Dossier – Cœur et obésité
Obésité et insuffisance cardiaque
Jérôme Roncalli, Atul Pathak, Michel Galinier
Fédération des services de cardiologie des hôpitaux de Toulouse, Unité INSERM U 586,
CHU de Rangueil, Service de cardiologie A, 1 avenue Jean Poulhes, TSA 50032, 31059 Toulouse Cedex 9
Résumé.L’obésité est le résultat d’une adaptation inappropriée de la balance d’énergie dans un contexte d’abondance alimentaire et de
sédentarité. L’obésité touche déjà des millions de personnes dans le monde, majoritairement dans les pays développés. L’obésité peut avoir des
conséquences néfastes pour la santé. Il existe une corrélation reliant IMC et mortalité. En 2003, la France comptait 5,39 millions de personnes
obèses et 14,45 millions de personnes en surpoids. L’obésité s’associe à une augmentation de la morbidité cardiovasculaire essentiellement par
l’intermédiaire de sa forte association avec une hypertension artérielle (HTA) et à des anomalies endocrinométaboliques. Cependant, un effet
indépendant de l’obésité sur le risque cardiovasculaire a été mis en évidence grâce à l’étude Framingham. Il a été montré que l’obésité constitue
un facteur indépendant de risque de survenue d’une insuffisance cardiaque. Une surcharge pondérale supérieure à 30 % du poids idéal double
le risque d’insuffisance cardiaque dans les deux sexes. L’obésité favorise l’apparition d’une insuffisance cardiaque par trois mécanismes :
1) l’augmentation de la précharge ventriculaire, entraînée par les conséquences hémodynamiques de l’obésité ; 2) l’augmentation de la
post-charge ventriculaire, secondaire à l’association fréquente à une hypertension artérielle ; 3) l’altération de la fonction systolique
ventriculaire gauche, en cas de maladie coronaire engendrée par les facteurs de risque d’athérosclérose, dyslipidémies, anomalies de la
glycorégulation, hypertension artérielle, qui sont aggravés par l’obésité elle-même. La « cardiomyopathie de l’obèse » se manifeste principa-
lement par une dysfonction diastolique et un remodelage ventriculaire gauche. La dysfonction ventriculaire gauche systolique de l’obèse
dépend non seulement du degré de surcharge pondérale, mais également de l’ancienneté de l’obésité. L’association d’une hypertension
artérielle à l’obésité entraîne une augmentation simultanée de la pré- et de la post-charge du ventricule gauche. Cette action synergique qui
accroît le travail cardiaque favorise l’apparition d’une altération de la fonction ventriculaire gauche. L’épidémie d’obésité pourrait bien
conduire dans les années qui viennent à aggraver la prévalence et l’incidence de l’insuffisance cardiaque dans de nombreux pays. Le risque
cardiovasculaire associé à l’obésité impose une participation active des cardiologues dans le suivi de ces patients.
Mots clés : obésité, IMC, insuffisance cardiaque
Abstract. Obesity and cardiac failure. The prevalence of obesity is reaching 10% to 30% of the population in industrialized countries
and this rate is doubling every 10 years. The Framingham study showed that, after correction for other risk factors, for every point increase in
body mass index, the increase in risk of developing cardiac failure was 5% in men and 7% in women. There are three pathophysiological
mechanisms to explain the adverse effects of obesity on left ventricular function: an increase in ventricular preload secondary to increased
plasma volume induced by the high fatty mass; an increase in left ventricular afterload due to the common association of hypertension; and
systolic and diastolic dysfunction due to changes in the myocardial genome and coronary artery disease induced by risk factors of
atherosclerosis worsened by obesity. Therefore, in obese patients, two forms of cardiac failure may be observed. The more common obese
cardiomyopathy is due to diastolic dysfunction, obesity being one of the principal causes of cardiac failure with preserved systolic function.
Cardiac failure due to systolic dysfunction is less common and may be observed in cases with inappropriate left ventricular hypertrophy which
does not normalise abnormal left ventricular wall stress, leading to cardiomyopathy, and in cases with associated coronary artery disease.
