68 CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2011 ; 15(2) : 67-69
assistance respiratoire extracorporelle et prise en charge de l
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insuffisance respiratoire aiguë
entre juin et septembre 2009, des cas de SDRA survenant
chez des patients jeunes, souvent avec un BMI élevé comme
seul facteur de risque, et particulièrement des jeunes fem-
mes dans le péripartum, ont été rapportés, avec le recours
à l’AREC dans un nombre relativement élevé de cas [8-9].
Cela a conduit les autorités sanitaires françaises et les socié-
tés savantes de réanimation à éditer des recommandations
pour le recours à l’AREC et à acquérir des consoles pour
faire face à une situation pandémique. Malgré un nombre
élevé de SDRA, la situation n’a jamais été « dépassée », les
services de réanimation ayant pu faire face à l’augmentation
du nombre d’admission pour SDRA et assurer une prise en
charge optimale – avec recours à l’AREC quand cela était
jugé nécessaire [10].
Les critères retenus par le groupe REVA (recommandation
en ventilation artificielle) sont l’impossibilité d’appliquer
une ventilation de type protectrice (pression de plateau in-
férieure à 35 cmH2O) malgré la réduction du volume cou-
rant à 4 ml/kg, l’augmentation de la fréquence ventilatoire
tout en maintenant le pH au-dessus de 7,15, et/ou une hy-
poxémie profonde (PaO2/FiO2 inférieur à 50 mmHg) après
échec des traitements adjuvants (NO inhalé, recrutement
y compris décubitus ventral). Les contre-indications étant
un pronostic vital inférieur à 5 ans du fait d’une pathologie
sous-jacente ou un BMI supérieur à 40 kg/m2. Le moment
pour mettre en place d’une telle assistance reste en suspens.
Comme le soulignait P. Loisance pour l’assistance circula-
toire en attente de transplantation cardiaque, « When is too
late, when is too early ? » Dans le second cas, alors que les
défaillances d’organes sont survenues, le pronostic est en-
gagé à court terme, et la correction de la seule hypoxémie
semble incapable de reverser l’ensemble du processus phy-
siopathologique ayant conduit à cet état. À l’opposé, sa mise
en œuvre trop précoce, avant optimisation de la ventilation
artificielle, expose à des risques inacceptables pour un béné-
fice indéterminé. Il est par ailleurs indispensable d’avoir un
projet thérapeutique, la mise en place de l’AREC se faisant
en pont vers la récupération (BTR – bridge to recovery) ou
vers la transplantation au cours de certaines pathologies res-
piratoires (BTT – bridge to transplant).
Par ailleurs, plusieurs modalités d’AREC sont disponibles.
Le circuit veino-artériel permet de pallier une défaillance
cardiaque, droite et/ou gauche, et est a priori à réserver à cet-
te indication. Il pose par ailleurs le problème de la diffusion
des antibiotiques dans le parenchyme pulmonaire, celle-ci
étant essentiellement sous la dépendance du réseau arté-
riel pulmonaire et bronchique ; l’utilisation d’antibiotiques
inhalés est souhaitable en plus du traitement parentéral.
Le circuit veino-veineux consiste à oxygéner le sang avant
l’échangeur pulmonaire et pose le problème d’une PvO2
élevée dont on ne connaît pas les effets tant sur la barrière
alvéolo-capillaire que sur les échanges gazeux (contre-diffu-
sion en cas de PAO2 inférieure à la PvO2 ?). De plus, la place
de la canule d’admission (cave inférieure ou même bi-cave
pour les canules à double lumière de type Avalon™) et le dé-
bit relatif de la pompe par rapport au retour veineux total ne
permettent qu’une oxygénation partielle par dilution avec le
sang veineux non oxygéné. Enfin, il existe un circuit artério-
veineux (Novalung™) ne nécessitant pas de pompe à sang,
permettant d’assurer une bonne décarboxylation (et une cor-
rection de l’acidose) avec un gain en termes d’oxygénation
faible, sous réserve d’un débit cardiaque suffisant. Le choix
entre ces techniques n’est pas chose simple, et l’équipe de
Zurich a proposé une AREC veino–veino-artérielle, c’est-à-
dire une admission veineuse cave inférieure, et une réinjec-
tion veineuse cave supérieure (prépulmonaire) et artérielle
(sous-clavière droite) ; cette technique plus lourde chirur-
gicalement à mettre en place a l’avantage d’assurer à la fois
une oxygénation pulmonaire et systémique, sans entraîner
de conflit d’oxygénation telle que cela peut se rencontrer
en AREC veino-artérielle quand la fonction cardiaque est
préservée [11].
Dans ce numéro, deux articles sont consacrés à l’AREC. Le
premier, de Bordeaux, rapporte le cas clinique d’une patien-
te présentant une grippe A(H1N1) au cours de la pandémie
et traitée par 57 jours d’AREC veino-veineuse puis veino-
artérielle devant une défaillance cardiaque avec succès, avec
guérison clinique et radiologique. Le second, de Strasbourg,
reprenant notre expérience concernant l’utilisation de la ca-
nule à double lumière.
L’assistance respiratoire extracorporelle est donc une ancien-
ne technique remise en avant de par les progrès technologi-
ques, mais dont la place dans la prise en charge du SDRA reste
à définir. Elle doit être envisagée après optimisation de la ven-
tilation artificielle chez un patient sous sédation et curarisa-
tion, avec une réduction du volume courant entre 4 et 6 ml/kg,
réalisation des manœuvres de recrutement et adaptation de
la balance hydrique. En cas d’échec, mais avant la surve-
nue de défaillances d’organes, le recours à l’AREC doit être
discuté après transfert vers un centre de référence disposant
des différentes techniques. Le choix du circuit se fera en
collaboration avec les équipes de chirurgie cardiaque et/
ou thoracique en fonction de la fonction cardiaque. Une
nouvelle étude randomisée devrait permettre de préciser sa
place dans l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance respira-
toire aiguë.
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