PAC • Précis d’Anesthésie Cardiaque CHAPITRE 10 ANESTHESIE POUR LA CHIRURGIE CARDIAQUE A COEUR BATTANT Mise à jour: Avril 2016 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 1 Table des matières Pontages aorto-coronariens (OPCAB) Résultats chirurgicaux Perturbations hémodynamiques Stratégies chirurgicales Ischémie myocardique peropératoire Anticoagulation Techniques de surveillance Prise en charge hémodynamique Technique d’anesthésie Résumé Le MIDCAB Laser transmyocardique Mécanisme d’action et résultats 2 3 9 15 19 24 25 32 35 38 40 41 41 Technique d’anesthésie Implantation valvulaire aortique (TAVI) Indications et résultats Technique d’implantation Anesthésie Plastie mitrale percutanée Indications et résultats (MitraClip™) Technique/imagerie du MitraClip™ Anesthésie pour MitraClip™ Autres plasties percutanées Autres interventions valvulaires sans CEC Lectures conseillées, Recommandations Auteurs 43 45 45 51 67 72 72 78 83 87 89 94 95 Pontages aorto-coronariens à coeur battant (OPCAB) Le pontage aorto-coronarien (PAC) est l'opération cardiaque la plus fréquemment pratiquée dans les pays occidentaux, bien que les interventions coronariennes percutanées (PCI) avec pose de stent en aient réduit la portée. Depuis une vingtaine d’années, un intérêt considérable s'est manifesté en chirurgie pour le pontage aorto-coronarien à coeur battant (Off-pump coronary artery bypass ou OPCAB), dans l’espoir de diminuer la morbidité liée à la CEC et d’offrir une opération simplifiée face à la concurrence de la cardiologie. L’intérêt de l’OPCAB est d’éviter l’arrêt par cardioplégie, la canulation de l’aorte ascendante, l’héparinisation complète et le contact du sang avec des surfaces étrangères. En diminuant les coûts et en raccourcissant le séjour hospitalier, la revascularisation à coeur battant pourrait offrir de meilleurs résultats à long terme que la PCI tout en étant moins invasive que les PAC conventionnels [7]. Cette technique, imaginée et pratiquée en 1964 déjà par V. Kolesov (1904-1992) à Leningrad [6], a été régulièrement pratiquée pendant 30 ans dans des pays n’ayant pas eu un accès facile aux technologies extracorporelles (Argentine, Brésil, Inde, Turquie). Le pontage à coeur battant s'est développé selon deux axes différents. Une petite thoracotomie antérieure gauche permet une intervention isolée sur l'IVA (Minimally invasive direct access coronary artery bypass ou MIDCAB) ; cette pratique n'autorise que l'anastomose d'un seul vaisseau, est techniquement difficile, et donne des résultats suboptimaux [8]. L'introduction de techniques sophistiquées d'exposition et de stabilisation a permis de revasculariser les trois vaisseaux coronariens par une sternotomie médiane classique sans l'appui d'une CEC, avec prélèvement d’une ou des deux artères mammaires internes [1,2,5]. Après une période d'enthousiasme, l’opinion chirurgicale reste divisée sur la pratique de l’OPCAB : certains centres y sont réticents, alors que d’autres ont quasiment abandonné la CEC pour la chirurgie coronarienne [3,4]. En Europe et en Amérique du Nord, la proportion moyenne de pontages réalisés à coeur battant est de 15-20% du nombre total de PAC, mais en Asie et en Amérique du Sud, elle dépasse 60% [9]. Dans ce chapitre, on entend par cœur battant les opérations réalisées sans CEC, sachant que de nombreux centres pratiquent les PAC sans cardioplégie et sans arrêt cardiaque mais avec le soutien d’une CEC. Références 1 BERGSLAND J, KARAMANOUKIAN HL, SOLTOSKI PR, SALERNO TA. "Single suture" for circumflex exposure in offpump coronary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 1999; 68: 1428-30 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 2 2 BORST C, JANSEN EW, TULLEKEN CA, et al. Coronary artery bypass grafting without cardiopulmonary bypass and without interruption of native coronary flow using a novel anastomosis site restraining device ("Octopus"). J Am Coll Cardiol 1996; 27: 1356-64 FLOYD T, FLEISHER LA. 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Par rapport à la technique conventionnelle, l’OPCAB réclame davantage d’habileté chirurgicale, de rigueur stratégique et de travail d’équipe entre chirurgien et anesthésiste. Les centres qui pratiquent couramment l’OPCAB, notamment sans implantation aortique des pontages (no-touch total arterial graft), affichent des résultats nettement supérieurs à ceux qui ne pratiquent qu’occasionnellement la revascularisation à coeur battant (odds ratio pour mortalité et complications : 0.5) [32,39]. Leurs études comparatives avec les PAC en CEC donnent des résultats plus favorables que ceux des études multicentriques qui englobent de nombreuses institutions peu investies dans l’OPCAB. Alors que les nombreuses études comparatives observationnelles donnent des résultats plus favorables pour l’OPCAB, les études contrôlées et randomisées entre OPCAB et PAC ne montrent souvent que peu de différences entre les deux techniques [22]. Si l’OPCAB fait une différence, c’est probablement dans les populations à haut risque, notamment chez les personnes âgées, les malades à haut risque hémorragique et les insuffisants multi-organiques [52]. La comparaison de 13'889 OPCAB avec 35’941 PAC en CEC (New York State Hospitals 2001-2004) démontre une baisse de mortalité à 1 mois pour l’OPCAB (OR 0.81), mais pas de différence à 3 ans (OR 1.08) [25]. Dans une analyse du National Adult Cardiac Surgery Database (NACSD), la mortalité ajustée au risque décroît de 2.9% (PAC conventionnels) à 2.3% (OPCAB) [16]. Dans l’étude PREVENT IV, la mortalité à 1 an baisse de 3.3% pour les PAC à 2.5% pour l’OPCAB [41]. Cette baisse de mortalité est constatée dans une méta-analyse [33], mais quatre autres ne trouvent aucune différence dans la survie jusqu’à 5 ans [1,14,22,44]. Il en est de même pour de grands essais randomisés [28,36,41,45,47,50]. Cette discordance s’explique probablement par le fait que l’OPCAB ne modifie pas la mortalité opératoire chez les malades à bas risque, mais la diminue significativement (OR 0.6) chez les patients à haut risque [52]. Il semble donc que le coeur battant n'impose pas un risque supplémentaire au malade, mais tend à diminuer la mortalité dans les centres très à l’aise avec la technique [43,50]. En terme de morbidité, le tableau est plus complexe, mais il en ressort quelques tendances significatives [29]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 3 L'hémorragie peropératoire, le besoin en érythrocytes ou en dérivées sanguins et le risque de reprise pour hémostase sont nettement diminués dans la quasi-totalité des séries. Dans la plupart des études comparatives, le risque de transfusion décroît de 30-50% à coeur battant [14,34,36]. Il est possible d’opérer des malades sous antiplaquettaires (aspirine et clopidogrel) sans augmentation significative du risque hémorragique [67]. Le taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) postopératoires est en général abaissé (OR 0.48-0.73) [1,22,25,34,41,49,50]. Dans les cas d'athéromatose étendue de l'aorte ascendante, il est probable que seule l'absence totale de manipulation de l'aorte (no-touch technique), en procédant à des greffons entièrement artériels à cœur battant, peut diminuer significativement l'incidence d'ictus (p < 0.001) [8,10,24,39]. Ce résultat ne se retrouve pas lorsque l’aorte est saine [14,15,56]. Les troubles neuropsychologiques cognitifs ne semblent pas être atténués de manière significative après OPCAB [20,64,68]. Même si le taux de micro-embols cérébraux est clairement diminué, celui des troubles cognitifs ne l’est pas, tout au moins pas à long terme [14,27]. L'OPCAB démontre une tendance à mieux préserver le myocarde et à diminuer les évènements cardiaques postopératoires: diminution du taux de troponine I et de CK-MB, de l'incidence de fibrillation auriculaire, et du besoin en agents inotropes [3,4,13,14,44,46,60]. Toutefois, l'incidence d'infarctus postopératoire tend à augmenter, et n’est diminuée que dans certaines séries [22,41,65] ; dans les méta-analyses, il est équivalent [1,14,22,34,44]. L'absence de CEC atténue, mais ne supprime pas, la libération postopératoire des marqueurs du syndrome inflammatoire systémique (SIRS) [5,17,19,35,42]. La durée de ventilation postopératoire, la durée de séjour en soins intensifs et la durée du séjour hospitalier sont en général raccourcies après OPCAB. Ajouté à l’absence de CEC, ce fait réduit le coût global de l'intervention [7,51,53] ; toutefois, une série américaine et une série chinoise ne confirment pas cette donnée [15,28]. Les personnes âgées semblent particulièrement bénéficier de la revascularisation à coeur battant : la mortalité et le taux d’AVC sont significativement abaissés chez les octogénaires [12,18,30,33,34,48,62]. Le genre féminin pourrait bénéficier de l’OPCAB, qui entraîne significativement moins de morbidité que les PAC chez les femmes (OR 2.07) [50]. Le taux global d’insuffisance rénale ou respiratoire est le plus souvent abaissé, en général par un facteur de 0.2 à 0.5, bien que les études portant sur des sujets à bas risque ne trouvent pas de différence [1,16,24,34,36,45,50]. Comme les anastomoses à coeur battant sont techniquement plus délicates, on peut craindre que les résultats de la revascularisation soient moins bons, et que le nombre d'anastomoses réalisées soit plus faible, donc la revascularisation incomplète. Cependant, la perméabilité des greffons à 30 jours (9499%) tend à devenir identique à celle des pontages en CEC lorsque l'équipe chirurgicale et anesthésique a passé sa courbe d'apprentissage et devient bien rôdée à la technique [11,52]. Par contre, elle n’est jamais meilleure. On dispose actuellement de nombreuses études contrôlées et randomisées pour comparer la perméabilité des greffons à moyen terme (3 mois) et à long terme (1, 3 et 5 ans) entre OPCAB et PAC en CEC. Elles démontrent soit une égalité, soit une légère infériorité de l’OPCAB. Plusieurs études ne démontrent aucune différence dans la qualité des anastomoses à trois mois et à un an [38,40,41,47,54]. Dans l'étude SMART (200 patients randomisés opérés par le même chirurgien), la perméabilité des greffons à 30 jours (98%) et à un an (94%) est identique entre les deux groupes [54]. Dans l’étude PREVENT IV, le taux de sténose à 1 an de > 75% de la lumière des pontages veineux est identique (25%) [41]. La revue de 12'812 cas et une méta-analyse de deux essais contrôlés