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Quaternaire
Revue de l'Association française pour l'étude du
Quaternaire
vol. 24/2 | 2013
Volume 24 Numéro 2
L’éruption phréatomagmatique du Montchié,
Chaîne des Puys, Massif Central français (13,6 ± 1,0
ka)
The phreatomagmatic eruption of Montchié volcano, Chaîne des Puys, French
Massif Central (13.6 ± 1.0 KA)
Didier Miallier, Thierry Pilleyre, Pierre Boivin et Serge Sanzelle
Éditeur
Association française pour l’étude du
quaternaire
Édition électronique
URL : http://quaternaire.revues.org/6512
DOI : 10.4000/quaternaire.6512
ISSN : 1965-0795
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2013
Pagination : 99-107
ISSN : 1142-2904
Référence électronique
Didier Miallier, Thierry Pilleyre, Pierre Boivin et Serge Sanzelle, « L’éruption phréatomagmatique du
Montchié, Chaîne des Puys, Massif Central français (13,6 ± 1,0 ka) », Quaternaire [En ligne],
vol. 24/2 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://
quaternaire.revues.org/6512 ; DOI : 10.4000/quaternaire.6512
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© Tous droits réservés
Quaternaire, 24, (2), 2013, p. 99-107
L’ÉRUPTION PHRÉATOMAGMATIQUE DU MONTCHIÉ,
CHAÎNE DES PUYS, MASSIF CENTRAL FRANÇAIS
(13,6 ± 1,0 KA)
n
Didier MIALLIER1, Thierry PILLEYRE1, Pierre BOIVIN2 & Serge SANZELLE1
RÉSUMÉ
D’épais dépôts d’une formation pyroclastique inconnue auparavant ont été repérés sporadiquement au centre de la chaîne
des Puys. Avec une lithologie polygénique, cette formation a un caractère phréatomagmatique. Le magma juvénile est une trachyandésite (latite) à phénocristaux d’amphibole, pyroxène et feldspath. La datation de ces dépôts par thermoluminescence, en 4 sites
distincts, donne un âge moyen de 13,6 ± 1,0 ka. Leur suivi au sol conduit à l’hypothèse que ces pyroclastites sont issues du cratère
nord-est du Montchié, volcan cartographié jusqu’à présent en cône strombolien à cratères multiples et magma basaltique sensu lato.
La situation stratigraphique de la formation sur le volcan suggère qu’elle appartient à sa dernière phase éruptive, ce qui est corroboré par un relevé LiDAR sur lequel il est possible d’inférer la chronologie relative des différents cratères. Le Montchié est donc
un volcan moins simple que le schéma actuellement admis. L’éruption identifiée ici fournit un nouveau jalon dans la construction
complexe du centre de la chaîne des Puys au Pléistocène supérieur.
Mots-clés : Chaîne des Puys, Montchié, éruption phréatomagmatique, trachy-andésite
ABSTRACT
THE PHREATOMAGMATIC ERUPTION OF MONTCHIÉ VOLCANO, CHAÎNE DES PUYS, FRENCH MASSIF CENTRAL
(13.6 ± 1.0 KA)
Thick layers of a previously unknown volcanic formation were discovered in various places in the centre of the chaîne des
Puys. The new tephra has a polygenic composition with phreatomagmatic features. The fresh magma is trachy-andesite (latite), with
phenocrysts of amphibole, pyroxene and feldspar. The deposits were dated by means of thermoluminescence in 4 distinct places,
with a mean age of 13.6 ± 1.0 ka. Mapping the deposits allowed assuming that they were emitted by the north-east crater of Montchié volcano. The latter was previously described as a basaltic strombolian volcano, with several craters. Tephrostratigraphy of the
deposits on the Montchié itself suggest that they were ejected at the end of the volcanic activity. This conclusion is corroborated by
LiDAR survey data, which enable to infer the relative chronology of the craters. Montchié volcano appears to be less simple than
previously assumed. The eruption identified in the present work provides a new milestone for the complex formation of the centre of
chaîne des Puys during the Upper Pleistocene.
