lillusion comique - Atelier Théâtre Jean Vilar

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DOSSIER PEDAGOGIQUE
L!ILLUSION COMIQUE
Pierre Corneille
Distribution
Adaptation et mise en scène : Marion Bierry
Avec
Bernard Ballet
Daniel Besse
Benjamin Boyer
Arnaud Décarsin
Marianne Epin
Christine Gagnieux
Vincent Heden
Elisabeth Vitali
Un spectacle du Théâtre de Poche Montparnasse présenté par Atelier Théâtre
Actuel.
Dates : du 2 au 5 octobre 2007
Lieu : Théâtre Jean Vilar
Durée du spectacle : 1h45 sans entracte
Réservations : 0800/25.325.
Contact écoles :
Adrienne Gérard
010/47.07.11 – 0473/936.976
[email protected]
I. Résumé de la pièce
Pridamant est très inquiet et préoccupé : il n!a aucune nouvelle de son fils Clindor depuis dix
ans. Suivant les conseils de son ami, Dorante, il va consulter Alcandre, un grand magicien
qui propose de lui retracer tous les périples de son fils.
Clindor est le valet de Matamore, lui-même amoureux d'une Isabelle. Mais
Matamore ignore que Clindor et Isabelle sont amants.
Cependant, Géronte, le père d!Isabelle, veut qu!elle se marie avec Adastre.
Lyse, la servante d!Isabelle révèle à Adastre l!heure et la date du prochain
rendez-vous des deux amants. Lors de cette rencontre, Clindor tue le
gentilhomme et est envoyé en prison. Mais Isabelle et Lyse parviennent à le
sortir de sa cellule avec la complicité du geôlier.
Alcandre montre alors à Pridamant la vie actuelle de son fils.
Clindor est devenu un grand seigneur, mais il trompe Isabelle avec Rosine
l'épouse du prince.
Isabelle s!en rend compte et menace de se suicider s!il continue à la tromper
avec la princesse. Mais en dépit de cet avertissement, on retrouve finalement les
deux amants morts dans les bras l'un de l'autre.
Pridamant est au bord du désespoir et veut se suicider. Mais Alcandre lui montre la dernière
scène.
Tous les personnages se relèvent et partagent l'argent gagné durant la pièce de
théâtre. Eh oui, Clindor était en fait un comédien en train de jouer une pièce.
2. L!Auteur
Pierre Corneille naît à Rouen le 6 juin 1606. Il est issu d!une famille de magistrats et est
l!aîné de cinq frères et sœurs. Il fait ses études secondaires chez les jésuites et son rêve est
de devenir avocat.
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En 1626, il commence des études de droit. Suite à cela, il entame sa carrière d!avocat,
métier qu!il exerce jusqu!en 1651.
Parallèlement, Corneille écrit. En 1629, il achève sa première création, une comédie ayant
pour titre Mélite ou les fausses lettres. Il propose alors à une troupe d!acteurs itinérants de la
jouer à Paris. Et c!est un succès ! Corneille, qui n!a encore que 23 ans décide alors
d!entreprendre une carrière théâtrale.
De 1630 à 1636, Corneille écrit cinq nouvelles comédies et contribue ainsi à réhabiliter un
genre jugé secondaire à l!époque. En effet, on reproche au genre comique ses outrances et
sa vulgarité, mais Corneille réussit à emprunter une voie qui refuse le grotesque pour
privilégier la peinture des caractères et des mœurs.
Il écrit Clitandre ou l'Innocence persécutée en 1631, La Veuve en 1632, La Galerie du palais
en 1633, La Suivante en 1634, La Place royale ou l'Amoureux extravagant en 1634, et
Médée en 1635.
Les succès qu'il connaît avec ces comédies permettent à Corneille d'être engagé, avec
quatre autres auteurs, par Richelieu pour rédiger des tragédies et des comédies que le
cardinal se plaît à imaginer.
