18 PARTICIPER Septembre • Octobre • Novembre 2014
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)Dossier(
18 PARTICIPER Septembre • Octobre • Novembre 2014
La plupart des propositions
portées par le Mouvement Scop
ont été reprises : gouvernement
et parlementaires reconnaissent la
capacité des Sociétés coopératives
et participatives à œuvrer pour
l’emploi.
Fruit d’un long travail législatif du gouvernement, des deux
Assemblées et des acteurs de l’ESS, la loi de l’économie sociale et
solidaire est définitivement adoptée depuis le 21 juillet.
Le texte assure la reconnaissance d’une économie proche du
terrain, génératrice de reprises pour les PME et porteuse de
nouveaux emplois dans les territoires.
L’ESS a désormais sa loi
projet de loi relatif à l’économie sociale
et solidaire, il ache pour ambition de
faire reconnaître et développer ce sec-
teur autour de cinq grands objectifs :
amplifier le financement des entreprises
et structures de l’ESS, donner du pou-
voir d’agir aux salariés, créer de l’em-
ploi dans les territoires, consolider le
modèle économique des entreprises de
l’ESS et inscrire les politiques publiques
de l’ESS dans la durée. Lors de la deu-
xième lecture à l’Assemblée nationale
en mai dernier, Carole Delga, secrétaire
d’État chargée du Commerce, de l’Arti-
sanat, de la Consommation et de l’Eco-
nomie sociale et solidaire, alors nou-
vellement nommée, se réjouissait que
«le débat parlementaire [avait] enrichi le
texte du gouvernement », permettant à
«la France [de devenir] l’un des pays les
plus avancés au monde en la matière1».
«On peut parler d’une grande écoute du
gouvernement et des parlementaires, rap-
pelle Patricia Lexcellent, déléguée gé-
nérale de la CG Scop. La plupart des pro-
positions portées par le Mouvement Scop
ont été reprises dans le texte, sans doute
près une année de débat parlementaire,
le projet de loi relatif à la reconnaissance
et au développement de l’Économie so-
ciale et solidaire en deuxième lecture a
été définitivement adopté le 17 juillet au
Sénat puis le 21 juillet à l’Assemblée na-
tionale. Une loi pour un secteur dont le
périmètre a été élargi au-delà des orga-
nisations traditionnelles de l’ESS (asso-
ciations, coopératives, mutuelles, fon-
dations). Une loi qui, pour la première
fois, en donne une définition et struc-
ture les politiques publiques en sa fa-
veur. Ce texte a donné lieu à un intense
travail parlementaire, avec pas moins
de sept commissions sollicitées et un
dialogue permanent avec les acteurs
du secteur que tous saluent. Le déve-
loppement des Sociétés coopératives et
participatives est encouragé à travers
de nombreuses mesures en faveur de la
transmission d’entreprises aux salariés,
la constitution de groupements coopé-
ratifs, la reconnaissance des Scic et des
coopératives d’activités et d’emploi.
Lorsque Benoît Hamon, alors ministre
de l’ESS, dépose le 24 juillet 2013 un
A
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parce que gouvernement et parlementaires
ont vu dans les Sociétés coopératives et
participatives des moyens de développer
l’emploi ; elles répondent en eet aux en-
jeux de transmission des PME, de maintien
et développement de l’activité sur les ter-
ritoires.» Le Cese (Conseil économique,
social et environnemental) se félicite
également de la reprise de plusieurs de
ses préconisations formulées dans ses
avis, notamment sur le droit d’informa-
tion des salariés dans les entreprises de
moins de 250 personnes, le dispositif
d’amorçage permettant aux salariés sou-
haitant reprendre leur entreprise sans
être forcément majoritaires dès le départ
ainsi que les dispositions visant à créer
de nouveaux instruments financiers.