Keywords: Chaîne des Puys, Montchié, phreatomagmatic eruption, trachy-andesite
1 - INTRODUCTION
La chaîne des Puys (Massif central français) est une
province volcanique constituée d’environ 80 édifices
alignés sur un axe nord-sud, sur une trentaine de kilomètres de longueur, sur le horst cristallin du Plateau
des Dômes (Boivin et al., 2009). Ce dernier est limité
à l’est par la faille de Limagne et à l’ouest par la vallée
de la Sioule (fig. 1). La chaîne des Puys est essentiellement constituée de volcans monogéniques présentant
une grande variété de formes, expression d’une série
magmatique alcaline complète du basalte au trachyte et
à la rhyolite. La diversité des compositions est principa-
lement expliquée par une cristallisation fractionnée dans
des réservoirs intermédiaires où le magma a pu séjourner
plus ou moins longtemps au cours de son ascension [cf.
références in Villemant et al. (1980) et Boivin et al.
(2009)]. Les morphologies des volcans ont été contrôlées
par plusieurs facteurs dont certains sont partiellement
liés : la nature du magma et sa viscosité, la dynamique
des éruptions, la topographie préexistante et, enfin, la
présence éventuelle d’eau souterraine, celle-ci ayant pu
provoquer des éruptions phréatomagmatiques.
La chaîne des Puys reste encore mal connue car les
possibilités d’observation du sous-sol sont limitées par
un couvert végétal dense et par la rareté des affleu-
Clermont Université, Université Blaise Pascal, CNRS/IN2P3, Laboratoire de Physique Corpusculaire, BP 80026, 63000 Clermont-Ferrand,
France. Courriels : [email protected], [email protected], [email protected]
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Clermont Université, Université Blaise Pascal, Laboratoire Magmas et Volcans, CNRS/INSU, 5 rue Kessler, 63000, Clermont-Ferrand, France.
Courriels : [email protected]
1
Manuscrit reçu le 24/05/2012, accepté le 14/02/2013
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Fig. 1 : Carte générale de situation.
Encadré : environnement géologique du puy de Montchié, d’après
Boivin et al. (2009). 1/ cône basaltique (puy des Grosmanaux) ; 2/ cônes
trachy-basaltiques (puy Salomon, au nord, et Montchié, au centre) ;
3/ cône trachy-andésitique (puy de Laschamp) ; 4/ coulée de basalte ;
5/ coulée de trachy-basalte ; 6/ dépôts pyroclastiques indifférenciés.
Fig. 1: Situation map. Inset: geological setting of puy Montchié
volcano, after Boivin et al. (2009). 1/ basaltic cone (puy des Grosmanaux); 2/ trachy-basaltic cones (puy Salomon, north, and puy Montchié
in the center); 3/ trachy-andesitic cone (puy de Laschamp); 4/ basalt
flow; 5/ trachy-basalt flow; 6/ varied pyroclastic deposits.
rements naturels ou d’origine anthropique. Ainsi, le
Montchié (autres orthographes : Montchier, Montcheix.
fig. 1) était jusqu’à présent décrit comme un cône strombolien à cratères multiples et à magma basaltique sensu
lato (Boivin et al., 2009). Or, de nouvelles observations
conduisent à remettre en question ce schéma. Dans un
premier temps, nous avons caractérisé une formation
pyroclastique inconnue auparavant, découverte dans une
petite carrière située à l’ouest du puy de Dôme (site de
Terrenoire, fig. 1, 2 et 3), puis la recherche systématique
de la même formation (dénommée TN) en différents
lieux a conduit à l’hypothèse qu’elle a eu le Montchié
pour origine. L’article qui suit développe ces études et en
commente les résultats.
2 - LA FORMATION DE TERRENOIRE (TN)
2.1 - LA COUPE ÉPONYME
C’est dans la coupe de Terrenoire que la formation
éponyme est la plus développée (fig. 3). De plus, elle s’y
insère dans une séquence téphrostratigraphique incluant
plusieurs téphras distincts. Les autres coupes connues
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sont qualitativement moins riches ou bien elles ne sont
pas ouvertes sur toute la hauteur de la formation.
