Nous faisons de vos spécialités Nous faisons de vos spécialités notrerespéc spéc ialité not ialité É ditorial Directeur de la publication Claudie Damour-Terrasson Rédacteur en chef M. Komajda Rédacteur en chef adjoint C. Bauters Rédactrice en chef adjointe (congrès) N. Baubion Comité de rédaction C. Adams - M.C. Aumont - J.P. Batisse N. Danchin - B. Gallet - X. Girerd G. Helft - P. Jauffrion - S. Kownator - C. Leclercq C. Le Feuvre - J.P. Metzger - D. Thomas Conseiller scientifique : Pr A. Vacheron Conseil de rédaction É. Bruckert - J.P. Charliaguet - A. Cohen-Solal F. Delahaye - P. Gibelin - T. Lavergne G. Montalescot - R. Roudaut - C. Sebag Comité de lecture Prs J.P. Bassand (Besançon) - M. Bertrand (Lille) M. Bory (Marseille) - M. Brochier (Tours) - J.C. Daubert (Rennes) J. Delaye (Lyon) - Y. Grosgogeat (Paris) L. Guize (Paris) - P.G. Hugenholtz (Oosterbeek - Pays-Bas) H. Kulbertus (Liège) - R. Leighton (Savannah - États-Unis) J. Lekieffre (Lille) - S. Levy (Marseille) - A. Maseri (Londres) G. Nicolas (Nantes) - M. Salvador (Toulouse) Fondateur : Alexandre Blondeau Société éditrice : EDIMARK SAS Président-directeur général Claudie Damour-Terrasson Rédaction Directeur délégué de la rédaction : Béatrice Hacquard-Siourd Secrétaire générale de rédaction : Magali Pelleau Secrétaire de rédaction : Lauriane Noury Rédactrices-réviseuses : Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Catherine Mathis, Odile Prébin Infographie Premier rédacteur graphiste : Didier Arnoult Responsable technique : Virginie Malicot Rédactrices graphistes : Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Cécile Chassériau, Catherine Rousset Dessinateurs d'exécution : Stéphanie Dairain, Antoine Palacio Commercial Directeur du développement commercial : Sophia Huleux-Netchevitch Directeur des ventes : Chantal Géribi Directeur d’unité : Nathalie Bastide Régie publicitaire et annonces professionnelles Vincent Le Divenach Tél. : 01 46 67 62 92 – Fax : 01 46 67 63 10 Abonnements Lorraine Figuière - Tél. : 01 46 67 62 74 2, rue Sainte-Marie, 92418 Courbevoie Cedex Tél. : 01 46 67 62 00 - Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Site Internet : www.vivactis-media.com Photos : © Elio Zoppi, © fotko, © Cameron Collingwood Éditorial La Lettre du Cardiologue Rapport bénéfice-risque : plus facile à définir qu’à estimer ! Benefit-risk ratio: more easy to define than to estimate ! © La Lettre du Pneumologue - Volume IX - n° 2 - mars-avril 2006 #P. Devillier* L e rapport bénéfice-risque est littéralement l’évaluation du rapport entre l’amélioration de santé que peut apporter un médicament et les risques d’effets indésirables liés à son mécanisme d’action, ou plus rarement, d’effets toxiques directs ou indirects indépendants de son activité (hépatotoxicité, allergie à l’un des constituants, etc.). La sécurité d’utilisation effective du médicament ne dépend pas uniquement d’un équilibre bénéfice-risque correctement évalué, mais résulte aussi de la manière dont il est prescrit et utilisé. En effet, ce rapport initialement établi par l’industrie pharmaceutique lors des différentes phases du développement du médicament a été évalué comme favorable par les autorités de santé lors de l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le contexte précis du respect des indications, des précautions d’emploi, des contre-indications et des interactions médicamenteuses. M L’évaluation du rapport bénéfice-risque global d’un traitement médicamenteux doit prendre en compte le rapport bénéfice-risque de chacun des médicaments prescrits, parfois pour des pathologies différentes, les éventuelles interactions positives ou négatives entre ces médicaments, sans oublier les facteurs liés au patient lui-même : âge, sévérité de sa ou ses pathologie(s), observance et, dans un avenir pas si lointain, marqueurs génétiques de réponse ou de risques médicamenteux. M L’évaluation du rapport bénéfice-risque ne se limite pas aux traitements médicamenteux. Elle doit s’appliquer à tout acte thérapeutique, aussi bien pour des dispositifs médicaux (pose de stents, etc.) que pour des gestes invasifs diagnostiques ou thérapeutiques (endoscopie, etc.). Le rapport bénéfice-risque de toute prise en charge thérapeutique dépend en bonne partie de la gravité et du pronostic de la maladie à traiter. Il doit être d’autant plus élevé que la maladie est bénigne. La notion de risque lié à une prise en charge thérapeutique implique une information du patient en l’état des connaissances afin qu’il puisse accepter le risque en regard de l’amélioration de santé qu’il peut escompter. On voit bien que le rapport bénéfice-risque n’est pas apprécié dans le même contexte, ni sur les mêmes bases, par l’industrie