des économies : en rappelant qu’un degré de plus
équivaut à 45 euros de plus sur la facture. Les tarifs sociaux de solidarité ne connaissent pas tant d’entrées et de
sorties que la salle est tentée de le croire.
Bernard CASTILLE, intervenant, note que c’est le Gouvernement qui décide de la fixation du prix. Un partenariat
avec les associations devrait aider à porter le message pour aider chacun à mieux consommer. EDF a du mal à
identifier les logements à rénover en priorité. Les points de médiation servent déjà à renouer les contacts avec les
services sociaux, en cela, ils constituent de bons relais.
Le contrat de service sera réécrit avec les pouvoirs publics. Le rattrapage du prix de l’électricité n’apparait pas
comme une fin en soi. Le tarif réglementé doit correspondre à un tarif suffisant.
X……X
X
Table ronde n°3 : Fiscalité verte, quel impact sur les inégalités sociales et environnementales ?
Modérateur : Patrice BOUILLON, Vice-président de ConsoFrance, Indécosa-CGT
è
Patrice BOUILLON, modérateur, anime cette 3 table ronde pour laquelle vont introduire les débats : Pierrette
CROSEMARIE (CGT), membre du Conseil économique, social et environnemental, et Jean-Marie MONNIER,
professeur d’économie à Paris I, spécialiste des financements publics et sociaux.
Patrice BOUILLON, modérateur, interpelle les intervenants : la fiscalité écologique et le financement des
politiques environnementales constituent-ils une réponse efficace face aux défis majeurs auxquels nos sociétés
sont confrontées ? Suffisent-ils à répondre aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations
futures ainsi que le pointe le rapport BRUNTLAND de 1997 ?
Le défi environnemental se heurte à une difficulté essentielle, celle de notre capacité d’adaptation au changement
climatique. Celle-ci est intimement liée au développement économique et social, qui n’est pas réparti de manière
équitable entre et au sein des sociétés.
Pour défendre l’idée de la nécessité de la mise en œuvre du développement durable, les tenants de ce concept
s’appuient sur les scientifiques. Dans cette configuration, le savant qui produit la science a pris l’ancienne place du
sage, et l’homme d’affaires qui produit du prix, celle du guerrier. Quant à la place du saint, il reste peu de monde à
vouloir l’occuper.
Aussi, l’avis du Conseil économique, social et environnemental rendu le 18 novembre 2009 par Pierrette
CROSEMARIE est révélateur de cet aspect. Il intègre les conclusions du rapport du Groupe international d’experts
sur le changement climatique (GIEC), très alarmistes sur la nécessité de ne plus perdre de temps pour limiter le
réchauffement de notre planète, de l’ordre de 2° C par rapport au climat de l’ère préindustrielle.
Depuis, l’Académie des sciences a rendu le 26 octobre 2010 son propre rapport sur le changement climatique,
pondérant les estimations du GIEC et imputant la responsabilité du réchauffement climatique au seul carbone.
L’avis du Conseil économique, social et environnemental laisse aussi une large place à la Conférence de
Copenhague, tenue en décembre 2009. Nous savons aujourd’hui ce qu’il est advenu de cette conférence qui tenait
plus du tir à la corde que d’une recherche d’évolution économique « bas carbone » équitable pour l’ensemble des
pays.
Pourtant la Conférence de Kyoto en 1997 avait marqué une étape importante, en précisant les moyens et objectifs
d’une action internationale. C’est en effet le protocole de Kyoto qui avait traduit en engagement quantitatif des
objectifs et amorcé la transition d’un régime économique assis sur la gratuité des émissions de carbone vers un
système où leur prix est fixé par un mécanisme de marché. Il a en outre initié une réflexion sur l’internationalisation
de la valeur carbone.
D’ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental soutient la proposition d’une gouvernance mondiale
de l’environnement, de manière à élaborer des règles communes pour le marché du carbone, contrôler et
sanctionner les engagements internationaux et évaluer les programmes nationaux.
L’Union européenne, pour sa part, est disposée à se fixer un objectif de réduction des gaz à effet de serre de 30%,
en cas de conclusion d’un accord international, à condition que les autres pays industrialisés s’engagent sur des
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réductions d’émissions comparables et que les pays en développement économique plus avancés apportent une
« contribution adaptée à leur capacité respective ».