En 1636, il écrit l'Illusion comique, une comédie qui va marquer un tournant dans sa carrière
littéraire puisque, après l!avoir écrite, il écrira essentiellement des tragédies.
La même année, il écrit Le Cid, une tragi-comédie inspirée d'une épopée espagnole. Cette
pièce est incontestablement un des plus grands succès de Corneille. Paris n'a jamais connu
un tel triomphe et ne parle plus que du cas de conscience de Rodrigue, partagé entre son
amour pour Chimène et sa volonté de venger Don Diègue, son père offensé.
Ce triomphe marque un tournant dans la carrière de l'auteur : alors que la pièce le consacre
comme le maître incontesté de la dramaturgie, Corneille doit affronter la jalousie de ses
rivaux. Ceux-ci déclenchent une polémique que l'on appellera "la querelle du Cid". Ils lui
reprochent tour à tour d'avoir copié abusivement Guillen de Castro, un auteur espagnol, et de
n'avoir pas respecté les règles d'or du théâtre classique, notamment les règles de la
vraisemblance et de la bienséance, ainsi que celle des trois unités (temps, lieu et action).
Cette querelle se poursuit pendant près d'un an. Richelieu apporte tout d'abord un soutien
discret aux adversaires de Corneille, dont Mairet est un des leaders. Il pousse également
l'Académie française à publier un texte critique contre cette tragi-comédie. Mais devant le
triomphe durable du Cid, Richelieu joue finalement l'apaisement en demandant à Corneille et
Mairet de se réconcilier.
Cet épisode va forcer Corneille à garder le silence pendant près de trois ans. Et c!est donc
en mai 1640 qu!il revient avec Horace, une tragédie romaine qui est un nouveau succès.
Au printemps de l!année suivante, Corneille épouse Marie de Lampérière, fille d'un
lieutenant, avec laquelle il aura sept enfants.
Les années quarante sont les années de gloire de Corneille. De fait, il est célébré par le
public, reconnu par ses pairs, et financé par le pouvoir.
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En 1642, Cinna ou la Clémence d'Auguste, une tragédie, lui apporte la consécration. On le
considère comme le plus grand poète dramatique de son temps. Et on le qualifie même de
"Sophocle français".
Après ce nouveau succès, la série des tragédies continue. La même année, il écrit
Polyeucte. En 1643, La Mort de Pompée lui permet de régler ses comptes avec Richelieu
avant de passer à une nouvelle comédie : Le Menteur. Il sort La suite du Menteur en 1644,
Rodogune une tragédie sur la guerre civile en 1645, et Théodore, vierge et martyr et
Héraclius en 1646. Finalement, l!année suivante, Corneille est reçu à l'Académie française.
En 1648 commence la Fronde, la dernière guerre menée contre le roi de France par les
Grands du royaume. Cette période d!environ cinq années sera marquée par de nombreux
troubles et de fausses trêves.
Durant cette période, Corneille continue néanmoins à écrire. Andromède et Nicomède lui
apportent encore le succès, mais les tragédies Don Sanche d!Aragon et Pertharite sont de
gros échecs. Ce désaveu incite Corneille à renoncer au théâtre et à se consacrer à la
traduction de l'Imitation de Jésus-Christ qu!il publie en 1656.
Trois ans plus tard, il revient avec succès au théâtre avec Œdipe, une tragédie écrite à la
demande de Fouquet, le surintendant des Finances. Il publiera ensuite trois Discours sur l'art
dramatique. Et son Œuvre paraît en recueils. Corneille est alors le seul écrivain vivant à être
publié dans ce format, privilège réservé aux auteurs classiques.
Malgré cette reconnaissance, Corneille, depuis quelques années, voit apparaître en Racine
un terrible rival. De fait, en 1667, Racine connaît avec Andromaque, un triomphe qui n'est
pas sans rappeler celui du Cid, trente ans plus tôt.
