DOSSIER CLINIQUE La désensibilisation par voie sublinguale en pédiatrie : plus de 10 années d’expérience L’immunothérapie par voie sublinguale (ITSL) est une option thérapeutique envisageable dès l’âge de 5 ans en cas de rhinite allergique ou d’asthme contrôlé léger à modéré. D Lors du traitement par ITSL, l’allergène agit sur les cellules dendritiques de la muqueuse buccale, induisant une stimulation de la production des lymphocytes Treg. 12 epuis le développement de l'immunothérapie spécifique (ITS) par voie souscutanée, d’autres formes de traitement, en particulier l'administration orale d'allergènes, ont été testées pour améliorer et faciliter la prise en charge des patients allergiques. Parmi celles-ci, la voie d’administration sublinguale s’est révélée particulièrement intéressante et s u p é r i e u re à la voie digestive en termes de réponse immunologique et d’efficacité. L’ITSL consiste à déposer quelques gouttes d'allergène sous la langue et à les conserver deux à trois minutes afin de permettre l’absorption par la muqueuse buccale. Chez l’enfant, l’immunothérapie sublinguale est pratiquée depuis une dizaine d’années. L’ITSL contribue à rééquilibrer la balance Th1/Th2 L’ITSL permet de traiter les allergies IgE-dépendantes. L'augmentation de la production d'IgE à l'origine de ces allergies est liée à un déséquilibre relatif en faveur des lymphocytes Th2 par rapport aux lymphocytes Th1. La régulation de la balance Th1/Th2 s’effectue via les lymphocytes T régulateurs (Treg), dont l’activité se trouve réduite chez les sujets atopiques. Le traitement par ITSL induit une prise en charge de l’allergène par les cellules dendritiques de la muqueuse sublinguale, ce qui entraîne une stimulation des lymphocytes Treg. Cette stimulation se traduit par une multiplication des cellules Treg et une production accrue de cytokines comme l’interleukine-10 (IL-10), elle-même induisant la synthèse d'IgG4 et une réduction de la production d'IgE par augmentation relative de la population Th1. Cet ensemble de phénomènes contribue à la restauration de l’équilibre de la balance Th1/Th2 [1]. Indications et effets à long terme de l’ITSL chez l’enfant L’efficacité de l'ITSL dans le traitement de la rhinoconjonctivite allergique et de l’asthme contrôlé léger à modéré est désormais prouvée chez l’enfant [2]. Les données recueillies depuis plus de dix ans chez les enfants asthmatiques ou allergiques aux acariens montrent qu’une efficacité est objectivée, se maintient tout au long de la période de traitement et perdure après l’arrêt du traitement [3]. En effet, des études ouvertes ont montré que le risque d’aggrav ation de la maladie allergique, et notamment de sensibilisation à de nouveaux allergènes, pouvait être réduit par l’ITSL après la fin du traitement. Les allergènes disponibles Les allergènes les plus couramment utilisés en ITSL sont les pollens et les acariens [4]. L’immunothérapie doit, si possible, être réalisée avec un seul allergène ou groupe d’allergènes, l’effet semblant être fonction de la dose administrée (dose thérapeutique cumulative). Le recours à l’ITSL pour la prise en charge d’une allergie alimentaire ne concerne actuellement que des cas isolés et ne fait pas partie de la pratique clinique courante. Elle a été mise en œuvre dans quelques études [5], son intérêt demande toutefois à être confirmé par d'autres travaux. L’ITSL chez l’enfant asthmatique L’immunothérapie, qu’elle soit administrée par vo ie sublinguale ou sous-cutanée, est compatible avec les traitements de fond de l’asthme. Ainsi, la coadministration de l’ITSL et de corticostéroïdes inhalés, d’anti-histaminiques ou d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes est parfaitement envisageable. L’impact de ces médicaments sur l’efficacité de l’ITSL n'est pas bien connu ; néanmoins, ces traitements médicamenteux sont parfois une condition nécessaire à la mise en œuvre d’une ITSL ou d’une ITS par voie sous-cutanée, puisque l’immunothérapie ne peut être envisagée qu’en période de stabilité de la maladie (asthmatique, par exemple). L’intérêt d’un traitement précoce L’immunothérapie devrait être débutée le plus précocement possible dans l’histoire de la maladie allergique, dès la phase précoce et sans attendre l’apparition de symptômes secondaires (évolution spontanée). Il est en principe possible d’utiliser l’ITSL chez l’enfant dès l’âge de la maternelle, bien que la mise en œuvre du traitement dépende essentiellement de l’adhérence des patients et de leurs parents au traitement. Le moment optimal pour débuter le traitement est à définir au cas par cas, selon le stade de gravité des manifestations et les capacités de l’enfant et de son entourage familial. En pratique, l ’ i m m u n othérapie est habituellement instaurée u n e à deux années après le début de la maladie. La question de l’amélioration des résultats thérapeutiques par une induction plus précoce demeure ouverte et devrait faire l’objet de futures études. Importance des données de sécurité Dans la mesure où l’ITSL s’administre à domicile et en dehors de toute surveillance médicale, son innocuité est de la plus haute importance. Les n o m b reuses études publiées jusqu'à présent et les données issues de la pratique clinique n’ont jamais fait état d’effet secondaire grave de type allergique (choc anaphylactique, par exemple) aux doses recommandées par les fabricants [6]. Ces données de sécurité sont établies chez les enfants âgés de plus de 5 ans ; les données cliniques concernant les enfants plus jeunes sont, à l’heure actuelle, insuffisantes. En règle générale, l’ITSL est bien tolérée, en dépit des effets secondaires courants localisés au site d’application. Le jugement d’ensemble porté sur l’ITSL, tant par les familles que par les personnels médicaux, est le plus souvent tout à fait positif. Chez les enfants, qui craignent généralement les p i q û res et préfèrent recevoir leur traitement dans un environnement familier, l’ITSL est particulièrement indiquée et présente de grandes chances de réussite, à condition de fournir des explications c l a i res et d’utiliser une approche adaptée. L’immunothérapie doit être réalisée en période de stabilité de la maladie asthmatique. Pr C.P. Bauer Munich (Allemagne) Un dialogue de confiance, des explications détaillées et une information complète et claire sont autant de conditions indispensables au succès du traitement. 1- Akdis CA, Barlan B, Bahceciler N, Akdis M. Immunological mechanisms of sublingual immunotherapy. Allergy 2006 ; 61 (suppl. 81) : 11-14. 2- Pham-Thi N, de Blic J, Scheinmann P. Sublingual immunotherapy in the treatment of children. Allergy 2006 ; 61 (suppl. 81) : 7-10. 3- Di Rienzo V, Marcucci F, Puccinelli P et al. Long-lasting effect of sublingual immunotherapy in children with asthma due to house dust mite: a 10-year prospective study. Clin Exp Allergy 2003; 33: 206-10 4- Wilson DR, Torres Lima M, Durham SR. Sublingual immunotherapy for allergic rhinitis: systematic review and meta-analysis. Allergy 2005 ; 60 : 4-12. 5- Enrique E, Pineda F, Malek T et al. Sublingual immunotherapy for hazelnut food allergy: a randomized, double-blind, placebocontrolled study with a standardized hazelnut extract. J Allergy Clin Immunol 2005 ; 116 : 1073-9. 6- Passalacqua G, Guerra L, Fumagalli F, Canonica GW. Safety profile of sublingual immunotherapy. Treat Respir Med 2006 ; 5 : 225-34. 13