Aussi, l’Union européenne s’engage-t-elle, notamment sur un plan d’affectation national de quotas qui sont
transférables et négociables. En un mot, cela permet de faire du commerce sur les émissions polluantes, si l’on
dépasse son quota. Ce faisant, l’Union européenne s’en remet aux vertus d’un marché carbone fonctionnant sur le
modèle de ceux existants actuellement, générant ainsi un véritable risque de développement de la spéculation.
Cela ne confirme-t-il pas que les décideurs européens n’ont pas l’intention de lutter contre le dumping qui sévit en
Europe, accroissant la misère sociale et la dégradation de notre environnement ?
La France dispose d’une panoplie fiscale assez large en matière d’environnement, si l’on tient compte de la
définition de l’organisation de coopération et de développement économique qui l’envisage comme « l’ensemble
des impôts, taxes et redevances dont l’assiette est constituée par un polluant ou plus généralement par un produit
ou service qui détériore l’environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur les ressources naturelles ».
Cette panoplie fiscale comporte :
sur l’énergie :
• la TIPP ; (taxe intérieure sur les produits pétroliers) ;
• la taxation sur l’électricité ;
• la fiscalité sur le trafic routier ;
sur l’eau et les déchets :
• les redevances sur l’eau potable et d’assainissement ;
• les redevances des agences de l’eau ;
• les taxes d’enlèvement des ordures ménagères.
Il existe en outre la taxe générale sur les activités polluantes fondée sur le principe pollueur- payeur.
Encore, les aides fiscales en matière de :
• Transport
• Habitat
Cette fiscalité s’adresse principalement aux industriels et à la marge aux particuliers.
Aux lendemains du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a souhaité préciser les principes qui guidaient
sa réforme fiscale et ses dispositifs financiers. Cette réforme du Gouvernement s’articulait principalement sur la
création d’une taxe carbone supportée par les consommateurs à hauteur de 2,6 milliards à rapprocher des 1,9
milliards pour les entreprises. D’emblée cette réforme a été jugée comme injuste socialement et inefficace
économiquement.
D’une façon générale, ne pourrions-nous retenir du système fiscal environnemental actuel qu’il a une fâcheuse
tendance à épargner les entreprises et les revenus les plus élevés au moyen de ces dispositifs d’allégement
permanents ? Cela ne rend-t-il pas irréaliste la prise en charge des coûts environnementaux, par la taxe ou l’impôt,
qu’elle soit imposée par l’Etat ou les collectivités territoriales ?
Aussi la question de la fiscalité environnementale ne nécessite-t-elle pas une réforme en profondeur, fondée sur
une fiscalité des revenus claire et transparente, réellement progressive et permettant une juste redistribution
sociale englobant les enjeux de l’environnement ?
Intervention de Pierrette CROSEMARIE (CGT), membre du Conseil économique, social et environnemental
Au préalable, l’intervenante confie à la salle son embarras de faire un exposé devant un professeur, ce qui lui
donne la désagréable impression de passer un examen. Pour autant, elle souhaite apporter sa contribution
d’acteur au Conseil économique, social et environnemental, lorsque cette institution rendait son avis avant la tenue
du sommet de Copenhague.
Les acteurs sont partis du constat que le réchauffement climatique s’avérait porteur d’exigences sociales
nouvelles. Cette vision se heurte à une réponse technocratique. Pourtant l’idée qui préside à tout le travail de cet
avis du Conseil économique, social et environnemental sous-tend que l’on ne peut pas résoudre les
préoccupations environnementales de la société, si on ne lutte pas, en même temps, contre les inégalités sociales.
Pour faire simple, à la limite de la caricature, on ne sauvera pas les ours blancs de la banquise sans compter avec
les populations les plus démunies.
Avant le sommet de Copenhague, certaines dispositions en matière d’environnement permettaient d’envisager de
changer le cap. Ces bonnes volontés ont rencontré le mur des politiques, dès lors que la question du financement
se posait. Le mode de financement à l’échelle internationale repose sur des mécanismes de marché. Le marché
fixe le niveau d’émission minimum. Ce mode de financement n’emportait pas la préférence du mouvement syndical
international, qui, lui, privilégiait à l’époque la taxation. Avec le mécanisme de marché l’ensemble devient spéculatif
et produit des enchères. Comment redistribuer ces sommes vers les populations ?