ne décèlent aucune influence du type de chirurgie et du nombre de greffons sur la survie à 3, 5 et 10 ans [2,38]. Le suivi à 7.5 ans de l’étude SMART ne montre aucune différence à long terme dans la perméabilité des greffons, le taux d’ischémie résiduelle, le taux de réintervention et la mortalité [55]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 4 D’autres travaux ont prouvé une baisse de la qualité des anastomoses. Dans une cohorte prospective de 6'000 patients, le taux de reprises pour revascularisation secondaire et le taux d’infarctus sont plus élevés chez les OPCAB, bien que la mortalité ne présente pas de différence [28]. Dans un essai randomisé de 4'752 patients, le taux de re-pontages précoces passe de 0.2% (PAC) à 0.7% (OPCAB) [36] ; à 1 an, la différence s’est amenuisée : le taux de ré-opération n’est que de 1.2% (PAC) et de 1.6% (OPCAB) [37]. Une autre étude randomisée a trouvé que la perméabilité à trois mois des pontages à coeur battant (88%) est inférieure à celle des pontages réalisés en CEC (98%) [31]. Une analyse des résultats à 3 ans met en évidence un taux de revascularisation secondaire de 6.4% pour les PAC mais de 10.1% pour les OPCAB [25]. Dans une autre étude, la perméabilité des pontages à 1 an des OPCAB (82.6%) est sensiblement inférieure à celle des PAC (87.8%) [59]. Dans une série randomisée, la perméabilité à 1 an des pontages veineux est plus faible dans le groupe OPCAB (49%) que dans celui des PAC en CEC (59%), mais ce taux est particulièrement bas pour les deux méthodes, ce qui sous-entend des problèmes de technique chirurgicale [66]. Cette différence ne se retrouve pas dans les pontages artériels. Dans l’essai ROOBY, la perméabilité chute de 91% (PAC) à 86% (OPCAB) pour les pontages artériels et de 80% à 73% pour les pontages veineux ; le taux de revascularisation complète passe de 64% à 50% [26]. Dans cet essai, les piètres résultats de l’OPCAB tiennent essentiellement au fait que les interventions sont conduites par des chirurgiens en formation (trainees), qui sont au bas de leur courbe d’apprentissage. Comparé à la PCI avec pose de stent, l’OPCAB diminue le taux de resténose à 6 mois (OR 0.31) et celui de revascularisation secondaire à 1 et 5 ans (OR 0.24) [6]. Lorsqu’il est bien conduit, un pontage à cœur battant donne donc des résultats identiques ou sensiblement meilleurs à court terme, mais ne fait pas de différence majeure sur le long terme [21,25,57]. Or l’échec précoce des pontages est en règle générale le fait d’une défaillance technique, alors que les résultats à long terme dépendent davantage de l’évolution du processus athéromateux et de l’hyperplasie fibro-intimale [57]. Une des avancées permises par l’OPCAB est le pontage tout artériel sans manipulation de l’aorte ascendante. En effet, les clampages et déclampages de cette dernière sont une des sources majeures d’embols cérébraux, donc d’ictus. A cœur battant, il est possible d’éviter complètement de toucher l’aorte ascendante (no-touch) en réalisant des pontages artériels libres branchés en "Y" sur les deux artères mammaires. Le taux d’accidents cérébrovasculaires baisse alors de plus de 60% [9,24,39]. L’ambiguïté des résultats de l’OPCAB par rapport au PAC en CEC tient probablement au mélange des patients à bas et à haut risque dans la plupart des études. Dans la catégorie à bas risque, l’OPCAB n’améliore pas les résultats et peut les péjorer si la technique n’est pas maîtrisée par les opérateurs. Chez les patients à haut risque, par contre, il diminue la mortalité et la plupart des complications majeures qui pénalisent les résultats chez les malades fragiles [52,63]. Les contre-indications à la revascularisation à coeur battant sont la présence de thrombus intracavitaire, de vaisseaux intramyocardiques, de dilatation ventriculaire massive, d'arythmies ventriculaires majeures, et d'interventions combinées avec un remplacement valvulaire. Malgré les difficultés techniques dues aux adhérences, des réopérations à coeur battant sont réalisables par sternotomie ou par thoracotomie [43,61]. En résumé, l’OPCAB augmente la difficulté technique chirurgicale et intensifie les prestations exigées de l’anesthésiste. Il demande de bons anesthésistes, d’excellents chirurgiens et une parfaite coordination entre eux. Il ressort de la littérature récente, bien que souvent contradictoire, que l’OPCAB présente un certaine nombre d’avantages. Diminution de l’hémorragie et des transfusions ; Diminution de l’incidence d’ictus (particulièrement en cas de chirurgie tout artérielle) ; Amélioration des résultats chez les personnes âgées et chez les patients à haut risque ; Amélioration momentanée de la préservation myocardique et de la fonction hémodynamique impact apparent à long terme ; Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 5 Diminution de la durée en soins intensifs et réduction des coûts. Par contre, l’OPCAB ne modifie pas significativement la mortalité et augmente les risques de revascularisation secondaire, car le nombre et la qualité des anastomoses sont souvent inférieurs. Plus encore que dans les PAC en CEC, la qualité des prestations chirurgicales et anesthésiques conditionne le pronostic : les patients pris en charge par le 10% des anesthésistes les plus performants ont une morbi-mortalité 3 fois moindre que celle des malades suivis par les anesthésistes les plus balourds [23]. Les évidences dont on dispose actuellement pour cerner les populations bénéficiant le plus de la chirurgie à cœur battant laissent penser que l’OPCAB est indiqué dans les catégories de patients suivantes : Patients avec anamnèse d’AVC ; Patients à haut risque (âge > 75 ans, fragilité, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire) ; Polyvasculaires avec une athéromatose avancée de l’aorte ascendante ; Patients sous double thérapie antiplaquettaire ; Patients avec dysfonction ventriculaire, mais sans dilatation. Trois phénomènes nouveaux vont probablement préciser les indications à l’OPCAB : L’accroissement de la population âgée et des cas à haut risque, dans lesquels l’absence de CEC améliore les taux de mortalité et de morbidité neurologique ; Le taux d’hémorragies et de transfusions nettement abaissés chez les malades de plus en plus nombreux pour qui il est absolument nécessaire de maintenir une double thérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel ou prasugrel) ; L’introduction de connecteurs anastomotiques analogues aux agrafeuses digestives, qui semblent donner d’excellents résultats ; ils pourraient être meilleurs que les anastomoses manuelles dans les positions parfois acrobatiques de la chirurgie à cœur battant ; d’autre part, le temps nécessaire à réaliser la suture est très court, ce qui diminue la durée pendant laquelle le cœur est luxé et le débit cardiaque compromis. Il paraît donc logique que cette technique fasse partie des différentes stratégies possibles pour le patient coronarien, au même titre que les PAC en CEC et la dilatation percutanée [58]. Résultats comparés de l’OPCAB et des PAC en CEC Le pontage aorto-coronarien à cœur battant (OPCAB) augmente les difficultés techniques pour le chirurgien et pour l’anesthésiste, et réclame une étroite collaboration entre eux. Par rapport au pontage en CEC (PAC), l’OPCAB ne modifie pas significativement la mortalité dans les cas de routine, mais il tend à la diminuer dans les cas à haut risque (âge > 75 ans, comorbidités, polyvasculaires). Il diminue significativement le risque hémorragique, le taux de transfusion et celui d’AVC. Il raccourcit la durée en soins intensifs et réduit les coûts. Le taux d’infarctus est en général identique à celui de l’opération en CEC. La fonction myocardique immédiate est mieux préservée qu’après une CEC, mais cela n’a pas d’impact significatif sur le devenir clinique. L’opération étant plus délicate à cœur battant qu’en CEC, le nombre d’anastomoses réalisées et leur qualité tend à diminuer. Leur taux de perméabilité à 1 an est en moyenne 5-10% inférieur dans les études multicentriques, mais il reste identique dans celles qui rapportent l’expérience de centres dédiés et d’opérateurs investis dans la technique. L’OPCAB est donc davantage opérateur-dépendant que le PAC. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 6 Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 AFILALO J, RASTI M, OHAYON SM, et al. Off-pump vs. on-pump coronary artery bypass surgery: an updated meta-analysis and meta-regression of randomized trials. Eur Heart J 2012; 33:1257-67 ANGELLINI GD, CULLIFORD L, SMITH DK, et al. Effects of on- and off-pump coronary artery surgery on graft patency, survival and health-related quality of life: long term follow-up of 2 randomized controlled trials. 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Assessment of neurocognitive impairment after off-pump and on-pump techniques for coronary artery bypass graft surgery: Prospective randomized controlled trial. BMJ 2002; 325:1268-73 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 8 Perturbations hémodynamiques associées aux manipulations chirurgicales Au cours d'une intervention à coeur battant, le chirurgien doit faire face à trois problèmes majeurs: Obtenir une bonne exposition du vaisseau à ponter ; Diminuer localement les mouvements cardiaques ; Protéger le myocarde pendant le temps d'ischémie occasionné par l’interruption du flux dans la coronaire. A cet effet, il déplace le coeur, comprime la paroi ventriculaire, et assure si possible une perfusion de vicariance pendant qu'il réalise l'anastomose distale. L'anesthésiste doit donc être préparé à affronter des altérations hémodynamiques sévères, une détérioration momentanée de la performance ventriculaire, et une ischémie aiguë peropératoire. En cas de collapsus circulatoire ou d'arythmie soutenue, il doit être prêt à l’installation d’une contre-pulsion intra-aortique (CPIA) ou à la conversion en CEC. Une excellente communication entre le chirurgien et l’anesthésiste et une planification commune des séquences de l’intervention sont les conditions essentielles au succès de la chirurgie à coeur battant. L'accès à l'artère interventriculaire antérieure (IVA) est aisé par une sternotomie médiane, mais, pour réaliser des anastomoses sur les faces latérales (artères circonflexe, diagonales, marginales, coronaire droite) et postérieure (interventriculaire postérieure), le coeur doit être basculé hors de