Julia Christ, Position de thèse :
Jeu et critique. Objet, méthode et théorie de la société dans la philosophie de Th. W. Adorno
2
Exposition des chapitres : Le travail présenté commence, dans le premier chapitre, par exposer la
problématique propre à la philosophie d’Adorno: selon lui, la philosophie est avant tout une
philosophie du social. La raison en est que la philosophie, si elle ne veut pas être métaphysique,
doit parler du réel et le réel auquel elle a accès est le réel symboliquement structuré, donc le social.
Même si la philosophie ne peut plus être que philosophie sociale et connaît ainsi une restriction,
elle a affaire, selon Adorno, à un objet autre que celui des sciences particulières. Cet objet est le
social compris comme totalité. Par opposition à d’autres philosophies sociales, le social n’est
donc pas compris comme un ensemble de sphères (Habermas, Honneth) ou comme un
assemblage d’actions individuelles (individualisme méthodologique).
Cette position radicale à l’égard de la complexion du social nous amène dans un premier
temps à interroger la théorie de la connaissance d’Adorno : quel est le « sujet » qui garantit l’unité
de cette totalité ? En excluant les hypothèses philosophiques traditionnelles sur le « constituant »
du tout, nous essayons de montrer que la théorie de la connaissance d’Adorno n’est nullement
idéaliste, mais matérialiste. Ceci signifie qu’il défend la thèse forte selon laquelle le social est en
lui-même une totalité : ce n’est pas la philosophie qui, de par son angle d’attaque spécifique, fait
du social un objet particulier qui constitue le « tout », c’est le social qui forme de lui-même ce
tout. Afin d’appuyer cette lecture matérialiste de la théorie adornienne, nous discutons dans ce
chapitre les possibles constituants philosophiques que la tradition philosophique a mobilisés pour
justifier la prétention de la philosophie à parler d’un tout. Il faut tout d’abord exclure un premier
constituant de ce tout si l’on veut défendre la thèse du matérialisme d’Adorno : le constituant
métaphysique, à savoir l’absolu ou Dieu. Adorno, en parlant du tout, ne présuppose pas un tel
constituant car il prédique de ce tout sa « non-vérité », alors que l’absolu, dans la tradition
philosophique, est nécessairement vrai, et ne peut donc pas constituer un tout « non-vrai ». Le
deuxième constituant qu’Adorno exclut est le sujet de connaissance : selon son analyse, le sujet
de connaissance, jusque dans ses opérations logiques, est lui-même constitué par les pratiques
sociales, si bien que ni le sujet catégoriel transcendantal (Kant) ni le cogito logique (Husserl) ne
peuvent être mobilisés afin de justifier le discours philosophique sur le tout ; ce dernier est
objectivement là, et n’est pas le résultat des opérations inévitables d’un quelconque sujet de
connaissance transcendantalisé. A partir de ce constat nous discutons une troisième possibilité de
penser un tout structuré : la théorie d’action dans sa variante wébérienne. Pour Weber l’objet de
la sociologie est une totalité, bien qu’il ne défende pas la thèse que cette totalité corresponde au
tout réel. Toutefois l’approche wébérienne est importante parce qu’elle explicite les présupposés