Théorèmes de comparaison pour les variétés analytiques rigides (d

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THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES
RIGIDES, D’APRÈS P. SCHOLZE
OLIVIER BRINON
Groupe de travail 1 sur les travaux de P. Scholze
Ces notes sont un résumé de l’article [8].
1. Introduction
1.1. La théorie de Hodge « classique ». Soit X est une variété algébrique définie sur R,
compacte et lisse. Pour 0 ≤ n ≤ 2 dim(X), on dispose de l’accouplement de périodes :
HndR (X(C)/ R) × Hn (X(C), Z) → C
(ω, γ) 7→
Z
γ
ω
qui induit un isomorphisme de comparaison 2 :
∼
HnBetti (X(C), Q) ⊗Q C → HndR (X(C)/ R) ⊗R C
compatible avec l’action de Gal(C / R) (triviale sur HndR (X(C)/ R), agissant via la conjugaison
des cycles singuliers sur l’homologie singulière), reliant donc des invariants de nature discrète à
des invariants de nature différentielle. La théorie de Hodge « classique » fournit en outre une
décomposition
M
Hi (X, Ωj )
C ⊗R HndR (X(C)/ R) =
i+j=n
(décomposition de Hodge), et donc un isomorphisme
∼
HnBetti (X(C), Q) ⊗Q C →
M
Hi (X, Ωj )
i+j=n
L’un des buts principaux de la théorie de Hodge p-adique est de trouver des théorèmes de
comparaison analogues pour des variétés définies sur des corps p-adiques. Bien sûr, il ressort de ce
qui précède qu’une telle théorie doit avoir une saveur analytique, donc non triviale. Remarquons
déjà que dans le cas p-adique, on ne dispose pas de l’homologie singulière : celle-ci est remplacée
par la cohomologie étale p-adique.
1.2. Notations. Dans tout ce qui suit, K désigne un corps de valuation discrète complet de
caractéristique 0, de corps résiduel k parfait de caractéristique p. On fixe une clôture algébrique
K de K et on pose GK = Gal(K /K). La valuation p-adique v sur K s’étend à K : on note C
le complété de K pour v. Par continuité, GK agit sur C. On note χ : GK → Z×
p le caractère
cyclotomique. Si M est un Zp -module muni d’une action de GK et n ∈ Z, on note M(n) le n-ième
tordu à la Tate 3 de M. Signalons le calcul, par Tate, de la cohomologie galoisienne continue des
C(n) (c’est l’un des points de départ de tout ce qui va suivre) :
Théorème 1. (Tate, [10, Theorem 1]) On a 4 :
Hi (GK , C(n)) ∼
=
1.
2.
3.
4.

K
0
si i = 0 et n ∈ {0, 1}
sinon
Exposé du 18 avril 2013.
La cohomologie de Betti HnBetti (X(C), Q) est le Q-dual de l’homologie singulière Hn (X(C), Z).
C’est M muni de l’action de GK donnée par g(m) = χ(g)n g(m) pour g ∈ GK et m ∈ M .
Plus précisément, on a C GK = K et H1 (GK , C) ∼
= K log χ (non canoniquement).
2
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
1.3. Le cas p-adique. Remarquons tout d’abord que l’analogue naïf consistant à remplacer C
par C ne fonctionne pas : C ne contient même pas les périodes du groupe multiplicatif 5 ! En
1
effet, on a Tp (Gm ) = Zp (1), de sorte que Hét
(Gm , Qp ) ∼
= Qp (−1), et H1dR (Gm /K) = K dTT . Il en
1
résulte que Hét
(Gm , Qp ) ⊗Qp C ∼
= C(−1) et H1dR (Gm /K) ⊗K C ∼
= C comme GK -modules : ils ne
sont pas isomorphes comme GK -modules en vertu du théorème 1.
Le cas intéressant le plus simple est celui des groupes p-divisibles. Soit H = (Hν )ν∈N>0 un
groupe p-divisible sur OK . La dualité de Cartier fournit un isomorphisme
∼
Hν (OC ) → HomOC (HνD ⊗OK OC , Gm )
et donc un isomorphisme
∼
b O OC , µp∞ )
Tp (H) → HomOC (H D ⊗
K
en passant à la limite projective. On en déduit une application, dite de Hodge-Tate :
αH : Tp (H) → ωH D ⊗OK OC
dT
f 7→ f ∗
T
et donc une application :
αH ⊗ C : Tp (H) ⊗Zp C → ωH D ⊗OK C
par C-linéarité. On dispose donc du diagramme 6 :
(∗)
(αH ⊗C)∨
α
D ⊗C(−1)
H
∨
−−−−−→ ωH ⊗OK C(−1) → 0
−−−−→ Tp (H)∨ ⊗Zp C −−
0 → ωH
D ⊗OK C −
Théorème 2. (Tate, [10, Corollary 2]) Le diagramme (∗) est une suite exacte de GK -modules,
ce qui implique l’existence d’un isomorphisme GK -équivariant canonique 7 :
∼
∨
Tp (H)∨ ⊗Zp C → ωH
D ⊗OK C ⊕ ωH ⊗OK C(−1)
En particulier, si A est une variété abélienne sur K ayant bonne réduction, on a un isomorphisme 8 GK -équivariant :
1
Hét
(AK , Qp ) ⊗Qp C ∼
= H1 (A, OA ) ⊗K C ⊕ H0 (A, Ω1A/K ) ⊗K C(−1).
Cela a amené Tate à conjecturer que si X est un K-schéma (voire un K-espace rigide) propre
et lisse, on a une décomposition de Hodge-Tate :
∼
n
Hét
(XK , Qp ) ⊗Qp C →
M
Hi (X, ΩjX/K ) ⊗K C(−j)
i+j=n
n
Hét
(XK , Qp )
Posons V =
: c’est une représentation p-adique de GK (i.e. un Qp -espace vectoL
C(i) et
riel de dimension finie, muni d’une action linéaire continue de GK ). Soient BHT =
i∈Z
DHT (V ) := (V ⊗Qp BHT )GK : c’est un K-espace vectoriel 9 gradué 10. La conjecture précédente
équivaut à :
M
Hi (X, ΩjX/K )
DHT (V ) ∼
= HnHodge (X/K) :=
i+j=n
L’application naturelle
DHT (V ) ⊗K BHT → V ⊗Qp BHT
5. Bien sûr, Gm/K n’est pas propre sur K, mais bon...
6. En observant que Tp (H D ) ∼
= HomZp (Tp (H), Zp (1)) = Tp H ∨ (1)
7. Car la suite exacte (∗), de la forme 0 → C n → ? → C(−1)m → 0, est canoniquement scindée (dans la
catégorie des GK -modules) : l’existence du scindage résulte de la nullité de H1 (GK , C(1)), l’unicité de celle de
H0 (GK , C(1)) (cf théorème 1).
