Quaternaire
Revue de l'Association française pour l'étude du
Quaternaire
vol. 24/2 | 2013
Volume 24 Numéro 2
L’éruption phréatomagmatique du Montchié,
Chaîne des Puys, Massif Central français (13,6 ± 1,0
ka)
The phreatomagmatic eruption of Montchié volcano, Chaîne des Puys, French
Massif Central (13.6 ± 1.0 KA)
Didier Miallier, Thierry Pilleyre, Pierre Boivin et Serge Sanzelle
Édition électronique
URL : http://quaternaire.revues.org/6512
DOI : 10.4000/quaternaire.6512
ISSN : 1965-0795
Éditeur
Association française pour l’étude du
quaternaire
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2013
Pagination : 99-107
ISSN : 1142-2904
Référence électronique
Didier Miallier, Thierry Pilleyre, Pierre Boivin et Serge Sanzelle, « Léruption phréatomagmatique du
Montchié, Chaîne des Puys, Massif Central français (13,6 ± 1,0 ka) », Quaternaire [En ligne],
vol. 24/2 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://
quaternaire.revues.org/6512 ; DOI : 10.4000/quaternaire.6512
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© Tous droits réservés
Quaternaire, 24, (2), 2013, p. 99-107
Manuscrit reçu le 24/05/2012, accepté le 14/02/2013
lement expliquée par une cristallisation fractionnée dans
des réservoirs intermédiaires où le magma a pu séjourner
plus ou moins longtemps au cours de son ascension [cf.
références in Villemant et al. (1980) et Boivin et al.
(2009)]. Les morphologies des volcans ont été contrôlées
par plusieurs facteurs dont certains sont partiellement
liés : la nature du magma et sa viscosité, la dynamique
des éruptions, la topographie préexistante et, enfin, la
présence éventuelle d’eau souterraine, celle-ci ayant pu
provoquer des éruptions phréatomagmatiques.
La chaîne des Puys reste encore mal connue car les
possibilités d’observation du sous-sol sont limitées par
un couvert végétal dense et par la rareté des affleu-
1 Clermont Université, Université Blaise Pascal, CNRS/IN2P3, Laboratoire de Physique Corpusculaire, BP 80026, 63000 Clermont-Ferrand,
France. Courriels : [email protected], Thierry[email protected], serge.sanzelle@wanadoo.fr
2 Clermont Université, Université Blaise Pascal, Laboratoire Magmas et Volcans, CNRS/INSU, 5 rue Kessler, 63000, Clermont-Ferrand, France.
Courriels : P[email protected]v-bpclermont.fr
1 - INTRODUCTION
La chaîne des Puys (Massif central français) est une
province volcanique constituée d’environ 80 édifices
alignés sur un axe nord-sud, sur une trentaine de kilo-
mètres de longueur, sur le horst cristallin du Plateau
des Dômes (Boivin et al., 2009). Ce dernier est limité
à l’est par la faille de Limagne et à l’ouest par la vallée
de la Sioule (fig. 1). La chaîne des Puys est essentielle-
ment constituée de volcans monogéniques présentant
une grande variété de formes, expression d’une série
magmatique alcaline complète du basalte au trachyte et
à la rhyolite. La diversité des compositions est principa-
L’ÉRUPTION PHRÉATOMAGMATIQUE DU MONTCHIÉ,
CHAÎNE DES PUYS, MASSIF CENTRAL FRANÇAIS
(13,6 ± 1,0 KA)
n
Didier MIALLIER1, Thierry PILLEYRE1, Pierre BOIVIN2 & Serge SANZELLE1
RÉSUMÉ
D’épais dépôts d’une formation pyroclastique inconnue auparavant ont été repérés sporadiquement au centre de la chaîne
des Puys. Avec une lithologie polygénique, cette formation a un caractère phréatomagmatique. Le magma juvénile est une trachy-
andésite (latite) à phénocristaux d’amphibole, pyroxène et feldspath. La datation de ces dépôts par thermoluminescence, en 4 sites
distincts, donne un âge moyen de 13,6 ± 1,0 ka. Leur suivi au sol conduit à l’hypothèse que ces pyroclastites sont issues du cratère
nord-est du Montchié, volcan cartographié jusqu’à présent en cône strombolien à cratères multiples et magma basaltique sensu lato.