La succession des unités, depuis la base de la coupe,
est la suivante :
– sédiment sablo-argileux fin, emballant des blocs
de trachy-basalte (hawaïte). La partie terminale de ce
niveau (sur quelques centimètres d’épaisseur) contient
de rares micro-restes charbonneux. Ce sont des brindilles d’angiospermes monocotylédones et des formes
fongiques non déterminables (Manon Cabanis, com.
pers.). Une mesure 14C (AMS) sur de tels micro-charbons a conduit au résultat suivant : 12 070 ± 220 BP
(ANNUA-31428, Gif 50024), ce qui correspond à
un âge dans l’intervalle 14,9-13,5 ka [l’âge conventionnel a été corrigé avec le logiciel RenDate de Lanos
et Dufresne (2012), utilisant la courbe IntCal09 de
Reimer et al. (2009)]. L’âge est compté à partir de
2012 et l’intervalle de confiance est de 95 %, comme
pour toutes les datations citées dans cet article). Pour
simplifier l’expression de l’âge – car la distribution
des probabilités n’est pas gaussienne – il peut être
ramené à un âge médian, soit : 14,2 ± 0,7 ka. Le sédiment proche de la surface contient aussi des fragments millimétriques de lave trachytique pouvant être
rapportée au puy Clierzou ou à l’Aumône (cf. fig. 1).
Les trachytes de ces dômes, non datés, ne sont pas
distinguables l’un de l’autre actuellement ;
– formation de cendres et lapilli fortement litée,
avec certaines couches biseautées. La nature des lapilli
(morphologie, chimie et paragénèse) permet de les
rapporter au puy de Côme (Miallier et al., 2008), âgé de
13,7 ± 0,9 ka (Miallier et al., 2012) ;
– formation TN. Sa base est constituée de lapilli
centimétriques lithiques (accidentels et accessoires) et
polylithologiques (socle, scories rouges, basalte) et de
lave juvénile moyennement à très vésiculée. Le haut de
la séquence montre des lits réguliers alternés de lapilli
pluri-millimétriques, globalement de même composition que ceux de la base, avec des variations dans
la granulométrie et dans les proportions des divers
constituants ;
– sol actuel, dont la base contient quelques rares lapilli
d’un trachyte à amphibole attribuable au Vasset (9,2 ±
0,4 ka) ou au Kilian (9,4 ± 0,2 ka), volcans ayant une aire
de dispersion commune et dont les laves sont indiscernables l’une de l’autre (Michon, 1995 ; Miallier et al.,
2012).
2.2 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET DESCRIP­
TION DES PRODUITS DE LA FORMATION DE
TERRENOIRE
La partie supérieure de la formation observée à Terrenoire, d’aspect visuel assez caractéristique, a été repérée
en différents secteurs du centre de la chaîne des Puys
(fig. 2), mais l’identification de chaque dépôt n’a été
validée qu’après analyse.
La granulométrie de TN est monomodale, très légèrement dissymétrique (fig. 4 et tab. 1). Les lapilli
comprennent les éléments caractéristiques suivants :
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Fig. 2 : Carte centrée sur le puy de Montchié.
Taches grisées : dépôts connus du téphra de Terrenoire. Étoile : affleurement présentant des bombes trempées pluri-centimétriques, parfois en chou-fleur.
Cartouches : résultats de datation par thermoluminescence (2s).
Fig. 2: Map centered on Montchié volcano. Grey spots: observed deposits of the Terrenoire tephra. Star: outcrop with pluri-centimetric quenched bombs,
possibly cauliflower-shaped. Boxes: thermoluminescence dating results (2s).
– A - ponces vitreuses colorées (jaunâtres, roses,
rougeâtres), rares et cantonnées à la base de la formation ;
certaines sont rubanées ;
– B - granules faiblement scoriacés, gris, à texture
micro-vésiculée, à amphibole (abondante), pyroxènes
(plus ou moins agglomérés) et feldspaths plagioclases
(plus ou moins déstabilisés). Cette paragenèse est celle
d’une trachy-andésite ;
– C - granules anguleux (clastes), peu ou non vésiculés,
de trachy-andésite à paragénèse identique à B ;
– D - granules anguleux (clastes) de trachy-basalte ou
basalte à olivine et pyroxène ;
– E - scories bulleuses rouges ;
– F - socle (grains de quartz, roches cristallines grenues,
grès, cornéennes…).