8. Ce qui se déduit du résultat précédent, appliqué à H = A[p∞ ], en observant que Tp (H)∨ ⊗Zp Qp ∼
=
∨
1
∨
∼
∼
∼ 1
Hét (AK , Qp ), ωH ⊗OK K ∼
= TA,0
= H0 (A, Ω1A/K ) et ωH
D ⊗OK K = TAD ,0 = H (A, OA ) (rappelons que
Hq (A, ΩpA/K ) ∼
= (∧q TAD ,0 ) ⊗K (∧p TA,0 ) d’après [6]).
K
9. Le théorème 1 implique que BG
HT = K.
10. La graduation étant induite par la graduation naturelle de BHT .
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
3
est alors un isomorphisme BHT -linéaire, GK -équivariant, et compatible aux graduations (on dit
que V est de Hodge-Tate). Ceci montre que BHT est un bon anneau de périodes 11.
Cette conjecture a été démontrée par Faltings pour les K-schémas (cf [1], article dans lequel
est déjà contenu une bonne partie des idées fondamentales utilisées dans [8]).
Pour relier la cohomologie étale p-adique à la cohomologie de de Rham (et pas seulement à la
cohomologie de Hodge), il faut construire un anneau de périodes plus sophistiqué, le corps des
périodes p-adiques (cf [2, 3]).
1.4. Le corps BdR et la conjecture CdR . Le corps C est perfectoïde (cf [7]) : son basculement
C ♭ = lim C est un corps topologique algébriquement clos de caractéristique p, muni d’une action
←−
x7→xp
de GK . On dispose 12 alors de l’application GK -équivariante :
θ : W(OC ♭ ) → OC
∞
X
pn [xn ] 7→
∞
X
pn x♯n
n=0
n=0
C’est un morphisme surjectif de W(k)-algèbres, dont le noyau est l’idéal principal engendré 13 par
ξ = [p♭ ] − p. L’application θ se prolonge en θ : W(OC ♭ )[p−1 ] → C. On note alors B+
dR le séparé
complété de W(OC ♭ )[p−1 ] pour la topologie Ker(θ)-adique, et θ : B+
→
C
le
prolongement
de
dR
+
θ. L’anneau BdR est de valuation discrète complet, de corps résiduel C (via θ), et muni d’une
14
action de GK . En outre, B+
dR est naturellement une K -algèbre .
n
Fixons ε ∈ C ♭ tel que pour tout n ∈ N, (ε1/p )♯ soit une racine primitive pn -ìeme de l’unité 15.
On a g(ε) = εχ(g) pour tout g ∈ GK , et ε♯ = 1, de sorte que [ε] − 1 ∈ Ker(θ) : la série
t = log([ε]) :=
∞
X
(−1)n−1
([ε] − 1)n
n
n=1
converge dans B+
dR , et g(t) = χ(g)t pour tout g ∈ GK , de sorte que Zp (1) = Tp Gm = Zp t. Par
+
ailleurs, on peut montrer que t est une uniformisante de B+
dR (i.e. Ker(θ) = t BdR ). On pose :
+
BdR = Frac(B+
dR ) = BdR [1/t]
C’est une K -algèbre munie d’une action de GK . On filtre BdR en posant
Fili BdR = ti B+
dR
GK
K
pour i ∈ Z. On a bien sûr gr• BdR ∼
= BHT , ce qui implique notamment que BG
dR = BHT = K.
Si V est une représentation p-adique de GK , on pose DdR (V ) = (V ⊗Qp BdR )GK : c’est
une K-espace vectoriel muni d’une filtration décroissante, séparée et exhaustive (en posant
Fili DdR (V ) = (V ⊗Qp Fili BdR )GK pour i ∈ Z). On montre facilement que l’application :
αdR (V ) : DdR (V ) ⊗K BdR → V ⊗Qp BdR
(déduite de l’inclusion par BdR -linéarité) est injective (elle est en outre GK -équivariante et compatible aux filtrations 16). En particulier, on a toujours dimK (DdR (V )) ≤ dimQp (V ). On dit que
V est de de Rham lorsque αdR (V ) est un isomorphisme, i.e. quand dimK (DdR (V )) = dimQp (V ).
11. Si t est une base de Tp Gm ∼
= Zp (1), on a BHT = C[t, t−1 ] : il a suffi d’ajoindre à C « la » période du
groupe multiplicatif et son
R inverse (on désigne parfois t comme « le » 2iπ p-adique, car « la » période du groupe
multiplicatif Gm/ C est S1 dz
z = 2iπ.).
12. Rappelons que x 7→ x♯ désigne la projection sur le premier facteur C ♭ → C.
13. Où p♭ ∈ C ♭ désigne un élément tel que (p♭ )♯ = p.
14. C’est une W(k)[p−1 ]-algèbre et K / W(k)[p−1 ] est ind-étale, ce qui implique que le morphisme K → C se
relève de façon unique en K → BdR / Ker(θ)m pour tout m ∈ N>0 .
15. Il suffit que ce soit le cas pour n = 1.
16. La filtration à gauche étant la filtration du produit tensoriel, donnée par Fili (DdR (V ) ⊗K BdR ) =
P
j
i−j
BdR → DdR (V ) ⊗K BdR ).
j∈Z Im(Fil DdR (V ) ⊗K Fil
4
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
Le raffinement de la conjecture de Tate est alors le suivant. Soit X un K-schéma propre et
lisse. Alors pour tout n ∈ N, on a un isomorphisme de comparaison :
∼
n
Hét
(XK , Qp ) ⊗Qp BdR → HndR (X/K) ⊗K BdR
BdR -linéaire, GK -équivariant et compatible aux filtrations (la cohomologie de de Rham étant bien
n
sûr munie de la filtration de Hodge) ; en d’autres termes, la représentation V = Hét
(XK , Qp ) est
n
de de Rham, et DdR (V ) = HdR (X/K) (comme K-espaces vectoriels filtrés). L’isomorphisme de
comparaison de Hodge-Tate est alors le gradué de αdR (V ).