Whatever the underlying mechanism, the diagnosis of cardiac failure is more difficult in obese patients. The frequency of obesity continues to
rise in our country and it is expected that obesity will become an important cause of cardiac failure in the upcoming years.
Key words: obesity, BMI, cardiac failure
A
`en croire la littérature, les liens
qui unissent l’obésité et l’insuffi-
sance cardiaque peuvent paraître
contradictoires. Alors que des don-
nées épidémiologiques rapportent
une augmentation du risque relatif de
développer une insuffisance cardia-
que chez les sujets obèses, au cours de
l’insuffisance cardiaque, l’obésité
n’est plus un facteur de surmortalité,
apparaissant même associée à un
meilleur pronostic. Face à cet appa-
rent paradoxe, il faut ainsi différencier
le rôle délétère de l’obésité comme
facteur de risque de développement
d’une insuffisance cardiaque au sein
de la population générale et les effets
potentiellement bénéfiques de l’obé-
sité sur la survie chez les patients
après apparition d’une insuffisance
cardiaque.
L’obésité est le résultat d’une
adaptation inappropriée de la
balance d’énergie dans un contexte
doi: 10.1684/mtc.2007.0092
m
t
c
Tirés à part : J. Roncalli
mt cardio 2007 ; 3 (3) : 178-86
mt cardio, vol. 3, n° 3, mai-juin 2007
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d’abondance alimentaire et de sédentarité. L’obésité se
définit comme un excès de masse grasse par le calcul de
l’indice de Quételet ou indice de masse corporelle (IMC)
qui correspond au rapport : poids (kg)/taille
2
(m
2
). Le
surpoids se définit par un IMC 25 kg/m
2
et l’obésité par
un IMC 30 kg/m
2
. On l’associe à la mesure du tour de
taille pour apprécier plus spécifiquement la répartition de
la masse grasse dans l’organisme. Au-delà de 102 cm chez
l’homme et de 88 cm chez la femme, on parle d’obésité
abdominale ou centrale, à plus fort risque cardiovascu-
laire que l’obésité périphérique [1].
Épidémiologie
Dans le monde
L’obésité est épidémique dans le monde, majoritairement
dans les pays développés [2]
. La prévalence dans ces pays
montre une augmentation nette avec le temps. Ne cessant
d’augmenter dans les populations des pays industrialisés,
l’obésité devrait devenir dans un avenir proche une cause
majeure d’insuffisance cardiaque. En effet, l’obésité
touche 32,2 % de la population nord-américaine [3].
Associée au surpoids, elle intéresse 66,3 % de la popu-
lation adulte des États-Unis d’Amérique où elle consti-
tue la deuxième cause de mortalité évitable après le
tabagisme [4]
. L’obésité est aussi relativement commune
en Amérique latine. L’Afrique subsaharienne et l’Asie sont
moins touchées, mais il s’agit d’un bassin de population
très important, et les taux de croissance de l’obésité sont
plus importants. Encore plus inquiétante est l’augmenta-
tion de l’incidence de l’obésité chez les enfants. C’est un
véritable problème de société qui rend urgent de dévelop-
per des stratégies internationales de prévention et de lutte
contre ce fléau de manière parallèle à celles du diabète de
type 2. Depuis 1998, l’Organisation Mondiale de la Santé
considère l’obésité comme une épidémie. Les projections
de la prévalence de l’obésité dans le monde sont à prendre
en compte (figure 1).
En France
En France, selon le dernier rapport ObEpi 2003 [5],
11,3 % de la population adulte est obèse (+ 3,1 % en
6 ans) et 30,3 % en surpoids (+ 1,8 % en 6 ans). En 2003,
la France comptait 5,39 millions de personnes obèses et
14,45 millions de personnes en surpoids. Il en est
de même pour l’obésité massive ou morbide
(IMC 40 kg/m
2
), dont les conséquences pour la santé
sont plus graves, qui a doublé en 6 ans progressant de
0,3 % à 0,6 %. Depuis 1997, la population française a
grossi de 1,7 kg en moyenne. Toutes les tranches d’âge et
toutes les catégories socioprofessionnelles sont touchées.
