Dysthyroïdies et Grossesse - Médecine Clinique endocrinologie

Guillaume
Ducarme1,
Juliane Léger 2,
Dominique Luton1
1. Service de Gynécologie
Obstétrique,
Hôpital Beaujon,
100, boulevard du Général
Leclerc
92110 Clichy
2. Service d’Endocrinologie
Pédiatrique,
Centre de Référence des
Maladies Endocriniennes
de la Croissance,
49, Boulevard Sérurier
75019 Paris
Correspondance :
Dominique Luton
Service de Gynécologie
Obstétrique,
Hôpital Beaujon,
100, boulevard du Général
Leclerc,
92110 Clichy.
Tél : 01 40 87 56 33
Fax : 01 47 31 35 27
Mots-clés :
Grossesse,
Thyroïde,
Fœtus
39
Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 48, Septembre-Octobre 2010
Synthèse
Dysthyroïdies et Grossesse
a thyroïde est une glande endocrine qui
synthétise les hormones thyroïdiennes
(thyroxine ou T4, tri-iodothyronine ou
T3) à partir de l’iode apporté par l’alimenta-
tion. C’est un régulateur très précis de notre
homéostasie et des variations très subtiles de
son activité (dysthyroïdies) vont avoir des
conséquences majeures sur l’ensemble de l’or-
ganisme.
La pathologie thyroïdienne est la deuxième
cause de maladie endocrinienne en cours de
grossesse et l’obstétricien est fréquemment
amené à suivre ces grossesses conjointement
avec l’endocrinologue. La survenue d’une
affection thyroïdienne chez la femme enceinte
n’est pas rare, il est essentiel de reconntre une
dysthyroïdie au cours de la grossesse car celle-ci
peut retentir sur l’évolution de la grossesse, et
inversement. De plus, tout déséquilibre thyroï-
dien maternel et/ou fœtal peut retentir sur le
développement fœtal (mortalité périnatale,
retard de développement cérébral, dysthyroïdie
fœtale…) et donc sur le devenir à long terme
de l’enfant.
Embryologie
La formation embryologique de la thyroïde
débute au premier trimestre de la grossesse
mais la maturation fonctionnelle est beau-
coup plus longue. La thyroïde dérive embryo-
logiquement de la migration et de l’invagina-
tion d’une portion de l’endoderme du plancher
buccal sur la ligne médiane et de l’extension
caudale et bilatérale de la quatrième poche
pharyngo-branchiale [1]. A sept semaines de
développement, la thyroïde a migré dans sa
localisation définitive à la face antérieure du
cou. La synthèse de thyroglobuline débute dès
12 SA et la maturité structurale de la glande est
complète à 18 SA. La production d’hormones
thyroïdiennes devient significative à partir de
20-22 SA, avec une captation d’iode des cellules
folliculaires thyroïdiennes qui augmente
et la concentration sérique fœtale de T4 qui
commence à s’accroître [2-5].
Physiologie
L’équilibre hormonal thyroïdien maternel
et fœtal a un rôle primordial dans le dévelop-
pement cérébral, à la fois au niveau tissulaire
(action sur la prolifération, la migration et l’or-
ganisation neuronale) mais aussi sur l’acquisi-
tion de l’intelligence et les capacités d’appren-
tissage depuis la riode intra-utérine jusqu’à la
vie postnatale [6-8]. Le développement bral
peut donc être altéré à des degrés de gravité
divers en cas de dysthyroïdie [6].
Il existe en cours de grossesse une augmen-
tation de l’activité fonctionnelle de la glande
thyroïde maternelle liée à l’action de l’HCG
sur le récepteur de la TSH, avec une corrélation
positive entre le taux d’HCG et de T4 libre alors
que les concentrations de TSH diminuent avec
une image en miroir. En effet, une importante
activité de la désiodase placentaire de type 3
entraîne la production de reverse T3 à partir de
la T4. De plus, il existe une augmentation de la
synthèse hépatique de TBG (Thyroïde Binding
Globulin) sous l’influence des oestrogènes et
une augmentation de la demi-vie plasmatique
des formes les plus syalilées de la molécule.