Les grains d’aspect juvénile (A, B, C) sont riches en
inclusions appartenant aux catégories D, E et F.
La composition chimique de lapilli sélectionnés visuellement pour leur absence de xénolithes (classes A, B,
C) est variée (fig. 5 et tab. 2). Les lapilli vésiculés sont
dans le champ des trachy-andésites, ce qui corrobore le
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diagnostic pétrographique. Seule une ponce présente une
composition de trachyte (C437B-P4 ; tab. 2). Des lapilli
compacts et anguleux (clastes), ont une composition de
trachy-basalte.
Sur la pente est du puy Montchié (étoile ; fig. 2), une
coupe embryonnaire fournit des lapilli et des bombes
trempées pluri-centimétriques, parfois en chou-fleur,
très riches en inclusions macroscopiques, entre autres de
scorie rouge (fig. 6).
Localement (site de la Fontaine du Loup ; fig. 2), la
séquence se termine par un lit (35 cm de puissance) de
cendres purement magmatiques, de composition identique à celle des lapilli d’aspect juvénile dans la formation TN (échantillon C 658 ; tab. 2).
Le risque de confondre et d’attribuer à une seule éruption des téphras d’origines différentes est minime. Dans la
région, sont connus seulement deux autres téphras appartenant à la même période chronostratigraphique que TN
(entre 10 et 15 ka, environ), et présentant quelques caractères communs, à savoir une composition polylithologique
et un magma juvénile trachy-andésitique : la formation
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Fig. 3 : Log synthétique de Terrenoire.
Le substratum est composé de sédiments argileux emballant des blocs scoriacés de trachy-basalte. Il contient des grains millimétriques de trachyte issus
du Cliersou ou de l’Aumône. Étoile : micro-charbons végétaux dont l’âge 14C corrigé médian est de 14,2 ± 0,7 ka (cf. texte). Longueur de la pelle (pour
l’échelle) : 110 cm.
Fig. 3: Synthetic log of Terrenoire outcrop. The substratum is composed of clayey sediment embedding scoriaceous blocks of trachy-basalt. It contains
millimetric grains of trachyte from Cliersou or Aumône. Star: carbonized minute vegetal remains, which gave a median calibrated 14C age of 14.2 ±
0.7 ka (see text). Length of shovel (for scale): 110 cm.
associée à l’anneau initial du Pariou (El Arabi, 1987 ;
Miallier et al., 2008 ; Boivin et al., 2009) et le téphra CF4
identifié en Limagne et sur ses marges (Vernet & Raynal,
2000 ; Vernet, 2011). Seul le premier est susceptible de
présenter une petite aire de répartition commune avec le
téphra TN, à l’ouest du puy de Dôme, dans le secteur de
Terrenoire. Or, dans ce secteur, la formation du Pariou est
toujours initiée par une couche décimétrique de ponces
claires surmontée d’une couche décimétrique noire très
riche en clastes vitrifiés (Miallier et al., 2008). La formation CF4 se distingue de celle de TN par sa teneur en alcalins et par ses minéraux caractéristiques, l’olivine et le
clinopyroxène (Vernet, 2011).
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2.3 - INTERPRÉTATION ET ORIGINE DE LA
FORMATION
La médiane et l’indice de tri des lapilli de la base du
dépôt (C 437-B ; tab. 1 et fig. 4) suggèrent une mise en
place sous forme de retombées (Fisher & Schmincke,
1984), ce qui est corroboré par le litage régulier observé
sur le terrain (fig. 3), tandis que les mêmes paramètres
situent la partie supérieure du dépôt au niveau des retombées, mais proche de celui des déferlantes (Fisher &
Schmincke, 1984 ; Cas & Wright, 1992). Les deux échantillons sont mal classés (indice de tri compris entre 2 et
4). Leur indice de symétrie (skewness compris entre 0,1
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Tab. 1 : Paramètres de granulométrie pour le niveau de base de la
formation TN (C437-B) et le niveau supérieur (C437).