La situation stratigraphique de la formation sur le volcan suggère qu’elle appartient à sa dernière phase éruptive, ce qui est corro-
boré par un relevé LiDAR sur lequel il est possible d’inférer la chronologie relative des différents cratères. Le Montchié est donc
un volcan moins simple que le schéma actuellement admis. L’éruption identifiée ici fournit un nouveau jalon dans la construction
complexe du centre de la chaîne des Puys au Pléistocène supérieur.
Mots-clés : Chaîne des Puys, Montchié, éruption phréatomagmatique, trachy-andésite
ABSTRACT
THE PHREATOMAGMATIC ERUPTION OF MONTCHIÉ VOLCANO, CHAÎNE DES PUYS, FRENCH MASSIF CENTRAL
(13.6 ± 1.0 KA)
Thick layers of a previously unknown volcanic formation were discovered in various places in the centre of the chaîne des
Puys. The new tephra has a polygenic composition with phreatomagmatic features. The fresh magma is trachy-andesite (latite), with
phenocrysts of amphibole, pyroxene and feldspar. The deposits were dated by means of thermoluminescence in 4 distinct places,
with a mean age of 13.6 ± 1.0 ka. Mapping the deposits allowed assuming that they were emitted by the north-east crater of Mont-
chié volcano. The latter was previously described as a basaltic strombolian volcano, with several craters. Tephrostratigraphy of the
deposits on the Montchié itself suggest that they were ejected at the end of the volcanic activity. This conclusion is corroborated by
LiDAR survey data, which enable to infer the relative chronology of the craters. Montchié volcano appears to be less simple than
previously assumed. The eruption identified in the present work provides a new milestone for the complex formation of the centre of
chaîne des Puys during the Upper Pleistocene.
Keywords: Chaîne des Puys, Montchié, phreatomagmatic eruption, trachy-andesite
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rements naturels ou d’origine anthropique. Ainsi, le
Montchié (autres orthographes : Montchier, Montcheix.
fig. 1) était jusqu’à présent décrit comme un cône strom-
bolien à cratères multiples et à magma basaltique sensu
lato (Boivin et al., 2009). Or, de nouvelles observations
conduisent à remettre en question ce schéma. Dans un
premier temps, nous avons caractérisé une formation
pyroclastique inconnue auparavant, découverte dans une
petite carrière située à l’ouest du puy de Dôme (site de
Terrenoire, fig. 1, 2 et 3), puis la recherche systématique
de la même formation (dénommée TN) en différents
lieux a conduit à l’hypothèse qu’elle a eu le Montchié
pour origine. L’article qui suit développe ces études et en
commente les résultats.
2 - LA FORMATION DE TERRENOIRE (TN)
2.1 - LA COUPE ÉPONYME
C’est dans la coupe de Terrenoire que la formation
éponyme est la plus développée (fig. 3). De plus, elle s’y
insère dans une séquence téphrostratigraphique incluant
plusieurs téphras distincts. Les autres coupes connues
sont qualitativement moins riches ou bien elles ne sont
pas ouvertes sur toute la hauteur de la formation.
La succession des unités, depuis la base de la coupe,
est la suivante :
– sédiment sablo-argileux fin, emballant des blocs
de trachy-basalte (hawaïte). La partie terminale de ce
niveau (sur quelques centimètres d’épaisseur) contient
de rares micro-restes charbonneux. Ce sont des brin-
dilles d’angiospermes monocotylédones et des formes
fongiques non déterminables (Manon Cabanis, com.
pers.). Une mesure 14C (AMS) sur de tels micro-char-
bons a conduit au résultat suivant : 12 070 ± 220 BP
(ANNUA-31428, Gif 50024), ce qui correspond à
un âge dans l’intervalle 14,9-13,5 ka [l’âge conven-
tionnel a été corrigé avec le logiciel RenDate de Lanos
et Dufresne (2012), utilisant la courbe IntCal09 de
Reimer et al. (2009)]. L’âge est compté à partir de
2012 et l’intervalle de confiance est de 95 %, comme
pour toutes les datations citées dans cet article). Pour
simplifier l’expression de l’âge – car la distribution
des probabilités n’est pas gaussienne – il peut être
ramené à un âge médian, soit : 14,2 ± 0,7 ka. Le sédi-
ment proche de la surface contient aussi des frag-
ments millimétriques de lave trachytique pouvant être
rapportée au puy Clierzou ou à l’Aumône (cf. fig. 1).