C’est entre 35 et 44 ans que la progression de la prévalence
Liste des abréviations
BNP : peptide natriurétique de type B
HTA : hypertension artérielle
IMC : indice de masse corporelle
50
40
30
20
10
0
Pourcentage de population
avec IMC 30 kg/m2
États-Unis
Australie
Brésil
2030
2020
2010
2000
1990
1980
1970
1960
Angleterre
Île Maurice
Figure 1.Historique, état actuel et projection de la prévalence de l’obésité (IMC > 30 kg/m
2
) dans le monde (d’après Peter G. Kopelman.
Obesity as a medical problem. Nature 2000 ; 404 : 635-43).
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de l’obésité est la plus importante avec une augmentation
de 51 % par rapport à 1997. Alors qu’entre 15 et 45 ans
l’obésité est plus fréquente chez la femme, les hommes
entre 45 et 65 ans affichent une prévalence d’obésité
supérieure aux femmes (18,1 % versus 14,1 %) pour être
quasi identique à un âge plus avancé autour de 15 %. Le
surpoids, en forte augmentation, est plutôt l’apanage des
hommes. Il touche près d’un homme sur deux après
45 ans pour un quart des femmes à cet âge. Sur le plan
géographique, aucune région n’est épargnée et le bassin
parisien ainsi que le nord sont les régions à plus haute
prévalence.
Morbimortalité de l’obésité
Non cardiovasculaire
L’obésité peut avoir des conséquences néfastes pour la
santé. Il existe une corrélation reliant IMC et mortalité,
quasiment identique chez l’homme et la femme, dès le
stade de surpoids. Elle s’explique par les multiples reten-
tissements viscéraux liés à l’obésité, dont les plus graves
sont cardiovasculaires mais aussi respiratoires (insuffi-
sance respiratoire restrictive, syndrome d’apnées du som-
meil obstructif) ou néoplasiques (en particulier cancers
hormonodépendants et cancers du colon).
Cardiovasculaire
L’obésité s’associe à une augmentation de la morbidité
cardiovasculaire essentiellement par l’intermédiaire de
son association forte avec une hypertension artérielle
(HTA) et à des anomalies endocrinométaboliques (diabète
non insulinodépendant, dyslipidémies) regroupées sous le
terme de syndrome métabolique, potentialise son risque
cardiovasculaire mais aussi à une augmentation du risque
de mortalité. Ce taux de mortalité est attribué essentielle-
ment aux complications cardiovasculaires qu’elle engen-
dre, en particulier l’insuffisance cardiaque et la maladie
coronaire.
Cependant, un effet indépendant de l’obésité sur le
risque cardiovasculaire a été mis en évidence grâce à
l’étude Framingham [6]. Cette étude a confirmé la fré-
quence des complications cardiovasculaires au cours de
l’obésité qui représentent la cause essentielle de mortalité
chez l’obèse. Dans cette étude, l’obésité est un facteur de
risque indépendant de maladie coronaire. Une corrélation
positive existe entre le surpoids et l’incidence des acci-
dents coronaires ainsi que la mortalité cardiovasculaire,
même lorsqu’on tient compte de la cholestérolémie, de la
pression artérielle, du tabagisme et de l’intolérance aux
hydrates de carbone. L’augmentation de la prévalence de
la maladie coronaire avec le degré d’obésité est observée
même pour les surcharges pondérales modérées. De plus,
dans cette étude, l’obésité est un facteur prédictif impor-
tant de mort subite chez l’homme, sans pathologie coro-
naire antérieurement connue.
L’obésité constitue un facteur indépendant de risque
de survenue d’une insuffisance cardiaque [7]. Une sur-
charge pondérale supérieure à 30 % du poids idéal double
le risque d’insuffisance cardiaque dans les deux sexes. Elle
est également responsable d’une altération précoce de la
variabilité sinusale [8], augmentant le risque de mort
subite [9]. De plus, le profil de répartition du tissu adipeux,
et plus spécifiquement la quantité de graisse viscérale,
modifie les anomalies métaboliques associées à l’obésité
et donc le risque coronaire.