Enfin, la T4 libre augmente de façon transitoire
et relative au cours du premier trimestre de la
grossesse parallèlement à l’HCG, puis diminue
progressivement d’environ 15 %, ce qui est
amplifié significativement en cas de carence
en iode même modérée [9].
Ainsi, pour maintenir une physiologie
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Synthèse
thyroïdienne normale chez la mère et le
fœtus, les besoins en iode sont augmen-
tés au cours de la grossesse et doivent
être au moins 200 à 300 µg/j [10]. Cette
augmentation est en rapport avec une
augmentation de la clairance rénale de
l’iode sous l’effet de l’hyperestrogénie
mais aussi au fait qu’une fraction de
l’iode inorganique maternel traverse le
placenta en deuxième partie de grossesse
pour assurer la synthèse des hormones
thyroïdiennes fœtales.
Les dysfonctionnements thyroï-
diens (hypothyroïdie, hyperthyroïdie)
sont le plus souvent liés à des maladies
auto-immunes (maladie d’Hashimoto,
maladie de Basedow) chez les femmes en
période d’activité génitale. L’association
d’une pathologie thyroïdienne et gros-
sesse est relativement fréquente. En
situation pathologique ou infraphysio-
logique, la physiologie de la thyroïde
fœtale sera alors soumise à l’environ-
nement extérieur par lintermédiaire
du placenta qui est perméable à l’iode,
aux substances antithyroïdiennes, aux
anticorps antirécepteurs de la TSH de la
maladie de Basedow, aux anticorps anti-
thyroperoxydases, et faiblement aux
hormones thyroïdiennes (probablement
de façon bidirectionnelle). Le placenta
est en revanche imperméable à la TSH
(thyroid stimulating hormone : facteur
hypophysaire) [11]. Ainsi, toute patho-
logie thyroïdienne maternelle peut
influer sur le déroulement et l’issue de
la grossesse ou sur le développement du
fœtus. Tout bouleversement thyroïdien
devra alors être diagnostiqué en début
de grossesse et idéalement avant celle-
ci d’autant plus qu’il existe éventuelle-
ment des thérapeutiques susceptibles
d’en corriger les conséquences (supplé-
mentations en hormones thyroïdiennes
et hypothyroïdie) [12].
Carence iodée
L’iode est un élément essentiel à l’ho-
méostasie thyroïdienne maternelle et
fœtale. Diverses études ont clairement
montré que des dysfonctionnements
thyroïdiens anténataux à la fois chez la
mère et chez le fœtus pouvaient être à
l’origine, dans des situations extrêmes,
de conséquences neurologiques. Même
des altérations subtiles du bilan hormo-
nal thyroïdien en cas de déficit modéré
en iode pendant la grossesse ont été
incriminées dans des retards de déve-
loppement avec une diminution des
temps de réaction et des déviations de la
courbe de Gauss du QI chez les nouveau-
nés [13].
Un tiers de la population mondiale
est concernée par le déficit en iode. Les
besoins en iode sont évalués de 175 à
200 µg/jour. Une carence iodée persiste
dans de nombreux pays européens. Chez
les femmes enceintes, Caron et al. [14]
ont retrouvé une iodurie médiane de
50 µg/L au premier et dernier trimestre
chez 347 femmes enceintes âgées de 28
ans en moyenne. Ceci était assocà une
hypothyroxinémie (infra clinique) chez
17 % des femmes en fin de grossesse avec
augmentation de la TSH qui reste dans
la norme dans 90 % des cas. Dans cette
population, la prévalence du goitre était
de 11 %. Cette série montrait aussi une
corrélation entre l’iodurie du premier
trimestre et l’hypertrophie thyroïdienne
maternelle du post-partum immédiat.