Les deux auteurs se trouvent donc en concurrence, et celle-ci est d!autant plus forte
lorsqu'en 1670, ils créent simultanément une pièce sur le même thème. Racine triomphe
avec sa Bérénice, alors que le Tite et Bérénice de Corneille ne rencontre qu'un succès
mitigé.
Suite à cela, mais également aux échecs de Pulchérie, une comédie héroïque en 1672, et de
la tragédie Surena, Corneille décide de cesser son activité d!auteur dramatique.
Malgré tout, il reste l!un des auteurs le plus célèbre de son temps et ses pièces sont rejouées
régulièrement à Versailles, devant Louis XIV.
En 1684, Corneille décède à Paris, laissant derrière lui une œuvre impressionnante.
La caractéristique de son théâtre est d!être dense et étonnamment moderne. Il présente des
héros d!une rare grandeur, confrontés à des situations nécessitant des choix difficiles. Ses
personnages ont pour qualités l!honneur, le devoir, l'élévation de pensée. Ceux-ci ont un
code moral et politique exigeant, mais qui n!exclut aucunement les sentiments et l!ironie.
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3. Schéma des relations
4. Structure
La pièce est une illusion. Dans le chef de Pridamant, père de Clindor, qui se fait piéger par la
manière dont Alcandre lui conte la vie de son fils, mais également dans le chef du spectateur
qui est troublé par les enchâssements successifs et un jeu d!apparences trompeuses.
A. Le choix du titre
On distingue donc deux pièces (au moins) dans l!Illusion comique : la première dont le sujet
est la réconciliation d'un père avec son fils ; la seconde qui raconte les amours tragiques de
Clindor et d'Isabelle. Il s!agit d!une pièce de théâtre qui en raconte une autre en donnant
l'illusion que l'histoire est vraie.
Généralement, le titre d!une œuvre théâtrale informe sur son contenu, ses thèmes et son
sens. Corneille, contrairement à ses pièces précédentes, ne se réfère ici ni à un personnage,
ni à un lieu. Sa pièce a pour sujet central l!illusion qui est une caractéristique du théâtre, et
en même temps, elle appartient au genre comique.
On identifie un triple sens au mot « comique » : la pièce suscite le rire et a un dénouement
heureux. Mais rappelons que le mot « comique » n!avait pas alors le sens plus restreint
qu!on lui donne aujourd!hui et qu!on pourrait rapprocher de « drôle, amusant ». A cette
époque, « comique » désigne initialement ce qui concerne la comédie dans un sens très
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général : « Qui appartient au théâtre et plus spécialement à la comédie. ». Au XIVe Siècle, le
mot « comédie » désigne d!ailleurs n!importe quelle pièce de théâtre, quel que soit le genre
auquel elle appartient. « L!illusion comique » pourrait se traduire aujourd!hui par « L!illusion
théâtrale. »
Le mot « illusion » peut lui aussi revêtir un triple sens : il y a la fantasmagorie créée par
Alcandre pour Pridamant, il y a le langage trompeur de la pièce, et enfin les quiproquos dus à
la mise en scène ambiguë de la pièce dans la pièce à l!acte V.
L!interaction des deux termes, « illusion » et « comique », enrichit encore le réseau de
significations. Corneille exalte la merveilleuse puissance trompeuse du théâtre. Cette
tromperie ou plutôt cette magie du théâtre est le véritable sujet de la pièce.
B. Le caractère baroque
Les principaux thèmes de cette pièce – l!instabilité du monde, la magie du théâtre, la vérité et
le mensonge, le triomphe des apparences – sont les thèmes récurrents de la littérature
baroque, et sont contenus dans les diverses connotations du titre.
Ce titre est en fait représentatif de l!esthétique baroque que Corneille cherche à explorer.
Dans le théâtre baroque, le monde est vu comme une scène de théâtre où se joue la
comédie humaine. Selon l!expression shakespearienne : le monde est un scène où chacun
doit jouer un rôle. La vie est un songe comme le théâtre et tout y est illusoire et éphémère. Il
s!établit en fait tout un réseau de similitudes entre le théâtre et la vie.