pharmaceutique, les autorités de santé, le médecin et le patient. RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE ET INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE M Le rapport bénéfice-risque est le crédo des responsables du développement, aussi bien préclinique que clinique. Les différentes étapes du développement ont été structurées pour s’assurer, dans l’état actuel des connaissances, que les avantages procurés par le médicament candidat à l’AMM l’emportent sur les inconvénients liés à ses effets indésirables. L’évaluation du risque d’effet indésirable est l’un des éléments clés des décisions de sélection, mais aussi d’arrêt du développement * Hôpital Foch, UPRES EA220, Suresnes. La Lettre du Cardiologue - n° 399 - novembre 2006 3 Éditorial É ditorial d’une molécule. La mission des chercheurs et des développeurs industriels n’est pas tant de supprimer les risques que d’en prendre la mesure. En effet, le risque ne pouvant être, par nature, totalement éliminé, la quête du risque zéro est non seulement illusoire, mais susceptible de freiner l’innovation. M Les études cliniques multiples conduites en vue de l’obtention de l’AMM doivent démontrer un rapport bénéfice-risque supérieur à celui du placebo, au moins non inférieur à un médicament de référence dans l’indication revendiquée et, au mieux, meilleur que ce dernier. Elles doivent suivre les recommandations publiées par les agences d’enregistrement des médicaments (Food and Drug Administration [FDA], European Agency for the Evaluation of Medicinal products [EMEA]), même si les critères indiqués par ces agences n’apparaissent pas toujours comme les plus pertinents. L’expérience acquise lors de ces études reste limitée à une population sélectionnée sur des critères d’inclusion et d’exclusion rigoureux et caractérisée par la bonne observance du traitement testé et, pour ce qui concerne les médicaments inhalés, par une technique d’inhalation appropriée. Cette population homogène représente une part relativement faible des malades ciblés par l’indication thérapeutique. Ainsi, seuls 5 % des patients asthmatiques et 7 % des patients BPCO répondent aux critères d’inclusion et d’exclusion des études cliniques réalisées par l’industrie pharmaceutique (1). Ces critères de sélection nécessaires à une évaluation rigoureuse et réglementaire du rapport bénéfice-risque reflètent mal les conditions habituelles de prescription et d’usage des médicaments et soulignent les limites méthodologiques et les sources de distorsion de son évaluation au moment de l’AMM. En outre, les études comparatives du rapport bénéfice-risque visà-vis de médicaments concurrents sont, à ce stade, en nombre limité, souvent fondées sur des critères intermédiaires d’efficacité et de tolérance dont les sensibilités respectives peuvent influer sur le résultat et dont la pertinence clinique est naturellement discutable. Enfin, l’amplitude de variation de ces critères peut être sensiblement modifiée par la sévérité de la maladie. En effet, le rapport bénéfice-risque n’est pas constant sur l’échelle de sévérité de la pathologie concernée. Il apparaît clairement qu’au moment de l’AMM, il est évalué dans le strict respect du bon usage du médicament, de façon certes rigoureuse, mais sur un nombre relativement restreint de patients sélectionnés. M En termes de logique d’entreprise, la gestion du risque doit conduire à protéger et à améliorer la valeur de l’entreprise de manière rentable et durable. Le retrait du marché pour effet indésirable rare, parfois lié à une susceptibilité individuelle ou à des interactions médicamenteuses, montre que tous les risques ne peuvent être connus ou correctement appréciés au moment de l’octroi de l’AMM. Une telle décision prise par le fabricant ou par les autorités de santé peut mettre en péril la pérennité de l’entreprise, non seulement du fait de la diminution parfois 4 importante du chiffre d’affaires mais aussi en raison du coût croissant de la judiciarisation des affaires d’indemnisation des dommages liés aux effets indésirables graves médicamenteux. On comprend aisément que les laboratoires pharmaceutiques essayent de se prémunir au mieux contre de telles éventualités, dont certaines ont été largement médiatisées, mais restent fort heureusement exceptionnelles : isoméride (HTAP), Tasmar® (hépatite fulminante), Staltor® (rhabdomyolyse), Vioxx® (accidents cardiovasculaires), Bextra® (syndrome de StevensJohnson) et, tout récemment, Exanta® (hépatite fulminante). C’est la pharmacovigilance, à laquelle participent les entreprises du médicament et les autorités sanitaires, qui assure la gestion du risque après commercialisation par le recueil et l’analyse des effets indésirables, en conditions