Cette conjecture (appelée CdR ) a été prouvée par plusieurs auteurs, en particulier par Faltings
et Tsuji. Elle admet divers raffinements (les conjectures Ccris et Cst , introduction de coefficients,
versions relatives, etc).
2. Survol des résultats de [8]
Dans le reste du texte, K désigne un corps de valuation complet, extension de Qp , et K + ⊂ K
un sous-anneau de valuation ouvert et borné. Dans [8], Schloze prouve, entre autres, la conjecture
CdR pour les espaces adiques :
Théorème 3. (Scholze, [8, Theorem 8.4]) Supposons K de valuation discrète. Soient X un
n
espace adique propre et lisse sur Spa(K, OK ) et V = Hét
(XK , Qp ). Alors V est de de Rham, et
n
∼
DdR (V ) = HdR (X/K). En particulier, V est de Hodge-Tate et la suite spectrale Hodge vers de
Rham
Hi (X, ΩjX/K ) ⇒ Hi+j
dR (X/K)
dégènere.
Remarque. (1) Cela répond donc à la question de Tate.
(2) Scholze démontre en fait une version relative avec coefficients de ce resultat ([8, Theorem
8.8], cf théorèmes 25 & 26).
Pour démontrer ce théorème, il prouve les résultats intermédiaires suivants (qui sont fondamentaux en eux mêmes).
Théorème 4. (Scholze, [8, Theorem 5.1] 17) Supposons K algébriquement clos. Si X est propre
et lisse 18, et L un système local en Fp -vectoriels sur Xét , alors Hi (Xét , L) est un Fp -espace
vectoriel de dimension finie, nul si i > 2 dim(X).
Théorème 5. (Scholze, [8, Theorem 4.9]) Supposons K algébriquement clos. Si X est affinoïde
connexe, x ∈ X(K) et L un système local de p-torsion, l’application naturelle
Hicont (π1 (X, x), Lx ) → Hi (Xét , L)
est un isomorphisme 19 (X est localement un K(π, 1)).
Remarque. Dans les travaux de Faltings, dans le cadre algébrique, ce résultat était prouvé sous
des hypothèses de « petitesse » de X, qui n’apparaissent pas ici.
La stratégie, commune à la plupart des preuves (plus ou moins explicitement), consiste à
utiliser une version relative (i.e. faisceautisée) des anneaux de périodes. Une des difficultés
majeures réside dans les passages à la limite. Dans la cas présent, c’est crucial dans la mesure où,
contrairement au cas cristallin ou semi-stable, l’anneau BdR se prête modérément 20 au dévissage
pour la topologie p-adique. L’un des apports fondamentaux de [8] est la définition du site proétale, qui est le bon cadre (pour les calculs locaux, la globalisation et les passages à la limite).
17. La preuve de ce théorème, inspirée par celle, due à Kiehl, de la finitude de la cohomologie cohérente des
variétés analytiques rigides propres, utilise la suite d’Artin-Schreier.
18. En fait, grâce à la résolution des singularités pour les espaces adiques propres, l’hypothèse de lissité est
superflue (cf [9, Theorem 3.17]).
19. La preuve de ce théorème, qui utilise elle aussi la suite d’Artin-Schreier, repose essentiellement sur [7].
20. Comme dit Andreatta, c’est une limite inductive d’une limite projective de limites inductives...
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
5
2.1. Le site pro-étale.
Définition. Soient C une catégorie et C → c
C := Fonct(C , Ens)op son extension de Yoneda.
La catégorie pro-C des pro-objets de C est la sous-catégorie pleine de c
C dont les objets sont
les limites projectives d’objets représentables, indexées par de petites catégories cofiltrantes. Ses
objets sont les foncteurs F : I → C avec I une petite catégorie cofiltrante. Si F : I → C et
G : J → C sont deux objets de pro-C , on a :
Hompro -C (F, G) = lim lim HomC (F (i), G(j))
←− −→
j∈J i∈I
Soit X un schéma ou un espace adique localement noethérien. On dispose de la catégorie Xét
(resp. Xfét ) dont les objets sont les espaces (finis) étales sur X. Si U = lim Ui ∈ pro-Xét , on a
←−
i∈I
l’espace topologique |U| = lim |Ui |.
←−
i∈I
Définition. (1) Le site pro-fini étale Xprofét de X est le site dont la catégorie sous-jacente est
fi
pro-Xfét , et dont les recouvrements sont les familles de morphismes ouverts {Ui −
→
U} telles que
|U| = ∪i fi (|Ui |).
Si X est connexe et x un point géométrique de X, on a une équivalence de sites 21 :
≈
Xprofét −
→ π1 (X, x)- Enspf
où π1 (X, x)- Enspf est le site constitué des π1 (X, x)-ensembles profinis 22, et dont les recoufi
vrements sont donnés par les familles de morphismes π1 (X, x)-équivariants {Si −
→
S} tels que
S = ∪i fi (Si ).
(2) Un morphisme U → V dans pro-Xét est dit étale (resp. fini étale) s’il provient d’un morphisme étale (resp. fini étale) U0 → V0 dans Xét par un changement de base V → V0 .
(3) Un morphisme U → V dans pro-Xét est dit pro-étale s’il admet une présentation pro-étale
U = lim Ui → V , limite projective cofiltrante de morphismes étales Ui → V , dont les morphismes
←−
i∈I
de transition Ui → Uj sont finis étales pour i > j grands 23.
(4) Le site pro-étale Xproét de X est le site dont la catégorie sous-jacente est la sous-catégorie
pleine de pro-Xét constituée des objets pro-étales sur X, et dont les recouvrements sont les
fi
familles de morphismes pro-étales {Ui −
→
U} telles que |U| = ∪i fi (|Ui |).
Remarque. Le fait que Xproét soit effectivement un site n’est pas trivial (cf [8, Lemma 3.10]).
Proposition 6. (1) Dans Xproét , les applications pro-étales sont ouvertes (cf [8, Lemma 3.10]).
(2) Une application (finie) étale surjective U → V dans Xproét provient d’une application
(finie) étale surjective U0 → V0 dans Xét par un changement de base V → V0 (cf [8, Lemma
3.10]).
(3) On a un foncteur pleinement fidèle Xprofét → Xproét qui induit un morphisme de sites
Xproét → Xprofét (cf [8, Lemma 3.11]).