son berceau péricardique. Ce mouvement a d'importantes conséquences hémodynamiques, et cause une augmentation des pressions auriculaires, une diminution du débit cardiaque (index < 2.0 L/min/m2) et une baisse de la SvO2 largement en dessous de 70%. Quatre processus principaux sont impliqués dans ces perturbations [1]. Verticalisation du cœur Le coeur est énucléé du péricarde et basculé en position verticale, avec l'apex au zénith (Figure 10.1). Les oreillettes se retrouvent sous leur ventricule, dans lequel le sang doit monter en diastole. Les pressions auriculaires sont donc plus élevées de 60-150% par rapport aux pressions télédiastoliques ventriculaires correspondantes [7] ; elles doivent le rester pour assurer un remplissage adéquat des ventricules [10]. La pression artérielle systémique baisse alors que la pression artérielle pulmonaire (PAP) augmente. A l'échocardiographie, la taille des oreillettes devient plus grande que celle des ventricules (Figure 10.2) [4,7]. Les flux mitraux et veineux pulmonaires sont de type restrictif, démontrant ainsi une dysfonction diastolique significative [4]. Compression de la paroi ventriculaire Le stabilisateur utilisé pour immobiliser la zone de l'anastomose (Figure 10.1) comprime la paroi ventriculaire, restreint ses mouvements et diminue la taille du ventricule [2,11]. Il restreint le remplissage diastolique du ventricule et en modifie localement la cinétique segmentaire. Le VD est particulièrement sensible à cet effet parce que sa paroi est mince, alors que celle du VG est plus épaisse, donc plus résistante. La localisation du stabilisateur et le degré de dislocation du coeur déterminent le degré de restriction du débit cardiaque (Figure 10.3). En systole, les parois antérieure et latérale du VG ont physiologiquement un plus grand déplacement radial que la paroi postéro-inférieure et que le septum. L’ordre décroissant de raccourcissement radial est : paroi latérale (45%), antérieure (38%), postérieure (25%) et septale (15%) (Figure 10.4) [6]. Les parois antérieure et latérale contribuent donc davantage au volume systolique éjecté que la paroi postérieure et le septum. Il s’ensuit que la compression latérale et antérieure provoque de sérieux effets hémodynamiques, alors que la compression postérieure altère moins le débit cardiaque. La restriction la plus marquée a lieu habituellement lors des anastomoses latérales (circonflexe et marginale), parce Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 9 qu'à la compression d’une paroi à forte contribution systolique s'ajoute un important basculement du coeur ; ce basculement est moins important pour la paroi antérieure [3,5,7,8,9,10]. Dans la majorité des cas, les indices d’éjection sont maximalement abaissés lors de l’anastomose dans le territoire circonflexe, moins perturbés dans le territoire postérieur et le moins altérés lors d’anastomose sur l’IVA (Figure 10.5). Figure 10.1 : Le coeur est verticalisé dans le péricarde pour avoir accès à ses faces latérales et posté-rieures. Un stabilisateur en place pour permettre une anastomose sur l'IVP. La paroi est comprimée par l'appareil; le vaisseau apparaît entre les deux branches du stabilisateur. Celui-ci est muni de petites ventouses qui permettent d'aspirer la paroi pour mieux l'immobiliser. A B OG OG VG VG Figure 10.2 : Changement de volume de l'OG et du VG lorsque le coeur est verticalisé. A. Vue ETO 2-cavités à 90° du coeur dans sa position normale. La taille de l'OG est environ le tiers de celle du VG. B. Sans modifier la position de la sonde d'ETO, le coeur a été placé en position verticale pour intervenir sur sa paroi postérieure. Les dimensions relatives de l'OG et du VG se sont inversées. L'OG, qui est sous le VG, est plus grande que le VG dont le volume a diminué de moitié. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 10 A B OG OD VD VG Figure 10.3 : Compression par le stabilisateur. A : Stabilisateur en place pendant une anastomose sur l’IVA. B : La paroi latérale du VG est comprimée par le stabilisateur (flèche) dans une vue 4-cavités à l'ETO. Le septum est repoussé dans le VD, lui-même comprimé contre la plèvre droite. Torsion de l’anneau auriculo-ventriculaire La position verticale plie le cœur au niveau du sillon auriculo-ventriculaire et provoque une distorsion de l'anneau mitral et de l'anneau tricuspidien. L'anneau est déformé et tordu, à telle enseigne que la valve fuit. Une reconstruction tridimensionnelle à partir de l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) le montre parfaitement (Figure 10.6) [4]. L'insuffisance mitrale (IM) peut devenir importante et causer l'apparition d'une onde "v" majeure (> 30 mmHg) sur la PAPO en l'absence de signe de décompensation gauche ou d'ischémie myocardique. Il peut aussi arriver que la distorsion de l'anneau provoque un effet de sténose. Le phénomène peut se rencontrer au niveau de la valve aortique, une insuffisance mineure (IA) pouvant se transformer en régurgitation momentanément sévère à la faveur des manipulations. Les effets hémodynamiques pulmonaires de ces régurgitations (élévation massive de la PAP et de la PAPO) peuvent être tels qu'une réduction drastique de la précharge droite devienne nécessaire pour diminuer la surcharge pulmonaire: position jambes déclives, perfusion de nitroglycérine, constriction chirurgicale de la veine cave inférieure. Le moyen le plus simple de contrôler une IM ou une IA importante est de repositionner le coeur différemment. Compression des chambres de chasse Il peut arriver que le basculement du cœur coude la chambre de chasse (CC) du VG ou du VD, particulièrement pendant une anastomose proximale sur l’IVA, l’intermédiaire ou la première diagonale (Figure 10.7). Le tableau hémodynamique qui s’ensuit est trompeur : Coudure de la CCVD : la PAP est basse, comme dans une hypovolémie, mais la POD est élevée ; le VD est congestif et distendu ; si la position ne peut pas être modifiée, seule une perfusion de nitroglycérine peut améliorer le tableau clinique ; Coudure au niveau de la CCVG : la PAP et la PAPO sont élevées, mais la pression artérielle systémique est basse, et le débit cardiaque diminué ; une perfusion de dopamine ou de dobutamine aggrave la situation. D’une manière générale, l’observation du champ opératoire permet de remarquer la plicature d’une chambre de chasse, et oriente la thérapeutique dans la bonne direction. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 11 Lat Ant Post Sept Raccourcissement radiaire (%) Base Apex 40 20 40 20 40 20 40 20 Rotations (degrés) Base Apex -20 -10 +10 -10 +10 -10 +10 -10 +10 Figure 10.4 : Raccourcissement radiaire et rotation selon les quadrants du VG. On divise habituellement le VG en 4 quadrants selon le court-axe du ventricule : latéral, antérieur, postérieur et septal. Le degré de contraction est le plus important dans le quadrant latéral, un peu moins marqué dans le quadrant antérieur, et nettement plus faible dans les quadrants postérieur et septal. En particulier, le degré de raccourcissement de la paroi postérobasale (cercle bleu) est plus faible que le reste du VG, raison pour laquelle elle paraît souvent hypokinétique à l’échocardiographie. Le degré de rotation suit le même dégradé que le raccourcissement ; il est plus important à l’apex qu’à la base et presque nul au niveau du septum [6]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 12 % changement % changement % changement 150 150 150 100 100 100 50 50 50 POD PAPO POG PtdVG Figure 10.5 : Degrés de modifications des pressions de remplissage (en haut) et des indices d’éjection (en bas) selon les parois ventriculaires gauches concernées par l’acte chirurgical (d’après réf 3 et 7). Les changements hémo-dynamiques sont les plus marqués lors d’anastomose sur la circonflexe (paroi latérale), moins importantes lors d’anastomose postérieure, et minimales lors d’anastomose sur l’IVA (paroi antérieure). POD PAPO POG PtdVG Post POD PAPO Lat POG PtdVG Ant 0 -5 -10 -15 -20 -25 Indices d’éjection % changement Altérations hémodynamiques Pour avoir accès à toutes les artères coronaires, le chirurgien doit manipuler le cœur, ce qui a quatre conséquences hémodynamiques. 1) Verticalisation du cœur : la pression auriculaire augmente, le remplissage ventriculaire est restrictif. La déformation est maximale pour les anastomoses sur la paroi latérale et la paroi postérieure. 2) Compression de la paroi ventriculaire par le stabilisateur : la gène au remplissage et à l’éjection (diminution du VS) est maximale lors de compression de la paroi latérale ou antérieure ; elle est moindre sur la paroi postérieure. 3) Torsion de l’anneau auriculo-ventriculaire : apparition d’une IM ou d’une IT. 4) Coudure de la chambre de chasse : effet CMO sur le VD ou le VG. La restriction hémodynamique est maximale lors des anastomoses sur la circonflexe et les marginales. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 13 Figure 10.6 : Modifications de la forme de l'anneau mitral reconstruit en 3 dimensions à partir d'images ETO (d'après réf 4). A. Forme normale en selle de l'anneau mitral lorsque le coeur est dans sa position normale. B: L'anneau est tordu lorsque le coeur est dressé verticalement. C: L'anneau est replié sur lui-même lorsque le coeur est placé en position pour une anastomose sur la face latérale. A B C Figure 10.7 : Coudure de la chambre de chasse du ventricule gauche lors d’une anastomose sur l’IVA. La coudure est visible dans le champ opératoire (flèche). Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery: Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13 COUTURE P, DENAULT A, LIMOGES P, SHERIDAN P, BABIN D, CARTIER R. Mechanisms of hemodynamic changes during off-pump coronary artery bypass surgery. Can J Anesth 2002; 49:835-49 DO QB, GOYER C, CHAVANON O, et al. Hemodynamic changes during off-pump CABG surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 21: 385-90 GEORGE SJ, AL-RUZZEH S, AMRANI M. Mitral annulus distortion during beating heart surgery: a potential cause for hemodynamic disturbance: a three-dimensional echocardiography reconstruction study. 