Pratiquement, J. Rousset définit, dans son ouvrage La Littérature de l!âge baroque en
France, le procédé du théâtre dans le théâtre de la manière suivante : « Le théâtre y joue à
se réfléchir dans son propre miroir par le moyen de la pièce intérieure […] Les spectateurs
de la salle voient sur la scène une salle de spectacle et, dans cette seconde salle, des
acteurs qui sont aussi des spectateurs, lesquels regardent d!autres acteurs. L!acteur se
trouve ainsi projeté hors de son rôle et se voit jouant, comme le spectateur se voit
regardant ».
Les personnages jouent l!illusion, se font des illusions sur eux-mêmes ou sur autrui ou
veulent en donner aux autres. Le spectateur est généralement la première victime de ce jeu
de dupes.
Le caractère baroque de la pièce induit par la construction gigogne multiplie les centres
d!intérêt. Ce qui entraîne naturellement une grande différence de tons. Le sujet initial
s!enrichit de personnages et d!intrigues secondaires. Tous les personnages sollicitent notre
intérêt, parfois en même temps, parfois l!un après l!autre, mais aucun ne domine la pièce
complètement.
Mais la pièce apparaît également comme profondément baroque en ce que Corneille
s!écarte de la droite ligne du théâtre classique.
La règle fondamentale du théâtre classique est la règle des trois unités. Celle-ci a (soidisant) pour but de permettre au dramaturge d'accroître l!efficacité théâtrale, et de rendre
l'action plus vraisemblable.
- l'unité d'action permet de concentrer l'intérêt dramatique sur le sujet principal de l'œuvre, et
de simplifier l'intrigue. Il faut donc proscrire les intrigues secondaires.
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- l'unité de temps insiste sur le fait que la durée de la représentation théâtrale doit coïncider
avec la durée des actions représentées. L'action n'excède donc généralement pas les vingtquatre heures pour éviter l'invraisemblance.
- l'unité de lieu implique que l'action se déroule en un lieu unique. Pour que l'espace
scénique coïncide avec le lieu de l'action représentée.
Outre cette règle des trois unités, l!unité de ton doit être respectée pour maintenir la
séparation des genres (tragédie / comédie). Tout ce qui heurte le public ou qui va à
l!encontre de la morale doit être banni (les scènes de violence, la mort, etc.). Enfin, le
personnage doit avoir une cohérence de caractère du début à la fin de l'action.
Dans l!Illusion comique, on remarque que Corneille transgresse l!ensemble de ces règles.
D!abord, la pièce a une structure irrégulière, comme le souligne Corneille en 1639 : « Le
premier acte n!est qu!un prologue, les trois suivants font une comédie imparfaite, le dernier
est une tragédie ; et tout cela cousu ensemble fait une comédie ».
Ensuite, il n!y a pas d!unité de lieu : le premier acte se déroule en Touraine, les trois suivants
à Bordeaux, et le dernier acte dans un jardin, de nuit.
Puis, l!unité de temps n!est pas respectée : on estime que le récit des aventures de Clindor, à
partir du moment où il quitte Rennes, jusqu!au moment où on le voit compter son argent,
couvre une période de dix ans. Et ces dix années sont incluses dans la durée du spectacle,
soit quelques heures.
Il n!y a pas plus d!unité d!action : trois intrigues s!emboîtent les unes dans les autres. Le
premier acte représente Pridamant consultant Adastre ; les deuxième, troisième et quatrième
sont constitués par la lutte de Clindor pour enlever Isabelle à ses deux soupirants Adastre et
Matamore, et le cinquième nous fait assister à une représentation donnée par des
comédiens.
