La prise en charge du patient d`âge pédiatrique victime d`un

COMITÉ DE SOINS AIGUS, SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE | 1
Document de principes
La prise en charge du patient d’âge
pédiatrique victime d’un traumatisme crânien
aigu
Catherine A Farrell; Société canadienne de pédiatrie
Comité de soins aigus
Paediatr Child Health 2013;18(5):259-64
Affichage : le 3 mai 2013 Reconduit : le 1 février 2016
Résumé
Le traumatisme crânien responsable de lésions
cérébrales est une cause importante de morbidité
et de mortalité pendant l’enfance. La gravité de la
lésion dépend du mécanisme du traumatisme, qui
varie lui-même selon l’âge. Chez les patients d’âge
pédiatrique, la majorité des traumatismes crâniens
sont légers, n’exigent pas de traitement particulier
et ne laissent aucune séquelle. Cependant, il est
important de déterminer les personnes vulnérables
aux lésions graves, qui ont donc besoin d’une
évaluation particulière. Le présent document de
principes vise à décrire les enjeux liés aux
traumatismes crâniens chez les nourrissons, les
enfants et les adolescents, y compris les
manifestations cliniques, les priorités initiales de
prise en charge, les directives en matière
d’imagerie ainsi que l’observation et le traitement
subséquents. Il traite de l’évaluation des patients
victimes d’un traumatisme crânien aigu au moment
de l’évaluation initiale, mais ne décrit pas la prise
en charge subséquente de ces patients à l’unité de
soins intensifs pédiatriques.
Mots-clés : CT scan; Head trauma; Skull x-rays;
Prevention; Traumatic brain injury
Le traumatisme crânien responsable de lésions
cérébrales est une cause importante de morbidité et
de mortalité pendant l’enfance. Les évaluations de son
incidence chez les patients d’âge pédiatrique varient
selon la définition et la méthodologie, mais la plage de
taux annuels varie de 130 à 200 cas sur 100 000
habitants, ce qui suscite au moins 20 000 visites au
département d’urgence (DU) des hôpitaux pédiatriques
canadiens par année.[1]-[3] Aux États-Unis, on estime
que les traumatismes crâniens sont responsables de
plus de 470 000 visites au DU et 35 000
hospitalisations par année.[4] Ainsi, les traumatismes
crâniens sont l’une des principales raisons de
consulter au DU.
On décèle une lésion cérébrale traumatique
seulement chez une petite proportion de patients
victimes d’un traumatisme crânien. Ce terme
désigne les signes et symptômes découlant d’un
traumatisme au cerveau lui-même, qui peuvent ou non
s’associer à des lésions lors des études d’imagerie. En
cas de commotions liées aux sports, il est bien admis
que des symptômes marqués et une altération du
fonctionnement peuvent subsister très longtemps
après l’événement traumatique. L’importance clinique
des lésions intracrâniennes peut se définir de diverses
façons, telles que le besoin d’hospitalisation ou
d’intervention neurochirurgicale. Dans une vaste série
d’enfants qui se sont présentés au DU d’hôpitaux
pédiatriques de l’Italie, le risque de lésion cérébrale
traumatique fatale ou non fatale s’élevait
respectivement à 0,5 et à 5,2 cas sur 1 000 enfants
victimes d’un traumatisme crânien fermé.[5]
L’anatomie particulière des enfants les rend plus
susceptibles à une lésion intracrânienne causée par
un traumatisme crânien. Le ratio entre leur tête et leur
corps est plus élevé, leur boîte crânienne est plus
mince et ils ont moins de tissus neuraux myélinisés.[6]
Les patients d’âge pédiatrique victimes d’une lésion
cérébrale traumatique présentent plus souvent un
profil de lésion axonale diffuse et d’œdème cérébral
secondaire que les adultes. Les lésions exigeant une
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intervention neurochirurgicale, telles que l’évacuation
d’un hématome, sont relativement rares.