« Démarche inclusive »
La loi comprend pas moins de 90 articles,
qui traitent autant de dispositions com-
munes à l’ESS que de mesures spéci-
fiques à chacune des grandes familles du
secteur (Scop, mutuelles, associations et
fondations). La première partie du texte
(10 premiers articles) définit l’économie
sociale et solidaire, dans une « démarche
inclusive» qui associe aux acteurs statu-
taires du secteur des sociétés commer-
ciales qui en respecteraient les valeurs et
principes : un but poursuivi autre que le
partage des bénéfices, une gouvernance
démocratique qui prévoit l’information et
la participation de toutes les parties pre-
nantes à l’activité de l’entreprise, la consti-
tution de réserves impartageables et d’un
fonds de développement. Les critères ain-
si définis conditionnent l’accès aux fonds
spécifiques dédiés à l’ESS, notamment
par la Banque publique d’investissement
(Bpifrance). La rédaction d’une charte des
bonnes pratiques (qui ne s’appliquera pas
aux coopératives déjà soumises à la révi-
sion), sera confiée au Conseil supérieur
de l’économie sociale et solidaire (CSESS,
voir plus bas). «Nous serons vigilants sur
son contenu et son application, arme
Patricia Lexcellent. Au même titre que les
coopératives sont soumises régulièrement
à la révision coopérative, il est important
de s’assurer de la régularité du contrôle du
respect des principes pour toutes les entre-
prises qui se revendiquent de l’ESS». Dans la
majorité présidentielle, on voit dans cette
démarche inclusive un moyen de déve-
lopper davantage le secteur.
Changer d’échelle
Au nombre des mesures importantes
pour le Mouvement Scop, on doit citer
la Scop d’amorçage, un outil facilitant
la transmission d’entreprises en bonne
santé à leurs salariés. Ce nouveau dis-
positif prévoit que les salariés puissent
être minoritaires au capital le temps
de réunir les fonds pour être majori-
taires (au moins 51 %), un délai qui
ne peut excéder 7 ans. Minoritaires
en capital, les salariés repreneurs n’en
doivent pas moins rester majoritaires
en droit de vote aux assemblées géné-
rales (65%). La loi précise que lorsque
les associés non salariés cèdent leurs
parts ou se les font rembourser par la
société, celles-ci peuvent être majo-
rées d’un « coût de détention provisoire
des titres », une disposition qui doit
Yves Blein, député SRC du Rhône,
rapporteur pour la Commission des
Aaires économiques du projet de loi
ESS
En tant que rapporteur, que diriez-
vous de la philosophie générale de ce
texte, vous semble-t-il répondre aux
enjeux du secteur ?
C’est la première fois sous la 5e Répu-
blique qu’un texte s’attache à définir l’en-
semble du périmètre de l’économie so-
ciale et solidaire. D’autres lois antérieures
régissaient les diérentes familles du sec-
teur, mais rien n’existait pour l’ensemble.
Aujourd’hui, on dispose d’une définition
française de l’ESS.
Autre point stratégique du texte : l’orga-
nisation de la représentation du secteur,
avec un Conseil supérieur de l’ESS, consul-
tatif, placé auprès du gouvernement,
comprenant des représentants du sec-
teur, des administrations, etc. Un conseil
voulu très ouvert qui sera interrogé sur
toute stratégie générale concernant l’ESS.
Et deux instances propres aux acteurs
du secteur : les chambres régionales de
l’ESS (Cress), interlocutrices demain des
conseils régionaux et des préfets, et une
Chambre française de l’ESS, interlocutrice
des pouvoirs publics, qui sera le haut-
parleur du secteur à l’échelle européenne.
Quels points vous semblent particuliè-
rement structurants pour le secteur?
Ce texte a une ambition économique
claire, avec des outils pour chacun des
métiers et des secteurs propres à leur dé-
veloppement. Au nombre de ceux-là, on
peut notamment parler des Scop d’amor-
çage, pour la création ou la reprise d’acti-
vités, quand les salariés ne disposent pas
des capitaux nécessaires. On peut encore
citer les groupements de coopératives, at-
tendus par les acteurs du mouvement, ou,
dans un autre domaine, les groupements
de mutuelles, pour pouvoir naviguer en
escadrille, être plus forts et proposer des
ores plus charpentées.
Quels points avez-vous particuliè-
rement soutenus et pour quelles
raisons?