(4) Le site Xproét a assez de points : une famille conservative ets donnée par les revêtement
profinis des points géométriques 24 (cf [8, Proposition 3.13]).
On note ν : Xproét → Xét le morphisme de projection.
21. Ce qui implique que Xprofét a assez de points, cf [8, Corollary 3.8].
22. I.e. des ensembles profinis munis d’une action continue de π1 (X, x).
23. On a Ui ∈ pro -Xét pour tout i, de sorte que U = lim Ui ∈ pro -Xét (car pro -Xét est stable par limite
←−
i∈I
projective indexée par une petite catégorie cofiltrante).
24. Les points géométriques ne suffisent pas.
6
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
Proposition 7. ([8, Lemma 3.16, Corollary 3.17]) Soient F un faisceau abélien sur Xét et
U = lim Ui ∈ Xproét . Alors Hj (U, ν ∗ F ) = lim Hj (Ui , F ). Cela implique que le morphisme d’ad←−
−→
i∈I
i∈I
∗
jonction F → R ν∗ ν F est un isomorphisme, de même que le morphisme de changement de base
∗
νY∗ R fét ∗ F → R fproét ∗ νX
F si f : X → Y est un morphisme quasi-compact et quasi-séparé.
Définition. Le faisceau structural de Xproét et son sous-anneau des éléments entiers sont :
OX = ν ∗ OXét
+
+
OX
= ν ∗ OX
ét
et
On dispose en outre des versions complétées :
b + = lim O + /pn O +
O
X
X
←
− X
n
b =O
b + [1/p]
O
X
X
et
Remarque. Si U ∈ Xproét et x ∈ |U|, alors on dispose de la valuation continue f 7→ |f (x)| sur
b (U), et on a
OX (U). Elle se prolonge en une valuation continue sur O
X
n
b + (U) = f ∈ O
b (U), (∀x ∈ |U|) |f (x)| ≤ 1
O
X
X
o
(idem avec la version non complétée). En outre, le morphisme de faisceaux
+
+
b + /pn O
b+
OX
/pn OX
→O
X
X
est un isomorphisme pour tout n ∈ N>0 (cf [8, Lemma 4.2]).
Dans ce paragraphe et les deux suivants, on suppose K perfectoïde, et que X est un espace
adique localement noethérien sur Spa(K, K + ). Dans ce qui suit, les espaces perfectoïdes jouent
un rôle clé : il faut étendre la définition à Xproét .
Définition. ([8, Definition 3.4]) Soit U ∈ Xproét .
(1) On dit que U est affinoïde perfectoïde s’il existe une présentation pro-étale U = lim Ui → X
←−
i∈I
avec Ui = Spa(Ri , Ri+ ) affinoïde pour tout i ∈ I, et si (R, R+ ) est une (K, K + )-algèbre
affinoïde perfectoïde, où R+ est le complété p-adique de lim Ri et R = R+ [1/p]. L’espace
−→
i∈I
affinoïde perfectoïde Ub = Spa(R, R+ ) est indépendant de la présentation, et U 7→ Ub est
fonctoriel, et |Ub | = |U|.
(2) On dit que U est perfectoïde s’il admet un recouvrement ouvert par des affinoïdes perfectoïdes 25.
Exemple basique. Si X = Tn = Spa KhT1±1 , . . . , Tn±1 i, K + hT1±1 , . . . , Tn±1 i , alors
±1/pi
e n := lim Spa KhT
T
1
←
−
i∈N
i
±1/pi
, . . . , Tn±1/p i, K + hT1
i
, . . . , Tn±1/p i
est affinoïde perfectoïde.
Proposition 8. ([8, Lemma 4.6]) Si V ∈ Xproét est perfectoïde et U → V pro-étale, alors U est
perfectoïde.
Proposition 9. ([8, Proposition 4.8]) L’ensemble des U ∈ Xproét qui sont affinoïdes perfectoïdes
forme une base de la topologie (« X est localement perfectoïde pour la topologie pro-étale »).
Remarque. Lorsque X est lisse sur Spa(K, K + ), cela résulte de la proposition 8. En effet, X
admet localement une application vers Tn : on peut supposer X = Tn , et tout U ∈ Xproét est
e n , qui est pro-étale sur T
e n (cf [8, Corollary 4.7] et sa preuve).
recouvert par 26 U ×Tn T
25. Remarquons qu’un ouvert quasi-compact de U ∈ Xproét est un objet de Xproét .
26. Bien entendu, cette construction de « perfectoïdisation » est utilisée à plusieurs reprises pour les calculs
cohomologiques locaux.
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
7
2.2. Preuve du théorème de finitude et d’annulation. Signalons le lemme général suivant,
qui sera utile pour les passages à la limite.
Lemme 10. ([8, Lemma 3.18]) Soit {Fi}i∈N un système projectif de faisceaux sur un site T .
Supposons qu’il existe une base B de T telle que pour tout U ∈ B, ont ait R 1 limi Fi (U) = 0
←−
et Hn (U, Fi) = 0 pour tout i ∈ N et n ∈ N>0 . Alors :
(1) Rn limi Fi = 0 pour tout n ∈ N>0 et (limi Fi )(U) = limi Fi (U) pour tout U ∈ T ;
←−
←−
←−
(2) Hn (U, limi Fi ) = 0 pour tout U ∈ B et n ∈ N>0 .
←−
Dans ce qui suit, ce lemme sera appliqué avec T = Xproét et B l’ensemble des affinoïdes perfectoïdes, dont la cohomologie a de bonnes propriétés de presque annulation, comme nous allons
maintenant le voir.
b + (U) =
Lemme 11. ([8, Lemma 4.10, Lemma 4.12]) Soit U ∈ Xproét affinoïde perfectoïde. Alors O
X
+
b+ )
R+ et c’est la complétion p-adique de OX
(U). En outre, les groupes de cohomologie Hn (U, O
X
sont presque nuls pour n ∈ N>0 . En particulier,
|U|, OX ||U |, {| • (x)|}x∈|U |
est un espace adique perfectoïde, qui n’est autre que Ub . Il en résulte 27 que pour tout système
local en Fp -espaces vectoriels L sur Xét , le groupe de cohomologie
+
+
/pOX
)
Hj U, L ⊗(OX
est presque nul pour j ∈ N>0 , et un R+ /pR+ -module presque projectif de type fini si j = 0.