L’hypothyroïdie néonatale liée à la
carence en iode maternelle est huit fois
plus importante en Europe qu’aux Etats-
Unis des programmes de supplémen-
tation à grande échelle ont été entrepris.
Cette hypothyroïdie est régressive en
quelques semaines mais peut nécessiter
un traitement. On constate une dimi-
nution de ce type d’hypothyroïdie et
du volume thyroïdien néonatal, dans
les études un supplément d’iode est
systématiquement apporté au cours de
la grossesse [15].
Toutes les données plaident en
faveur d’une substitution systématique
en iode pendant la grossesse dans nos
régions [16, 17]. Selon les recomman-
dations de l’Organisation Mondiale de
la Santé [10] et de la Société Française
d’Endocrinologie [18], une prophylaxie
iodée systématique est indiquée par un
apport de 50 à 100 µg/j chez les femmes
en période d’activiténitale et 200 à
250 µg/j dès le début de la grossesse et
à poursuivre pendant toute la gestation
et l’allaitement. Cette prophylaxie peut
être assurée par des compléments nutri-
tionnels ou vitaminiques contenant de
l’iode [19].
Malgré tout, l’idéal serait de dispo-
ser en cours de grossesse d’un examen
simple, peu onéreux pouvant orien-
ter sur une carence iodée modérée et la
iodurie à l’échelon individuel ne répond
pas à ces caractéristiques.
Hypothyroïdie
Chez les femmes enceintes, la
fréquence de l’hypothyroïdie varie selon
les critères de définition, l’apport iodé et
le contexte clinique. Les prévalences de
l’insuffisance thyroïdienne clinique et
subclinique (hypothyroïdie frustre) sont
respectivement de 0,3 à 0,7 % et de 2,2 à
2,5 % [15, 20]. Les besoins en thyroxine
peuvent augmenter chez près de 80 %
des patientes présentant une hypothy-
roïdie avant la grossesse, ceci est lié soit
à une augmentation de la TBG, soit à
une augmentation du volume plasma-
tique et surtout à une augmentation
de l’activité de la désiodase placentaire
de type 3. Ces besoins reviennent à la
normale dans le post-partum.
L’hypothyroïdie sévère non traitée
est classiquement associée à une infer-
tilité. Dans ces conditions, même si
une grossesse survient, de nombreuses
complications associées à cette hypo-
thyroïdie ont étés décrites : fausses
couches précoces [21], anémie, hyper-
tension artérielle, prééclampsie, héma-
tome rétroplacentaire, accouchement
prématuré [22-27].
Au niveau fœtal, les hormones
thyroïdiennes ont un rôle important
au cours des premières phases du déve-
loppement du cerveau. Haddow et al.
[5] ont clairement montré que chez les
enfants de femmes ayant une hypo-
thyroïdie maternelle pendant la gros-
sesse (TSH élevée durant la grossesse à
13,2 mU/l en moyenne), il existait une
diminution modérée mais significative
des performances générales, avec en
particulier une baisse de 4 points du QI.
La diminution du quotient intellectuel
et l’importance des déficits neurocogni-
tifs dépendent de la sévérité de l’hypo-
thyroïdie maternelle et du moment de
sa présence au cours de la grossesse [28].
Chez les patientes présentant une
hypothyroïdie clinique ou sub-clinique,
un traitement substitutif par lévothy-
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roxine a démontré son efficacité dans
la prévention des complications obsté-
tricales de l’hypothyroïdie et des altéra-
tions du développement neurologique
des enfants nés de ces mères [26]. Pop et
al. [29] ont montré que le risque d’ano-
malies du développement associé à une
T4 basse en début de grossesse pouvait
être annulé si la T4 se normalisait au
2ème et 3ème trimestre. Ainsi, toute hypo-
thyroïdie maternelle doit être prévenue
ou dépistée afin de prévenir une insuffi-
sance de substitution chez les patientes
traitées par lévothyroxine pour une
hypothyroïdie antérieure au début de
la grossesse.