Personnellement, j’ai tenu à défendre la
représentation du secteur et le champ as-
sociatif (formation des dirigeants, préci-
sion juridique de la notion de subvention,
etc.), parce que sur ces points-là, le texte
initial demandait à être musclé. Mais au-
Yves Blein
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être inscrite dans les statuts de la Scop.
Le législateur a imaginé la Scop d’amor-
çage comme un instrument favorisant le
développement des Sociétés coopératives
et participatives, mais avant tout comme
un moyen de maintenir les emplois sur
les territoires. La loi prévoit d’ailleurs que
les entreprises rentables qui ferment sans
chercher de solutions de reprise pourront
être financièrement sanctionnées.
Autre mesure importante pour le Mou-
vement : les groupements de Scop, qui
répondent clairement à l’objectif de déve-
loppement des Scop existantes en favo-
risant leurs regroupements, ou en trans-
formant des filiales en Scop sans perdre
le contrôle sur l’ensemble du groupe. L’ar-
ticle permet en eet à une Scop « mère »
de détenir immédiatement jusqu’à 51 %
du capital (ce pourcentage pouvant être
supérieur pendant une période de 10 ans
si la Scop détenue est issue de la transfor-
mation d’une filiale). Ce faisant, la Scop
mère inscrit pleinement et dans le temps
les filiales dans une stratégie commune et
coopérative.
Des CAE et des Scic renforcées
Au-delà des seules Sociétés coopéra-
tives et participatives, la loi réarme la
place des coopératives en général, dont
elle simplifie et modernise le fonction-
Marc Daunis, sénateur des
Alpes-Maritimes, rapporteur
pour la Commission des Aaires
économiques du projet de loi ESS
delà, le texte devrait permettre aux autres
acteurs du monde économique de mieux
repérer l’ESS dont ils ne connaissaient,
jusqu’à présent que quelques projets.
Disons que nous avons donné des haut-
parleurs à l’ESS.
Une fois le texte adopté, y a-t-il des
points dont l’application demandera
une certaine vigilance ?
Non. En revanche, il faut maintenant faire
vivre la loi car le plus grand danger pour
un texte de loi, c’est d’être mort... Ce texte
est largement porté par le gouvernement.
Et Carole Delga le porte avec dynamisme.
Mais il faut aussi que les acteurs s’en em-
parent. Ce que les acteurs en auront fait
d’ici les prochaines élections présiden-
tielles sera déterminant.
Le texte de loi encourage la reprise d’entreprises par les salariés
nement issu de la loi de 1947. La défini-
tion réactualisée de la coopérative (une
société constituée par plusieurs per-
sonnes volontairement réunies en vue de
satisfaire à leurs besoins économiques ou
Marc Daunis
En tant que rapporteur sur ce projet
de loi, que diriez-vous de la philoso-
phie générale du texte ? Vous semble-
t-il répondre aux enjeux de développe-
ment du secteur ?
Le projet de loi économie sociale et soli-
daire a un double objectif : reconnaître les
valeurs de l’ESS, un mode d’entreprendre
diérent où le profit maximal n’est plus
le moteur quasi unique de l’entreprise, et
lui permettre de changer d’échelle pour
participer aux changements profonds de
notre monde en mutation. En apportant
une définition claire de l’ESS et de l’utilité
sociale, en permettant aux acteurs actuels
de l’ESS d’être mieux identifiés et au mo-
dèle actuel de se développer en renfor-
çant les valeurs des acteurs traditionnels
de l’ESS, tout en permettant l’inclusion
d’« entrepreneurs sociaux », j’ai la convic-
tion que ce projet de loi lui permettra de
franchir une nouvelle étape.
Quels sont les points que vous avez
plus particulièrement soutenus ? Les-
quels vous semblent les plus structu-
rants pour l’ESS en général, pour les
Scop en particulier ?