réelles d’utilisation. RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE VU PAR LES AUTORITÉS DE SANTÉ M Les trois missions principales de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de Santé (Afssaps) définies par son directeur général (Monsieur Marimbert) consistent à évaluer si le produit découvert par un laboratoire pharmaceutique a plus d’avantages que d’inconvénients avant de le mettre sur le marché, à accompagner la mise sur le marché d’informations susceptibles d’aider les professionnels de santé dans le meilleur usage possible du médicament et d’éclairer les consommateurs (notice, boîte) et, bien sûr, à contrôler que la sécurité d’emploi des produits, supposée pendant la phase d’évaluation, se vérifie bien en pratique. Pour atteindre ces objectifs, les autorités de santé françaises prennent l’avis consultatif d’un certain nombre d’experts réunis en commissions : Commission d’AMM des médicaments à usage humain, Commission nationale de pharmacovigilance, Commission de la transparence et Commission de contrôle de la publicité et du bon usage du médicament. Ces commissions procèdent à des évaluations réglementaires qui précèdent, encadrent et suivent la mise sur le marché des médicaments. Après l’évaluation initiale favorable de son rapport bénéfice-risque ayant conduit à sa commercialisation sous certaines conditions, le médicament fait ainsi l’objet de constantes réévaluations du rapport bénéfice-risque. M La rigueur et la technicité de l’évaluation du médicament, qui confinent parfois à la rigidité, limitent la capacité à estimer un rapport bénéfice-risque transposable à la pratique médicale et, à tout le moins, la population cible de malades pour laquelle ce rapport serait optimal lors de l’examen du dossier d’AMM. Ces difficultés impactent non seulement la décision d’octroi d’une AMM mais aussi le remboursement et le niveau de prise en charge. Les effets d’un médicament doivent être évalués en permanence puisqu’ils ne sont pas cernés une fois pour toutes lors de l’AMM. La découverte d’un risque supplémentaire ou >>> La Lettre du Cardiologue - n° 399 - novembre 2006 É ditorial Éditorial >>> la réévaluation d’un risque connu sur la base de l’expérience de l’utilisation dans la “vie réelle” ne traduisent pas, dans la majorité des cas, une “faute” dans le dispositif d’évaluation du médicament. En revanche, la connaissance et le respect des règles de bon usage du médicament sont indispensables pour assurer au patient un niveau de sécurité et d’efficacité le plus proche de celui ayant conduit à sa commercialisation. M Par ailleurs, la mise en place de plans de gestion des risques post-AMM, une pharmacovigilance renforcée et enrichie par des études pharmaco-épidémiologiques, le contrôle de la publicité, pour limiter toute dérive d’utilisation du médicament vers un élargissement des cibles thérapeutiques pouvant exacerber des risques ou mener à des usages sans garantie solide, sont autant de moyens gérés conjointement par l’industrie pharmaceutique et les autorités de santé pour s’assurer, surtout pendant les premières années de commercialisation, que le rapport bénéfice-risque reste favorable. RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE VU PAR LES MÉDECINS M Le mot “médecin” vient certes de “mederi” qui signifie “soigner, donner des soins”, mais aussi de “med”, racine indo-européenne qui a le sens non seulement de “prendre avec autorité des mesures appropriées”, mais également de “juger, méditer, réfléchir” (2). Cette réflexion consiste à peser les bénéfices mais aussi les risques qu’une décision thérapeutique peut faire encourir au patient. La première maxime d’un médecin doit rester : primum non nocere. M Il n’y a pas de pratique médicale sans prise de décision qui confronte le médecin à des choix pour son patient. Certains auteurs soulignent à juste titre que l’innocuité des nouveaux médicaments ne peut être connue avec certitude qu’une fois ceuxci mis sur le marché depuis plusieurs années, et recommandent aux médecins d’éviter de prescrire des médicaments nouveaux lorsque des médicaments plus anciens, dotés d’une efficacité similaire, sont passés par les fourches caudines de la pharmacovigilance, et que d’éventuels risques rares ont été débusqués par le volume de prescription (3). Cette attitude relève du bon sens pour les patients chez lesquels l’efficacité obtenue avec ces médicaments anciens est satisfaisante. Compte tenu de la faible fréquence des effets indésirables graves non prévisibles, cette position doit être nuancée si un meilleur rapport bénéficerisque peut être escompté avec ces nouveaux médicaments, du fait notamment des spécificités du patient (4). Il est important de souligner que cette estimation