Le diagnostic d’hypothyroïdie n’est
pas toujours facile du fait du manque
de spécificité des signes constatés en
cours de grossesse (crampes muscu-
laires, constipation, asthénie et réten-
tion hydrique). Parfois, des signes ou
des contextes plus pertinents viendront
orienter plus fortement le diagnostic
(bradycardie, prise pondérale exces-
sive, sécheresse cutanée, goitre, antécé-
dents familiaux, notions d’auto-immu-
nité). Ce diagnostic reposera toujours
sur le dosage de la TSH et de la T4 libre.
Il devra être réalisé si possible avant le
début de la grossesse ou dès le début de
la grossesse.
La principale étiologie est la thyroï-
dite de Hashimoto. Le diagnostic repose
sur le contexte auto-immun (person-
nel ou familial) et la présence d’anti-
corps anti-thyroïdiens : anticorps anti-
thyroglobuline ou anticorps anti-TPO
(marqueur le plus sensible et le plus
spécifique). De nombreuses complica-
tions obstétricales et une augmenta-
tion de la mortalité périnatale ont été
décrites en cas d’hypothyroïdie associée
à des anticorps anti-thyroïdiens [30].
Une hypothyroïdie maternelle au cours
de la grossesse en rapport avec des anti-
corps anti-thyroïdiens aurait aussi une
valeur prédictive sur les dysfonctionne-
ments thyroïdiens maternels ultérieurs
[31].
En pratique, il faudra songer à prati-
quer un bilan thyroïdien en début
de grossesse devant des symptômes
cliniques ou biologiques d’hypothyroï-
die, un goitre, une anamnèse person-
nelle ou familiale de dysthyroïdie ou
d’affection auto-immune (maladie
de Basedow, thyroïdite d’Hashimoto,
diabète de type 1, polyarthrite, viti-
ligo…), un antécédent d’infertilité, de
fausse couche spontanée ou d’accou-
chement prématuré, et un antécédent
de chirurgie thyroïdienne ou de radio-
thérapie cervicale.
La qualité du contrôle de l’hypo-
thyroïdie pendant la grossesse n’est pas
connue chez les patientes traitées pour
hypothyroïdie congénitale. Le dérou-
lement et l’issue de grossesse de ces
mères ne sont pas connus, compte tenu
de la rareté des grossesses et donc de la
descendance chez des sujets qui présen-
taient un retard psychomoteur impor-
tant avant l’ère du dépistage systéma-
tique. Elles ne devraient a priori pas
différer des autres causes d’hypothyroï-
die.
L’adaptation des doses de
L-thyroxine dès le début de la gros-
sesse des mères traitées pour hypothy-
roïdie quelle qu’en soit la cause, est
donc un enjeu fondamental pour le
bon déroulement de la grossesse, pour
le développement du fœtus, ainsi que
pour le développement futur de l’en-
fant. L’augmentation des besoins en
Thyroxine survient en moyenne dès
le premier mois de grossesse, se pour-
suit jusqu’à la mi-gestation puis reste
en règle stable jusqu’à la fin de la gros-
sesse. Les doses devront donc être adap-
tées très précocement, avec un contrôle
mensuel voire bimensuel si nécessaire,
l’objectif étant d’obtenir une euthyroï-
die tout au long de la grossesse (TSH
entre 0,5 à 2 mUI/ml). Cette augmen-
tation peut d’ailleurs être anticipée en
période préconceptionelle. Il est le plus
souvent nécessaire d’augmenter en
cours de grossesse le traitement substi-
tutif de 25 à 50 % de la posologie habi-
tuelle pour obtenir cet équilibre [15, 61].
Hypothyroïdie frustre
ou sub-clinique
Sa prévalence est de 3 à 4 % en
France. L’hypothyroïdie frustre est défi-
nie par une TSH > 4mUI/mL associé à
une T4 normale, elle a été associée à
un grand nombre de facteur de risque
(surtout vasculaires) à partir d’argu-
ments épidémiologiques et physiolo-
giques (situation de pré hypothyroïdie).