Les principales causes de traumatisme crânien
chez les enfants et les adolescents qui se
présentent au DU au Canada s’établissent comme
suit :[2]
Chutes
Lésions liées à un sport
Coup sur la tête, par un objet ou une collision avec
un obstacle
Blessures impliquant l’utilisation d’un vélo
Blessures impliquant un véhicule automobile,
notamment à titre de piéton
Les lésions intracrâniennes sont plus fréquentes après
une chute d’une hauteur de plus de 91 centimètres
(trois pieds, ou deux fois la taille de l’individu), un
accident impliquant un véhicule automobile titre de
passager ou de piéton) ou un impact causé par un
projectile à forte vélocité.[7]
Les manifestations cliniques
Les enfants victimes d’un traumatisme crânien
peuvent présenter divers symptômes, y compris les
suivants :
Céphalée
Amnésie
Altération du niveau de conscience, désorientation
ou confusion
Vomissements
Perte de connaissance
Embrouillement de la vision
Convulsions
Les enfants plus jeunes peuvent présenter une
léthargie ou une irritabilité. D’après les études
publiées, il est difficile de conclure quel signe ou
symptôme clinique, s’il y a lieu, est un prédicteur fiable
de lésion intracrânienne.
Cependant, les signes suivants s’associent
particulièrement aux lésions intracrâniennes :
Perte de connaissance prolongée ou altération du
niveau de conscience
Désorientation ou confusion; amnésie
Accentuation des céphalées
Vomissements répétés ou persistants
La classification de la gravité des
traumatismes crâniens
L’échelle de Glasgow (ÉG) (tableau 1A)[8] est un outil
validé utilisé pour évaluer le niveau de conscience.
L’échelle de Glasgow pédiatrique (tableau 1B) se
révèle particulièrement utile chez les enfants qui n’ont
pas encore acquis la parole.[9]
Pour les besoins des présentes lignes directrices, les
traumatismes crâniens se classent comme suit d’après
l’ÉG :
ÉG de 14 à 15 : Traumatisme crânien mineur
ÉG de 9 à 13 : Traumatisme crânien modéré
ÉG de 8 ou moins : Traumatisme crânien grave
Les patients victimes d’un traumatisme crânien mineur
représentent la majorité des patients d’âge pédiatrique
qui se présentent en vue de subir une évaluation
médicale pour cette éventualité. Les patients victimes
d’un traumatisme modéré ou grave risquent davantage
de présenter une pathologie intracrânienne qui exige
des soins de soutien ou un traitement particulier en
milieu hospitalier.
TABLEAU 1A
Échelle de Glasgow standard
Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice
Spontanée 4 Orientée 5 Obéissance aux ordres 6
À la parole 3 Confuse 4 Douleur localisée 5
À la douleur 2 Inappropriée 3 Retrait à la douleur 4
Nulle 1 Incompréhensible 2 Flexion à la douleur 3
Nulle 1 Extension à la douleur 2
  Nulle 1
Traduit et adapté de la référence [8]
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TABLEAU 1B
Échelle de Glasgow pédiatrique
Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice
Spontanée 4 Gazouillis, babillage 5 Mouvements spontanés, dirigés 6
À la parole 3 Irritabilité, pleurs 4 Retrait au toucher 5
À la douleur 2 Pleurs à la douleur 3 Retrait à la douleur 4
Nulle 1 Gémissements à la douleur 2 Flexion anormale 3
Nulle 1 Extension anormale 2
  Nulle 1
Traduit et adapté de la référence [9]
Les priorités initiales de prise en charge
La priorité consiste à stabiliser les signes vitaux. Un
objectif important de la stabilisation consiste à éviter
les lésions secondaires au cerveau traumatisé
attribuables à une hypoxie, à une hypotension, à une
hyperthermie ou à une accentuation de la pression
intracrânienne. Une approche structurée de
l’évaluation des voies aériennes, de la respiration, de
la circulation et des incapacités figure au tableau 2.[10]
Il faut parfois procéder à un traitement rapide et
définitif de la lésion intracrânienne primaire, p. ex.,
dans certains cas d’hématome épidural.
Il faut également obtenir des antécédents
pertinents. Les éléments à inclure sont :
le mécanisme du traumatisme crânien, qu’il ait eu
lieu devant témoin ou non;
l’état dans lequel le patient a été trouvé, y compris
la perte de connaissance ou les convulsions;
les symptômes à la présentation, notamment une
altération du niveau de conscience, la
désorientation ou la confusion, l’amnésie,
l’accentuation des céphalées ou les vomissements
répétés;
les antécédents médicaux de la lésion cérébrale,
des troubles neurologiques, de l’utilisation de
médicaments et de la diathèse hémorragique.