L’insuffisance cardiaque constitue le point d’orgue de
cet apparent paradoxe, la mortalité totale étant inverse-
ment reliée à l’IMC du fait de la fréquence de la cachexie
en phase terminale de cette maladie [10-12]. Alors que
l’obésité morbide est un facteur connu de risque d’insuf-
fisance cardiaque [13], trois études épidémiologiques ont
souligné le rôle joué par l’élévation de l’IMC dans l’aug-
mentation de ce risque d’insuffisance cardiaque [14-16].
Mais c’est l’étude de Framingham [6] qui a établi, dès
1983, que l’existence d’une surcharge pondérable supé-
rieure à 30 % du poids idéal double le risque d’apparition
d’une insuffisance cardiaque dans les deux sexes. Récem-
ment, une nouvelle analyse de ces données a révélé l’effet
délétère des surcharges pondérales moins marquées, cha-
que augmentation de 1 point de l’IMC majorant le risque
de développer une insuffisance cardiaque de 5 % chez les
hommes et de 7 % chez les femmes. Par rapport aux sujets
à IMC normal, les patients obèses ont deux fois plus de
risque de développer une insuffisance cardiaque. Le ris-
que d’apparition d’une insuffisance cardiaque s’élève pro-
portionnellement avec la catégorie de l’IMC (normal, sur-
charge pondérale, obésité), le risque relatif se majorant
significativement de 1,37 chez l’homme et de 1,46 chez la
femme pour chaque augmentation de catégorie et cela
indépendamment des autres facteurs de risque d’athéros-
clérose. Seule l’existence d’une hypertension artérielle
diminue la force de cette relation unissant catégorie d’IMC
et risque d’insuffisance cardiaque. Ainsi, l’obésité seule
paraît à l’origine de 11 % des cas d’insuffisance cardiaque
chez l’homme et de 14 % des cas chez la femme (risque
attribuable).
Physiopathologie
Si de nombreux travaux ont été consacrés aux méca-
nismes physiopathologiques de l’HTA accompagnant
l’obésité [17], peu se sont spécifiquement intéressés aux
anomalies cardiaques.
L’obésité favorise l’apparition d’une insuffisance car-
diaque par trois mécanismes :
l’augmentation de la précharge ventriculaire, entraî-
née par les conséquences hémodynamiques de l’obésité,
l’augmentation de la post-charge ventriculaire, se-
condaire à l’association fréquente d’une hypertension ar-
térielle à l’obésité,
l’altération de la fonction systolique ventriculaire
gauche, en cas de maladie coronaire engendrée par les
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facteurs de risque d’athérosclérose, dyslipidémies, ano-
malies de la glycorégulation, hypertension artérielle, qui
sont aggravés par l’obésité elle-même (figure 2).
Conséquences hémodynamiques de l’obésité
L’obésité entraîne une élévation du débit cardiaque et
une expansion du secteur intravasculaire pour répondre à
une demande métabolique accrue liée à l’augmentation
de la masse grasse. La majoration du volume sanguin total
est en rapport avec une augmentation du lit vasculaire,
essentiellement le tissu adipeux. Le volume plasmatique
est ainsi élevé chez l’obèse. La fréquence cardiaque
n’étant pas modifiée, la majoration du débit cardiaque est
essentiellement secondaire à une augmentation du vo-
lume d’éjection systolique. L’élévation du débit cardiaque
est en fait proportionnelle à l’augmentation de la surface
corporelle, ainsi l’index cardiaque reste normal ou s’élève
peu chez l’obèse. Les résistances vasculaires systémiques
sont diminuées chez l’obèse normotendu, ainsi que l’acti-
vité rénine plasmatique.