© Setco
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sociaux par leur eort commun et la mise
en place des moyens nécessaires, dans
toutes les branches de l’activité humaine)
réarme ses principes fondateurs : une
adhésion volontaire et ouverte à tous,
une gouvernance démocratique, la parti-
cipation économique de ses membres, la
formation desdits membres et la coopé-
ration avec les autres coopératives. La loi
apporte aussi aux coopératives d’activi-
tés et d’emploi (CAE) leur reconnaissance
institutionnelle. Elle en donne une défi-
nition précise et inscrit dans le Code du
travail le régime d’entrepreneur-salarié.
Une disposition importante pour recon-
naître la spécificité de l’approche des
coopératives pour favoriser l’entrepre-
neuriat dans un cadre collectif sécurisé,
souvent en butte à l’incompréhension de
l’Urssaf ou de l’Inspection du travail. La
loi consacre aussi le principe de double
qualité dans les CAE en instituant l’obli-
gation pour les entrepreneurs-salariés de
devenir associés de la CAE dans un délai
maximal de 3 ans.
Elle précise aussi le statut des Sociétés coo-
pératives d’intérêt collectif (Scic). C’est ain-
si que la loi élargit la catégorie (obligatoire)
des salariés à des « producteurs de biens ou
de services » de la coopérative, et simplifie
la définition des autres catégories. Elle au-
Le texte de loi sur l’ESS a donné lieu à un intense travail parlementaire
torise surtout une participation renforcée
des collectivités locales dans leur capital
(jusqu’à 50 %).
Droit d’information des salariés :
beaucoup de bruit pour rien ?
Dans toutes les entreprises de moins de 50
salariés, le chef d’entreprise aura l’obliga-
tion d’informer ses salariés de son inten-
tion de céder l’entreprise, au moins deux
mois à l’avance, le temps pour les salariés
de présenter une ore de reprise informée
et étayée. Ce droit d’information des sala-
riés était déjà inscrit dans la loi française
et dans la législation européenne pour les
entreprises de plus de 50 salariés et donc
soumises à l’obligation de mettre en place
un comité d’entreprise. De son côté, une
directive européenne (qui n’a pas encore
été transposée en France) relative au main-
tien des droits des travailleurs en cas de
transfert de l’entreprise ou de ses établis-
sements, fixe l’obligation pour le cédant et
le cessionnaire d’une entreprise d’informer
les représentants des travailleurs concer-
nés par le transfert de la date de la cession
prévue, de son motif, des conséquences
juridiques, économiques et sociales de ce
transfert pour les travailleurs et des me-
sures envisagées à l’égard des travailleurs.
La directive précise : « Le cédant est tenu de
D’abord, la territorialisation de l’éco-
nomie. Cette loi, cest le pari de l’in-
telligence territoriale et de la création
d’emplois, en renforçant l’économie
dans nos territoires. 75 % des lieux
de décision des coopératives sont si-
tués en région, alors que 90 des 100
premières entreprises françaises ont
leur siège en Île-de-France. Ensuite, le
droit d’information du salarié (articles
11 et 12) : cette disposition fondamen-
tale va permettre aux salariés de pou-
voir faire une offre de reprise lors de la
cession de leur entreprise. J’ai tenu en
première lecture à étoffer la démarche
en leur permettant d’être informés
des possibilités de rachat tout au long
de la vie de l’entreprise, tout en ren-
forçant l’obligation de discrétion de
chaque salarié entrant dans le proces-
sus de rachat afin de garantir le secret
des négociations. 50 000 emplois
sont détruits chaque année dans des
entreprises saines, faute de repreneur.
Nous ne devons pas nous priver d’un
tel levier pour redresser l’emploi…
Cette disposition permettra égale-
ment de reconsolider le lien entre les
salariés et le chef d’entreprise autour
du projet entrepreneurial. Certaines
entreprises ont malheureusement ten-
dance à oublier que le salarié est plus
qu’un simple outil de production. C’est
d’abord une femme ou un homme qui
fait la plus-value de l’entreprise dans
laquelle elle/ il évolue dès lors qu’elle/
il y est associé. Dernier point structu-
rant, l’introduction d’une définition de
« l’innovation sociale » qui servira de
support au futur Fonds d’innovation
sociale de 20 millions d’euros créé par
le Président de la République.
Propos recueillis par HS
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