Il n!y a enfin aucune unité de ton : la pièce commence comme une pastorale, se transforme
en farce chaque fois que Matamore apparaît, en roman picaresque lorsqu!on évoque la vie
de Clindor, en comédie d!intrigue quand celui-ci hésite entre Isabelle et Lyse, en tragédie dès
que Clindor attend la mort en sa prison. Il y a donc un mélange de genres.
Malgré tout cela, il ne s!agit pas d!une transgression pure et dure. Si l!on considère la pièce
de l!avant-scène (le seuil de la grotte d'Alcandre où se tient Pridamant), elle se situe bien
dans un lieu unique. Elle ne dure pas plus que la représentation elle-même et son action se
concentre sur la vision de Pridamant. Les lois du théâtre classique sont donc présentes
comme une enveloppe.
Ce respect mitigé et paradoxal des règles classiques s!explique par le fait que l'œuvre est
créée pendant une période de transition, entre baroque et classicisme. On peut donc y voir à
la fois un hommage au théâtre classique et une féroce satire de celui-ci.
C. Une pièce-gigogne
Cette pièce, qui fait du principe du théâtre dans le théâtre le ressort essentiel de son action,
offre aux spectateurs réels trois plans de réalité :
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- Premier niveau : la pièce cadre = réalité présente (identique à celle du vrai spectateur)
Pridamant, à la recherche de son fils Clindor, fait appel aux services du magicien Alcandre
pour le retrouver.
- Deuxième niveau = réalité passée (évoquée par Alcandre)
Alcandre, après avoir fait à Pridamant le récit de la vie de Clindor, lui propose par le biais
d!une évocation magique de regarder le spectacle de la suite de cette vie passée (actes II, III
et IV).
« Sous une illusion vous pourriez voir sa vie
Et tous ses accidents devant vous exprimés
Par des spectres pareils à des corps animés… »
Alcandre invite donc Pridamant à rentrer dans l!illusion, à observer en spectateur les
aventures vécues par son fils (service auprès de Matamore, histoire d!amour avec Isabelle et
Lise, emprisonnement…) sans intervenir sinon par quelques commentaires.
- Troisième niveau = l!irréalité théâtrale
Alcandre montre la dernière scène à Pridamant pour qu!il comprenne, de la même manière
que le spectateur, qu!Isabelle, Clindor et Lise sont devenus comédiens et qu!il vient donc
d!assister à leur représentation théâtrale.
On pourrait aller jusqu!à dire que la pièce comporte un quatrième niveau, celui du spectateur,
qui y assiste dans son ensemble :
La pièce globale vue par le spectateur
Est
L!histoire de Pridamant
Qui voit
Une troupe de théâtre
Qui
Joue une histoire.
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5. Note d!intention du metteur en scène
J'aime l'Illusion comique parce que c'est une planète peuplée d'enfants, et que cette
pièce nous rappelle que le théâtre existe pour notre plus grand plaisir. Il n'est rien de plus
subversif.
Il y a tant à dire sur l'Illusion comique, comédie de l'amour étincelante, pleine
d'invention, de jeunesse, d'audace, poème emblématique de la mise en abîme où l'on joue à
jouer, où Corneille s'amuse à se parodier et semble rire de ses tragédies à venir.
S'il est un thème de l'Illusion comique résolument moderne, moteur de l'action
dramatique et de l'action dans l'action, c'est celui du destin, de la quête d'une destinée qui
protègerait l'être humain du gouffre métaphysique en l'exposant à l'immédiat de l'aventure,
fût-elle imaginaire.
Don Quichotte, Matamore, Clindor, Isabelle, personnages modernes cherchent une
destinée. Loin des dieux, loin d'Homère, l'homme moderne souffre d'une absence de sort, de
fortune, de volupté de la fatalité, et tente de se forger un destin.
