dépendre davantage de l’ancienneté et de la répartition de
l’obésité que du degré de surcharge pondérale [19, 20].
Dans l’étude Framingham, l’augmentation de l’IMC,
après ajustement pour l’âge et la pression artérielle, est un
facteur prédictif indépendant d’hypertrophie ventriculaire
gauche [6]. La prévalence de l’hypertrophie ventriculaire
gauche détectée par échocardiographie a été évaluée à
10 % parmi les sujets présentant un surpoids et à 30 %
chez les obèses.
L’association d’une hypertension artérielle à l’obésité
entraîne une élévation de la post-charge. Face à cette
augmentation chronique de la post-charge, le cœur
s’adapte par une hypertrophie de type concentrique.
Celle-ci est caractérisée par un épaississement pariétal le
plus souvent homogène concernant le ventricule gauche
de façon symétrique, le septum comme la paroi posté-
rieure, associé à une diminution du diamètre interne du
ventricule gauche.
Ainsi, chez l’obèse le type d’hypertrophie ventriculaire
gauche dépendra à la fois de la surcharge pondérale et de
la présence d’une hypertension artérielle, de leurs sévéri-
tés et de leurs anciennetés. De multiples autres facteurs
déterminent le degré de l’hypertrophie comme l’âge, les
facteurs génétiques et environnementaux, la sensibilité du
système sympathique, les propriétés structurales des artè-
res. Quel que soit son type, le développement de l’hyper-
trophie ventriculaire gauche s’accompagne d’une altéra-
tion précoce de la relaxation et de la compliance
diastolique du ventricule gauche, alors que la fonction
systolique reste longtemps normale, ainsi que d’une dimi-
nution de la réserve coronaire.
Plusieurs études échocardiographiques et Doppler
[21] ont confirmé l’existence chez les patients obèses non
hypertendus d’un allongement du temps de relaxation
isovolumique et d’une altération des paramètres du rem-
plissage ventriculaire, traduisant une diminution de la
compliance [22, 23]. La relaxation et la compliance ven-
triculaire gauche sont dégradées en cas d’association à
une hypertension artérielle. Au cours de l’obésité morbide
(IMC > 40 kg/m
2
), une altération du remplissage ventricu-
laire est ainsi décrite chez 50 % des sujets asymptomati-
ques [22]. Une étude récente, sur plus de 2 000 patients, a
confirmé que l’obésité est bien associée à un remodelage
ventriculaire gauche, un trouble de la relaxation du ven-
tricule gauche et une élévation des pressions de remplis-
sage du ventricule gauche. En revanche, il n’a pas été
établi de corrélation directe avec la fraction d’éjection.
Ceci conforte l’hypothèse selon laquelle la « cardiomyo-
pathie de l’obèse » se manifeste principalement par une
dysfonction diastolique et un remodelage ventriculaire
gauche initial. Ce d’autant qu’à ce stade il n’y avait pas de
dysfonction systolique [24]. Une caractérisation très com-
plète sur le plan échographique de la cardiomyopathie de
l’obèse a montré que les altérations structurelles et fonc-
tionnelles sont corrélées aux niveaux d’insulinorésistance
et à la surcharge volumétrique du ventricule gauche [25].
La fonction systolique d’éjection ventriculaire gauche
est ainsi longtemps conservée tant que le cœur s’adapte
par une hypertrophie adéquate à l’augmentation chroni-
que de la précharge. La défaillance systolique du ventri-
cule gauche ne survient que tardivement quand l’hyper-
trophie n’est pas suffisamment importante pour faire face à
l’augmentation de la précharge. Cette cardiomyopathie de
l’obèse se traduit par une augmentation du rapport entre le
diamètre et l’épaisseur du ventricule gauche, une diminu-
tion de la fraction d’éjection [26], et paraît plus fréquente
au cours de l’obésité massive. Bien que certains auteurs
aient suggéré que l’obésité puisse entraîner une altération
de la contractilité ventriculaire gauche, il semble cepen-
dant que la dysfonction ventriculaire gauche de l’obésité
soit essentiellement en rapport avec les conditions de
charge anormales. Néanmoins, un effet toxique d’un ex-
cès d’acide gras sur les myocytes a cependant été suggéré,
l’augmentation du contenu myocytaire en triglycérides
pouvant favoriser l’apoptose [27].
La fréquence de l’altération de la fonction systolique
d’éjection au cours de l’obésité massive est en fait très
diversement appréciée selon les données de la littérature,
variant de quelques pour cent à près de 40 %. La dysfonc-
tion systolique ventriculaire gauche de l’obèse dépend
non seulement du degré de surcharge pondérale, mais
également de l’ancienneté de l’obésité. Ainsi, une durée
d’obésité supérieure à 15 ans est associée à une augmen-
tation du rapport entre le rayon télédiastolique et l’épais-
seur pariétale du ventricule gauche. La répartition du tissu
adipeux semble également jouer un rôle, et une augmen-
tation plus importante des dimensions diastoliques du
ventricule gauche a été établie chez les patients ayant une
obésité de type abdominale [19]. L’association d’une hy-
pertension artérielle à l’obésité entraîne une augmentation
simultanée de la pré- et de la post-charge du ventricule
gauche. Cette action synergique qui accroît le travail
cardiaque favorise l’apparition d’une altération de la fonc-
tion ventriculaire gauche [20].
Présentations cliniques
Insuffisance cardiaque diastolique
Les conséquences hémodynamiques de l’obésité, qui
restent le plus souvent cliniquement muettes, peuvent
participer, au coté des complications respiratoires de
l’obésité, à l’apparition ou l’aggravation d’une dyspnée
d’effort dès que la fonction diastolique ventriculaire gau-
che est altérée. L’obésité est en effet, à côté du vieillisse-
ment, de l’appartenance au sexe féminin, de l’hyperten-
sion artérielle, de la maladie coronaire et du diabète, une
des principales causes d’insuffisance cardiaque à fraction
d’éjection systolique conservée [28, 29].
Obésité et insuffisance cardiaque
mt cardio, vol. 3, n° 3, mai-juin 2007
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Dossier – Cœur et obésité
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