Skewness : paramètre de symétrie ; kurtosis : coefficient d’aplatissement.
Tab. 1: Grain size parameters for the base level (C437-B) and the upper
level (C437) of the TN formation, respectively.
et -0,1), témoigne d’une distribution proche de la symétrie, cependant la légère asymétrie décelable visuellement
(fig. 4) traduirait un fractionnement lié à un mécanisme
phréatomagmatique (Fischer & Schmincke, 1984). Un tel
mécanisme peut aussi être déduit de la lithologie polygénique des dépôts, de la richesse des lapilli juvéniles
en inclusions xénolithiques et de la présence de bombes
trempées. La suraccumulation des produits derrière des
reliefs ou dans des dépressions (carrière de Terrenoire
et carrière du puy de Barme) peut indiquer une composante latérale de la mise en place. Malheureusement,
les mauvaises conditions d’observation de la formation
étudiée (rareté et faible développement des affleurements
Fig. 4 : Distribution granulométrique du téphra TN dans la coupe
de Terrenoire.
Pourcentage de la masse en fonction du diamètre de la maille (paramètre Phi). Carré vide : base de la formation ; losange plein : milieu de
la formation (analyses S. Jannot).
Fig. 4: Grain size distribution of the TN tephra for the Terrenoire
outcrop. Mass percentage vs mesh size (Phi parameter). Open square:
base of the formation; full diamond: middle of the formation (analyses
by S. Jannot).
utiles) ne permettent pas d’établir les cartes de répartition
(isopaques et isoplèthes) nécessaires à une étude de la
dynamique de dispersion de ces produits.
Le lit supérieur de cendres juvéniles (C-658 ; tab. 2)
observé à la Fontaine du Loup, qui se place dans la
continuité de la formation TN et qui a la même compo-
Tab. 2 : Composition élémentaire des produits du téphra TN (en % massique).
Toutes les analyses ont été effectuées par ICPMS au CRPG (CNRS, Vandœuvre-lès-Nancy). CN : cendres noires ; P : ponce ; L : lave massive ; Lm : lave
micro-vésiculée ; SR : scorie rouge. TN : site de Terrenoire ; FL : la Fontaine du Loup ; B : Barme ; L : cratère de Lolette ; M : flancs du Montchié.
Tab. 2: Elemental composition of the TN tephra products (mass %). All the analyses were performed by ICPMS at CRPG (CNRS, Vandœuvre-lès-Nancy).
CN: black ashes; P: pumice; L: massive lava; Lm: finely vesiculated lava; SR: red scoria. TN: Terrenoire; FL: la Fontaine du Loup; B: Barme; L: Lolette
crater; M: flanks of Montchié volcano.
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Fig. 5 : Distribution des compositions chimiques dans un diagramme TAS (classification IUGS).
Lolette : échantillons prélevés au bord du cratère D. Fontaine du Loup : cendres noires sus-jacentes à la formation TN (C667a). Les symboles ouverts
représentent des lapilli de la formation TN. Carrés noirs : échantillons provenant des cônes du Montchié, hors cratère D, le cratère sud étant représenté
par les 3 points les plus basiques.
Fig. 5: Composition of the lava in a TAS diagram (IUGS classification). Lolette: samples from the rim of crater D. Fontaine du Loup: black ashes above
the TN formation (C667a). Open symbols are for lapilli from the TN formation. Black squares: samples from the Montchié cones, except for crater D; the
southern crater is represented by the 3 points with the most basic composition.
0
5 cm
Fig. 6. Bombes trempées.
Diamètre maximum : environ 9 cm. Origine : étoile sur la figure 2.
Fig. 6: Quenched bombs. Maximal diameter: about 9 cm. Origin: star
on figure 2.
sition chimique (lapilli juvéniles), pourrait être attribué
au même volcan ; dans ce cas, il serait imputable à une
fin d’éruption purement magmatique. Le fait que cet
échantillon soit l’un des moins différenciés, tandis que
l’échantillon le plus différencié (C437B-P4 ; tab. 2) a
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été recueilli à la base de la formation TN, peut suggérer
une zonation de la chambre magmatique, phénomène
commun dans la chaîne des Puys, à l’exemple du Pariou
et de la Nugère (Boivin et al., 2009 ; Vernet & Raynal,
sous presse). Toutefois, l’étalement observé des compositions intermédiaires (fig. 5) n’est apparemment pas lié à
une logique stratigraphique. Il faudrait davantage d’analyses pour préciser ce point.