Lyse risque plus encore et semble détrôner les déesses de l'Olympe en proclamant :
« Ainsi Clindor je fais moi seule ton destin
Des fers où je t'ai mis c'est moi qui te délivre
Et te puis à mon choix faire mourir ou vivre. »
Les personnages de cette brillante comédie rêvent de tragédie. Ces aînés immatures
de Camille, du Cid, de Cyrano, de Don Juan, de fausses suivantes et de tant d'autres
prennent les chats pour des tigres et les mouches pour des dragons. Ils ont trouvé refuge
dans la matrice du théâtre, celle de l'enfance, celle que l'on conserve en soi si précieusement
pour survivre, ils y sont à l'abri pour longtemps.
Marion Bierry
Fille de l!acteur et metteur en scène Etienne Bierry et de la directrice du théâtre Poche
Montparnasse, Renée Delmas, Marion Bierry est plongée dans l!univers du théâtre depuis
toujours.
Elle a débuté au Max Reinhardt Seminar à Vienne. Comédienne française, Marion a joué
dans des pièces telles que L!Usinage de Lemahieu, mise en scène par Claude Yersin, Un Fil
à la patte de Feydeau mise en scène par Jean Rougerie, Le Journal d!une petite fille
d!Hermione von Hugh-Hellmuth mise en scène par Tabard, L!Architecte de Jean Verdun
mise en scène par René Loyon, Le Faiseur de Balzac mise en scène par Françoise Petit,…
Marion Bierry obtient également des rôles pour quelques films, mais c!est avec la création
qu!elle trouve sa vocation. Parmi les nombreuses pièces à son actif, elle a mis en scène
L!Ecornifleur de Jules Renard, Après la pluie de Sergi Belbel qui a obtenu le Molière 1999 de
la meilleure pièce comique, Portrait de famille de Denise Bonal, Horace de Corneille, qui a
reçu des nominations aux Molières pour le meilleur spectacle du répertoire, le meilleur décor,
les meilleurs costumes et la révélation théâtrale. Le Butin de Joe Orton bénéficie lui aussi
des idées de mise en scène de Marion Bierry.
C!est en 2006, que cette talentueuse artiste adapte L!Illusion comique, pour laquelle elle
conçoit elle-même les costumes et dans laquelle son frère, Stéphane Bierry incarne un
personnage. Par le biais de sa mise en scène, Marion Bierry modernise la pièce et
bouleverse les repères de l!époque et du genre.
9
6. Analogie entre l!illusion comique et d!autres
œuvres
- Littérature
•
:
Pirandello – Six personnages en quête d!auteur
Cette pièce jouée en 1923, nous propose aussi une structure gigogne : des comédiens sont
en train de répéter une pièce de Pirandello, appelée : A chacun son rôle. Ils sont interrompus
par l!arrivée de six personnages qui déclarent être des personnages de théâtre, et auxquels
le directeur, après bien des réticences, propose de jouer leur propre rôle, afin de le montrer
aux comédiens professionnels qui sont là, tandis que le souffleur notera les répliques.
LE DIRECTEUR (sans bien comprendre, effaré par toute cette argumentation). Et où voulezvous en venir avec tous ces raisonnements ?
LE PERE. Oh ! à rien, monsieur. A vous faire voir que si nous autres (il indique de nouveau luimême et les autres personnages) nous n!avons, en dehors de l!illusion, aucune réalité, vous
ferez bien, vous aussi, de vous défier de votre réalité, de cette réalité que vous respirez et
que vous touchez aujourd!hui, car elle est destinée – comme la réalité d!hier – à n!être
demain qu!illusion.
LE DIRECTEUR (se décidant à prendre la chose en plaisantant). Ah ! très bien ! Et ajoutez que
vous-même, avec cette comédie que vous venez de me représenter ici, êtes plus vrai et plus
réel que moi.