Le seuil de la TSH à partir duquel on peut
parler d’hypothyroïdie frustre en cours
de grossesse, et particulièrement au 1er
trimestre, est probablement abaissé (aux
alentours de 3 mUI/mL). On retiendra
que les mêmes conséquences que celles
de l’hypothyroïdie ont été associées à
l’hypothyroïdie frustre avec des degrés
de gravité moindre, probablement liés à
l’absence d’hypothyroxinémie [32].
Puisque l’hypothyroïdie est
fréquente au cours de la grossesse et
qu’elle entraîne des conséquences
néonatales et pédiatriques, que son
dépistage est facile, accessible et peu
coûteux [33, 34], et que son traitement
pendant la grossesse est efficace (sur les
complications maternelles et foetales)
et sans effet secondaire, un dépistage
de l’hypothyroïdie peut être proposé
[12, 19]. Malgré tout, très récemment,
l’American College of Obstetricians and
Gynecologists (ACOG) n’a pas recom-
mande dépister en routine l’hypothy-
roïdie associée à la grossesse [35].
Hyperthyroïdie
Relativement facile quand l’hy-
perthyroïdie est connue avant la gros-
sesse, le diagnostic est difficile en l’ab-
sence d’antécédents connus car la
plupart des signes (troubles de la régu-
lation thermique, de l’appétit, labilité
émotionnelle, tendance à la tachycardie)
peuvent être mis sur le compte de l’état
gestationnel [36].
L’étiologie la plus fréquente de l’hy-
perthyroïdie au cours de la grossesse est
la maladie de Basedow. Son diagnostic
repose sur l’existence d’un goitre homo-
gène et vascularisé, de signes oculaires
(orbitopahie avec signes inflamma-
toire et/ou exophtalmie) et la mise
en évidence d’un taux élevé d’anti-
corps anti récepteurs à la TSH qui sont
le plus souvent stimulants (TRAK).
Les autres étiologies (goitre multino-
dulaire, adénome toxique) peuvent
être retrouvées au cours de la gros-
sesse. L’échographie est alors d’une
aide notable permettant d’orienter le
diagnostic en fonction de l’aspect de la
thyroïde.
Particulière à la grossesse, une mala-
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Synthèse
die trophoblastique peut être respon-
sable d’hyperthyroïdie, par hyperpro-
duction d’HCG stimulant la thyroïde
avec signes modestes d’hypersécrétion
thyroïdienne [37]. Cette hyperstimula-
tion s’explique par la capacité de l’HCG
à se lier au récepteur de la TSH du fait
d’une certaine homologie de structure
entre HCG et TSH et entre leurs récep-
teurs. Ceci justifie la pratique d’une
échographie obstétricale devant un
tableau d’hyperthyroïdie du début de
grossesse.
Hyperthyroïdie gestationnelle
transitoire (HGT)
Il s’agit d’une affection touchant 2 à
3 % des femmes enceintes qui se traduit
par une hyperthyroïdie biochimique,
non auto-immune, avec un taux de TSH
indétectable, un taux de T4 élevé, une
absence d’anticorps anti-récepteurs à
la TSH et des vomissements exacerbés.
Le mécanisme pourrait être un effet
direct de l’HCG sur le récepteur de la
TSH, analogue à ce qui est observé dans
la maladie trophoblastique. Les signes
cliniques sont inconstants mais peuvent
inclurent une perte de poids inexpli-
quée, une tachycardie, une fatigue et des
vomissements exacerbés.
Un traitement est rarement néces-
saire puisqu’il existe une résolution
spontanée des symptômes avant 20 SA.
