Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 48, Septembre-Octobre 2010 41
roxine a démontré son efficacité dans
la prévention des complications obsté-
tricales de l’hypothyroïdie et des altéra-
tions du développement neurologique
des enfants nés de ces mères [26]. Pop et
al. [29] ont montré que le risque d’ano-
malies du développement associé à une
T4 basse en début de grossesse pouvait
être annulé si la T4 se normalisait au
2ème et 3ème trimestre. Ainsi, toute hypo-
thyroïdie maternelle doit être prévenue
ou dépistée afin de prévenir une insuffi-
sance de substitution chez les patientes
traitées par lévothyroxine pour une
hypothyroïdie antérieure au début de
la grossesse.
Le diagnostic d’hypothyroïdie n’est
pas toujours facile du fait du manque
de spécificité des signes constatés en
cours de grossesse (crampes muscu-
laires, constipation, asthénie et réten-
tion hydrique). Parfois, des signes ou
des contextes plus pertinents viendront
orienter plus fortement le diagnostic
(bradycardie, prise pondérale exces-
sive, sécheresse cutanée, goitre, antécé-
dents familiaux, notions d’auto-immu-
nité). Ce diagnostic reposera toujours
sur le dosage de la TSH et de la T4 libre.
Il devra être réalisé si possible avant le
début de la grossesse ou dès le début de
la grossesse.
La principale étiologie est la thyroï-
dite de Hashimoto. Le diagnostic repose
sur le contexte auto-immun (person-
nel ou familial) et la présence d’anti-
corps anti-thyroïdiens : anticorps anti-
thyroglobuline ou anticorps anti-TPO
(marqueur le plus sensible et le plus
spécifique). De nombreuses complica-
tions obstétricales et une augmenta-
tion de la mortalité périnatale ont été
décrites en cas d’hypothyroïdie associée
à des anticorps anti-thyroïdiens [30].
Une hypothyroïdie maternelle au cours
de la grossesse en rapport avec des anti-
corps anti-thyroïdiens aurait aussi une
valeur prédictive sur les dysfonctionne-
ments thyroïdiens maternels ultérieurs
[31].
En pratique, il faudra songer à prati-
quer un bilan thyroïdien en début
de grossesse devant des symptômes
cliniques ou biologiques d’hypothyroï-
die, un goitre, une anamnèse person-
nelle ou familiale de dysthyroïdie ou
d’affection auto-immune (maladie
de Basedow, thyroïdite d’Hashimoto,
diabète de type 1, polyarthrite, viti-
ligo…), un antécédent d’infertilité, de
fausse couche spontanée ou d’accou-
chement prématuré, et un antécédent
de chirurgie thyroïdienne ou de radio-
thérapie cervicale.
La qualité du contrôle de l’hypo-
thyroïdie pendant la grossesse n’est pas
connue chez les patientes traitées pour
hypothyroïdie congénitale. Le dérou-
lement et l’issue de grossesse de ces
mères ne sont pas connus, compte tenu
de la rareté des grossesses et donc de la
descendance chez des sujets qui présen-
taient un retard psychomoteur impor-
tant avant l’ère du dépistage systéma-
tique. Elles ne devraient a priori pas
différer des autres causes d’hypothyroï-
die.
L’adaptation des doses de
L-thyroxine dès le début de la gros-
sesse des mères traitées pour hypothy-
roïdie quelle qu’en soit la cause, est
donc un enjeu fondamental pour le
bon déroulement de la grossesse, pour
le développement du fœtus, ainsi que
pour le développement futur de l’en-
fant. L’augmentation des besoins en
Thyroxine survient en moyenne dès
le premier mois de grossesse, se pour-
suit jusqu’à la mi-gestation puis reste
en règle stable jusqu’à la fin de la gros-
sesse. Les doses devront donc être adap-
tées très précocement, avec un contrôle
mensuel voire bimensuel si nécessaire,
l’objectif étant d’obtenir une euthyroï-
die tout au long de la grossesse (TSH
entre 0,5 à 2 mUI/ml). Cette augmen-
tation peut d’ailleurs être anticipée en
période préconceptionelle. Il est le plus
souvent nécessaire d’augmenter en
cours de grossesse le traitement substi-
tutif de 25 à 50 % de la posologie habi-
tuelle pour obtenir cet équilibre [15, 61].
Hypothyroïdie frustre
ou sub-clinique
Sa prévalence est de 3 à 4 % en
France. L’hypothyroïdie frustre est défi-
nie par une TSH > 4mUI/mL associé à
une T4 normale, elle a été associée à
un grand nombre de facteur de risque
(surtout vasculaires) à partir d’argu-
ments épidémiologiques et physiolo-
giques (situation de pré hypothyroïdie).
Le seuil de la TSH à partir duquel on peut
parler d’hypothyroïdie frustre en cours
de grossesse, et particulièrement au 1er
trimestre, est probablement abaissé (aux
alentours de 3 mUI/mL). On retiendra
que les mêmes conséquences que celles
de l’hypothyroïdie ont été associées à
l’hypothyroïdie frustre avec des degrés
de gravité moindre, probablement liés à
l’absence d’hypothyroxinémie [32].
Puisque l’hypothyroïdie est
fréquente au cours de la grossesse et
qu’elle entraîne des conséquences
néonatales et pédiatriques, que son
dépistage est facile, accessible et peu
coûteux [33, 34], et que son traitement
pendant la grossesse est efficace (sur les
complications maternelles et foetales)
et sans effet secondaire, un dépistage
de l’hypothyroïdie peut être proposé
[12, 19]. Malgré tout, très récemment,
l’American College of Obstetricians and
Gynecologists (ACOG) n’a pas recom-
mandé de dépister en routine l’hypothy-
roïdie associée à la grossesse [35].
Hyperthyroïdie
Relativement facile quand l’hy-
perthyroïdie est connue avant la gros-
sesse, le diagnostic est difficile en l’ab-
sence d’antécédents connus car la
plupart des signes (troubles de la régu-
lation thermique, de l’appétit, labilité
émotionnelle, tendance à la tachycardie)
peuvent être mis sur le compte de l’état
gestationnel [36].
L’étiologie la plus fréquente de l’hy-
perthyroïdie au cours de la grossesse est
la maladie de Basedow. Son diagnostic
repose sur l’existence d’un goitre homo-
gène et vascularisé, de signes oculaires
(orbitopahie avec signes inflamma-
toire et/ou exophtalmie) et la mise
en évidence d’un taux élevé d’anti-
corps anti récepteurs à la TSH qui sont
le plus souvent stimulants (TRAK).
Les autres étiologies (goitre multino-
dulaire, adénome toxique) peuvent
être retrouvées au cours de la gros-
sesse. L’échographie est alors d’une
aide notable permettant d’orienter le
diagnostic en fonction de l’aspect de la
thyroïde.
Particulière à la grossesse, une mala-
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