LE PERE (avec plus grand sérieux). Oh ! cela, sans aucun doute, monsieur ! 1
•
D!autres auteurs :
Le procédé du théâtre dans le théâtre n!est donc pas propre à Corneille. Outre cette pièce de
Pirandello, on le retrouve également chez :
- Calderon dans La Vie est un songe (1635)
- Shakespeare avec Le Songe d!une nuit d!été (1600), et Hamlet (1603)
- Rotrou avec Le véritable Saint Genest (1645)
- Molière avec L!Impromptu de Versailles (1663)
- Marivaux avec Les Acteurs de bonne foi (1757)
- Goldoni, Le théâtre comique (1750)
- Peinture
Cette construction du théâtre dans le théâtre est semblable à un jeu de miroirs. Ce goût du
miroir et des reflets est souvent exprimé à cette époque. Les peintres aussi y ont recours, et
d!une certaine manière, la représentation d!un miroir dans un tableau peut correspondre à
l!insertion d!un autre tableau dans le premier, et nous retrouvons le type de construction
gigogne de l!illusion comique.
1
Version française de Benjamin Crémieux, p.16, N.R.F. Gallimard.
10
Les Ménines de Velázquez
Cette toile montre le peintre à son chevalet, des tableaux au mur de l!atelier, et en
perspective, dans le fond de la salle, un miroir qui offre le reflet du couple royal. Il s!agit bien
d!une des variations les plus riches sur le thème qui nous intéresse. Comme dans « l!Illusion
comique », cette construction jette un doute quant au sens du tableau. L!attention se porte
d!abord sur la jeune princesse et sur sa cour, mais aussi sur Vélasquez. D!ailleurs, le regard
du peintre ne se porte pas sur l!enfant, il fixe le spectateur de la toile, et peut-être le couple
dans le miroir. Par ce jeu de miroir, Vélasquez agrandit considérablement l!espace. Il crée la
profondeur, et accentue cette dimension par la porte ouverte au fond de la pièce, qui montre
un personnage nouveau et un nouvel espace. Au-delà des limites du cadre, le spectateur
imagine un espace beaucoup plus vaste, dont le peintre semble avoir choisi arbitrairement
un fragment. Tout suggère un large espace devant l!atelier, et derrière celui-ci, par la
présence réelle d!un personnage à l!arrière et la présence supposée d!un couple devant le
tableau. Nous reconnaissons donc les critères d!œuvre baroque, qui sont une dilatation de
l!espace, un débordement du cadre, et une dispersion des centres d!intérêt.
- Télévision :
•
•
Faire un lien avec l!émission de la RTBF sur l!indépendance de la Flandre.
Faire un lien avec la télé-réalité. Mise en scène d!une pseudo-réalité vraisemblable
pour les téléspectateurs.
11
7. La critique
Le Point - F. F. le 2006.07.07
"Etrange monstre" se vante Corneille dans sa dédicace. On ne peut que saluer la prouesse
de Marion Bierry et de ses comédiens qui jouent 'L'Illusion comique' dans un mouchoir de
poche en préservant l'essentiel : le brio.
Télérama - Joshka Schidlow le 2006.09.27
Marion Berry a monté l'ambiguë comédie sur un rythme de commedia dell'arte. Et la
mélancolie sournoise de la pièce ressort bien mieux sous la gaieté du jeu, l'entrain des
comédiens virevoltant dans le charmant écrin de théâtre imaginé pour eux par le
scénographe Nicolas Sire.
Bibliographie
Mélèse, Pierre, L'Illusion comique : comédie, Paris : Larousse, Classiques Larousse.
Richard, Annie, L'Illusion comique de Corneille et le baroque: étude d'une oeuvre dans son
milieu, Paris: Hatier, coll. Méthodologie 6, 1972.
Danan Joseph (sous la direction de), L'Illusion comique ; Dramaturgies de l'illusion Pierre
Corneille, Mont-Saint-Aignan : Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2006.
Margeat Danielle, L'Illusion comique, Corneille, Paris : Bordas, L!œuvre au clair, 1990, 94p.
Corneille Pierre, l!Illusion Comique, Paris, Univers des lettres Bordas
http://webpublic.ac-dijon.fr/divers/culture/avignon/mots/illusion2.htm
12
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