ne peut être raisonnablement effectuée que dans le respect de l’indication, avec pour corollaire, une démarche diagnostique appropriée. M Les situations sont parfois complexes et rendent l’évaluation du rapport bénéfice-risque aléatoire. Ainsi, la consommation moyenne journalière en France s’établit à 3,6 médicaments par 6 personne âgée de 65 ans et plus. Or, du fait des polyinsuffisances liées à l’âge et de l’augmentation des possibilités d’interaction médicamenteuse liée à la multiplicité des traitements, les effets indésirables induits par les médicaments sont deux à trois fois plus fréquents et plus sévères chez les plus de 65 ans. Tous ne sont pas évitables et peuvent survenir sans erreur commise par le médecin, le pharmacien ou le malade, mais une bonne part d’entre eux pourraient être prévenus (5). Si la formation continue des médecins doit être assurée pour qu’ils disposent d’une compétence actualisée sur les médicaments, il est bien évident que cette dernière ne sera jamais exhaustive et qu’une part d’incertitude, donc de risque, persistera, non seulement du fait de la multiplicité des combinaisons de médicaments qui peuvent être prescrits pour une même pathologie ou des pathologies associées, mais aussi des susceptibilités individuelles tant du point de vue de l’efficacité que de la tolérance, qui vont influer sur le rapport bénéfice-risque (6-8). À cette complexité s’en ajoute une autre, qui relève de l’organisation des soins. Le patient souffrant de pathologies multiples est pris en charge par son médecin omnipraticien et par les médecins spécialistes requis par son état de santé. La multiplication des intervenants devenue nécessaire par l’amélioration rapide des connaissances et des techniques rend plus difficile encore l’évaluation globale du rapport bénéfice-risque. La diffusion à l’ensemble des acteurs médicaux d’un dossier médical actualisé comportant au moins les informations relatives aux risques d’interaction, aux précautions et aux contre-indications liées aux différents traitements administrés au patient, pourrait contribuer à préserver un rapport bénéfice-risque favorable en évitant les erreurs découlant du manque d’information, pour ne pas dire de l’ignorance ou de la surabondance d’une information (info-pollution) peu exploitable. Les moyens de communication en réseau sont de plus en plus performants et pourraient certainement mieux s’organiser autour du malade, en n’oubliant jamais que l’information n’est valable que si elle est actualisée et sa source identifiée. Dans un futur proche, on peut espérer que le développement de la pharmacogénomique (7) et de logiciels d’aide à la prescription facilitera la démarche du prescripteur, mais force est de constater qu’aujourd’hui il se trouve face au patient qui attend de lui la prescription la plus adaptée à son état de santé et une information sur les bénéfices et les risques liés aux traitements dans l’“espace-temps” réduit d’une consultation. La réponse apportée par le médecin relève d’une appréciation globale du rapport bénéfice-risque qui, pour les raisons précédemment citées, peut ne pas s’appliquer à son patient. Si les consensus et les recommandations internationales constituent des guides de bonne pratique, il ne faut pas oublier qu’ils s’appuient en bonne partie sur le concept de la médecine fondée sur les preuves, preuves apportées par les études cliniques rigoureuses conduites en grande majorité La Lettre du Cardiologue - n° 399 - novembre 2006 par l’industrie pharmaceutique dans le cadre réglementaire, donc réducteur, des études à visée AMM… RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE VU PAR LES PATIENTS M Lors d’un débat récent sur l’avenir de la santé, les patients ont clairement déclaré accepter les risques sous réserve d’une information appropriée devant éviter deux écueils : l’absence de transparence et l’excès d’information. En effet, le manque d’information ou une mauvaise information peuvent être à l’origine d’un mauvais usage du médicament. À ce titre, la finalité des notices d’information sur les médicaments ne doit pas être de protéger juridiquement le laboratoire, mais d’offrir une information permettant son meilleur usage par le patient. Au-delà d’une information sur le bon usage, les patients doivent être avertis des risques d’effets indésirables des médicaments qui leur sont proposés, mais aussi des risques liés à l’évolution de la pathologie en l’absence de traitement adapté. Cette information, en permanence actualisée, doit être fournie ou rendue facilement accessible au patient par l’industrie pharmaceutique, les autorités de santé, et bien sûr, le médecin traitant dépositaire de la confiance du malade. Les associations de