Médecine : Votre nomination à la Direction générale de
la santé a suivi de près la création de certaines agences
(Agence française du médicament, Agence française du
sang, Agence française de sécurité sanitaire des aliments)
qui ont été mises en place pour répondre à une demande
de sécurité accrue des populations. Ce dispositif vous a-t-
il permis de mener à bien les interventions de la DGS dans
l’évaluation du médicament et de son suivi ?
Pr L.A : Les missions de la DGS sont très larges : guider la
politique de santé publique, protéger les populations,
garantir les normes de pratiques pour des soins de
qualité... Le domaine du médicament n’est que l’un de
ses domaines d’action (encadré 1). En tant que pharmaco-
épidémiologiste, j’ai naturellement porté une attention
particulière au médicament. Nous avons avec les équipes
de la DGS proposé une méthodologie pour la mise en
œuvre d’une politique d’évaluation de l’intérêt de santé
publique des médicaments après leur mise sur le marché,
afin de préciser leur impact en situation réelle d’utilisa-
tion. Des critères d’évaluation ont été définis, des
mesures d’impact proposées...
Médecine : Comment a évolué l’évaluation du médica-
ment depuis le milieu des années 2000 ?
Pr L.A : Alors que les essais thérapeutiques étaient les
seuls arguments de la décision de mise sur le marché et
de remboursement des médicaments, le paradigme de
l’évaluation des médicaments « en vie réelle », en
pratique médicale courante, s’est depuis très large-
ment diffusé dans le monde entier. S’il est encore rare
(mais pas exclu) que des produits soient acceptés avec
de simples études observationnelles, la présentation
d’arguments sur la place des produits dans la théra-
peutique, s’appuyant sur des études du contexte et
des comparateurs existants, est maintenant systéma-
tique. Mieux, les agences règlementaires et les orga-
nismes de couverture sociale et de remboursement
partout dans le monde exigent que des études de
l’impact en vie réelle des produits soient proposées
après leur mise sur le marché. En France, nous avions
commencé il y a 15 ans ! Partout dans le monde, des
« contrats de performance » sont maintenant signés
entre l’industrie et les « payeurs » pour le suivi des
produits mis sur le marché, similaires à ce que la France
a inauguré en 2000. Cette politique –qui a pu être
qualifiée à l’époque d’interférence exagérée de l’État –
est désormais appliquée largement aux États-Unis entre
les industriels et les grands assureurs privés... Mais il
reste encore du chemin à faire dans ce domaine, et il
faut conserver notre avance !
~Liens d’intérêts : l’auteur est aujourd’hui président
d’une société internationale de conseil et d’évaluation
dans le domaine du médicament et est professeur
honoraire à la London School of Hygiene
& Tropical Medicine.
RÉFÉRENCE
1. Abenhaim L, Moride Y, Brenot F, et al. Appetite-suppressant drugs and the risk of
primary pulmonary hypertension. International Primary Pulmonary Hypertension
Study Group. N Engl J Med 1996 ; 335 : 609-16.
Encadré 1
En France, l’autorisation de mise sur le marché (AMM)
est la première étape de commercialisation d’un
médicament. Le dossier d’AMM est déposé soit auprès
de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) soit de
l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des
produits de santé (ANSM).
Un avis est ensuite rendu par la Commission de la
Transparence –qui est abritée par la Haute Autorité de
Santé –et qui statue sur le service médical rendu (SMR)
et son amélioration, ce qui oriente le remboursement.
L’avis rendu par cette commission est ensuite transmis
au ministre chargé de la santé (qui peut déléguer son
pouvoir au Directeur Général de la Santé) et de celui
l’économie (en charge de la sécurité sociale). La
décision finale sur le prix des médicaments est fixé
par le Comité Économique des Produits de Santé
(CEPS) qui fait participer tous les acteurs, dont les
Caisses d’Assurance Maladie.
MÉDECINE Octobre 2016 33
SÉCURITÉ DES SOINS
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