Un recours aux bêtabloquants et/ou au
propylthiouracyl sur une courte période
est parfois envisagé [38]. Il convien-
dra cependant de donner la plus petite
dose d’antithyroïdiens de synthèse
(ATS) quitte à laisser la patiente en
discrète hyperthyroïdie. Cette attitude
limite ainsi le passage transplacentaire
de l’anti-thyroïdien de synthèse et ses
conséquences potentielles sur l’acti-
vité de la thyroïde fœtale. Le traitement
des vomissements et un rééquilibrage
hydro électrolytique ne devront pas être
négligés.
Maladie de Basedow
La maladie de Basedow est la
première cause d’hyperthyroïdie chez la
femme en âge de procréer et concerne
1 femme sur 1500-2000 [39]. Elle se
caractérise par la présence d’anticorps
anti-récepteurs de la TSH, que l’on
peut doser par un radiorécepteur assay
(TRAK). Ces anticorps possèdent une
activité globalement thyréostimulante
et ont exceptionnellement une activité
bloquante.
Malgré un traitement radical
(chirurgie ou iode 131), le risque de
pathologie thyroïdienne fœtale persiste
du fait de la persistance possibles des
TRAK, pouvant passer librement la
barrière placentaire [40] et causer une
sur-stimulation de la thyroïde fœtale
pendant la deuxième moitié de la gros-
sesse [41]. En effet, la thyroïde fœtale
commence à sécréter des hormones
thyroïdiennes à environ 12 semaines
de développement puis les récep-
teurs fœtaux deviennent sensibles
à la TSH et aux TRAK autour de 20
semaines [42]. Puisque les ATS passent
à travers le placenta, l’administration
d’ATS à la mère améliore le pronos-
tic fœtal et néonatal mais peut égale-
ment compromettre le développement
fœtal en induisant une hypothyroïdie
fœtale [43-50]. Cependant, ce risque
reste faible [40]. En cas de traitement
par iode 131 d’une hyperthyroïdie, il
est en général nécessaire d’attendre
au moins 6 mois une bonne stabilisa-
tion de la fonction thyroïdienne avant
le début d’une grossesse. Ce délai peut
constituer un argument pour proposer
plutôt un traitement chirurgical chez
une femme jeune désireuse d’un enfant
un court terme.
Il convient donc en cas d’antécé-
dent de maladie de Basedow en rémis-
sion de s’assurer en début de grossesse
de la négativi des TRAK et de la norma-
lité du bilan thyroïdien. Dans ce cas, une
surveillance simplifiée de la grossesse
peut être envisagée.
En cas de maladie de Basedow évolu-
tive (0,5 à 2 % des grossesses), une
correction insuffisante de l’hyperthyroï-
die expose aux risques de prééclampsie,
de crise aiguë thyrotoxique, et d’insuffi-
sance cardiaque. Pour le fœtus, il existe
un risque d’hyperthyroïdie par passage
transplacentaire des TRAK, d’hypothy-
roïdie iatrogène par l’administration des
ATS à la mère, de retard de croissance
intra-utérin, de prématurité, de mort
in utero. D’autre part, il a été mis en
évidence la possibilité d’hypothyroïdie
centrale congénitale chez les enfants nés
de mères avec une maladie de Basedow,
liée au rétrocontrôle négatif d’un excès
d’hormones thyroïdiennes sur l’hypo-
physe fœtale [51, 52].
Il faut donc proposer dès le début de
la grossesse une surveillance et une prise
en charge multidisciplinaire (obstétri-
ciens, endocrinologues, pédiatres) adap-
tée avec un certain nombre de mesures
particulières venant s’ajouter au suivi
obstétrical classique. Toutes les patientes
enceintes présentant une maladie de
Basedow active ou guérie bénéficient
d’une échographie attentive lors de
l’examen du 2ème trimestre centrée sur
la thyroïde fœtale [53]. Ces échogra-
phies sont répétées mensuellement ou
non à partir de 22 SA (et dès 18 SA si les
patientes ont des ATS) en fonction du
traitement et de la positivité des TRAK.