Les perturbations neurohormonales induites par l’obé-
sité pourraient être à l’origine de ces altérations hémody-
namiques [17]. Chez les patients obèses, la résistance à
l’insuline et à la leptine, hormone sécrétée par les adipo-
cytes, associée à une suppression de l’activité biologique
des peptides natriurétiques et à l’activation du système
rénine-angiotensine tissulaire au sein du tissu adipeux,
favorisent la rétention sodée qui entraîne une majoration
du volume plasmatique et donc du débit cardiaque [18].
Conséquences myocardiques de l’obésité
L’augmentation du volume sanguin total réalise une
surcharge volumétrique qui, en entraînant une augmenta-
tion du volume et des pressions télédiastoliques ventricu-
laires gauches, conduit à une élévation de la précharge.
Face à cette augmentation chronique de la précharge, le
cœur s’adapte progressivement par une hypertrophie ven-
triculaire gauche de type excentrique. Celle-ci est carac-
térisée par un épaississement modéré des parois, observé
tant au niveau du septum que de la paroi postérieure,
associé à une augmentation du diamètre interne du ven-
tricule gauche [19]. Bien que l’hypertrophie ventriculaire
gauche soit particulièrement fréquente chez les patients
ayant une obésité massive, cette hypertrophie semble
Précharge
Excentrique
Relaxation VG
Obésité ± HTA Postcharge
Concentrique
Compliance VG
HVG
Modifications hémodynamiques
et hormonales
IC-FSC
FE systolique
Cardiomyopathie de l’obèse
+/- Athérosclérose
FDR CV
Adipocyte
Action endocrine,
adipokines
Modifications de l'expression génique
Figure 2.Mécanismes physiopathologiques conduisant à la cardiomyopathie de l’obèse. Associée ou non à l’hypertension artérielle, l’obésité
induit des modifications hémodynamiques et hormonales qui sous l’influence des sécrétions adipocytaires conduit à la survenue d’une
insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée dans un premier temps puis à une diminution de la fraction d’éjection. : augmenta-
tion ; : diminution ; HTA : hypertension artérielle ; VG : ventricule gauche ; FDR CV : facteurs de risque cardiovasculaire ; IC-FSC :
insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée ; FE : fraction d’éjection.
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dépendre davantage de l’ancienneté et de la répartition de
l’obésité que du degré de surcharge pondérale [19, 20].
Dans l’étude Framingham, l’augmentation de l’IMC,
après ajustement pour l’âge et la pression artérielle, est un
facteur prédictif indépendant d’hypertrophie ventriculaire
gauche [6]. La prévalence de l’hypertrophie ventriculaire
gauche détectée par échocardiographie a été évaluée à
10 % parmi les sujets présentant un surpoids et à 30 %
chez les obèses.
L’association d’une hypertension artérielle à l’obésité
entraîne une élévation de la post-charge. Face à cette
augmentation chronique de la post-charge, le cœur
s’adapte par une hypertrophie de type concentrique.
Celle-ci est caractérisée par un épaississement pariétal le
plus souvent homogène concernant le ventricule gauche
de façon symétrique, le septum comme la paroi posté-
rieure, associé à une diminution du diamètre interne du
ventricule gauche.
Ainsi, chez l’obèse le type d’hypertrophie ventriculaire
gauche dépendra à la fois de la surcharge pondérale et de
la présence d’une hypertension artérielle, de leurs sévéri-
tés et de leurs anciennetés. De multiples autres facteurs
déterminent le degré de l’hypertrophie comme l’âge, les
facteurs génétiques et environnementaux, la sensibilité du
système sympathique, les propriétés structurales des artè-
res. Quel que soit son type, le développement de l’hyper-
trophie ventriculaire gauche s’accompagne d’une altéra-
tion précoce de la relaxation et de la compliance
diastolique du ventricule gauche, alors que la fonction
systolique reste longtemps normale, ainsi que d’une dimi-
nution de la réserve coronaire.
