Les AGPI retrouvés dans les spermatozoïdes sont
principalement des AGPI à longue chaîne avec une
prédominance des acides gras à 20 et 22 carbones.
Dans nos expériences (Blesbois et al, 1997 ; 2003),
nous avons comparé indépendamment chez le coq et
le dindon adultes l’effet d’aliments iso énergétiques
(11,7 Méga joules /kg chez le coq; 12,5 chez le
dindon), iso lipidiques (7.1% chez le coq, 6.7% chez
le dindon), iso protéiques (13,1% chez le coq, 10,4%
chez le dindon) mais divergeant dans une même
espèce sur leur composition en AGPI. Dans chaque
espèce un des deux aliments testés correspondait au
régime standard de l’espèce (aliment « Maïs ») et
l’autre était enrichi en AGPI n-3 avec 5% d’huile de
poisson ). Les animaux étaient rationnés à 110 g/jour
chez le coq et ad libitum chez le dindon.
Chez le coq comme chez le dindon, le remplacement
dans l’aliment d’une partie des lipides provenant du
maïs et du soja par de l’huile de poisson (riche en
AGPI n-3 à longue chaîne) a entraîné l’augmentation
du taux d’AGPI n-3 dans les spermatozoïdes
(Blesbois et al, 1997 ; 2003 ; Tableaux 1 et 2).
Cependant, l’efficacité de l’incorporation des AGPI n-
3 est bien différente entre les deux espèces. Ainsi,
chez le coq, les variations des taux d’AGPI n-3 de
l’aliment étaient considérables (rapport n-3/n-6 de
0.02 à 0.89) mais les variations retrouvées dans les
spermatozoïdes l’étaient beaucoup moins (rapport n-
3/n-6 de 0.13 à 0.43) traduisant une certaine
résistance des gamètes à l’incorporation des acides
gras alimentaires. Par contre, chez le dindon, les
variations des AGPI alimentaires étaient bien moins
importantes (rapport n-3/n-6 variant de 0.1 à 0.3) et
les variations de composition en acides gras des
spermatozoïdes (rapport n-3/n-6 de 0.07 à 0.4)
reflétaient bien celles des aliments. Ces différences
entre les espèces peuvent avoir deux origines
principales : soit chez le dindon, les variations
d’AGPI proposées dans l’aliment étaient mieux
ciblées par rapport aux besoins de la gamétogenèse
que les variations proposées chez le coq ; soit les
spermatozoïdes de dindon sont naturellement plus
aptes à refléter les variations des acides gras
alimentaires que ceux du coq.
Les taux d’AGPI n-9 des spermatozoïdes n’ont
cependant pas été significativement modifiés par
l’aliment. Cela suggère que, même chez le dindon ou
le C22 :3n-9 est un AGPI majeur, les AGPI n-9 ne
proviennent pas d’une carence alimentaire en AGPI n-
3. Le taux élevé d’AGPI n-9 chez le dindon semble
donc bien être spécifique de cette espèce.
Nous avons par ailleurs montré chez le dindon que la
supplémentation en AGPI n-3 de l’aliment augmentait
les taux d’AGPI n-3 chez les spermatozoïdes
provenant d’animaux en phase optimale de
reproduction, comme chez les mâles en fin de saison
sexuelle (Blesbois et Hermier, 2003 ; Blesbois et al
2003. Ceci implique que les possibilités de transfert
des acides gras de l’aliment vers les tissus de
reproduction ne sont pas affectées par l’altération de
reproduction liée au vieillissement dans la saison
sexuelle.
2. Effets de régimes divergeant en AGPI sur la
fertilité
Les variations de composition de l’aliment en AGPI
n’ont pas toujours donné les résultats espérés sur la
fonction de reproduction des mâles en fonction des
espèces. Ainsi, chez la truite arc en ciel, la fluidité
membranaire des spermatozoïdes a pu être affectée,
mais pas la fertilité (Labbé et al, 1995). Chez le porc
en revanche la supplémentation conjointe de l’aliment
en antioxydants (vitamine E et sélénium) et en AGPI
n-3 a provoqué une amélioration de la fertilité des
mâles, mais sans que l’on puisse savoir si le bénéfice
provenait des antioxydants ou des AGPI n-3, ou les
deux (Penny et al , 2000). Les résultats de fertilité
obtenus chez le coq et le dindon avec de la semence
inséminée fraîche (Tableau 3 ; Blesbois et al, 1997 ;
Blesbois et al, 2003) ont clairement montré que
l’augmentation du taux d’AGPI n-3 dans
l’alimentation améliore la fertilité des mâles
reproducteurs même sans qu’il soit besoin
d’augmenter l’apport habituel en antioxydants dans
l’aliment. Et ceci est vrai même en fin de période de
reproduction chez le dindon.
Ces résultats indiquent bien que chez le coq comme
chez le dindon, les régimes standard des mâles adultes
sont habituellement légèrement déficients en AGPI n-
3 pour les besoins de la reproduction.
Conclusion
Les proportions élevées d’AGPI n-6, et parfois n-9
des spermatozoïdes de volailles semblent bien
spécifiques de ces espèces. Cependant, même si le
besoin en AGPI n-3 semble moins important que dans
d’autres espèces, une quantité significative de ces
AGPI n-3 doit être apportée par l’aliment pour assurer
de façon optimale la reproduction. Ces résultats
doivent être pris en compte dans la formulation des
aliments des volailles mâles adultes.
Remerciements
Pour leur participation indispensable aux travaux du
laboratoire: I Grasseau, D. Philippe, et bien sûr tous
les nombreux coauteurs cités dans les références.
Références bibliographiques
Anderson, G.J.; Connor, W.E.; Corliss, J.D.; Lin,
D.S., 1989. J. Lipid Res, 30; 433-441.
Anderson, G.J. , 1994. J. Lipid Res, 35; 105-111.