En présence d’un goitre, l’échographie
recherche systématiquement les critères
de maturation osseuse. Le rythme
cardiaque fœtal est également étudié et
considécomme tachycarde au-delà de
160 battements par minute. Cette atti-
tude active montre que l’échographie
anténatale permet de prévoir avec une
sensibilité de 92 % et une spécificité de
100 % la survenue d’une dysthyroïdie
fœtale [39, 54].
Les ATS plus ou moins associés à
des thérapeutiques adjuvantes (repos,
arrêt de travail, bêtabloquants) sont les
autres éléments principaux de la prise en
charge de ces patientes enceintes. Tous
les ATS traversant la barrière placen-
taire sont responsables d’un blocage de
l’hormonogenèse thyroïdienne fœtale
avec risque d’hypothyroïdie fœtale et
de goitre qui, lorsqu’il existe, est rare-
ment compressif [55]. On choisira de
préférence le propylthiouracyl (PTU) qui
passe moins la barrière placentaire, qui
agit plus vite car bloquant la conversion
périphérique de T4 en T3, et qui n’a pas
d’effet tératogène [56], contrairement
au carbimazole (exceptionnelles apla-
sies du scalp, atrésie des choanes, fistules
trachéo-oesophagiennes). La dose d’ATS
sera la dose minimale efficace et visera
à contrôler l’hyperthyroïdie mater-
nelle tout en maintenant les taux plas-
matiques d’hormones thyroïdiennes
de la mère à la limite supérieure de la
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normale. Le traitement est débuté à la
dose de 200 à 300 mg de PTU en 3 prises
par jour. Il est ensuite rapidement dimi-
nué à des doses 150 mg par jour, en
raison du risque d’hypothyroïdie fœtale
par passage transplacentaire des ATS. Les
paramètres biologiques sont contrôlés
toutes les 2 à 4 semaines. L’euthyroïdie
est généralement instaurée en 2 à 4
semaines. Le but est de maintenir la T4
libre maternelle à la limite supérieure
de la normale. Il faut absolument éviter
l’association ATS-L-thyroxine qui risque
d’induire une hypothyroïdie fœtale. Le
propylthiouracile a récemment été mis
en cause dans la survenue d’hépatites
toxiques rares mais sévères, dans l’avenir
il pourrait être recommandé de main-
tenir le PTU au 1er trimestre de la gros-
sesse puis de le substituer pour le restant
de la grossesse par du néomercazole si
cela est possible [62].
Thyroïdite du post-partum
La thyroïdite du post-partum
survient en général dans l’année qui suit
l’accouchement, elle survient chez 2 à
16 % des patientes. La maladie débute
par un goitre associé à une thyréotoxi-
cose généralement modérée 2 à 3 mois
après l’accouchement. Une hypothy-
roïdie survient alors 4 à 8 mois après
l’accouchement, suivie ensuite d’une
normalisation. Cette maladie biphasique
peut être qualifiée de Hashimoto-like,
elle survient volontiers sur des terrains
comportant l’association goitre et anti-
corps anti-TPO positifs. Dans le contexte
du post-partum, le diagnostic n’est pas
toujours facilement évoqué du fait du
manque de spécificide certaines mani-
festations (difficulté à retrouver le poids
antérieur, asthénie marquée, symptômes
dépressifs) et doivent conduire à contrô-
ler dans ce contexte le taux d’hormones
thyroïdiennes.
Le traitement est le plus souvent
symptomatique (bêtabloquant en cas
de thyréotoxicose) mais une hormo-
nothérapie substitutive s’avère indis-
pensable dans 25 % des cas du fait de
l’importance des symptômes et/ou des
anomalies biologiques. Dans ce cas là, il
faudra savoir discuter son arrêt progres-
sif après quelques mois devant la norma-
lisation de la fonction thyroïdienne. Les
points importants sont le risque de réci-
dive lors des grossesses ultérieures et le
taux d’hypothyroïdie définitive de 20 à
30 % [57, 58].