L’ingrédient local pour la preuve du théorème 4 est le suivant :
Lemme 12. ([8, Lemma 5.6]) Supposons que K contient les racines pm -ièmes de l’unité pour
tout m ∈ N. Soient V un espace adique affinoïde lisse sur Spa(K, OK ) et L un système local
en Fp -espaces vectoriels sur Vét . On suppose qu’on a une application étale V → Tn qui est un
composé de plongements rationnels et d’applications finies étales. Alors :
(1) Hj (Vét , L ⊗OV+ /pOV+ ) est presque nul pour j > n(= dim(V )) ;
(2) si V ′ ( V est un ouvert rationnel, l’image de
Hj Vét , L ⊗(OV+ /pOV+ ) → Hj Vét′ , L ⊗(OV+′ /pOV+′ )
est presque de type fini sur OK .
Indications sur la preuve. Grâce à la proposition 7, on peut faire le calcul
dans le site pro-étale.
n
j
e
e
On considère V = V ⊗Tn T , le « perfectoïdisé » de V : on sait que H Ve , L ⊗(OV+ /pOV+ ) est
b
presque nul pour j ∈ N>0 et presque projectif de type fini sur S + /pS + (où Ve = Spa(S, S + )).
Comme Ve → V est galoisienne de groupe Znp , on en déduit (1) par des calculs explicites et bien
connus (complexe de Koszul). La preuve de (2), plus subtile, nécessite la construction d’une
chaine V ′ = V (n+2) ( V (n+1) ( · · · ( V (1) = V . Le calcul de la cohomologie se fait au moyen
de la suite spectrale de Hochschild-Serre 28 : il s’agit alors de contrôler la finitude des images
d’application entre suites spectrales (cf [8, Lemma 5.4]).
Lemme 13. ([8, Lemma 5.8]) Sous les hypothèses du lemme 12, si X est un espace adique
propre et lisse surSpa(K, OK ), et si L un système local en Fp -espaces vectoriels sur Xét , alors
+
+
/pOX
) est presque projectif de type fini, et presque nul pour
le OK -module Hj Xét , L ⊗(OX
j > 2 dim(X).
Indications sur la preuve. Le lemme précédent montre que si λ : Xét → Xan est la projection 29,
+
+
alors Rj λ∗ (L ⊗OX
/pOX
) est presque nul pour j > dim(X). Comme Xan est de dimension cohomologique dim(X), on a la propriété d’annulation. Pour la finitude, on procède de façon similaire
27. Grâce au théorème de presque pureté et une descente presque fidèlement plate.
28. Pour la suite exacte 0 → pm Znp → Znp → (Zp /pm Zp )n → 0.
29. Où Xan est le site des ouverts de X.
8
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
à plus haut, en construisant j + 2 recouvrements de X (vérifiant des propriétés d’inclusion et
de petitesse convenable, cf [8, Lemma 5.3]), et contrôle la finitude à travers les j + 2 suites
spectrales qu’on en déduit.
Pour prouver le théorème 4, on montre 30 d’abord que modulo un presque isomorphisme, on
∼
+
+
peut supposer K + = OK . Ensuite, tout bascule 31. On a OX ♭ /p♭ OX ♭ → OX
/pOX
, de sorte que
+
+
Hj Xét , L ⊗(OX
♭ /pOX ♭ )
est presque projectif de type fini, et presque nul pour j > 2 dim(X) (d’après le lemme précédent). Grâce au lemme 10 (passage à la limite pour la topologie p♭ -adique), cela implique que
Hi (Xproét , L ⊗ObX ♭ ) ∼
= (K ♭ )r est un K ♭ -espace vectoriel de dimension finie pour tout i, nul si
i > 2 dim(X). On utilise alors le morphisme d’Artin-Schreier
L ⊗ObX ♭ → L ⊗ObX ♭
v ⊗ x 7→ v ⊗ (xp − x)
qui fournit la suite exacte longue :
On a alors :
b ♭) → · · ·
· · · → Hi (Xproét , L) → Hi (Xproét , L ⊗ObX ♭ ) → Hi (Xproét , L ⊗O
X
Hi (Xét , L) = Hi (Xproét , L) = Hi (Xproét , L ⊗ObX ♭ )
Remarquons que la preuve fournit un presque isomorphisme
ϕ=1
∼
= Frp
+
+
/pOX
)
Hi (Xét , L) ⊗ (K + /pK + ) → Hi Xét , L ⊗(OX
pour tout i ∈ N. Signalons aussi que le théorème 4 implique 32 sa propre version relative :
Théorème 14. ([8, Corollary 5.11]) Soient f : X → Y un morphisme propre et lisse d’espaces
adiques localement noethériens sur Spa(Qp , Zp ), et L un système local en Fp -espaces vectoriels
sur Xét . Alors pour tout i ∈ N, on a un presque isomorphisme de faiseaux de OY+ -modules
+
+
(Ri fét ∗ L) ⊗ (OY+ /pOY+ ) → Ri fét ∗ (L ⊗(OX
/pOX
))
Remarque. Récemment, Scholze a étendu ce résultat au cas où f provient d’un morphisme
propre f0 : X0 → Y0 de schémas de type fini sur C, et L d’un Fp -faisceau constructible sur X0
(cf [9, Theorem 3.12]).
2.3. Les faisceaux de périodes. Sur Xproét , on dispose des faisceaux suivants :
b+ )
Ainf = W(O
X♭
et
Binf = Ainf [1/p]
b + et θ : B → O
b ; on pose :
munis de morphismes d’anneaux θ : Ainf → O
inf
X
X
B+
lim Binf /(Ker(θ))n
dR = ←
−
n∈N
et
BdR = B+
dR [1/t]
>0
i
i
que l’on filtre en posant Fili B+
dR = (Ker(θ)) et Fil BdR =
P
j∈Z
t−j Fili+j B+
dR .
On fixe π ∈ K ♭ est tel que π ♯ /p ∈ (K + )× . On dispose bien sûr de θ : A(K, K + ) → K + . On montre
facilement que son noyau est principal, engendré par un élément ξ ≡ [π] mod pA(K, K + ). On
sait calculer les sections globales de ces faisceaux sur les espaces affinoïdes perfectoïdes :
Théorème 15. ([8, Theorem 6.5]) Soit U ∈ Xproét affinoïde perfectoïde sur Spa(K, K + ) : écrivons
Ub = Spa(R, R+ ).
