
(3). Cette attitude relève du bon sens pour les patients chez les-
quels l’efficacité obtenue avec ces médicaments anciens est satis-
faisante. Compte tenu de la faible fréquence des effets indésirables
graves non prévisibles, cette position doit être nuancée si un
meilleur rapport bénéfice-risque peut être escompté avec ces nou-
veaux médicaments, du fait notamment des spécificités du patient
(4). Il est important de souligner que cette estimation ne peut être
raisonnablement effectuée que dans le respect de l’indication, avec
pour corollaire, une démarche diagnostique appropriée.
●
●Les situations sont parfois complexes et rendent l’évalua-
tion du rapport bénéfice-risque aléatoire. Ainsi, la consomma-
tion moyenne journalière en France s’établit à 3,6 médicaments
par personne âgée de 65 ans et plus. Or, du fait des polyinsuf-
fisances liées à l’âge et de l’augmentation des possibilités
d’interaction médicamenteuse liée à la multiplicité des traite-
ments, les effets indésirables induits par les médicaments sont
deux à trois fois plus fréquents et plus sévères chez les plus de
65 ans. Tous ne sont pas évitables et peuvent survenir sans
erreur commise par le médecin, le pharmacien ou le malade,
mais une bonne part d’entre eux pourraient être prévenus (5).
Si la formation continue des médecins doit être assurée pour
qu’ils disposent d’une compétence actualisée sur les médica-
ments, il est bien évident que cette dernière ne sera jamais
exhaustive et qu’une part d’incertitude, donc de risque, per-
sistera, non seulement du fait de la multiplicité des combinai-
sons de médicaments qui peuvent être prescrits pour une même
pathologie ou des pathologies associées, mais aussi des sus-
ceptibilités individuelles tant du point de vue de l’efficacité
que de la tolérance, qui vont influer sur le rapport bénéfice-
risque (6-8). À cette complexité s’en ajoute une autre, qui
relève de l’organisation des soins. Le patient souffrant de
pathologies multiples est pris en charge par son médecin omni-
praticien et par les médecins spécialistes requis par son état de
santé. La multiplication des intervenants devenue nécessaire
par l’amélioration rapide des connaissances et des techniques
rend plus difficile encore l’évaluation globale du rapport béné-
fice-risque. La diffusion à l’ensemble des acteurs médicaux
d’un dossier médical actualisé comportant au moins les infor-
mations relatives aux risques d’interaction, aux précautions et
aux contre-indications liées aux différents traitements admi-
nistrés au patient, pourrait contribuer à préserver un rapport
bénéfice-risque favorable en évitant les erreurs découlant du
manque d’information, pour ne pas dire de l’ignorance ou de
la surabondance d’une information (info-pollution) peu exploi-
table. Les moyens de communication en réseau sont de plus en
plus performants et pourraient certainement mieux s’organiser
autour du malade, en n’oubliant jamais que l’information n’est
valable que si elle est actualisée et sa source identifiée. Dans
un futur proche, on peut espérer que le développement de la
pharmacogénomique (7) et de logiciels d’aide à la prescription
facilitera la démarche du prescripteur, mais force est de consta-
ter qu’aujourd’hui il se trouve face au patient qui attend de lui
la prescription la plus adaptée à son état de santé et une infor-
mation sur les bénéfices et les risques liés aux traitements dans
l’“espace-temps” réduit d’une consultation. La réponse appor-
tée par le médecin relève d’une appréciation globale du rap-
port bénéfice-risque qui, pour les raisons précédemment citées,
peut ne pas s’appliquer à son patient. Si les consensus et les
recommandations internationales constituent des guides de
bonne pratique, il ne faut pas oublier qu’ils s’appuient en bonne
partie sur le concept de la médecine fondée sur les preuves,
preuves apportées par les études cliniques rigoureuses
conduites en grande majorité par l’industrie pharmaceutique
dans le cadre réglementaire, donc réducteur, des études à visée
AMM…
RAPPORT BÉNÉFICE-RISQUE VU PAR LES PATIENTS
●
●Lors d’un débat récent sur l’avenir de la santé, les patients
ont clairement déclaré accepter les risques sous réserve d’une
information appropriée devant éviter deux écueils : l’absence
de transparence et l’excès d’information. En effet, le manque
d’information ou une mauvaise information peuvent être à
l’origine d’un mauvais usage du médicament. À ce titre, la
finalité des notices d’information sur les médicaments ne doit
pas être de protéger juridiquement le laboratoire, mais d’offrir
une information permettant son meilleur usage par le patient.
Au-delà d’une information sur le bon usage, les patients doi-
vent être avertis des risques d’effets indésirables des médi-
caments qui leur sont proposés, mais aussi des risques liés à
l’évolution de la pathologie en l’absence de traitement adapté.
Cette information, en permanence actualisée, doit être four-
nie ou rendue facilement accessible au patient par l’industrie
pharmaceutique, les autorités de santé, et bien sûr, le méde-
cin traitant dépositaire de la confiance du malade. Les asso-
ciations de malades doivent aussi participer à cet effort
d’information. La connaissance des risques en regard du béné-
fice de santé escompté est un élément fondamental de la
liberté de choix du patient. Cette liberté peut s’exercer plei-
nement si l’information est de qualité, donc indépendante. Il
est essentiel que cette information soit issue d’un partenariat
équitable et contrôlé entre les différents acteurs afin de limi-
ter les conséquences des efforts de lobbying que pourrait
développer l’industrie pharmaceutique auprès des médecins,
et surtout auprès des associations de malades (9).
●
●Le processus d’individualisation de la société tend à faire
passer le refus du risque personnel avant le bénéfice collec-
tif des avancées thérapeutiques. La victime d’un effet indé-
sirable grave n’est plus en mesure d’apprécier le bénéfice du
traitement et va naturellement considérer que le seul bénéfi-
ciaire de son traitement étant l’industrie pharmaceutique,
celle-ci doit endosser le rôle du coupable. Cette situation est
évidente si le patient découvre, lors de la survenue de l’effet
indésirable, que ce dernier étant connu, il n’en a pas été
informé, ou, a fortiori, si le fabricant en ayant connaissance
avait choisi d’en différer la divulgation. Cependant, la diffi-
culté d’explication pour le grand public est réelle et facile-
41
La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no2 - mars-avril 2006