Nodules thyroïdiens
Il s’agit d’une pathologie fréquente
dont le diagnostic étiologique doit si
possible être réalisé avant mise en route
d’une grossesse. Lorsque le nodule est
découvert en cours de grossesse, les
explorations reposent sur l’échographie,
le dosage de T4 libre, TSH et d’une éven-
tuelle ponction si elle est jugée néces-
saire par l’endocrinologue.
Après les investigations initiales, il
est souvent possible d’attendre le post-
partum pour, soit poursuivre les explo-
rations, soit proposer un traitement,
éventuellement chirurgical. Le traite-
ment chirurgical est de toute façon envi-
sageable au cours de la grossesse s’il est
jugé nécessaire.
Goitres simples
Il faudra seulement s’assurer de la
normalité du bilan thyroïdien et adap-
ter un traitement par hormone thyroï-
dienne déjà institué. Il est en effet
souvent nécessaire de majorer la posolo-
gie de L-thyroxine en cours de grossesse
pour maintenir la TSH dans l’objectif.
Une majoration transitoire de volume
du goitre est souvent observée durant
la grossesse.
Cancer de la thyroïde
Traité et guéri, le cancer de la
thyroïde ne contre-indique pas la gros-
sesse dans la majorité des cas [59, 60].
Il faudra savoir respecter le délai d’un
an avant d’être enceinte après une
irathérapie ablative par iode 131, réali-
sée dans les cancers différenciés papil-
laires ou vésiculaires de la thyroïde de
bon pronostic à un stade localisé. Des
explorations morphologiques négatives
et une thyroglobuline indétectable sous
bonne stimulation par la TSH (sevrage
du traitement substitutif ou injection
de TSH recombinante) traduisent une
rémission complète, permettant ainsi
une grossesse. Le traitement freinateur
par L-thyroxine prescrit à posologie plus
forte que pour une simple substitution
d’hypothyroïdie dans le cadre du cancer
différencié de la thyroïde doit lui aussi
être adapté, et ainsi souvent majoré,
en cours de grossesse. Le cancer médul-
laire de la thyroïde représente environ
10 % des cancers thyroïdiens. La rémis-
sion de ce cancer est complète lorsque,
après chirurgie, la calcitonine de base
et après stimulation par pentagastrine
est indétectable. Il s’agit d’un cancer
survenant souvent dans un cadre fami-
lial et donc d’origine génétique. Le gène
en cause a été identifié comme l’onco-
gène RET et les patients sont porteurs
de la mutation à l’état hétérozygote. La
mutation de RET expose aussi au phéo-
chromocytome et à l’hyperparathyroï-
die dans le cadre de la oplasie endocri-
nienne multiple de type 2. Compte tenu
des implications en terme de conseil
génétique, il est important chez une
patiente ayant un antécédent de cancer
médullaire de la thyroïde de proposer
un diagnostic génétique. La mise en
évidence d’une forme génétique impose
en effet le dépistage des autres manifes-
tations avant la mise en route de la gros-
sesse. En particulier, méconnaître un
phéochromocytome pouvant se révé-
ler bruyamment en cours de grossesse
pourrait avoir de graves conséquences.
En outre, il sera nécessaire de proposer
dans le cadre d’une consultation multi-
disciplinaire d’oncotique un conseil
génétique pour informer et expliquer le
risque de transmission de l’affection à la
descendance. Il est maintenant proposé
une thyroïdectomie prophylactique
chez les enfants porteurs de mutations
germinales de RET [63].
Prise en charge pendant
la grossesse de l’hyperthyroïdie
ou de l’hypothyroïdie foetale
Le diagnostic précoce et le traitement
de l’hyperthyroïdie ou de la hypothy-
roïdie fœtale sont primordiaux et souli-
gnent l’importance de la surveillance
des taux des anticorps anti-TSHr chez les
femmes enceintes aux antécédents ou
avec une maladie de Basedow en cours.
Chez les fœtus qui présentent un goitre,
il est important de déterminer si la cause
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Dysthyroïdies et Grossesse - Médecine Clinique endocrinologie

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