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Bascule et compression Lorsqu'on bascule le coeur au moyen de compresses ou à l'aide du stabilisateur, le VD, qui est mince, est écrasé entre le péricarde et le VG, plus épais, et comprimé sous le sternum (Figure 10.8). L'hémodynamique est compromise, et l'ETO révèle que le septum interauriculaire bombe dans l'OG, que le VG n'est pas dilaté, et que le VD subit une obstruction au niveau de sa chambre de chasse [11]. Sur un modèle animal, on a démontré une chute du volume systolique de 42%, une augmentation de 165% de la pression télédiastolique du VD, mais une diminution de 62% de sa taille [7]. L'hémodynamique peut être améliorée en ouvrant la plèvre droite. Toutefois, on ne peut pas transposer directement à l’homme les conclusions d’une expérience faite chez les mammifères dont le thorax est à l’horizontale, parce que la position du cœur de ces animaux est longitudinale dans le thorax, alors que le nôtre présente un angle d’environ 45° par rapport aux plans frontaux et longitudinaux. La même manipulation n’a donc pas des effets identiques. Figure 10.8 : La situation du coeur lorsqu'il est basculé au moyen de compresses postérieures et du stabilisateur lui-même. Le VD est comprimé entre le VG et le sternum droit; la chambre de chasse droite est comprimée. (d'après Medtronics™). Stabilisateur Apex du VG sous le sternum Plèvre droite ouverte Compression du VD Compresse © Medtronics™ Points péricardiques postérieurs L'énucléation du coeur peut se faire par traction sur un ou plusieurs points fixés au péricarde postérieur (Figure 10.9 et Figure 10.10) [1,13]. Cette approche est simple, efficace, et atraumatique pour le coeur. Sur le point fixé au péricarde postérieur, une compresse déroulée est amarrée avec un passe-fil ; elle agit comme un levier placé dans le sinus oblique. Le coeur est exposé en tirant sur la compresse dans la direction voulue sans jamais l'écraser, ce qui réduit les effets circulatoires [2,5,13]. Le débit cardiaque s’effondre momentanément lorsque le coeur est récliné par la main de l’opérateur Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 15 pour exposer le péricarde postérieur et fixer le point d’ancrage entre la veine pulmonaire inférieure droite et la veine cave inférieure, mais cela dure moins de 20 secondes (Figure 10.11). La vitesse de récupération de la pression artérielle après cette manœuvre est un bon prédicteur de la stabilité hémodynamique ultérieure lors des anastomoses. Le stabilisateur n'est utilisé ensuite que pour immobiliser la zone de l'anastomose, mais non pour maintenir le coeur dans la position désirée [9]. Même si la pression télédiastolique du VD peut être élevée, l'effet prédominant de cette technique porte sur le VG: baisse de 12-23% de son volume systolique et augmentation de 10-50% de la pression de l'OG [8,15]. Figure 10.9 : Vue du péricarde postérieur et mise en place du point de traction dans le sinus oblique à la droite de la colonne, à mi-chemin entre la veine pulmonaire inférieure droite et la veine cave inférieure (technique de Ricardo Lima) (d'après réf 2). Idéalement, le point devrait être suffisamment à droite pour dégager la vue de l'ETO depuis l'oesophage. Veine pulmonaire inférieure droite Veine pulmonaire inférieure gauche Oesophage Veine cave inférieure Figure 10.10 : Exposition du coeur par traction sur le point péricardique postérieur. Une compresse roulée est placée dans le fil de suspension, et un tube plastic (passe-fil, en vert) maintient le point contre le péricarde. Les deux brins de la compresse sont tirés selon les besoins de l'exposition requise (flèches noires). Le coeur n'est a aucun instant comprimé (Notouch technique). Traction sur le péricarde postérieur Point péricardique (passe-fil) Traction sur le péricarde postérieur © Chassot 2008 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 16 © Chassot 2008 Durée < 20 sec 120 PA 60 PAP Figure 10.11 : Manoeuvre de bascule du coeur pour fixer le point de suspension péricardique postérieur. Cette manoeuvre, qui dure moins de 20 secondes, entraîne des troubles du rythme majeurs et un effondrement hémodynamique momentané (flèche rouge). Le délai de récupération de la pression artérielle lorsque le coeur est repositionné (flèche bleue) prédit la tolérance aux manipulations lors des anastomoses. Ventouse apicale L’aspiration de l'apex au moyen d'une ventouse permet de suspendre le cœur à la verticale et de l’orienter pour exposer ses différentes faces (Figure 10.12). Quoiqu’apparemment bien tolérée, cette technique provoque des modifications hémodynamiques comparables à celles des autres méthodes [6]. Il est certain que la traction apicale bloque la contraction longitudinale du VG, qui contribue pour 1520% à l’éjection du volume systolique. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 17 Figure 10.12 : Système de ventouse pour maintenir le coeur vertical par succion de l'apex. Effets hémodynamiques L'importance des effets hémodynamiques est liée au site de l'anastomose. La chute du débit systolique et de la SvO2 est plus prononcée pendant l'exposition de la paroi latérale, parce que cette dernière présente la plus forte contribution au volume éjecté et parce que le basculement est plus accentué que pendant les anastomoses sur la paroi antérieure [8,9,15]. Un indice de contractilité comme le Preload recruitable stroke work ne diminue que pendant les anastomoses sur les parois antérieure et latérale [14]. Le flux mitral montre un aspect de type restrictif (voir Figure 10.16) [3]. D’une manière générale, le VD est davantage handicapé que le VG parce que les deux ventricules sont en ligne : le VD est doublement pénalisé car il souffre de sa propre distorsion et de l’augmentation de sa postcharge due à la compression du VG, alors que la postcharge de ce dernier, située à l’extérieur de la cage thoracique, n’est pas modifiée. D’autre part, le VD est plus aisément compressible que le VG. Habituellement, la vitesse à laquelle on procède aux modifications de position a plus d'impact que la position finale. Le chirurgien et l'anesthésiste doivent donc collaborer étroitement pour déplacer le coeur lentement et corriger l'hémodynamique en continu [4,11]. En cas d’effondrement de la pression artérielle, la première manœuvre est le repositionnement du cœur ; de petites modifications dans les angles de bascule permettent de recommencer la manœuvre plus lentement et avec plus de succès. Pour améliorer l'accès aux parois latérale et postérieure, la table d'opération est basculée vers la droite ou en position de Trendelenburg, respectivement. L'élévation des jambes est la manoeuvre la plus efficace pour augmenter la précharge. Chez un malade curarisé, cette manoeuvre augmente la pression transmurale de l'OD, alors que la position de Trendelenburg élève simultanément la pression de l'OD et la pression intrathoracique à cause du poids des viscères abdominaux sur le diaphragme, si bien que Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 18 la pression transmurale ne se modifie pas [10,12]. De plus, la position tête en bas augmente la pression veineuse cérébrale ; si la pression artérielle moyenne (PAM) est très basse, il se peut que la pression de perfusion cérébrale, qui est la différence entre la PAM et la pression veineuse, devienne insuffisante. Techniques chirurgicales de manipulation du coeur Les techniques sont très nombreuses, mais peuvent être groupées en 3 catégories. - Bascule par des compresses péricardiques et par l’appui du stabilisateur ; gène hémodynamique portant essentiellement sur le VD comprimé contre le sternum et la plèvre droite. - Bascule du cœur par traction au moyen d’un amarrage sur le péricarde postérieur qui évite la compression directe et diminue les effets hémodynamiques. - Suspension par une ventouse apicale. L’instabilité hémodynamique est proportionnelle à la vitesse du changement de position du cœur. Procéder très lentement, et repositionner le cœur si la pression artérielle devient insuffisante. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 BENETTI FJ, NASELLI G, WOOD M, GEFFNER L. Direct myocardial revascularization without extracorporeal circulation. Experience in 700 patients. Chest 1991; 100: 312-6 BERGSLAND J, KARAMANOUKIAN HL, SOLTOSKI PR, SALERNO TA. 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Le clampage coronarien est effectué par deux fils placés proximalement et distalement à travers le myocarde de manière à contrôler le flux à travers le vaisseau Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 19 en les serrant. Ceci conduit à des périodes d'ischémie dans le territoire concerné, qui se traduisent par une surélévation momentanée des segments ST et par de nouvelles altérations de la cinétique segmentaire à l'ETO [36,43]. Les 15-20 minutes d'occlusion de l'IVA nécessaires à y suturer une mammaire sont responsables d’une diminution des deux tiers du pic de raccourcissement systolique et d’une production de lactate dans le sinus coronaire [2,32]. Différents facteurs entrent en compte dans l’importance du risque ischémique lors d’une anastomose coronarienne à cœur battant. Position de la sténose : proximale versus distale ; Importance de la sténose ; Degré de collatéralisation ; Degré de vascularisation des zones adjacentes ; Durée de l’occlusion ; Techniques de protection myocardique. L’ischémie est d’autant plus importante que la sténose est plus proximale et le territoire moins bien collatéralisé. L’occlusion de la coronaire produit alors une dysfonction ventriculaire sévère et étendue. Les évènements ischémiques les plus intenses surviennent lorsqu'on interrompt le flux d'une artère dont la sténose est inférieure à 75%, parce que ce type de lésion s’accompagne d’un faible réseau collatéral, contrairement à une sténose très serrée [40,44]. L'ischémie d'une coronaire droite (CD) non occluse peut déclencher des arythmies dangereuses comme un bloc atrio-ventriculaire complet dû à l'interruption du flux dans l'artère du noeud sino-atrial. C'est la raison pour laquelle certains chirurgiens revascularisent la CD exclusivement par des anastomoses distales après sa bifurcation [4,12,28]. Les sténoses les plus sévères étant les mieux collatéralisées, il est habituellement recommandé de commencer par les vaisseaux obstrués à plus de 90%, mais en terminant par la circonflexe [5,13]. Certains opérateurs préfèrent commencer par les vaisseaux les moins rétrécis pour bénéficier du flux collatéral lors des pontages des vaisseaux les plus touchés, ou par l’IVA qui demande le moins de manipulation et qui est immédiatement revascularisée par le flux mammaire [4,24]. Lorsqu’on pratique des pontages libres (veineux ou artériels), il est judicieux de réaliser de suite les anastomoses proximales de manière à assurer une revascularisation immédiate [13]. Il existe plusieurs manières de diminuer les conséquences de l'interruption du flux coronarien pendant la chirurgie à coeur battant: amélioration de la balance entre l'apport (DO2) et la consommation (VO2 ) d'oxygène du myocarde, préconditionnement, prophylaxie pharmacologique, shunt intracoronarien. Balance entre l'apport et la demande en O2 du myocarde On peut améliorer le rapport DO2/VO2 en diminuant les besoins du myocarde en O2 et/ou en y augmentant la distribution d'O2. On réduit la demande en abaissant la fréquence cardiaque (< 65 batt/min) et en diminuant la contractilité. Ceci s'obtient habituellement par un β-bloqueur ou un anticalcique. Lorsque le coeur est verticalisé, la tension de paroi du VG reste basse malgré l'augmentation de la pression auriculaire, car cette dernière ne représente plus la précharge réelle du ventricule. Sa valeur élevée ne correspond donc pas à une augmentation de la consommation d'O2 [7]. Une pression de perfusion coronarienne élevée est absolument essentielle pendant une période de clampage, car le flux dans les collatérales et dans le shunt est pression-dépendant. La force motrice est la pression diastolique aortique, dont la mesure la plus voisine en périphérie (artère radiale ou fémorale) est la pression artérielle moyenne (PAM) [31,33]. Au cours d'une anesthésie avec des halogénés, on a démontré qu'une PAM < 65 mmHg et une pression de perfusion coronarienne (PPC) < 50 mmHg sont associées à des épisodes d'ischémie active [21]. Il semble donc justifié de maintenir une PAM ≥ 75 mmHg pour conserver une certaine marge de sécurité par rapport à la pression critique. La valeur de PAM habituellement recommandée dans la littérature sur l'OPCAB est 65-80 mmHg 7,12,25,27,30,37]. On peut accepter momentanément une valeur plus basse à la condition qu'il n'y ait Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 20 aucun signe visible d'ischémie. L'administration de phényléphrine en bolus ou de nor-adrénaline en perfusion est très souvent nécessaire au maintien d’une PAM adéquate [7,25]. Pendant les périodes d'ischémie, la priorité est placée sur la pression de perfusion. On doit accepter que le débit cardiaque puisse être très abaissé pour diminuer la mVO2, même s'il s'installe une certaine dette d'oxygène en périphérie [7]. On essaie de maintenir la SvO2 au-dessus de 55%, mais il n'est pas rare qu'elle descende momentanément à 50%. La PAM est maintenue à 75 mmHg avec un vasopresseur, et la fréquence cardiaque entre 50 et 65 batt/minute avec un β-bloqueur. La surveillance échocardiographique transoesophagienne et l’aspect visuel dans le champ opératoire permettent de veiller à ce que l'administration de ces substances ne conduise pas à une dilatation du VG par excès de postcharge, auquel cas la mVO2 redevient excessive. Tant que la revascularisation n'est pas complète, les β-stimulants ne sont utilisés qu'en dernière extrémité, ce qui oblige souvent à se maintenir pendant une quinzaine de minutes à la limite inférieure des valeurs hémodynamiques tolérables. Préconditionnement Le préconditionement ischémique est défini comme une augmentation de la tolérance à l'ischémie par de brefs épisodes répétés d'occlusion vasculaire (1-5 minutes) suivis de revascularisation momentanée (10-30 minutes) (voir Chapitre 5 Préconditionnement) [19]. La présence d’épisodes itératifs d’ischémie chronique dans l’anamnèse est une forme de préconditionnement clinique. Le même effet peut aussi s'obtenir par des moyens pharmacologiques, ce qui paraît préférable dans la mesure où une interruption du flux coronarien, même brève et momentanée, peut aggraver la situation d'un myocarde déjà compromis par la maladie. Plusieurs substances ont été utilisées à cet effet: adénosine, nicorandil (Dancor®), agents halogénés [11,41]. C'est une technique attractive pour protéger le myocarde pendant les pontages à coeur battant [20]. Des études expérimentales ont démontré que l'halothane, l'isoflurane, le sevoflurane et le desflurane protègent le myocarde contre l'ischémie par des mécanisme similaires au préconditionnement ischémique lorsqu'ils sont administrés à ≥ 1 MAC pendant au minimum 10 minutes et au moins 30 minutes avant l'occlusion vasculaire [9,18,48]. Les meilleurs résultats sont obtenus avec une administration continue et stable tout au long de l’intervention [11]. Dans la chirurgie à coeur battant, le préconditionnement ischémique peropératoire offre une protection myocardique caractérisée par une diminution des taux postopératoires de troponine I et d’arythmies [3,20,46]. Comparé au propofol, le sevoflurane garantit une meilleure fonction ventriculaire et une diminution de la libération de troponine I, de CK-MB, de CRP et d’Interleukine 6 [9,10]. Egalement comparé au propofol, le desflurane a le même effet, diminue de 40% le besoin en agent inotrope et raccourcit la durée d’hospitalisation [16]. Malgré la disparité des protocoles expérimentaux et cliniques, on peut conclure de ces observations que, en l'état actuel de nos connaissances, l'utilisation continue d'halogéné à MAC > 1 pour le maintien de l'anesthésie est bénéfique dans les OPCAB et peut limiter les effets de l'ischémie peropératoire. Les inhibiteurs COX-2 et les antidiabétiques oraux de type sulfonylurée doivent être évités en préopératoire parce qu’ils inhibent le mécanisme du préconditionnement. Prophylaxie pharmacologique Les β-bloqueurs sont la meilleure prévention périopératoire de l'ischémie [14]. Les résultats avec les α2-agonistes comme la clonidine ou la dexmédétomidine sont moins évidents [29]. Ces traitements préopératoires doivent être maintenus jusque, et y compris, à la prémédication. Il en est de même pour les antiplaquettaires (aspirine et/ou clopidogrel) et les statines administrés dans le cadre de l'angor ou de la plaque coronarienne instable [6]. Pendant l'intervention, un β1-bloqueur sélectif de courte durée d'action comme l'esmolol est bien adapté pour abaisser la fréquence cardiaque. Cependant, la baisse de la contractilité peut affecter Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 21 sérieusement la fonction du VG ; ceci entraîne une baisse de la PAM de 42% et du débit cardiaque de 32%, se soldant par une diminution de la SvO2 de 81% à 65% [1,8]. Cet effet inotrope négatif conduit à une augmentation de la PAP et de la PAPO, à un moment où la pression du VD risque d'être élevée à cause de la compression de sa chambre de chasse ou à la suite d'une insuffisance mitrale aiguë due aux manipulations du coeur. Un antagoniste calcique comme le diltiazem (Dilzem®) présente quelques avantages théoriques sur les β-bloqueurs dans la période peropératoire [45]. Pour la même fréquence cardiaque, il abaisse la PAP alors que l'esmolol tend à la faire monter [8]. Outre le frein à la conduction AV et à la fréquence, les anticalciques ont l'intérêt d'être des vasodilatateurs artériels précieux pour inhiber le vasopasme des greffons [34]. Comme l'augmentation de la concentration de calcium intracytoplasmique est un des mécanismes des lésions de reperfusion post-ischémique, les anticalciques ont un effet préventif contre ces dégâts [34,35]. Dans certains centres, on utilise une perfusion continue de diltiazem (0.1 mg kg-1 h1 ) depuis l'incision jusqu'aux soins intensifs [7,28,39]. Il n'y a toutefois aucune évidence objective prouvant que cette prophylaxie améliore le devenir des patients après OPCAB. Le magnésium, à raison de 20 mmol sous forme de chlorure ou de sulfate, a une action semblable sur les cellules myocardiques. Son seul inconvénient est une légère vasodilatation artériolaire [17]. Son utilisation de routine en chirurgie cardiaque tend à diminuer l'incidence de fibrillation auriculaire. De nombreux centres recommandent l'administration d'un bolus de MgCl2 ou de MgSO4 avant l'ouverture du péricarde [23,28,39]. La nitroglycérine ne s'est jamais révélée efficace dans la prévention de l'ischémie peropératoire en chirurgie cardiaque ou non-cardiaque [15,42]. Dans la chirurgie à coeur battant, elle est utilisée pour diminuer les pressions pulmonaires ou pour traiter une ischémie active [5,12]. La baisse de précharge qu'elle provoque diminue la congestion du VD en cas de surcharge droite, mais est un inconvénient pendant la verticalisation du coeur lorsque les pressions de remplissage doivent être augmentées pour maintenir le remplissage ventriculaire. Un support métabolique avec une perfusion de GlucoseInsulin-Potassium (GIK) n'apporte pas de bénéfice clinique évident pour la protection du myocarde pendant la chirurgie à coeur battant [38]. Ischémie myocardique Pendant l’ischémie myocardique occasionnée par le clampage nécessaire à la confection de l’anastomose coronarienne, on cherche le meilleur rapport DO2/VO2 et une protection du myocarde. Baisser la mVO2 (hypodynamisme, β-blocage) et à augmenter le DO2 (PAM ≥ 75 mmHg, vasoconstricteurs), même si le DC est momentanément bas (SvO2 ≤ 55%). Surveillance attentive du champ opératoire et de l’ETO pour éviter une dilatation du VG due à la hausse de postcharge et à la baisse de contractilité. Protection par préconditionnement (anesthésie maintenue par un halogéné en continu), par β-blocage (esmolol, metoprolol), par un anticalcique (diltiazem, magnésium) et par reperfusion au moyen d’un shunt intracoronarien. Technique chirurgicale Le chirurgien peut insérer un petit shunt dans la coronaire pour raccourcir la durée de l'ischémie distale pendant les anastomoses (tailles de 1 à 3 mm) (Figure 10.13). Ce shunt fournit un débit sanguin suffisant pour prévenir les altérations de la cinétique segmentaire et pour stabiliser le segment ST Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 22 [22,26,27]. Lorsque le flux est ainsi maintenu, on n'observe que des modifications transitoires et modérées de la fonction du VG par rapport à une occlusion complète de l’artère coronaire [26] : baisse du volume systolique de 11% au lieu de 31%, augmentation de la PAPO de 19% au lieu de 49% [47]. L’utilisation systématique du shunt dès l’ouverture du vaisseau à ponter autorise même à ne plus clamper ce dernier ni à le charger sur un fil transmyocardique pour en interrompre le flux : la présence du shunt occupe toute la lumière du vaisseau et en assure l’étanchéité tout en maintenant une perfusion périphérique. Figure 10.13 : Shunt intracoronarien (flèche) en train d'être introduit dans une coronaire avant la réalisation de l'anastomose (Medtronics™). © Medtronics™ Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 ALEKSIC I, BUHRE W, BARYALEI MM, et al. Haemodynamic changes during minimally invasive coronary artery bypass surgery using high-dose esmolol. Cardiovasc Surg 2000; 8: 204-7 BROWN PM, JR., KIM VB, BOYER BJ, et al. Regional left ventricular systolic function in humans during off-pump coronary bypass surgery. Circulation 1999; 100: II125-7 CARR-WHITE G, KOH T, DE SOUZA A, et al. 