30. En considérant X ×Spa(K,K + ) Spa(K, OK ), un recouvrement simplicial de X et en invoquant le lemme 11.
31. Il faut donc étendre certains résultats qui précèdent à la caractéristique p...
32. En regardant sur les fibres en les point géométriques de Y .
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
9
(1) On a un isomorphisme canonique :
Ainf (U) ∼
= Ainf (R, R+ ) := W(R♭+ )
ainsi que des isomorphismes analogues 33 pour Binf , B+
dR et BdR .
(2) Hi (U, Ainf ) et Hi (U, Binf ) sont presque nuls 34 pour i ∈ N>0
i
(3) Hi (U, B+
dR ) et H (U, BdR ) sont nuls pour i ∈ N>0 .
Indications sur la preuve. Par induction sur n, on a la description des sections globales de
(Ainf /pn Ainf )(R, R+ ) et la presque annulation de la cohomologie. On invoque alors le lemme 10
pour passer à la limite et en déduire les énoncés sur Ainf , les énoncés sur Binf en découlent.
ξn
→ Binf → Binf /(Ker(θ))n → 0 et le lemme 10.
Pour B+
dR , on utilise la suite exacte 0 → Binf −
L’annulation de la cohomologie provient du fait que θ([π]) est inversible dans F .
b (i) pour tout i ∈ Z.
Proposition 16. ([8, Proposition 6.7]) On a gri BdR ∼
=O
X
Supposons désormais K de valuation discrète. Soit X un espace adique lisse sur Spa(K, OK ).
On pose OBinf = OX ⊗ν ∗ W(k) Binf et Ω1X = ν ∗ Ω1Xét : ce sont des faisceaux sur Xproét , et on
b + , ainsi que de la connexion B -linéaire
dispose d’un morphisme d’anneaux θ : OBinf → O
inf
X
35
1
∇ : OBinf → OBinf ⊗OX ΩX . On pose :
OB+
lim OBinf /(Ker(θ))n
dR = ←
−
n∈N
et
OBdR = OB+
dR [1/t]
>0
i
i
Ce sont des faisceaux sur Xproét . On les filtre en posant Fili OB+
dR = (Ker(θ)) et Fil OBdR =
P −j
+
t Fili+j OB+
dR pour i ∈ Z. La connexion ∇ s’étend en une connexion BdR -linéaire
j∈Z
+
1
∇ : OB+
dR → OBdR ⊗OX ΩX
On sait décrire localement ces faisceaux : supposons qu’on a un morphisme étale X → Tn : on
b
e n . Le corps C = K
f=X⊗ nT
est perfectoïde : il en est de même du changement de base
pose X
T
f
f Pour 1 ≤ i ≤ n,
XC ∈ Xproét /XC . Dans ce qui suit, on se place dans le site localisé Xproét /X.
on a :
ui = Ti ⊗ 1 − 1 ⊗ [Ti♭ ] ∈ Ker(θ) ⊂ OBinf |Xe
Proposition 17. ([8, Proposition 6.10, Corollary 6.15]) L’application
+
B+
dR |X
e [[X1 , . . . , Xn ]] → OBdR |X
e
f En particulier, on a
est un isomorphisme de faisceaux sur Xproét /X.
"
Xn
X1
b
,...,
gr OBdR |XeC ∼
= ξ iO
X
ξ
ξ
i
de sorte que
h
#
b ξ ±1 , X , . . . , X
gr• OBdR |XeC ∼
=O
X
1
n
(avec ξ, X1 , . . . , Xn de degré 1).
i
Corollaire 18. (Lemme de Poincaré, [8, Corollary 6.13]) Si X est lisse de dimension n sur
Spa(K, OK ), la suite
∇
∇
∇
+
1
n
0 → B+
→ OB+
→ ··· −
→ OB+
dR → OBdR −
dR ⊗OX ΩX −
dR ⊗OX ΩX → 0
de faisceaux sur Xproét est exacte.
+
+
33. Signalons que Ker(θ : Ainf (R, R+ ) → R
= ξA
inf (R, R ).
)1/p
r 34. Par rapport à l’idéal engendré par [π
] r∈N dans Ainf (K, K + ) (remarquons que tous les anneaux
considérés sont des Ainf (K, K + )-algèbres).
35. L’élément t existe localement et est unique à une unité près. Ce n’est pas un diviseur de zéro.
10
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
Remarque. Le gradué de cette suite exacte fournit la suite exacte :
1
b ⊗
b (1) → gr1 OB+ → O
0→O
X
OX ΩX → 0
X
dR
appelée extension de Faltings.
Décrivons maintenant la cohomologie des faisceaux de périodes.
Proposition 19. ([8, Proposition 6.16]) Supposons X = Spa(R, R+ ) affinoïde de type fini sur
Spa(K, OK ), muni d’une application X → Tn , composée de plongements rationnels et d’applications finies étales. On a :

R ⊗
b KC
Hq (XC , gr0 OBdR ) = 
(1)
q
(2)
i
H (X, gr OBdR ) =
0



R



si q = 0
si q > 0
si i = 0 et q = 0
si i = 0 et q = 1
si i 6= 0 ou q > 1
R log(χ)
0
f → X : il est galoisien de groupe
Indications sur la preuve. (1) On considère le revêtement X
C
C
f est perfectoïde, sa cohomologie est nulle en degrés supérieurs (cf lemme 11) : on
Znp . Comme X
C
c
e
f
e e+
se ramène au calcul de la cohomologie de Znp à valeurs dans R[V
1 , . . . , Vd ], où X = Spa(R, R ) et
[T ♭ ]
Vi = t−1 log Tii . L’action du i-ème vecteur de base γi de Znp est donnée par γi (Vj ) = Vj + δij :
la cohomologie se calcule au moyen d’un complexe de Koszul très explicite et simple. (2) en
résulte, en utilisant le théorème 1.
Corollaire 20. ([8, Corollary 6.19]) Si X est lisse sur Spa(K, OK ), on a 36 :
ν∗ OBdR = OXét
i
R ν∗
Ob
X (j)
=

i


ΩXét
Ωi
 Xét


0
log(χ)
si i = j
si i = j + 1
si i 6∈ {j, j + 1}
b (1) ∼
Remarque. L’isomorphisme R1 ν∗ O
= Ω1Xét est donné par le morphisme de connexion déduit
X
de l’extension de Faltings.