malades doivent aussi participer à cet effort d’information. La connaissance des risques en regard du bénéfice de santé escompté est un élément fondamental de la liberté de choix du patient. Cette liberté peut s’exercer pleinement si l’information est de qualité, donc indépendante. Il est essentiel que cette information soit issue d’un partenariat équitable et contrôlé entre les différents acteurs afin de limiter les conséquences des efforts de lobbying que pourrait développer l’industrie pharmaceutique auprès des médecins, et surtout auprès des associations de malades (9). M Le processus d’individualisation de la société tend à faire passer le refus du risque personnel avant le bénéfice collectif des avancées thérapeutiques. La victime d’un effet indésirable grave n’est plus en mesure d’apprécier le bénéfice du traitement et va naturellement considérer que le seul bénéficiaire de son traitement étant l’industrie pharmaceutique, celle-ci doit endosser le rôle du coupable. Cette situation est évidente si le patient découvre, lors de la survenue de l’effet indésirable, que ce dernier étant connu, il n’en a pas été informé, ou, a fortiori, si le fabricant en ayant connaissance avait choisi d’en différer la divulgation. Cependant, la difficulté d’explication pour le grand public est réelle et facilement compréhensible. Les risques sont exprimés en termes de probabilité ou de fréquence de survenue mais, pour le malade victime d’un effet indésirable grave, le risque perçu est de 100 %. Les deux mots ont en effet une connotation différente : la fréquence concerne la population, tandis que le risque s’attache surtout à l’individu. La Lettre du Cardiologue - n° 399 - novembre 2006 Éditorial É ditorial M Le médicament est tout sauf un produit de consommation banal, même si, la promotion grand public de certains médicaments ciblant des pathologies bénignes fréquentes, l’omniprésence du médicament dans le quotidien familial et le développement de l’automédication contribuent à estomper ce particularisme et à occulter les risques d’effet indésirable. L’acceptation de la prise de risque évolue selon l’histoire personnelle de chaque malade, son vécu de la maladie et le pronostic. Il ne serait pas éthique de refuser de mettre à disposition des malades souffrant de maladies engageant le pronostic vital ou de maladies rares et orphelines un nouveau médicament ayant fait la preuve de son efficacité au seul motif que l’on n’en mesure pas suffisamment les risques. Globalement, les bénéfices sur la santé n’ont jamais été plus grands pour des risques qui n’ont jamais été si petits. Certes, notre vigilance ne doit jamais se relâcher, mais il ne fait pas de doute que nous profitons tous aujourd’hui des avancées majeures des cinquante dernières années en matière de médicament. Individuellement, ces derniers sont aujourd’hui plus sûrs qu’ils ne l’étaient hier. La polymédication fréquente des patients après 65 ans est l’une des causes principales d’effets indésirables par interaction médicamenteuse. C’est probablement aujourd’hui le tribut à payer pour l’allongement de l’espérance de vie, tribut dont on peut raisonnablement espérer qu’il se réduira grâce à une amélioration des connaissances et à un renforcement de l’information des médecins et des patients. L’idéal vers lequel nous devrions tendre est l’acceptation d’une part de risque liée à l’ignorance proche de zéro afin que le malade ne soit plus confronté qu’au risque lié au hasard, risque que l’on devrait alors appeler “danger”. O RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Herland K, Akselsen JP, Skjonsberg OH, Bjermer L. How representative are clinical study patients with asthma or COPD for a larger real life population of patients with obstructive lung diseases? Respir Med 2005;99:11-9. 2. Devictor D. Le poids de la décision médicale. Plein Sud. Paroles de Campus. www.u.psud.fr/Plein-Sud.nsf. 3. Lasser K, Allen PD, Woolhanler SJ, Himmelstein DU, Wolfe SM, Bor DH. Timing of new black box warnings and withdrawals for prescription medications. JAMA 2002;287:2215-20. 4. Temple RJ, Himmel MH. Safety of newly approved drugs. Implications for prescribing. JAMA 2002;287:2273-5. 5. Classen D. Medication safety. Moving from illusion to reality. JAMA 2003;289:1154-6. 6. Lima JJ, Zhang S, Grant A et al. Influence of leukotriene pathway polymorphisms on response to montelukast. Am J Respir Crit Care Med 2006;173:379-85. 7. Evans WE, McLeod HL. Pharmacogenomics. Drug disposition, drug targets and side effects. N Engl J Med 2003;348:538-49. 8. Tantisira KG, Weiss ST. The pharmacogenetics of asthm: an update. Curr Opin Mol Ther 2005;7:209-17. 9. Bégaud B. Proof, fit and profit. La Lettre du Pharmacologue 2000;14:172. 7