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Un ACT (Activated Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 24 Coagulation Time) est répété toutes les 20-30 minutes ; l'héparine ajoutée selon besoin pour le maintenir entre 250 et 350 sec. Cette surveillance est à la charge de l’anesthésiste. La faible héparinisation, jointe à la moindre activation plaquettaire, diminue très significativement le risque hémorragique par rapport aux interventions en CEC [2,8]. Le risque de devoir transfuser est diminué de moitié [1]. Le seuil de transfusion habituel est de 80 g/L Hb, mais il peut être plus précoce en cas de signe d’ischémie à l’ECG ou à l’ETO, et en cas de baisse excessive de la SvO2. Le renversement de l'héparine par la protamine est habituel, bien qu’il soit parfois partiel. L’OPCAB n’est pas associé à une fibrinolyse comme la CEC. Il n’y a donc pas de raison d’administrer un antifibrinolytique (acide amino-caproïque) de routine. On a rapporté un état hypercoagulable après opération à coeur battant qui pourrait faire courir un risque de thrombose des greffons et d'embolie pulmonaire [4]. Il est prudent de prescrire de l'aspirine (250 mg) dès la quatrième heure après la fin de l'intervention, parce que cet antiplaquettaire réduit la mortalité et les complications ischémiques après chirurgie coronarienne [3]. Le taux de fibrinogène est mieux préservé après OPCAB qu’après une CEC (2.4 vs 1.7 g/L) [7]. Anticoagulation Administration de 200-250 U/kg (1 mg/kg) d’héparine pour ACT 250-350 secondes. Contrôle de l’ACT et ajouts d’héparine selon besoin toutes les 30 minutes. Renversement habituel avec la protamine. Maintenir les antiplaquettaires prescrits en préopératoire (aspirine, clopidogrel, prasugrel). Aspirine (Aspégic® 250 mg iv) à la 4ème heure postopératoire. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 CHENG DC, BAINBRIDGE D, MARTIN JE, NOVICK RJ. 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Même en réalisant un nouvel étalonnage à chaque changement de position, la précision de l'analyse électrocardiographique est en partie perdue lorsque le coeur est énucléé. Pour y pallier, une astuce consiste à connecter à l'électrode Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 25 V5 un fil de pace-maker implanté sur la paroi antérieure du VG. On obtient ainsi un tracé épicardique de grande amplitude (Figure 10.14B) qui permet de suivre avec précision l'activité électrique du myocarde, et, le cas échéant, d'entraîner correctement une contre-pulsion intra-aortique [17]. DII A Position de base Anastomose IVA Anastomose RVP V5 B DII Electrode épicardique Pendant le clampage Après le déclampage Figure 10.14 : ECG en cours d’OPCAB. A: Amenuisement du tracé ECG par rapport à la position de base lors de l’élévation du cœur pour l’anastomose sur l’IVA et de l’énucléation totale pour l’anastomose sur la face postérieure ; le gain est maintenu identique. B: Tracé ECG épicardique obtenu par une électrode de pace-maker implantée sur la paroi antéro-apicale et connectée à V5 pendant l'occlusion de l'IVA et après rétablissement du flux ; le tracé supérieur est la dérivation DII conventionnelle. Mesures de pression et de débit La mesure invasive de la pression artérielle est évidemment primordiale. L’utilisation d’un cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz est recommandée pour les pontages multiples et les malades souffrant de dysfonction ventriculaire, mais n’est pas nécessaire pour les monopontages. Son apport est d’autant plus important que le nombre de pontage est élevé et la fonction ventriculaire réduite. Une augmentation modérée de la pression artérielle pulmonaire (PAP) et pulmonaire bloquée (PAPO) est habituelle pendant les manipulations du cœur. La PAP et la PAPO doivent être interprétées dans le cadre de la verticalisation du coeur, puisque le sang doit "monter" dans les ventricules ; elles peuvent rester élevées même si le malade est hypovolémique. Par contre, la SvO2 est un guide essentiel pour juger de l'adéquation du débit cardiaque aux besoins de l'organisme, notamment pendant les périodes de bas débit associées à l’interruption du flux coronaire. Il est important de maintenir l'extrémité Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 26 distale du cathéter dans une artère pulmonaire de grand calibre, car les manipulations du coeur peuvent propulser le cathéter en périphérie; gonfler le ballonnet en position trop distale ferait éclater le vaisseau. Pendant les modifications de position du coeur, les débits du VD et du VG peuvent être très variables. La mesure du débit cardiaque par analyse du contour de courbe artérielle (PiCCO™, FloTrac™) est une technique intéressante car elle quantifie en continu le débit systolique instantané du VG. Cependant, la corrélation entre la Swan-Ganz et le PiCCO est faible lorsque le débit cardiaque est instable pendant les manipulations du cœur [10] ; de plus, les variations des résistances périphériques obligent à recalibrer fréquemment le système PiCCO pour que l’algorithme puisse interpréter correctement la surface sous la courbe artérielle [9]. Le flux dans l’aorte descendante évalué par Doppler oesophagien permet également de suivre les variations du volume systolique de manière peu invasive [5,7]. Néanmoins, aucune de ces techniques n’offre la possibilité de mesurer la SvO2, qui est un élément décisionnel crucial dans la prise en charge hémodynamique de ces patients. Les calculs hémodynamiques (DC, RAS, RAP) doivent être réguliers, en position neutre et pendant les déplacements du coeur pour chaque anastomose. La SvO2 est monitorée en continu, ou au minimum 10 minutes après chaque installation dans une nouvelle position du cœur. Echocardiographie L'ETO est un moyen de surveillance extrêmement précieux en chirurgie à coeur battant [2,11,16,19], même si la présence d'air entourant le coeur dressé dans le péricarde et l'utilisation de compresses enfouies postérieurement dans le voisinage de l'oesophage limitent considérablement ses performances (voir Chapitre 27 OPCAB). La position transgastrique est habituellement inutilisable, le coeur étant décollé du diaphragme, mais la position rétrocardiaque à mi-oesophage permet de visualiser les 16 segments des ventricules en utilisant les plans 4-cavités, 2-cavités et long-axe, même si les images sont parfois de mauvaise qualité. De cette manière, on peut identifier correctement au moins 14 segments dans 94% des anastomoses sur la CD, dans 83% des anastomoses sur la CX et dans 76% des anastomoses sur l'IVA [23]. Une poche souple remplie de liquide cristalloïde enfoui au fond du péricarde à la place des compresses permet de rétablir une imagerie transgatrique lorsque celle-ci est nécessaire. Un examen détaillé de l’anatomie cardiaque, des valves, de la contraction segmentaire et de la fonction ventriculaire droite et gauche doit impérativement avoir lieu en début d’intervention pour pouvoir servir de comparatif lorsque des modifications s’installent en cours d’opération. L’impact de l’ETO au cours de la chirurgie à coeur battant porte sur plusieurs points. Recherche d’éventuelles contre-indications à une opération à coeur battant (thrombus intraventriculaire, insuffisance aortique importante). Evaluation dynamique pendant les anastomoses : effet du stabilisateur, apparition d’altérations de la cinétique segmentaire, détérioration de la fonction ventriculaire globale. Diagnostic différentiel des causes d’instabilité hémodynamique : ischémie, dysfonction, hypovolémie, torsion excessive du coeur, insuffisance valvulaire majeure. Surveillance de la taille des ventricules : guide pour l’administration des vasopresseurs, du volume et des agents inotropes, tolérance du VG à l’augmentation de postcharge ou au βblocage. Contrôle du succès des anastomoses par la récupération d’une contractilité segmentaire normale en fin d’intervention. L'ETO met en évidence des altérations de la cinétique segmentaire (ACS) dans 40% à 64% des cas d’OPCAB, alors que le segment ST ne permet d’identifier que 8-19% des évènements ischémiques [16,23]. Le stabilisateur à lui seul diminue la contractilité du segment sous-jacent dans 23% des cas [23]. Pendant l’interruption du flux coronarien, le degré de modification de la contractilité est Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 27 inversement porportionnel à celui de la collatéralisation du segment concerné [12]. Le segment distal à l'anastomose montre une baisse de vélocité tissulaire et un allongement systolique pendant l'ischémie [20]. L'utilisation d'un shunt intracoronarien pendant l'anastomose rétablit la contractilité du segment dans la plupart des cas [15]. L'importance des ACS a une valeur pronostique [18]. En effet, plus la modification est profonde, plus elle a tendance à persister après le rétablissement du flux (Figure 10.15) [23]. La moitié des ACS récupère rapidement et complètement une fois l'anastomose complétée, 33% ne récupère que partiellement et 17% ne récupère pas du tout [16]. Il est intéressant de noter que 71% des complications cardiaques postopératoires se retrouvent chez les patients qui n'ont pas récupéré de leur ACS en peropératoire, mais aucune complication n'est enregistrée chez ceux qui ont une contractilité segmentaire normale en fin d'intervention. Figure 10.15 : Altération de la cinétique segmentaire en cours d'OPCAB. Dans cette étude [23], les deux tiers des patients présentent des ACS (altération de la cinétique segmentaire) en cours d’intervention ; un tiers récupère entièrement à la revascularisation (ACS transitoires), mais un tiers conserve un certain degré de dysfonction segmentaire (ACS persistants). Ces derniers sont les malades qui présentent les ACS les plus importants en cours d’intervention. Score