Les trachytes de ces dômes, non datés, ne sont pas
distinguables l’un de l’autre actuellement ;
– formation de cendres et lapilli fortement litée,
avec certaines couches biseautées. La nature des lapilli
(morphologie, chimie et paragénèse) permet de les
rapporter au puy de Côme (Miallier et al., 2008), âgé de
13,7 ± 0,9 ka (Miallier et al., 2012) ;
– formation TN. Sa base est constituée de lapilli
centimétriques lithiques (accidentels et accessoires) et
polylithologiques (socle, scories rouges, basalte) et de
lave juvénile moyennement à très vésiculée. Le haut de
la séquence montre des lits réguliers alternés de lapilli
pluri-millimétriques, globalement de même compo-
sition que ceux de la base, avec des variations dans
la granulométrie et dans les proportions des divers
constituants ;
– sol actuel, dont la base contient quelques rares lapilli
d’un trachyte à amphibole attribuable au Vasset (9,2 ±
0,4 ka) ou au Kilian (9,4 ± 0,2 ka), volcans ayant une aire
de dispersion commune et dont les laves sont indiscer-
nables l’une de l’autre (Michon, 1995 ; Miallier et al.,
2012).
2.2 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET DESCRIP-
TION DES PRODUITS DE LA FORMATION DE
TERRENOIRE
La partie supérieure de la formation observée à Terre-
noire, d’aspect visuel assez caractéristique, a été repérée
en différents secteurs du centre de la chaîne des Puys
(fig. 2), mais l’identification de chaque dépôt n’a été
validée qu’après analyse.
La granulométrie de TN est monomodale, très légè-
rement dissymétrique (fig. 4 et tab. 1). Les lapilli
comprennent les éléments caractéristiques suivants :
Fig. 1 : Carte générale de situation.
Encadré : environnement géologique du puy de Montchié, d’après
Boivin et al. (2009). 1/ cône basaltique (puy des Grosmanaux) ; 2/ cônes
trachy-basaltiques (puy Salomon, au nord, et Montchié, au centre) ;
3/ cône trachy-andésitique (puy de Laschamp) ; 4/ coulée de basalte ;
5/ coulée de trachy-basalte ; 6/ dépôts pyroclastiques indifférenciés.
Fig. 1: Situation map. Inset: geological setting of puy Montchié
volcano, after Boivin et al. (2009). 1/ basaltic cone (puy des Grosma-
naux); 2/ trachy-basaltic cones (puy Salomon, north, and puy Montchié
in the center); 3/ trachy-andesitic cone (puy de Laschamp); 4/ basalt
flow; 5/ trachy-basalt flow; 6/ varied pyroclastic deposits.
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A - ponces vitreuses colorées (jaunâtres, roses,
rougeâtres), rares et cantonnées à la base de la formation ;
certaines sont rubanées ;
– B - granules faiblement scoriacés, gris, à texture
micro-vésiculée, à amphibole (abondante), pyroxènes
(plus ou moins agglomérés) et feldspaths plagioclases
(plus ou moins déstabilisés). Cette paragenèse est celle
d’une trachy-andésite ;
– C - granules anguleux (clastes), peu ou non vésiculés,
de trachy-andésite à paragénèse identique à B ;
– D - granules anguleux (clastes) de trachy-basalte ou
basalte à olivine et pyroxène ;
– E - scories bulleuses rouges ;
– F - socle (grains de quartz, roches cristallines grenues,
grès, cornéennes…).
Les grains d’aspect juvénile (A, B, C) sont riches en
inclusions appartenant aux catégories D, E et F.