2.4. Modules filtrés à connexion intégrable. Désormais, X est supposé lisse sur Spa(K, OK )
37
(rappelons que K est de valuation discrète). Le théorème de structure locale de OB+
dR implique
le résultat suivant :
Proposition 21. ([8, Theorem 7.2]) Le foncteur M 7→ (M := M ⊗B+ OB+
dR , ∇M = Id ⊗∇)
dR
+
induit une équivalence de catégories entre la catégorie des BdR -systèmes locaux 38 et celle des
39
∇M =0
OB+
.
dR -modules à connexion intégrable . On a alors M = M
Définition. ([8, Definition 7.5]) (1) Un OX -module filtré à connexion intégrable est un OX -module
E localement libre sur X, muni d’une filtration décroissante, séparée et exhaustive par des sousmodules localement facteurs directs Fil• E, et d’une connexion ∇ : E → E ⊗OX Ω1X vérifiant la
transversalité de Griffith.
36. Ce qui généralise les calculs de Tate (cf théorème 1) et de Hyodo [4, Theorem 1].
37. Grâce au fait que si A est une Q-algèbre, un module à connexion intégrable sur A[[X1 , . . . , Xn ]] admet assez
de sections horizontales (cf [5, Proposition 8.9]).
38. Constituée des B+
dR -modules M qui sont localement libres de rang fini sur Xproét .
39. Constituée des OB+
dR -modules M qui sont localement libres de rang fini sur Xproét , et munis d’une connexion
intégrable ∇M : M → M ⊗OX Ω1X .
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
11
(2) Un OX -module filtré à connexion intégrable E et un OB+
dR -module à connexion intégrable
M sont dits associés s’il existe un isomorphisme
M ⊗OB+ OBdR ∼
= E ⊗OX OBdR
dR
compatible aux filtrations et aux connexions.
Proposition 22. ([8, Theorem 7.6])
(1) Si M et E sont associés, on a
M := M∇M=0 = Fil0 (E ⊗OX OBdR )∇=0
Eét = λ∗ E = ν∗ (M ⊗B+ OBdR )
dR
(2) Si E est un OX -module filtré à connexion intégrable, alors M = Fil0 (E ⊗OX OBdR )∇=0 est
OB+
un B+
dR sont associés. En particulier, on a
dR -système local ; en outre, E et M = M ⊗B+
dR
un foncteur pleinement fidèle de la catégorie des OX -modules filtrés à connexion intégrable
dans celle des B+
dR -systèmes locaux.
Théorème 23. ([8, Theorem 7.11]) Soient E un OX -module filtré à connexion intégrable et M
40
:
le B+
dR -système local associé. On a un isomorphisme canonique
i
i
H (X , M) ⊗ + BdR ∼
= H (X, E) ⊗K BdR
K
dR
BdR
compatible aux filtrations et à l’action de GK = Gal(K /K). En outre, on a un isomorphisme
GK -équivariant :
M i−j,j
HHodge (X, E) ⊗K C(−j)
Hi (XK , gr0 M) ∼
=
j∈Z
où
Hi−j,j
Hodge (X, E)
= H (X, gr DR(E)) est la cohomologie de Hodge 41 en bidegré (i − j, j).
i
j
Indications sur la preuve. On a un morphisme de complexes filtrés
DR(E) → DR(E) ⊗OX OBdR
qui induit un morphisme
RΓ(XK , DR(E)) ⊗K BdR → RΓ(XK , DR(E) ⊗OX OBdR )
dans la catégorie dérivée filtrée. On montre que c’est un quasi-isomorphisme en regardant les
gradués. On peut remplacer DR(E) par un OX -module localement libre, et OBdR par gr0 OBdR ,
ce qui réduit le calcul à de la cohomologie cohérente : on utilise alors le fait que la cohomologie
cohérente sur un espace adique propre est de dimension finie et commute aux changements du
corps de base (cf [8, Lemma 7.13]).
2.5. Le théorème de comparaison.
b le faisceau lim (Z /pn Z) sur X
b
Définition. On note Z
p
proét . Un Zp -faisceau lisse sur Xproét est
←−n
b ⊗ M où M est un Z -module de type fini.
un faisceau L localement (sur Xproét ) de la forme Z
p Zp
p
c := lim ν ∗ L
Proposition 24. ([8, Proposition 8.2]) On a une équivalence de catégories L• 7→ L
n
•
←−n
b
entre la catégorie des Zp -faisceaux lisses sur Xét et celle des Zp -faisceaux lisses sur Xproét . En
outre, on a Rj limn ν ∗ Ln = 0 pour tout j ∈ N>0 .
←−
b -faisceau lisse L sur X
Définition. Supposons X propre 42 sur Spa(K, OK ). Un Z
p
proét est dit de
+
+
de Rham si le BdR -système local M = L ⊗Zbp BdR est associé à un OX -module filtré à connexion
intégrable (E, ∇, Fil• E).
40. Où bien sûr, on a BdR = BdR (C, OC ).
∇
∇
41. DR(E) = (0 → E −→ E ⊗OX Ω1X −→ · · · ) désignant le complexe de de Rham de E, muni de sa filtration
∇
∇
Film DR(E) = (0 → Film E −→ Film−1 E ⊗OX Ω1X −→ · · · ).
42. Rappelons qu’il est déjà supposé lisse.
12
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
+
b -faisceau lisse sur X
Théorème 25. ([8, Theorem 8.4]) Soient L un Z
p
proét et M = L ⊗Z
bp BdR .
Alors on a un isomorphisme GK -équivariant
Hi (X , L) ⊗Z BdR ∼
= Hi (X , M)
K
K
p
Si L est de de Rham, associé au OX -module filtré à connexion intégrable E, alors la suite spectrale
Hodge vers de Rham
i
Hi−j,j
Hodge (X, E) ⇒ HdR (X, E)
dégénère, et on a un isomorphisme compatible aux filtrations et GK -équivariant
Hi (X , L) ⊗Z BdR ∼
= Hi (X, E) ⊗K BdR
K
dR
p
dont le gradué fournit un isomorphisme GK -équivariant
M i−j,j
HHodge (X, E) ⊗K C(−j)
Hi (XK , L) ⊗Zp C ∼
=
j∈Z
Indications sur la preuve. En utilisant le lemme 10, on montre par récurrence sur n que
Hi (XK , Ln ) est de type fini et qu’on a un presque isomorphisme
Hi (XK , Ln ) ⊗Zbp Ainf → Hi (XK , Ln ⊗Zp Ainf )
(le cas n = 1 étant le théorème 4). En inversant p puis en réduisant modulo ξ n , on en déduit un
isomorphisme 43
Hi (XK , Ln ) ⊗Zp (Binf / Ker(θ)m ) → Hi (XK , Ln ⊗Zbp (Binf / Ker(θ))m )
pour tout m ∈ N>0 . En utilisant le lemme 10 encore, on en déduit le premier isomorphisme.