d’ACS : 1 : normokinésie ; 2 : hypokinésie ; 3 : akinésie ; 4 : dyskinésie. Score d’ACS 60 patients pour OPCAB 3 troncs 41 avec ACS 2.2 1.8 * ACS persistants 22 patients 1.4 1.0 ACS transitoires p < 0.05 19 patients Contrôle Stabilisateur Anastomose Fin L'ETO est la technique de choix pour évaluer la fonction ventriculaire et le volume du ventricule en télédiastole, notamment pour juger si le VG tolère la postcharge qui lui est imposée lorsqu'on utilise des vasopresseurs pour maintenir la pression de perfusion coronarienne (voir Chapitre 27 Revascularisation coronarienne OPCAB). Comme on évite les catécholamines β-stimulantes avant la revascularisation, seul l'ETO permet de juger à quel moment la situation devient suffisamment critique pour en commencer l'administration. L'ETO met aussi en évidence le degré de dysfonction diastolique propre à la verticalisation du coeur par l'analyse du flux mitral (Figure 10.16). La quantification de l'insuffisance mitrale qui peut se développer lorsque le coeur est manipulé permet d’interpréter correctement la survenue d'une onde "v" sur le tracé de PAPO [6] ; l’apparition d’une IM sévère est plus fréquente chez les malades qui souffrent déjà d’une régurgitation mitrale modérée. L'ETO est encore utile pour diagnostiquer la présence d'un foramen ovale perméable responsable d'une hypoxie réfractaire par shunt droite – gauche au cours des manipulations du cœur ou d'un thrombus intracavitaire gauche qui est une contre-indication à la chirurgie à coeur battant (Figure 10.17) [1]. L’impact de l’ETO sur la prise en charge chirurgicale et anesthésique est considérable. Sur une série de 744 cas à cœur battant, l’impact global est significatif dans 27.4% des cas [8] : Pathologies inconnues obligeant à modifier la stratégie chirurgicale (CIA, IM ou IA majeure impliquant un remplacement valvulaire) : 1.3% Conversion en CEC pour dysfonction ventriculaire : 1.6% Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 28 Dysfonction du VG entraînant la mise en place d’une CPIA : 3.2% Athéromatose aortique justifiant une chirurgie tout artérielle : 4.1% Révision d’une anastomose après pontage 5.2% Nouvelle altération peropératoire de la cinétique segmentaire : 10.3% Edt A A E ↑ E Vmax ↓ Edt E Figure 10.16 : Flux de type restrictif (à droite) tel qu'il apparaît lors de la dysfonction diastolique aiguë qui accompagne les modifications de position du coeur. Par rapport au flux normal (à gauche), la vélocité maximale du flux E est élevée, mais son temps de décélération (Edt) est bref. Figure 10.17 : Thrombus apical du VG, qui est une contre-indication à toute intervention à coeur battant. VG Thrombus Champ opératoire En extrayant le cœur de la cavité péricardique, l’OPCAB offre une vision exclusive sur les ventricules, leur contraction et leur volume. L’observation directe du champ opératoire devient donc un mode de surveillance particulièrement pertinent. On voit notamment les éventuelles coudures au niveau du sillon auriculo-ventriculaire ou des chambres de chasse. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 29 Selon l’étape chirurgicale, il peut être avantageux de ventiler le patient à bas volume courant (250-300 mL) et haute fréquence (25-30/min, rapport I:E ≥ 1:4), pour éviter de gêner l’opérateur par l’inspirium pulmonaire. Parfois, une simple déconnexion momentanée du circuit respiratoire améliore la visibilité dans le thorax pour pratiquer un geste en profondeur. Seule l’observation constante du champ opératoire permet cette collaboration entre anesthésiste et chirurgien. Contrôle post-revascularisation Pendant la première demi-heure après la revascularisation, il n'est pas rare de voir sur l'ECG des inversion significatives de l'onde T qui sont liées aux lésions de reperfusion (Figure 10.18) [3,21]. Il est alors bon de faire une mesure quantitative du flux dans les greffons avec un fluxmètre Doppler. Le flux doit être pulsatile et biphasique, avec deux composantes antérogrades, l'une brève en protosystole, et l'autre longue en diastole; il existe normalement un petit flux rétrograde en télésystole (Figure 10.19). La vélocité du flux diastolique doit être d'au moins 15 cm sec-1, et le flux moyen de plus de 20 mL min-1 [13,22]. En cas de sténose anastomotique, le tracé du flux est très pointu et essentiellement systolique. Les valeurs absolues du flux sont moins importantes que sa pulsatilité, décrite par l'index de pulsatilité (IP), que l'on obtient en divisant la différence entre le flux maximal et le flux minimal par le flux moyen : IP = (Fmax – Fmin) / Fmoy. L'IP optimal est situé entre 1 et 5 [4]. Une basse vélocité et un IP très augmenté ont une grande valeur pronostique pour l'occlusion ultérieure du greffon, et devrait conduire à une révision immédiate de l'anastomose [13,14]. Une révision est aisée lors d'OPCAB car il n'y a pas besoin de retourner en CEC pour la réaliser. 4 min 7 min Lésion de reperfusion 17 min 28 min Figure 10.18 : Enregistrements ECG peropératoires (DII et V5) à différents temps après revascularisation de l’IVA. Les lésions de reperfusion sont caractérisées par une onde T pointue et inversée, ici maximale à 17 minutes. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 30 Greffon sur IVA Figure 10.19 : Enregistrement du flux dans un greffon veineux implanté sur l'IVA. S: flux systolique. D: flux diastolique. La ligne rouge représente le flux moyen. S D Flux moyen Monitorage peropératoire ECG : perte d’amplitude lors des modifications de position du cœur. Cathéter artériel : primordial. Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz : indispensable pour les pontages multiples, en cas de dysfonction ventriculaire ou de comorbidité ; le suivi de la SvO2 est le meilleur critère de l’adéquation du DC lorsque celui-ci est bas pendant les périodes d’ischémie. ETO : diagnostic des contre-indications à la chirurgie à cœur battant, évaluation de la cinétique segmentaire avant, pendant et après les anastomoses, diagnostic des causes d’instabilité hémodynamique, évaluation de la fonction biventriculaire, surveillance du risque de dilatation du VD et du VG (HTAP, vasopresseurs). Lorsque les déplacements du cœur empêchent d’obtenir des images satisfaisantes, l’observation du champ opératoire permet de compléter l’évaluation de la taille et de la fonction des ventricules. Après reperfusion, la persistance de nouvelles altérations de la cinétique segmentaire a une valeur pronostique pour les complications cardiaques postopératoires. La mesure du flux coronarien et de sa pulsatilité est utile pour juger de la qualité des anastomoses. Références 1 2 3 4 AKHTER M, LAJOS TZ. Pitfalls of undetected patent foramen ovale in off-pump cases. Ann Thorac Surg 1999; 67: 546-8 CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery: Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13 CORBALAN R, LARRAIN G, NAZZAL C, et al. Association of noninvasive markers of coronary artery reperfusion to assess microvascular obstruction in patients with acute myocardial infarction treated with primary angioplasty. 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Toutefois, il n'est pas rare que la SvO2 descende momentanément à 50%; cette valeur est la limite inférieure en dessous de laquelle il faut améliorer le débit cardiaque par des catécholamines à effet béta et/ou par une accélération de la fréquence cardiaque (pace-maker auriculaire). Par analogie avec les résultats obtenus en CEC, on peut aussi approfondir la curarisation pour diminuer la consommation d'oxygène de l'organisme et freiner l'acidose métabolique [8]. Le rapport de Buffington est un guide utile. Il stipule que les malades souffrant de sténoses coronariennes sont à risque d'ischémie myocardique lorsque leur PAM est inférieure à leur fréquence cardiaque (PAM / FC < 1) [1]. Hypotension artérielle Le patient devient fréquemment hypotendu lorsque le coeur est basculé dans une nouvelle position. La première mesure est le repositionnement du cœur, suivi d’un deuxième essai plus lent en variant quelque peu l’angle d’énucléation. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 32 La précharge est augmentée par élévation des jambes et par administration de cristalloïdes ou de colloïdes. La quantité totale de liquides perfusés est très similaire à celle utilisée dans les interventions en CEC [11]. Des vasopresseurs de type alpha comme la phényléphrine ou la nor-adrénaline sont indiqués lorsque la pression demeure basse malgré l'apport liquidien, pour éviter une surchage en volume et une augmentation de l'eau totale pulmonaire. Il est rare que l’on puisse se passer d’une perfusion de nor-adrénaline. L'ETO est utile pour évaluer une éventuelle dilatation du VG. La tachycardie est freinée par un β-bloqueur, le plus fréquemment de l'esmolol, après avoir exclu qu'elle ne soit pas due à une hypovolémie ou à un réveil. Un agoniste α2 comme la dexmédétomidine peut être utile dans les cas réfractaires [14]. En cas de bradycardie excessive (fréquence < 50 batt/min), des fils de pace-maker branchés sur l'OD ou le VD permettent de régler la fréquence à 55-60 battements par minute [12,16]. Il faut s’assurer qu’une électrode ventriculaire soit en place avant de procéder à une intervention sur le tronc de la CD, car le risque de bloc AV complet est important lorsqu’on occlut cette artère ; ce risque est plus grand lorsque la sténose est modérée (70-80%), car la collatéralisation est pauvre. Il est préférable de renoncer à toute stimulation béta tant que le myocarde n'est pas revascularisé pour éviter une ischémie par demande excessive en oxygène [3,15]. Le bienfondé de ce concept logique n'a toutefois pas encore été démontré cliniquement par des études contrôlées. Ischémie aiguë Lorsque survient une ischémie aiguë (surélévation du segment ST, akinésie segmentaire), la prise en charge doit être immédiate. Relâchement de la suture qui clampe la coronaire, si le stade de l’intervention le permet ; Mise en place ou repositionnement du shunt intracoronarien ; Administration de vasopresseur pour assurer une PAM > 80 mmHg ; Perfusion de nitroglycérine ; En cas de tachycardie, administration d’esmolol (après contrôle de la profondeur de l’anesthésie). Conversion en CEC A quel moment la chirurgie à coeur battant n'est-elle plus possible ? Les indications à passer en CEC sont mal définies et très intuitives. Les limites sont en général placées