Arrêt sur image Sang Thrombose Vaisseaux 2012 ; 24, no 6 : 305-7 Fibroélastome papillaire de la valve mitrale Papillary fibroelastoma of mitral leaflet Amor Bouferrouk, Soraya Boutamine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Hôpital Bebbaatouche Abdel Ali, service de cardiologie, BP61 C, Nouvelle Ville Constantine Algérie <[email protected]> Observation clinique doi:10.1684/stv.2012.0712 Madame X, patiente de 47 ans, est suivie depuis trois mois à titre externe pour la découverte d’un thrombus intra-auriculaire gauche lors d’un examen échocardiographique, pratiqué lors d’un bilan systématique à la suite d’un accident vasculaire cérébral ischémique sylvien gauche. La patiente est mise sous antivitamine K. Elle se rend à la consultation anticoagulant du service pour une adaptation posologique de son traitement anticoagulant. L’interrogatoire ne trouve pas de notion de palpitation ni de syncope, pas de souffle ni de bruit surajouté, la pression artérielle est à 120/75 mmHg. L’électrocardiogramme s’inscrit en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque à 85 bpm, sans surcharge cavitaire. La radiographie thoracique de base est normale, le bilan inflammatoire est calme (VS, fibrinogène). Une échocardiographie a été réalisée pour une éventuelle révision de l’indication du traitement anticoagulant (sujet jeune, absence de pathologie cardiaque exposant au risque thromboembolique, pas de facteur de risque thromboembolique clinique). Elle retrouve une masse échogène plutôt attachée à la grande valve mitrale mais la faible échogénicité de la patiente n’a pas permis de prendre une décision. Une échocardiographie tranœsophagienne (image et son zoom) retrouve une masse pédiculée s’inserrant sur le versant auriculaire de la grande valve mitrale mesurant 15 mm de diamètre et 20 mm de longueur, bien limitée, n’entraînant pas de dysfonction valvulaire. L’auricule et le reste de l’oreillette gauche sont libres. Le premier diagnostic devant cette tumeur valvulaire est par ordre de fréquence un fibroélastome, sans que l’on puisse écarter une tumeur d’une autre origine, mais elle permet d’exclure sa nature fibrinocruorique. Une indication opératoire a été retenue pour éviter les récidives thromboemboliques devant le caractère pédiculé de la tumeur d’une part, et sa taille d’autre part, et, enfin, pour connaître sa nature histologique. L’intervention chirurgicale sous circulation extracorporelle a eté réalisée avec exérèse chirurgicale de la tumeur et conservation de la valve mitrale, les suites opératoires étaient simples, l’étude anatomopathologique confirme le fibroélastome papillaire. Discussion et commentaires Tirés à part : A. Bouferrouk Le fibroélastome papillaire est une tumeur cardiaque primitive bénigne. Il représente environ 7 % des tumeurs cardiaques primitives et il est le troisième par ordre de fréquence après le myxome et le lipome [1]. Pour citer cet article : Bouferrouk A, Boutamine S. Fibroélastome papillaire de la valve mitrale. Sang Thrombose Vaisseaux 2012 ; 24 (6) : 305-7 doi:10.1684/stv.2012.0712 305 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. C’est une tumeur avasculaire dérivée de l’endocarde. Elle siège dans environ 80 % des cas sur les valves cardiaques. Elle représente la tumeur la plus fréquente des tumeurs valvulaires (75 %). La localisation aortique est la plus fréquente. Le fibroélastome papillaire peut être découvert fortuitement lors d’un bilan échocardiographique ou, comme dans notre cas, à l’occasion d’une complication embolique périphérique ou encore, plus rarement, au cours d’un enclavement dans une artère coronaire [2-4]. Il se présente à l’échocardiographie comme une masse de petite taille ne dépassant que rarement 20 mm. Il est de forme arrondie ou ovalaire, parfois irrégulière, mais bien limitée. Son aspect est généralement homogène, parfois « moucheté ». Il est pédiculé dans près de la moitié des cas, et alors toujours mobile. Il est le plus souvent unique mais des localisations multiples sont présentes dans près de 10 % des cas et doivent systématiquement être recherchées. OG VM VG OG VM VG Figure 1. A-B) Échocardiographie transœsophagienne : aspect caractéristique du fibroélastome de la grande valve mitrale sur le versant auriculaire. 306 STV, vol. 24, no 6, juin 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Lorsque la taille du fibroélastome dépasse les 2 mm, la précision diagnostique de l’échocardiographie transthoracique est grande puisqu’elle avoisine les 80 %. Les caractéristiques de la tumeur sont précisées au mieux en échocardiographie transœsophagienne (figure 1). Le diagnostic différentiel se pose notamment avec les myxomes (beaucoup plus rares), les végétations (infectieuses ou non), les excroissances de Lambl (généralement de plus petite taille) ou des thrombi comme dans notre observation. Les complications emboliques pourraient être favorisées par le dépôt de matériel thrombotique sur la tumeur, mais on ne dispose d’aucune donnée sur l’efficacité éventuelle des traitements anticoagulants ou antiagrégants. Une indication chirurgicale est proposée en cas de fibroélastome du cœur gauche, mobile et volumineux, c’est-à-dire d’au moins 10 mm. Une chirurgie conservatrice est possible pour au moins 90 % des localisations aortiques ou mitrales. L’indication est plus discutable pour les fibroélastomes du cœur gauche asymptomatiques et de moins de 10 mm, qui pourraient faire l’objet d’une simple surveillance. Il en est de même pour la plupart de ceux du cœur droit [5]. Conclusion Le fibroélastome est la tumeur valvulaire cardiaque la plus fréquente mais dont la prévalence exacte demeure inconnue, il est associé à un risque embolique élevé. L’imagerie ultrasonore permet d’accéder plus aisément à son diagnostic. Le traitement chirurgical s’adresse essentiellement au fibroélastome du cœur gauche compliqué ou de grande taille. Conflits d’intérêts : aucun Références 1. Reynen K. Frequency of primary tumors of the heart. Am J Cardiol 1996 ; 77 : 107. 2. Moreas D, Phillipides G, Shapira O. Papillary fibroelastoma of the mitral valve with systemic embolisation. Circulation 1998 ; 98 : 1251-2. 3. Bussani R, Silvestri F. Sudden death in a woman with fibroelastoma of the aortic valve occluding the right coronary ostium. Circulation 1999 ; 100 : 2204. 4. Grinda JM, Latremuoille Ch JM, Berrebi A, et al. Fibroelastomes cardiaques, Six cas opérés et revus de la literatures. Arch Mal Cœur 2000 ; 93 : 727-32. 5. Gallet B, Delestrain A, Grinda JM. Fibroélastome papillaire. Echo Cardiographie 2011 ; (28) : 3-4. STV, vol. 24, no 6, juin 2012 307