La concentration des dépôts au voisinage du Montchié,
l’augmentation de la taille des lapilli et la présence de
bombes trempées au voisinage de son cratère nord-est
(lieu-dit Lolette ; fig. 7, D) suggèrent que ce cratère est la
source de la formation TN (N.B. : la carte de répartition
est fortement biaisée par le manque d’affleurements).
Cette hypothèse est renforcée par le fait que la composition chimique de fragments laviques et de scories
rouges prélevés à Terrenoire est identique à celle de la
lave massive et des scories rouges formant le rebord du
cratère (échantillons C668 Sr, C674, et C672 ; tab. 2). Les
très mauvaises conditions d’observation au niveau des
cratères B, B’ et C (boisement très dense, aucun affleurement) ne permettent cependant pas de caractériser ces
trois cratères. Le cratère égueulé A présente quelques
affleurements de scories rouges à faciès de cœur de cône
dont la composition permet de confirmer une nature
basaltique (fig. 5).
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3 - DATATIONS RELATIVE
ET RADIOMÉTRIQUE
En stratigraphie, les seuls produits volcaniques ayant
été observés au-dessus de la formation TN sont attribuables au Kilian ou au Vasset. Le relevé LiDAR du
Montchié met en évidence plusieurs cratères dont
certains se recoupent (fig. 7). L’analyse des recoupements supporte l’hypothèse que les cratères A, B, C et
D se succèdent dans cet ordre (A étant le plus ancien).
B’ est visiblement plus récent que A et B, mais sa situation par rapport aux autres n’est pas certaine et n’a pas
pu être vérifiée par téphrostratigraphie. Une datation
directe des dépôts a pu être réalisée par la méthode de la
thermoluminescence appliquée aux xénolites de quartz
(tab. 3). Quatre âges concordants ont été obtenus pour
quatre sites distincts (fig. 2). La moyenne des âges est
13,6 ± 1,0 ka (le calcul de l’incertitude prend en compte
le fait que certaines causes d’erreurs systématiques sont
communes aux 4 séries de mesures). L’une des principales sources d’incertitude est notre méconnaissance
de la teneur moyenne en humidité du milieu depuis sa
mise en place. En effet, l’eau joue à la fois comme absorbeur des rayonnements ionisants et comme véhicule
des radioéléments solubles (radium et potassium 40).
Incidemment, l’excellente reproductibilité des résultats
(teneurs en radioéléments et âges) d’un site à l’autre
conforte l’hypothèse d’une même origine. L’âge moyen
obtenu est cohérent avec la chronostratigraphie (fig. 3) et
permet de contraindre celui du puy de Côme pour lequel
plusieurs datations sont déjà disponibles par ailleurs (cf.
discussion in Miallier et al., 2012).
La formation TN repose sur le flanc sud du puy de
Barme dont une coulée a été datée par la thermoluminescence des feldspaths à 11,9 ± 2,4 ka (CP 112 ; Guérin,
1983). Compte tenu de leurs incertitudes respectives, les
deux datations (TN et Barme) ne sont pas incompatibles
avec la téphrostratigraphie qui prouve l’antériorité du
puy de Barme. En effet, un calcul statistique effectué sur
la base des résultats numériques indique que la probabilité pour que le puy de Barme soit plus ancien que la
formation TN est d’environ 20 % (calcul effectué avec le
logiciel RenDate de Lanos et Dufresne, 2012).
4 - DISCUSSION ET CONCLUSION
Le Montchié s’avère différent du seul modèle,
sommaire, actuellement proposé (cf. carte in Boivin et
al., 2009) et plus complexe : (1) il comprend au moins
une phase trachy-andésitique, alors qu’il était auparavant considéré comme entièrement trachy-basaltique, et
(2) il achève sa construction, essentiellement strombolienne et marquée par des déplacements de l’évent, par
une éruption phréatomagmatique et probablement un
modeste événement purement magmatique en toute fin
de cycle.