Parmi les autres sources de financement international, il faut aussi considérer les mécanismes européens. En
Europe, en 2012 une nouvelle étape sera franchie où les grandes options seront prises en un seul « marché des
enchères » commun et non pas unique. Ce qui signifie que différents intervenants agiront. Les règles de
redistribution des enchères sont bien précisées. On s’attend à une reconversion de la Pologne où des secteurs
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professionnels complets subiront des transformations, la cimenterie, la sidérurgie… D’autres modes de production
seront privilégiés.
Quel est l’impact de la fiscalité verte ? Gare au dumping environnemental ! S’agissant des règles du commerce
international, après avoir bataillé pour que l’OMC (Organisation mondiale du commerce) intègre des impératifs
sociaux, il faut que cette institution intègre la nécessité de l’exigence environnementale, comme des règles d’ordre
public qui s’imposent dans le commerce international.
Sur la fiscalité verte à l’échelle nationale de quoi parle-t-on ?
D’une faible partie de notre fiscalité avec la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) sur les énergies
fossiles, la taxation de la consommation de carburant ou liée au chauffage. L’aspect écologique se révèle ici
lointain, c’est davantage le rendement qui est recherché, pas tant la finalité écologique. On parle aussi de fiscalité
incitative et non de rendement pour récompenser des comportements vertueux : en ne consommant pas, pas de
fiscalité imposée.
Autre instrument fiscal, la carte grise sur les automobiles, dont le montant est fonction de la puissance de
l’automobile et des émissions de CO2. Auparavant, il y avait encore la vignette automobile et pour les poids lourds,
la taxe à l’essieu. Ces taxes rapportent 25 milliards d’euros à l’Etat.
Le deuxième paquet de cette taxation, c’est la taxation de l’électricité qui représente un montant de 26 milliards.
Par cette contribution au service public de l’électricité, on finance l’énergie renouvelable.
Les taxes et redevances sur l’eau rapportent 11 milliards.
La taxe sur le traitement des ordures ménagères amène à l’Etat la somme de 4 milliards. Il est à noter que ce
poste va monter en puissance dans les années qui viennent.
La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) procurent au budget de l’Etat 500 millions d’euros. Elle est
basée sur le principe du pollueur/payeur.
Dans ce contexte, est-ce que la fiscalité verte peut aggraver les inégalités sociales ? Rappelons-nous les propos
du Ministre d’alors, Jean-Louis Borloo, appelant à verdir la fiscalité, ce qui dans son esprit consistait à multiplier les
crédits d’impôt à des fins environnementales. Le débat sur la taxe carbone est fondé sur la taxation du carburant,
du combustible et le crédit d’impôt.
Dès 2000, le Conseil d’Etat rend un avis sur la fiscalité énergétique, en énonçant que la fiscalité peut être incitative
ou dissuasive tant que l’égalité devant l’impôt de tous subsiste.
Entre temps, la Charte sur l’environnement, entrée dans le droit positif, invite à réparer tout dommage porté à
l’environnement. Le Gouvernement a poursuivi l’objectif du signal prix, pour tenter d’orienter les comportements en
matière de consommation d’énergie. Le projet de taxe carbone suscite un vaste lobbying de toutes les professions,
du transporteur aérien aux agriculteurs. Dans le viseur du projet : la taxation accentuée des ménages.
Le Conseil Constitutionnel, dans sa motivation relative au projet de taxe carbone, réaffirme le principe de l’égalité
devant l’impôt. Il faut que les règles soient justifiées au regard des objectifs. Dans l’objectif annoncé de lutte contre
le réchauffement climatique, il y a rupture caractérisée du principe de l’égalité de tous devant l’impôt. Or, le projet
de taxe carbone bénéficiait plus aux ménages aisés qu’aux ménages modestes. Sur l’aménagement de l’espace,
les ménages modestes s’installent plus loin du centre ville, l’organisation du temps de travail, avec des horaires
plus flexibles, rendent l’utilisation d’un véhicule individuel indispensable et ne relève pas du simple choix individuel.
Si on note autant de passoires thermiques dans les logements sociaux, s’interroge-t-on sur la manière dont ils ont
été conçus ? Pour le Conseil Constitutionnel, la fonction contributive de chacun, avec pour corollaire le
remboursement forfaitaire ne ferait qu’accroître les inégalités.
