
Éditorial
Éditorial
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La Lettre du Cardiologue - n° 399 - novembre 2006
par l’industrie pharmaceutique dans le cadre réglementaire,
donc réducteur, des études à visée AMM…
RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE VU PAR LES PATIENTS
M Lors d’un débat récent sur l’avenir de la santé, les patients
ont clairement déclaré accepter les risques sous réserve d’une
information appropriée devant éviter deux écueils : l’absence
de transparence et l’excès d’information. En effet, le manque
d’information ou une mauvaise information peuvent être à
l’origine d’un mauvais usage du médicament. À ce titre, la
finalité des notices d’information sur les médicaments ne
doit pas être de protéger juridiquement le laboratoire, mais
d’offrir une information permettant son meilleur usage par
le patient. Au-delà d’une information sur le bon usage, les
patients doivent être avertis des risques d’effets indésirables
des médicaments qui leur sont proposés, mais aussi des
risques liés à l’évolution de la pathologie en l’absence de
traitement adapté. Cette information, en permanence
actualisée, doit être fournie ou rendue facilement accessible
au patient par l’industrie pharmaceutique, les autorités
de santé, et bien sûr, le médecin traitant dépositaire de la
confiance du malade. Les associations de malades doivent
aussi participer à cet effort d’information. La connaissance
des risques en regard du bénéfice de santé escompté est
un élément fondamental de la liberté de choix du patient.
Cette liberté peut s’exercer pleinement si l’information est
de qualité, donc indépendante. Il est essentiel que cette
information soit issue d’un partenariat équitable et contrôlé
entre les différents acteurs afin de limiter les conséquences
des efforts de lobbying que pourrait développer l’industrie
pharmaceutique auprès des médecins, et surtout auprès des
associations de malades (9).
M Le processus d’individualisation de la société tend à
faire passer le refus du risque personnel avant le bénéfice
collectif des avancées thérapeutiques. La victime d’un
effet indésirable grave n’est plus en mesure d’apprécier
le bénéfice du traitement et va naturellement considérer
que le seul bénéficiaire de son traitement étant l’industrie
pharmaceutique, celle-ci doit endosser le rôle du coupable.
Cette situation est évidente si le patient découvre, lors de la
survenue de l’effet indésirable, que ce dernier étant connu,
il n’en a pas été informé, ou, a fortiori, si le fabricant en
ayant connaissance avait choisi d’en différer la divulgation.
Cependant, la difficulté d’explication pour le grand public est
réelle et facilement compréhensible. Les risques sont exprimés
en termes de probabilité ou de fréquence de survenue mais,
pour le malade victime d’un effet indésirable grave, le
risque perçu est de 100 %. Les deux mots ont en effet une
connotation différente : la fréquence concerne la population,
tandis que le risque s’attache surtout à l’individu.
M Le médicament est tout sauf un produit de consommation
banal, même si, la promotion grand public de certains
médicaments ciblant des pathologies bénignes fréquentes,
l’omniprésence du médicament dans le quotidien familial et le
développement de l’automédication contribuent à estomper
ce particularisme et à occulter les risques d’effet indésirable.
L’acceptation de la prise de risque évolue selon l’histoire
personnelle de chaque malade, son vécu de la maladie et
le pronostic. Il ne serait pas éthique de refuser de mettre à
disposition des malades souffrant de maladies engageant le
pronostic vital ou de maladies rares et orphelines un nouveau
médicament ayant fait la preuve de son efficacité au seul
motif que l’on n’en mesure pas suffisamment les risques.
Globalement, les bénéfices sur la santé n’ont jamais été
plus grands pour des risques qui n’ont jamais été si petits.
Certes, notre vigilance ne doit jamais se relâcher, mais il
ne fait pas de doute que nous profitons tous aujourd’hui
des avancées majeures des cinquante dernières années
en matière de médicament. Individuellement, ces derniers
sont aujourd’hui plus sûrs qu’ils ne l’étaient hier. La
polymédication fréquente des patients après 65 ans est l’une
des causes principales d’effets indésirables par interaction
médicamenteuse. C’est probablement aujourd’hui le tribut
à payer pour l’allongement de l’espérance de vie, tribut dont
on peut raisonnablement espérer qu’il se réduira grâce à
une amélioration des connaissances et à un renforcement
de l’information des médecins et des patients. L’idéal vers
lequel nous devrions tendre est l’acceptation d’une part de
risque liée à l’ignorance proche de zéro afin que le malade ne
soit plus confronté qu’au risque lié au hasard, risque que l’on
devrait alors appeler “danger”. O
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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