Il faut envisager la possibilité de traumatisme
crânien non accidentel chez les nourrissons et les
enfants, particulièrement dans les situations
d’altération du niveau de conscience sans cause
évidente, ou lorsque les résultats cliniques ne sont pas
compatibles avec les antécédents fournis.[11] On ne
reconnaît pas toujours immédiatement les
traumatismes crâniens non accidentels, en raison des
divers modes de présentation et du jeune âge habituel
des victimes.[12] Dans ce contexte, un délai à
diagnostiquer une lésion cérébrale traumatique peut
s’associer à des issues relativement sombres.
L’intensité des explorations, y compris l’imagerie
cérébrale, et la nécessité d’une mise en observation,
d’une hospitalisation ou d’une intervention particulière,
dépend largement de l’état clinique du patient au
moment de l’évaluation initiale (figure 1).
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TABLEAU 2
Évaluation et stabilisation (ABCD)
A. Voies respiratoires
Envisager une lésion possible de la colonne cervicale.
Maintenir la tête et le cou dans une position neutre.
Immobiliser : sacs de sable, sacs de solution intraveineuse, serviettes enroulées (patients plus jeunes).
Mettre un collier cervical rigide adapté à l’âge ou effectuer une immobilisation manuelle alignée (patients plus âgés).
Procéder à une intubation orotrachéale en cas d’incapacité à maintenir les voies respiratoires bien ouvertes par la mise en position après la succion.
B. Respiration
Intuber en cas d’incapacité à maintenir une oxygénation et une ventilation convenables, malgré l’oxygène d’appoint.
Utiliser la technique d’induction à séquence rapide.
Maintenir les précautions relatives à la colonne cervicale.
C. Circulation
L’instabilité hémodynamique est peu susceptible d’être causée par une lésion intracrânienne seule (sauf une hémorragie intracrânienne ou du cuir chevelu importante
chez un nourrisson).
Si elle est présente :
explorer la possibilité de lésions extracrâniennes responsables d’un choc hémorragique ou hypovolémique.
insérer deux cathéters intraveineux de grand diamètre; bolus liquidien de 20 mL/kg de soluté physiologique normal.
répéter jusqu’à l’amélioration des signes vitaux.
D. Incapacité
Procéder à une évaluation rapide, y compris :
l’échelle de Glasgow adaptée à l’âge,
la dimension des pupilles et la réactivité à la lumière,
le tonus, les réflexes et les mouvements des quatre membres,
la fontanelle (nourrissons),
les signes de fracture de la base du crâne : ecchymoses périorbitales (yeux au beurre noir), ecchymose sur l’os mastoïde (signe de Battle), écoulement évident
de LCR par le nez ou les oreilles, hémotympan. En présence d’au moins l’un de ces signes, il ne faut pas insérer de sonde par voie nasale.
Traduit et adapté de la référence [10]. LCR Liquide céphalorachidien
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Version imprimable de la figure 1
L’imagerie
Les indications de radiographie crânienne
La présence d’une fracture du crâne linéaire semble
être un facteur de risque indépendant de lésions
intracrâniennes,[13] mais il n’est pas nécessaire
d’effectuer systématiquement une radiographie
crânienne chez tous les patients.[14][15]
Les enfants de moins de deux ans qui sont victimes
d’un traumatisme crânien présentent des problèmes
particuliers. L’évaluation clinique de leur état
neurologique peut être limitée par l’étape de leur
développement, notamment avant l’acquisition de la
parole. L’incidence de fractures du crâne après une
lésion cérébrale mineure peut atteindre 11 % dans ce
groupe d’âge,[16] mais il faut parfois recourir à la
sédation pour obtenir des études d’imagerie,
notamment la tomodensitométrie. Il existe des lignes
directrices pour évaluer les enfants de moins de deux
ans victimes d’un traumatisme crânien qui semble
mineur.[17) Elles appuient la recommandation
d’effectuer une radiographie crânienne en présence
d’un gros hématome œdémateux chez un enfant de
moins de deux ans.[14][16][17]
Une lésion pénétrante évidente ou une présomption de
fracture enfoncée du crâne chez un patient plus âgé
est une indication de radiographie crânienne, mais la
tomodensitométrie est plus courante.
Si des éléments des antécédents ou de l’examen
physique soulèvent une présomption de maltraitance,
les radiographies crâniennes sont indiquées dans le
cadre de l’exploration. Un exposé détaillé des
traumatismes crâniens non accidentels dépasse la
portée du présent document de principes, mais ce
sujet a été approfondi dans d’autres documents.[11]
Les indications de tomodensitométrie
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