Intervention de Jean-Marie MONNIER, professeur d’économie à Paris I
Pour lutter en faveur de l’environnement, 3 types d’instruments doivent être mis en œuvre en même temps :
la réglementation dans le prolongement des accords de Kyoto ;
le marché des droits (internaliser pour lutter contre les pollutions) ;
et enfin, l’impôt.
S’agissant de la politique fiscale actuelle on assiste à un véritable échec et particulièrement dans le domaine de
l’environnement. En 1995, la fiscalité environnementale a représenté 6,3% des prélèvements obligatoires et 2,7%
du PIB. En 2007, la fiscalité environnementale a représenté 4,9% des prélèvements obligatoires et 2,1 % du PIB.
On assiste donc à une baisse de la place de la fiscalité environnementale en France en dépit de l’inscription de la
fiscalité verte comme une priorité. Et c’est le cas pour l’ensemble des pays européens.
Une réflexion globale sur la fiscalité environnementale est nécessaire et montre bien l’échec du Grenelle de
l’environnement. Le Conseil Constitutionnel a refusé la taxe carbone, l’extension de la TGAP prévue par le
Grenelle a été également abandonnée.
Dans le portrait social publié par l’INSEE, on remarque la stabilité de la consommation énergétique dans le budget
des ménages (transport, logement), soit moins de 10% de leur budget. Cette stabilité s’explique par des dispositifs
qui économisent de l’énergie. Nous avons affaire à une baisse du coût global des produits énergétiques. Pour
bénéficier de logements plus grands et financièrement plus accessibles, les ménages s’éloignent des villes et
vivent de plus en plus loin de leur travail, ce qui augmente la consommation d’énergie liée au transport.
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Ensuite que faire du produit de la taxation ? Faut-il le redistribuer aux ménages sous forme de chèque énergie ?
En réalité on utilise la fiscalité environnementale pour réduire les taux de l’impôt sur le revenu. Mais cela implique
un problème d’équité, de justice fiscale. Quel est le sens à donner à la réforme fiscale sinon qu’elle doit servir à
financer la transition environnementale.
DEBAT AVEC LA SALLE
Yannick PAIN, AFOC, invite les participants à considérer que la fiscalité n’englobe pas seulement les taxes, mais
comprend aussi des incitations fiscales pour investir. C’est l’histoire de la carotte et du bâton. En traitant de la
fiscalité, il ne faut pas tout voir de façon négative, elle sert à quelque chose, ce qu’on ne voit pas en abordant le
sujet sous le seul aspect des taxes. Pour autant, la fiscalité se doit aussi d’être crédible et pour l’être, elle ne doit
pas changer à chaque ministre. Il faut des engagements qui soient durables dans le temps. Or aujourd’hui, on peut
déplorer que les engagements en matière de fiscalité ne soient pas durables. Si la promesse fiscale comporte un
retour sur investissement à 10 ans, il convient impérativement de le maintenir sur cette durée promise initialement.
Marc LAGAE, ALLDC, observe que l’on change plus souvent de ministre que de fiscalité. Il voit une légère
contradiction entre des mesures fiscales d’appoint qui n’entrainent pas une réforme fiscale globale.
Pascal PAVAGEAU, Secrétaire confédéral, secteur économie FO, déplore que la fiscalité verte ne soit pas
assortie d’une réforme de la fiscalité dans son ensemble. Il retient comme point majeur des exposés que la part de
l’intervention publique se réduit, alors que la dégradation environnementale se poursuit. Alors que le PIB
augmente, le budget du ministre de l’écologie se réduit. Si bien que nous nous retrouvons perdants sur les deux
niveaux. La part de l’intervention publique se rétrécissant, on n’agit plus en amont. Certes le discours public verdit,
mais on fait l’inverse de ce qu’on dit. L’impôt sur le revenu devrait tenir une plus grande place qu’aujourd’hui dans
la fiscalité appliquée aux ménages. Quant à la fiscalité verte, elle devrait tenir compte des capacités contributives
de chacun, au nom de la solidarité nationale. Tout se place sur l’enjeu de la redistribution, dont on attend qu’elle
impulse le changement, y compris dans le secteur privé. La politique publique devrait permettre de produire et de
consommer autrement.
Le débat sur le péage urbain offre un bon exemple. Lorsque la puissance publique décide d’offrir un système de
transport public collectif efficient, elle incite la population à se tourner vers cette offre de transport public financée
par l’impôt et pensée en amont. Sinon, on se retrouve dans la situation absurde que l’on connaît où ceux qui
peuvent s’offrir le péage l’empruntent, quant aux autres ils continuent de polluer.
