Quels sont aujourd’hui les freins au
développement de l’hydroélectricité?
Anne Pénalba: Lorsqu’un porteur de
projet se lance dans l’hydroélectri-
cité, les démarches lui prendront de
3 à 7 ans… si tant est que le projet
soit recevable ! En effet, 72 % du
potentiel hydroélectrique se trouve
condamné par les classements des
cours d’eau. Classements que France
Hydro Électricité a largement contes-
tés en dénonçant le manque de
fondement scientifique et l’absence
de consultation des élus locaux,
pourtant directement concernés.
Parallèlement, il est impératif que le
cadre économique et réglementaire
se stabilise pour donner une chance
aux projets de voir le jour: arrêtons
de changer les règles du jeu tous
les cinq ans au niveau européen et
gardons les mêmes mécanismes de
soutien dans la durée. Enfin, les prix
actuels du marché de l’électricité ne
suffisent plus à couvrir ni les coûts de
maintenance, ni la fiscalité, la plus
lourde de toutes les énergies renou-
velables.
Quelles solutions apportez-vous
concrètement?
A. P. : Nous sommes une filière
innovante qui maîtrise ses impacts
écologiques et technologiques. Un
aménagement hydroélectrique bien
conçu permet une cohabitation
harmonieuse entre les différents
usages de l’eau.
La loi sur l’eau, adaptée de la direc-
tive européenne du même nom
(DCE), prône la conciliation des
usages économiques et écologiques.
Aussi, demandons-nous aux régula-
teurs de sortir du dogmatisme écolo-
gique qui ne permet pas aujourd’hui
de développer les énergies renou-
velables. Produire une électricité
renouvelable en continu, complé-
mentaire aux autres énergies renou-
velables plus intermittentes comme
l’éolien ou le solaire relève de l’inté-
rêt général ! La filière est frustrée
de n’être considérée que comme un
obstacle à la continuité écologique
et non pas comme un acteur écono-
mique du développement durable
dans les territoires.
De nombreux élus se sont joints à
notre combat lorsqu’ils ont réalisé
la difficulté de lancer un projet de
petite hydroélectricité sur leur terri-
toire. Ils ne reconnaissent plus la loi
sur l’eau qu’ils ont votée.
La ministre vient de lancer un appel
à projets sur la petite hydroélectricité.
Qu’est-ce que cela va changer pour
votre secteur d’activité?
A. P. : C’est une excellente nouvelle
dont nous sommes évidemment satis-
faits. L’hydroélectricité étant un véri-
table atout dans un paysage énergé-
tique en pleine mutation, cet appel à
projets résonne comme du bon sens et
atteste du soutien politique à la lière.
À l’heure de la dépendance au
pétrole centralisé, il est plus que
temps de revaloriser une énergie
répartie, décentralisée et qui n’émet
pas de CO2 dans l’atmosphère. L’hy-
droélectricité répond à ces enjeux
tout en créant des emplois verts non
délocalisables et de la croissance
durable dans les territoires.
*DCE: directive européenne sur l’eau
Alors que la loi de transition énergétique
vient d’être votée et que madame la ministre
vient de lancer un appel à projets en petite
hydroélectricité, la politique de l’eau est en
contradiction avec les ambitions énergétiques de
la France et déstabilise la filière. Ralenti par une
longue période d’incertitude réglementaire et par
l’augmentation des exigences environnementales,
le développement de la petite hydroélectricité
est en effet en perte de vitesse depuis quelques
années. La politique de continuité écologique,
telle qu’elle est menée en France, promeut une
vision naturaliste de la DCE* qui écarte la notion
de partage des usages, pourtant prévue par la
loi. Anne Pénalba, cheffe de file de la petite
hydroélectricité, plaide pour plus de cohérence
des politiques publiques.
L’hydroélectricité concilie
les usages écologiques et
économiques
Produire de
l’électricité
renouvelable en
continu relève de
l’intérêt général.
Photo © Francoi -Sechet
Anne Pénalba
Présidente de France Hydro Électricité
(syndicat national de la petite hydroélectricité)
EuropE parlEmEntairE | trimestriel | № 28 | juillet – août – septembre 2016
INTERNATIONAL | EUROPE
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