Il conviendra par la suite de reprendre en détail l’étude
du volcan pour déterminer la nature du magma associé
aux différents cratères et pour établir leur chronologie
Fig. 7 : Relevé LiDAR centré sur le puy de Montchié (CRAIG - GeoPhenix 2011). Les cratères sont nommés de A à D dans l’ordre chronologique
hypothétique (A étant le plus ancien).
Fig. 7: LiDAR survey centered on Montchié volcano (CRAIG - GeoPhenix 2011). The craters were denominated A to D, according to the hypothetical
chronological order (A being the oldest one).
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relative par téphrostratigraphie. Cette étude devra aussi
se pencher sur la morphologie irrégulière du cratère
D (fig. 7), pour tenter d’en interpréter la signification.
Mais, d’ores et déjà, le Montchié apparaît intéressant à
plusieurs titres. Le déplacement de ses cratères suggère
l’existence d’une fissure éruptive dont la direction
approximative, N350°, suit un axe assez commun dans
la chaîne des Puys (cf. carte in Boivin et al., 2009).
Cependant, le changement de magma d’un cratère à
l’autre, s’il était confirmé, poserait un problème d’interprétation car la logique des vidanges de chambres
zonées conduit à une évolution vers des magmas de
plus en plus différenciés, à l’exemple du Lantégy, du
Pariou et de la Nugère (Boivin et al., 2009 ; Vernet &
Raynal, sous presse). Ces magmas sont donc habituellement les premiers à sortir. Il ne faut pas, par ailleurs,
exclure l’hypothèse de systèmes volcaniques distincts
ayant fonctionné successivement au même endroit ; un
tel scénario est bien représenté dans la chaîne des Puys,
comme par le puy de Dôme, dôme trachytique érigé au
milieu de cônes trachy-basaltiques. Enfin, une originalité du Montchié est l’occurrence d’une phase phréatomagmatique au sommet et en fin de construction d’un
édifice strombolien. En effet, classiquement pour ce
type de petits volcans monogéniques, la phase phréatomagmatique se produit au tout début d’une séquence
éruptive, au moment où le premier magma ascendant
rencontre l’eau près de la surface. Les exemples sont
nombreux dans la chaîne des Puys (puys de Tressous,
Vichatel, Charmont, La Rodde ; fig. 1). Le seul autre
volcan de type strombolien actuellement connu pour
présenter une éruption phréatomagmatique tardive est
le puy de la Toupe, probablement installé, lui aussi,
sur une fissure, au sud de la chaîne des Puys (Boivin
et al., 2009). D’une part, cela pose une question quant
au mécanisme impliqué et, d’autre part, cela montre
qu’une phase éruptive fortement explosive peut encore
intervenir sur un volcan de ce type, alors qu’elle n’est
plus attendue. Pour ces raisons, la dernière éruption
serait plus vraisemblablement celle d’un nouveau
volcan installé sur un édifice ancien.
La formation de téphra TN peut constituer un repère
chronostratigraphique dans le centre de la chaîne des
Puys, sous réserve qu’elle soit bien distinguée des formations d’âge comparable (Pléistocène supérieur) et de
même nature (lapilli polylithologiques à magma juvénile
de trachy-andésite). En l’état actuel des connaissances, le
risque de confusion est faible. Enfin, l’éruption identifiée
ici constitue un nouveau jalon dans l’évolution volcanique complexe du centre de la chaîne des Puys.
REMERCIEMENTS
Les données LiDAR utilisées dans cette étude ont été
obtenues par le biais d’un projet collectif (LiDARverne)
conduit par le Centre Régional Auvergnat de l’Information Géographique (CRAIG) qui a été soutenu financièrement par le Conseil Général du Puy-de-Dôme, le Fonds
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Européen de Développement Régional (FEDER) et
l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (UBP).
Manon Cabanis (INRAP, Clermont-Ferrand) a analysé
les macrorestes végétaux carbonisés. Séverine Jannot
(LMV, Clermont-Ferrand) a conduit les analyses granulométriques.
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