D. Purper-Ouakil4
– une hyperexcitabilité nécessitant la présence d’au moins
trois symptômes parmi les suivants : insomnie, instabi-
lité/nervosité, distractibilité, fuite des idées, débit ver-
bal rapide, style intrusif des relations interpersonnelles ;
– une hyperréactivité aux stimuli négatifs, caractérisée par
un minimum de trois crises de colère par semaine.
Parmi les autres critères proposés pour caractériser le
SMD, citons le début des troubles avant 12 ans, la durée
d’évolution d’au moins un an et le retentissement fonction-
nel dans au moins deux domaines de vie.
Si la qualité négative de l’humeur du SMD peut com-
prendre colère, tristesse et irritabilité, c’est l’irritabilité
chronique qui en constitue la dimension centrale [26].
Celle-ci est décrite dans différents troubles : en dehors du
trouble bipolaire et des troubles du comportement pertur-
bateur, elle est également fréquente dans les troubles
dépressifs, notamment chez le sujet jeune où elle peut
remplacer la tristesse. Elle est aussi une dimension cen-
trale des troubles explosifs de la personnalité, notamment
de la personnalité borderline et du trouble explosif inter-
mittent. Dans le SMD, l’irritabilité chronique n’est pas for-
cément associée à une opposition systématique aux règles
comme dans le trouble oppositionnel avec provocation
(TOP), en revanche, l’accent y est mis sur la qualité néga-
tive de l’humeur, non comprise dans les critères de TOP. Si
la plupart des enfants ayant un TOP répondent aux critères
de SMD, l’inverse ne se vérifi e pas systématiquement [26].
Cependant, le TOP ainsi que le trouble défi cit d’attention/
hyperactivité (et surtout leur association) comportent des
dimensions de dysrégulation émotionnelle à type d’irritabi-
lité et d’hyperréactivité aux stimuli négatifs [24].
La prévalence du SMD en population générale chez des
sujets âgés entre 9 et 19 ans est de 3,3 % (1,8 % des sujets
ayant une forme sévère) [7]. En population générale, le
SMD est associé à des comorbidités signifi catives : 26,9 % de
TDAH, 25,9 % de Trouble des conduites, 24,5 % de Trouble
oppositionnel avec provocation, 14,7 % de troubles anxieux
et 13,4 % de troubles dépressifs [7]. En population clinique
les troubles comorbides sont particulièrement fréquents :
93,8 % de TDAH, 84,4 % de Trouble oppositionnel avec pro-
vocation et 46,9 % de troubles anxieux.
Les études récentes se sont surtout attachées à diffé-
rencier le SMD du trouble bipolaire du sujet jeune. Une
comparaison de la psychopathologie des parents d’enfants
SMD et bipolaires montre que les troubles de l’axe I sont
plus fréquents chez les parents des enfants bipolaires
(81 %) que chez les parents d’enfants SMD (59,5 %). Par
ailleurs, un trouble bipolaire est mis en évidence chez
33,3 % des parents de bipolaires contre 2,7 % des parents
d’enfants ayant un SMD [6]. Une étude longitudinale a com-
paré la survenue d’épisodes maniaques chez des enfants et
adolescents bipolaires (défi nis strictement selon les cri-
tères DSM-IV) et dans un groupe de jeunes avec SMD. Sur
une durée de 2 ans, seul un adolescent avec SMD avait eu
un épisode hypomaniaque ; dans le groupe bipolaire, les
le diagnostic de trouble bipolaire, alors que l’ICD-10
nécessite au moins deux épisodes de manie et un épisode
dépressif [4].
Le risque de diagnostic par excès ayant été identifi é,
la plupart des travaux récents proposent de s’en tenir à la
défi nition du DSM-IV, aux critères de manie plus spéci-
fi ques que le DSM-III-R. Dans le diagnostic de trouble bipo-
laire selon le DSM-IV, la manie est un épisode distinct
marqué par une élation de l’humeur ou une irritabilité
anormales associés à la présence d’autres symptômes de
manie (idées de grandeur, diminution du besoin de som-
meil, logorrhée, fuite des idées, distractibilité, augmen-
tation des activités centrées sur un but, engagement
excessif dans des activités agréables mais à potentiel
dommageable). Les critères de durée sont de 7 jours pour
l’épisode maniaque, 4 jours pour l’épisode hypomaniaque.
Il existe cependant toujours des points problématiques :
la catégorie trouble bipolaire « non spécifi é », regroupe
des sujets ayant des symptômes maniaques ne correspon-
dant pas aux critères de durée ; dans certaines séries, le
trouble bipolaire « non spécifi é » comprend également
des sujets chez lesquels l’irritabilité chronique est au pre-
mier plan, en l’absence de symptômes maniaques carac-
téristiques. Par ailleurs, les critères diagnostiques de la
manie, identiques quel que soit l’âge du sujet, n’intè-
grent pas les aspects développementaux des symptômes.
Or, les particularités développementales de la manie com-
prennent un caractère épisodique moins marqué que chez
l’adulte, la fréquence des cycles rapides, et la « cen-
sure » de l’expression symptomatique exercée par les
parents. Geller et al. [10] ont souligné l’existence chez
certains enfants et adolescents de fl uctuations thymiques
« ultrarapides » comprenant plusieurs cycles par jour ;
l’abolition du critère d’épisodicité dans la manie pédia-
trique reste cependant matière à débat [16]. Chez le
sujet jeune, le diagnostic de trouble bipolaire, en dehors
des rares cas typiques, reste soumis à l’épreuve de l’évo-
lution des symptômes dans le temps ; il doit donc être
périodiquement réévalué [22].
Irritabilité chronique et dysrégulation
sévère de l’humeur
La dysrégulation sévère de l’humeur (Severe Mood
Dysregulation, SMD) est un concept clinique proposé par
Leibenluft [17, 18] pour différencier les diffi cultés émo-
tionnelles chroniques du trouble bipolaire. On parle aussi
de trouble dysrégulation de l’humeur avec dysphorie
(Temper Dysregulation Disorder with Dysphoria), la termi-
nologie à intégrer dans le DSM-V faisant encore l’objet de
discussions [3]. Ses caractéristiques principales sont :
– une humeur chroniquement anormale défi nie par la pré-
sence d’une irritabilité, de colères ou de tristesse, pré-
sents presque la plupart du temps ;