Pierrette CROSEMARIE ; intervenante, admet qu’il est évident d’envisager la fiscalité dans son ensemble pour
plus de cohésion sociale et d’efforts pour préserver l’environnement. Il y a la tentative de se servir de l’impôt sur le
revenu pour régler des problèmes environnementaux qui n’ont rien à voir. Oui, il faudrait mener de vraies politiques
fiscales de long terme. Qu’on entende la société civile sur la fiscalité. Le signal pris doit être audible. Il faut avoir
présent à l’esprit qu’il y a des gens qui ne peuvent pas changer de comportement. Il faudrait redonner du sens à
l’impôt sur le revenu. Payer l’impôt participe en effet d’une démarche citoyenne.
Jean-Marie MONNIER, intervenant, remarque que la politique fiscale a changé de nature. Auparavant, l’impôt
finançait la politique publique pour servir des objectifs de justice. Or, depuis 30 ans, la politique fiscale change, elle
est aujourd’hui de court terme et ambitionne de manipuler les comportements. Dans le contexte d’une politique
budgétaire contrainte, la politique fiscale est devenue un instrument d’intervention de court terme. Il nous faut
envisager la fiscalité plus globalement dans une architecture institutionnelle. La TIPP obéit à un rendement
budgétaire et cet impôt se trouve en outre partagé aujourd’hui avec les collectivités locales que sont les
départements et les régions. A la faveur de la disparition de la taxe professionnelle puis de la spécialisation de
l’impôt (TIPP) l’objectif s’affiche très clairement d’être financier et pas du tout environnemental.
Il serait temps d’engager une réflexion sur une fiscalité environnementale. L’impôt sur le revenu se trouve
gangrené par les allégements dont une partie procède du verdissement de la fiscalité, ce qui peut induire des
inégalités sociales. Il serait utile d’articuler l’ensemble des moyens dans une politique globale. Finalement la
question environnementale dépendra de l’harmonisation des fiscalités européennes, cette politique
environnementale étant globale.
X……X
X
Valérie GERVAIS, Présidente de ConsoFrance et Secrétaire générale de l’AFOC, élabore la synthèse de cette
riche journée en tirant quelques enseignements de la tenue de ce colloque.
Les obstacles et difficultés ont été cernées, à nous de parvenir à des solutions équilibrées.
Les réflexions qui se dégagent incitent à tirer une leçon pour les consommateurs, tributaires de l’offre. Il s’agit peutêtre de deux axes de travail que ConsoFrance pourraient soumettre au CNC :
la teneur de l’information à fournir sur l’usage du produit par les professionnels au consommateur ;
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la durabilité des produits, en exigeant notamment un allongement de la garantie.
Quant à l’énergie, deux milliards de personnes sur notre planète n’y ont pas accès. La situation de concurrence
entre opérateurs semble peu adaptée à la maîtrise de l’énergie. Un modèle coopératif de long terme permettrait
certainement de mieux répondre à cet enjeu. Dans le cadre actuel, les mesures suivantes amélioreraient déjà la
situation :
1. Elargir le périmètre des bénéficiaires des tarifs sociaux. Tout mettre en œuvre pour favoriser l’automaticité
dans l’attribution de ces tarifs.
2. Rétablir le lien de proximité entre le consommateur et l’entreprise. La notion de service après vente prend tout
son sens ici, d’autant plus que c’est une activité non délocalisable. La préférence des consommateurs est de
se tourner vers une personne physique.
3. Enfin, en matière de fiscalité verte, l’effort doit être réparti de façon plus équitable de manière à ne pas creuser
les inégalités.
Il faut correctement doser les incitations à rendre produits et services moins polluants, tout en évitant les effets
pervers. Une hausse des dépenses incompressibles, notamment en matière de logement et de transport apparaît
prévisible. La fiscalité verte devra tenir compte des capacités contributives et de la possibilité de chacun de
modifier son comportement. Le contexte international ne devra pas être oublié.
Pour ConsoFrance ce colloque ne constitue qu’un point de départ à une réflexion qui se prolongera en région dès
2011. Rendez-vous en ligne sur le nouveau site de ConsoFrance à l’adresse : www.consofrance.org
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