L’Encéphale, 2006 ;
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298-304, cahier 1 Thérapies comportementales et cognitives centrées sur les schémas de Young
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tre une amélioration significative en fin de thérapie (21,3
ver-
sus
27,9 ; p = 0,003). Cette évolution favorable est confirmée
par les autres échelles utilisées, évaluant la symptomatologie
anxieuse, dépressive et générale. En conclusion, les théra-
pies cognitives centrées sur les schémas sont des approches
psychothérapeutiques riches et complètes, en particulier
pour les troubles de la personnalité, qui devraient faire l’objet
maintenant d’études contrôlées pour mieux connaître leur
efficacité et leurs conditions d’application.
Mots clés :
Thérapie cognitive ; Thérapie émotionnelle ; Thérapie
des schémas ; Troubles de la personnalité.
INTRODUCTION
Les troubles de la personnalité sont très fréquents dans
la population générale, et encore plus chez les patients
psychiatriques. Les psychothérapies restent globalement
le traitement de choix de ces troubles (14). Les quelques
études contrôlées réalisées jusqu’à présent dans ce
domaine suggèrent que certaines thérapies analytiques
peuvent être efficientes, mais les données sont plus nom-
breuses concernant les thérapies comportementales et
cognitives (TCC), pour lesquelles il existe aujourd’hui des
programmes bien codifiés pour les troubles de la person-
nalité (8, 15, 16). Les résultats des programmes de thé-
rapies cognitives sont encourageants, notamment dans le
domaine des personnalités borderline, même si très peu
d’études sont réalisées de manière contrôlée (3, 8, 10).
Une étude contrôlée récente a notamment permis de mon-
trer l’intérêt d’une thérapie centrée sur les schémas chez
des personnalités borderline suivies pendant trois ans, en
comparaison d’une thérapie psychodynamique (5).
Trois grands courants au sein des TCC proposent des
programmes thérapeutiques pour les troubles de la
personnalité : l’école de Beck qui reste la plus classique
et qui propose un modèle assez proche de celui utilisé
dans les autres troubles psychiatriques (2, 4), l’école de
Linehan dont les thérapies dites « comportementales
dialectiques » sont centrées sur le traitement des person-
nalités borderline (9, 11, 17), et l’approche de Young
et al.
(19). Celle-ci, transcatégorielle, prend en compte les fac-
teurs environnementaux précoces en partie à l’origine de
la plupart des troubles de la personnalité. Elle permet, au-
delà des sous-types de personnalités pathologiques,
d’appréhender de façon plus dimensionnelle l’ensemble
de ces troubles en postulant un continuum schéma pré-
coce inadapté - personnalités pathologiques.
Par ailleurs, le travail sur les schémas permet de con-
tourner un certain nombre de limites rencontrées dans les
techniques cognitives et comportementales de change-
ment adaptées aux troubles de l’axe I, comme les difficul-
tés particulières des personnalités pathologiques (2, 6) :
– à s’engager dans une relation de collaboration avec
le thérapeute ;
– à identifier les problèmes cibles ;
– à accéder à leurs émotions et cognitions en favori-
sant notamment l’empathie du thérapeute et l’optimisme
du patient.
Le but de la thérapie est la transformation du schéma
en trois étapes :
– identification du schéma et du mécanisme d’adapta-
tion face à celui-ci ;
– techniques émotionnelles de changement des sché-
mas cognitifs (notamment l’auto-reparentage) ;
– thérapie cognitivo-comportementale classique,
notamment la restructuration cognitive et l’affirmation de
soi
(figure 1)
.
Il n’existe pratiquement aucune étude évaluant l’effica-
cité sur les troubles de la personnalité de cette approche
psychothérapique centrée sur les schémas de Young.
L’objectif de notre étude préliminaire était donc d’observer
l’impact sur une population ambulatoire d’une approche
psychothérapeutique centrée sur les schémas de Young.
RÉSUMÉ DES TECHNIQUES THÉRAPEUTIQUES
UTILISÉES
Les thérapies ont été réalisées selon le programme sui-
vant (6) :
–
Lors de la première séance
, lors de la prise de contact
et du recueil des données initiales, l’accent est mis sur
l’alliance thérapeutique. Pour ce faire, le thérapeute pra-
tique une écoute active avec reformulation, généralement
en termes de « sentiments ». Un contrat thérapeutique
fixe la nécessité d’effectuer des tâches hors séance, dont
la tenue d’un cahier de thérapie dans lequel le patient col-
lige de façon quotidienne ses moments négatifs à l’aide
des « trois colonnes » de Beck.
–
Lors de la seconde séance
, la revue de tâches permet
au thérapeute de poursuivre la reformulation «
empa-
thique
», mais aussi de dégager un problème cible : la
répétition d’un sentiment douloureux (correspondant au
schéma en cause). Le patient est incité à graduer subjec-
tivement (sur 10) la souffrance que ce sentiment génère.
Les tâches prescrites sont la poursuite du recueil des souf-
frances présentes et notamment la narration écrite des
expériences amoureuses : circonstances de rencontre,
ressentis initiaux per et post-relation, évolution et circons-
tances de fin de la liaison.
– Ce travail est lu lors de la
troisième séance
. Le thé-
rapeute continue de reformuler les sentiments éprouvés
et, au travers de questions sur l’éventuelle répétition de
circonstances ou de ressentis dans ces différentes histoi-
res, il permet d’accroître chez le patient la perception cons-
ciente du caractère stéréotypé de ses conduites et de ses
affects. La tâche prescrite pour la séance suivante est la
rédaction d’une biographie familiale et personnelle.
–
À la quatrième séance
, la biographie est lue par le
patient et le thérapeute peut commencer à susciter la
catharsis émotionnelle. Pour ce faire, il commente les faits
relatés en se plaçant du point de vue de l’enfant que le
patient a été.
–
Cinquième séance à dixième séance
: ces séances
sont consacrées à la technique d’auto-reparentage pen-
dant et en dehors des séances comme tâche à domicile.