La composition chimique de lapilli sélectionnés visuel-
lement pour leur absence de xénolithes (classes A, B,
C) est variée (fig. 5 et tab. 2). Les lapilli vésiculés sont
dans le champ des trachy-andésites, ce qui corrobore le
diagnostic pétrographique. Seule une ponce présente une
composition de trachyte (C437B-P4 ; tab. 2). Des lapilli
compacts et anguleux (clastes), ont une composition de
trachy-basalte.
Sur la pente est du puy Montchié (étoile ; fig. 2), une
coupe embryonnaire fournit des lapilli et des bombes
trempées pluri-centimétriques, parfois en chou-fleur,
très riches en inclusions macroscopiques, entre autres de
scorie rouge (fig. 6).
Localement (site de la Fontaine du Loup ; fig. 2), la
séquence se termine par un lit (35 cm de puissance) de
cendres purement magmatiques, de composition iden-
tique à celle des lapilli d’aspect juvénile dans la forma-
tion TN (échantillon C 658 ; tab. 2).
Le risque de confondre et d’attribuer à une seule érup-
tion des téphras d’origines différentes est minime. Dans la
région, sont connus seulement deux autres téphras appar-
tenant à la même période chronostratigraphique que TN
(entre 10 et 15 ka, environ), et présentant quelques carac-
tères communs, à savoir une composition polylithologique
et un magma juvénile trachy-andésitique : la formation
Fig. 2 : Carte centrée sur le puy de Montchié.
Taches grisées : dépôts connus du téphra de Terrenoire. Étoile : affleurement présentant des bombes trempées pluri-centimétriques, parfois en chou-fleur.
Cartouches : résultats de datation par thermoluminescence (2s).
Fig. 2: Map centered on Montchié volcano. Grey spots: observed deposits of the Terrenoire tephra. Star: outcrop with pluri-centimetric quenched bombs,
possibly cauliflower-shaped. Boxes: thermoluminescence dating results (2s).
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associée à l’anneau initial du Pariou (El Arabi, 1987 ;
Miallier et al., 2008 ; Boivin et al., 2009) et le téphra CF4
identifié en Limagne et sur ses marges (Vernet & Raynal,
2000 ; Vernet, 2011). Seul le premier est susceptible de
présenter une petite aire de répartition commune avec le
téphra TN, à l’ouest du puy de Dôme, dans le secteur de
Terrenoire. Or, dans ce secteur, la formation du Pariou est
toujours initiée par une couche décimétrique de ponces
claires surmontée d’une couche décimétrique noire très
riche en clastes vitrifiés (Miallier et al., 2008). La forma-
tion CF4 se distingue de celle de TN par sa teneur en alca-
lins et par ses minéraux caractéristiques, l’olivine et le
clinopyroxène (Vernet, 2011).
2.3 - INTERPRÉTATION ET ORIGINE DE LA
FORMATION
La médiane et l’indice de tri des lapilli de la base du
dépôt (C 437-B ; tab. 1 et fig. 4) suggèrent une mise en
place sous forme de retombées (Fisher & Schmincke,
1984), ce qui est corroboré par le litage régulier observé
sur le terrain (fig. 3), tandis que les mêmes paramètres
situent la partie supérieure du dépôt au niveau des retom-
bées, mais proche de celui des déferlantes (Fisher &
Schmincke, 1984 ; Cas & Wright, 1992). Les deux échan-
tillons sont mal classés (indice de tri compris entre 2 et
4). Leur indice de symétrie (skewness compris entre 0,1
Fig. 3 : Log synthétique de Terrenoire.
Le substratum est composé de sédiments argileux emballant des blocs scoriacés de trachy-basalte. Il contient des grains millimétriques de trachyte issus
du Cliersou ou de l’Aumône. Étoile : micro-charbons végétaux dont l’âge 14C corrigé médian est de 14,2 ± 0,7 ka (cf. texte). Longueur de la pelle (pour
l’échelle) : 110 cm.
Fig. 3: Synthetic log of Terrenoire outcrop. The substratum is composed of clayey sediment embedding scoriaceous blocks of trachy-basalt. It contains
millimetric grains of trachyte from Cliersou or Aumône. Star: carbonized minute vegetal remains, which gave a median calibrated 14C age of 14.2 ±
0.7 ka (see text). Length of shovel (for scale): 110 cm.
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