Plusieurs études échocardiographiques et Doppler
[21] ont confirmé l’existence chez les patients obèses non
hypertendus d’un allongement du temps de relaxation
isovolumique et d’une altération des paramètres du rem-
plissage ventriculaire, traduisant une diminution de la
compliance [22, 23]. La relaxation et la compliance ven-
triculaire gauche sont dégradées en cas d’association à
une hypertension artérielle. Au cours de l’obésité morbide
(IMC > 40 kg/m
2
), une altération du remplissage ventricu-
laire est ainsi décrite chez 50 % des sujets asymptomati-
ques [22]. Une étude récente, sur plus de 2 000 patients, a
confirmé que l’obésité est bien associée à un remodelage
ventriculaire gauche, un trouble de la relaxation du ven-
tricule gauche et une élévation des pressions de remplis-
sage du ventricule gauche. En revanche, il n’a pas été
établi de corrélation directe avec la fraction d’éjection.
Ceci conforte l’hypothèse selon laquelle la « cardiomyo-
pathie de l’obèse » se manifeste principalement par une
dysfonction diastolique et un remodelage ventriculaire
gauche initial. Ce d’autant qu’à ce stade il n’y avait pas de
dysfonction systolique [24]. Une caractérisation très com-
plète sur le plan échographique de la cardiomyopathie de
l’obèse a montré que les altérations structurelles et fonc-
tionnelles sont corrélées aux niveaux d’insulinorésistance
et à la surcharge volumétrique du ventricule gauche [25].
La fonction systolique d’éjection ventriculaire gauche
est ainsi longtemps conservée tant que le cœur s’adapte
par une hypertrophie adéquate à l’augmentation chroni-
que de la précharge. La défaillance systolique du ventri-
cule gauche ne survient que tardivement quand l’hyper-
trophie n’est pas suffisamment importante pour faire face à
l’augmentation de la précharge. Cette cardiomyopathie de
l’obèse se traduit par une augmentation du rapport entre le
diamètre et l’épaisseur du ventricule gauche, une diminu-
tion de la fraction d’éjection [26], et paraît plus fréquente
au cours de l’obésité massive. Bien que certains auteurs
aient suggéré que l’obésité puisse entraîner une altération
de la contractilité ventriculaire gauche, il semble cepen-
dant que la dysfonction ventriculaire gauche de l’obésité
soit essentiellement en rapport avec les conditions de
charge anormales. Néanmoins, un effet toxique d’un ex-
cès d’acide gras sur les myocytes a cependant été suggéré,
l’augmentation du contenu myocytaire en triglycérides
pouvant favoriser l’apoptose [27].
La fréquence de l’altération de la fonction systolique
d’éjection au cours de l’obésité massive est en fait très
diversement appréciée selon les données de la littérature,
variant de quelques pour cent à près de 40 %. La dysfonc-
tion systolique ventriculaire gauche de l’obèse dépend
non seulement du degré de surcharge pondérale, mais
également de l’ancienneté de l’obésité. Ainsi, une durée
d’obésité supérieure à 15 ans est associée à une augmen-
tation du rapport entre le rayon télédiastolique et l’épais-
seur pariétale du ventricule gauche. La répartition du tissu
adipeux semble également jouer un rôle, et une augmen-
tation plus importante des dimensions diastoliques du
ventricule gauche a été établie chez les patients ayant une
obésité de type abdominale [19]. L’association d’une hy-
pertension artérielle à l’obésité entraîne une augmentation
simultanée de la pré- et de la post-charge du ventricule
gauche. Cette action synergique qui accroît le travail
cardiaque favorise l’apparition d’une altération de la fonc-
tion ventriculaire gauche [20].
Présentations cliniques
Insuffisance cardiaque diastolique
Les conséquences hémodynamiques de l’obésité, qui
restent le plus souvent cliniquement muettes, peuvent
participer, au coté des complications respiratoires de
l’obésité, à l’apparition ou l’aggravation d’une dyspnée
d’effort dès que la fonction diastolique ventriculaire gau-
che est altérée. L’obésité est en effet, à côté du vieillisse-
ment, de l’appartenance au sexe féminin, de l’hyperten-
sion artérielle, de la maladie coronaire et du diabète, une
des principales causes d’insuffisance cardiaque à fraction
d’éjection systolique conservée [28, 29].
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