La dégénérescence de la suite spectrale Hodge vers de Rham résulte alors d’un comptage de
dimensions, et le deuxième isomorphisme du théorème 23.
Ici encore, le théorème 25 implique sa version relative. Soit f : X → Y un morphisme lisse
d’espaces adiques lisses sur Spa(K, OK ), de dimension relative d. La projection Ω1X → Ω1X/Y
induit une connexion relative
∇X/Y : OBdR,X → OBdR,X ⊗OX Ω1X/Y
En outre, la suite
∇X/Y
∇X/Y
∗
1
∗
0 → BdR,X ⊗fproét
BdR,Y fproét OBdR,Y → OBdR,X −−−→ OBdR,X ⊗OX ΩX/Y −−−→ · · ·
∇X/Y
· · · −−−→ OBdR,X ⊗OX ΩdX/Y → 0
est exacte.
b faisceau
Théorème 26. ([8, Theorem 8.8]) Supposons f : X → Y propre et lisse. Soient L un Z
p
i
+
44
b
lisse sur Xproét et M = L ⊗Zbp BdR,X . Supposons que R fproét ∗ L soit un Zp -faisceau lisse sur
Yproét .
(1) On a un isomorphisme canonique :
Ri fproét ∗ M ∼
= Ri fproét ∗ L ⊗ B+
bp
Z
dR,Y
(2) Si L est de de Rham, associé au OX -module filtré à connexion intégrable (E, ∇, Fil• E),
alors la cohomologie de Hodge relative Ri−j,j
Hodge fHodge ∗ E est un OY -module localement libre
de rang fini, et la suite spectrale Hodge vers de Rham
Ri−j,j fHodge ∗ E ⇒ Ri fdR E
dégénère. En outre, R i fproét ∗ L est de de Rham, associée au OY -module filtré à connexion
intégrable Ri fdR E.
r
43. Plus « presque », parce que l’idéal engendré par {[π 1/p ]}r∈N engendre l’idéal unité dans Binf / Ker(θ)m .
44. C’est le cas si f et L proviennent d’objets algébriques par analytification.
THÉORÈMES DE COMPARAISON POUR LES VARIÉTÉS ANALYTIQUES RIGIDES
13
2.6. La suite specrale de Hodge-Tate. Soit X une variété analytique rigide propre et lisse
sur C. Dans [9], Scholze construit une suite spectrale (de Hodge-Tate)
i+j
Hi (X, ΩjX )(−j) ⇒ Hét
(X, Qp ) ⊗Qp C
(cf [9, Theorem 3.20]). Elle est construite de la façon suivante. La projection ν : Xproét → Xét
fournit la suite spectrale
b )
Hi (Xét , Rj ν∗ ObX ) ⇒ Hi+j (Xproét , O
X
i+j
L’aboutissement est isomorphe à Hét (X, Qp ) ⊗Qp C. En effet, d’après la preuve du théorème 4,
on a un presque isomorphisme
+
+
/pOX
)
Hi (Xét , Fp ) ⊗Fp (OC /pOC ) → Hi (Xét , OX
et donc un presque isomorphisme
+
+
Hi (Xét , Z /pn Z) ⊗Z /pn Z (OC /pn OC ) → Hi (Xét , OX
/pn OX
)
par induction sur n. En passant à la limite (grâce au lemme 10), on en déduit un presque
isomorphisme
b+
b ) ⊗ O → Hi (X
Hi (Xproét , Z
C
proét , OX )
p
Zp
et donc l’isomorphisme recherché en inversant p. Ensuite, des calculs locaux (analogues à ceux
de la proposition 19, reposant sur la lissité de X) montrent que :
∼
b
OXét → ν∗ O
X
∼
ce qui induit un isomorphisme
b
Ω1Xét (−1) → R1 ν∗ O
X
∼
b
ΩjXét (−j) → Rj ν∗ O
X
pour tout j ∈ N (cf [9, Proposition 3.23]).
Cette suite spectrale dégénère si X est défini sur K. Dans ce cas, elle fournit une filtration
•
décroissante sur Hét
(X, Qp ) ⊗Qp C, telle que
i−q
i
i
Filq Hét
(X, Qp ) ⊗Qp C/ Filq+1 Hét
(X, Qp ) ⊗Qp C ∼
= Hq (X, ΩX )(q − i)
Références
[1] G. Faltings – « p-adic Hodge theory », Journal of the AMS 1 (1988), p. 255–299.
[2] J.-M. Fontaine – « Le corps des périodes p-adiques », in Périodes p-adiques, Astérisque, vol. 223, SMF,
1994, p. 59–111.
[3]
, « Représentations p-adiques semi-stables », in Périodes p-adiques, Astérisque, vol. 223, SMF, 1994,
p. 113–184.
[4] O. Hyodo – « On the Hodge-Tate decomposition in the imperfect residue field case », J. Reine Angew.
Math. 365 (1986), p. 97–113.
[5] N. Katz – « Nilpotent connections and the monodromy theorem : Applications of a result of Turrittin »,
Publications Mathématiques de l’IHES 39 (1970), p. 175–232.
[6] D. Mumford – Abelian varieties, Tata Institute of Fundamental Research, vol. 5, Oxford University Press,
1974.
[7] P. Scholze – « Perfectoid spaces », Publications Mathématiques de l’IHES 116 (2012), p. 245–313.
[8]
, « p-adic Hodge theory for rigid-analytic varieties », Forum of Mathematics, Pi 1 (2013), p. 77,
disponible à l’adresse http://journals.cambridge.org/article_S2050508613000012.
[9]
, « Perfectoid spaces : a survey », À paraître dans les Proceedings of the 2012 conference on Current
Developments in Mathematics, 2013.
[10] J. Tate – « p-divisible groups », in Proceedings of a Conference on Local Fields (Driebergen, 1966), Springer,
1967, p. 158–183.
Institut de Mathématiques de Bordeaux, Université Bordeaux 1, 351, cours de la Libération,
33405 Talence
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