aux valeurs suivantes, pour autant qu'elles persistent inchangées pendant plus de 10 minutes malgré un traitement agressif [16] : Index cardiaque < 1.5 L min-1 m-2 ; SvO2 < 50% ; PAM < 50 mm Hg ; Arythmies ventriculaires malignes ; Modifications ST > 2 mm ; Dilatation ou dysfonction persistantes du VG ; Altérations majeures et étendues de la cinétique segmentaire ; Collapsus circulatoire. Le taux de conversion en CEC oscille entre 1% et 4.9% [2,7,16]. Les patients qui ont nécessité une CEC ont une mortalité deux à six fois supérieure à celle du coeur battant (5-12%), probablement à cause d’une tendance à une conversion trop tardive après un trop long épisode de choc cardiogène [13]. Une excellente communication entre l'anesthésiste et le chirurgien est absolument essentielle, car Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 33 le repositionnement du coeur est la première mesure à prendre en cas de choc [5]. La présence d'un perfusioniste et d'une machine de CEC en attente dans la salle d'opération est de routine. Les principaux facteurs associés à une instabilité hémodynamique requérant une CEC sont la cardiomégalie, la compression latérale pendant une anastomose sur la CX ou une marginale, et l'ischémie aiguë pendant l'occlusion de la CD [16]. Technique hybride En cas de dysfonction gauche sévère (FE ≤ 0.3), la chirurgie peut se faire à coeur battant sous assistance d'une contre-pulsion intra-aortique pour éviter la conversion d'urgence en CEC [4,9]. On peut aussi procéder à une canulation standard et utiliser la CEC comme une simple assistance momentanée. Il n’y a pas de cardioplégie et le coeur continue à battre en décharge. De la même manière, une pompe centrifuge ou les mini-pompes axiales peuvent fournir un support hémodynamique au VD ou au VG pendant les anastomoses [6]. L’assistance isolée du VD ne nécessite ni oxygénateur ni canulation de l’aorte. Toutefois, ces techniques hybrides contraignent à une anticoagulation plus profonde, ce qui abolit un des intérêts majeurs du coeur battant. Prise en carge hémodynamique En cas d’hypotension : - Repositionnement du cœur - 500 mL cristalloïde - Phényléphrine (bolus) ou noradrénaline (perfusion) - Si bradycardie : pace-maker - Si tachycardie (non due à l’hypovolémie) : esmolol En cas d’ischémie : - Maintenir le rapport PAM/FC > 1 ; - Augmenter la PAM > 80 mmHg (vasopresseurs) ; - Baisser la fréquence < 65 batt/min (esmolol) ; - Perfusion de nitroglycérine ; - Déclampage coronarien (si le stade de l’opération le permet) ; - Mise en place d’un shunt intracoronarien. Indication à la conversion en CEC : persistance des valeurs suivantes pendant > 10 minutes malgré un traitement agressif. - PAM < 50 mmHg ; - IC < 1.5 L/min/m2 ; - SvO2 < 50% ; - Arythmies malignes, bloc AV complet ; - Dilatation du VG, akinésie étendue persistante. Références 1 2 3 4 BUFFINGTON CW. Hemodynamic determinants of ischemic myocardial dysfunction in the presence of coronary stenosis in dogs. Anesthesiology 1985; 63: 651-62 CARTIER R, BLAIN R. 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Ann Thorac Surg 2002; 73: 1874-9 Technique d’anesthésie pour l’OPCAB Se passer de CEC ne raccourcit pas la durée de l'opération, qui dépend essentiellement du nombre d'anastomoses à réaliser et de l'habileté de l'opérateur. L'accélération porte essentiellement sur la période postopératoire: accélération de la récupération, diminution du temps d'intubation, raccourcissement du séjour en soins intensifs et du séjour hospitalier [6]. Ceci a poussé les anesthésistes à utiliser des techniques d’anesthésie permettant un réveil rapide (fast-track), ce qui s'est révélé sûr et économiquement rentable ; le malade est extubé immédiatement ou 1-2 heures après la fin de l'intervention dans une unité de surveillance intensive de type salle de réveil [11,27]. Pour ce faire, il ne doit pas saigner, et doit être hémodynamiquement stable, eurythmique et normotherme. L'hypothermie, qui constitue un risque indépendant de complications cardiaques [12], doit être évitée par tous les moyens possibles en cours d'intervention: chauffage de la salle d'opération, chauffage des perfusions et des gaz, couverture et matelas chauffants, etc. Comme le tronc et les membres inférieurs sont préparés chirurgicalement, les couvertures chauffantes ne sont que modestement utiles; il est plus efficace de chauffer la salle d'opération à 22-24°C [9,24]. Maintenir la normothermie est un défi d'autant plus grand que l'absence de CEC empêche de réchauffer le malade avant de sortir de pompe. Vu les fréquents changements de position de la table d'opération, il est prudent de disposer d'appuis latéraux pour empêcher les translations accidentelles du patient. La technique d’anesthésie est conventionnelle, mais en veillant à réduire les doses d’opiacés et de benzodiazépines. Les substances les plus fréquemment utilisées sont le fentanyl, le propofol, l’isoflurane ou le sevoflurane (Tableau 10.1). Une technique ultra-courte avec extubation sur table n'accroît pas le confort du patient, bien au contraire, et n'est pas économiquement rentable, car elle immobilise du temps de salle d'opération [9,21]. Parmi les agents intraveineux, le propofol a des propriétés veinodilatatrices qui diminuent la précharge et nécessitent d'importants réajustements de volume ; il n'a que peu d'effet cardioprotecteur [8]. Comparé au fentanyl et au sufentanil, le remifentanil diminue considérablement la précharge et induit des bradycardies sévères [10] ; de ce fait, il est moins stable dans les conditions de l'OPCAB. L'induction la plus stable est obtenue avec de l'étomidate et du fentanyl. Bien que la technique d'anesthésie n'ait pas d'influence sur la mortalité et la morbidité, il semble toutefois que les halogénés soient bénéfiques à cause de leur capacité protectrice contre l'ischémie due au préconditionement pharmacologique [1,7,15]. Dans l'état actuel de nos connaissances, leur utilisation est fortement recommandée dans la chirurgie à coeur battant [4]. A noter cependant que le desflurane augmente les résistances vasculaires pulmonaires lors des modifications du dosage ; il n’est donc pas indiqué dans ce contexte. Le Tableau 10.2 est un exemple Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 35 de protocole d'anesthésie. Quels que soient les substances utilisées, leur administration doit être réglée de manière à pouvoir extuber le patient dans l’heure qui suit la fin de l’intervention. Tableau 10.1 Agents d'anesthésie utilisés pour la chirurgie à coeur battant, tels que mentionnés dans 48 études Propofol Isoflurane, sevoflurane Midazolam Fentanyl 27 (56%) 20 (42%) 9 (19%) 32 (67%) Sufentanil Remifentanil Anesth péridurale Rachianesthésie 12 (25%) 8 (17%) 5 (10%) 2 (4%) Les nombres indiquent le nombre de fois (% des études) où l'agent est mentionné Dans 10% des études publiées, on a choisi une anesthésie générale combinée avec une rachianesthésie (sufentanil-morphine ou bupivacaine) [2,20] ou une péridurale thoracique haute (bupivacaine, sufentanil) [9,14,17,19,22,25]. La péridurale thoracique haute (> D5) a certains avantages démontrés : vasodilatation des vaisseaux épicardiques, diminution de la demande myocardique en oxygène, diminution du taux d'arythmies, diminution de la stimulation sympathique cardiaque [3,18,23,26]. Elle fournit une excellente analgésie postopératoire, mais son utilisation en peropératoire peut compliquer la gestion de l'hémodynamique à cause de la baisse de précharge et de postcharge qu’elle occasionne. Malgré les avantages de la sympathicolyse cardiaque, les études randomisées qui ont comparé l'anesthésie générale et l'anesthésie combinée n'ont pas trouvé de retombées sur la morbidité, la mortalité, ni les complications postopératoires, à l'exception d'une excellente antalgie et d'une extubation plus précoce [2,17,22,26]. Certains centres tentent de pratiquer des interventions à coeur battant sous péridurale seule, sans anesthésie, ni intubation, ni ventilation mécanique [16,17,28]. Quoique apparemment bien tolérée par les patients, cette technique n'offre pas d'avantages en terme de morbidité et de mortalité. Elle relève plus de la mode ou de l'exploit que de l'efficacité clinique. Comme la chirurgie à coeur battant réclame une héparinisation inférieure à celle des interventions en CEC, le risque d'hématome épidural est réduit par rapport à celui de la chirurgie cardiaque conventionnelle ; il devrait être identique à celui de la chirurgie vasculaire. Toutefois, la tendance actuelle est de maintenir la protection des antiplaquettaires jusqu'à l'opération chez les malades porteurs de plaques instables ou de stents, ce qui contre-indique toute anesthésie loco-régionale. Comme les données de la littérature actuelle démontrent clairement que la protection par aspirine et clopidogrel est largement supérieure aux bénéfices attendus de la sympathicolyse thoracique [5], il est préférable de procéder à une anesthésie générale, l'antalgie étant assurée par des opiacés et des AINS. Quelle que soit la technique choisie, le rôle premier de l'anesthésiste est de prévenir les altérations hémodynamiques dues aux manipulations chirurgicales, et de traiter les évènements ischémiques peropératoires [24]. Pour avoir la disponibilité nécessaire à cet effet, l'anesthésiste doit régler le problème de l'anesthésie proprement dite afin que celle-ci fonctionne en auto-pilote et ne demande pas des réajustements répétés. La technique de choix est le maintien constant d’une fraction inspirée d’halogéné correspondant à 1.0-1.5 MAC, accompagné de l’administration de fentanyl ou de sufentanil et de pachycurare selon les besoins. D’autre part, l’hémodynamique est un système multifactoriel complexe qui présente une certaine inertie. Il est donc important d’anticiper les modifications et d’opérer de petites corrections dès l’apparition de faibles changements dans la variable observée. La réaction à une hypotension, par exemple, doit être gérée en fonction de la rapidité avec laquelle chute la pression artérielle, et non par la valeur absolue de cette pression ; l’administration trop tardive de vasoconstricteur oblige à en donner davantage, entre autre parce que le temps circulatoire s’est ralenti, ce qui va induire un basculement vers une poussée hypertensive lorsque la substance arrive en masse sur ses récepteurs. Une sous-correction précoce évite l’installation d’un roulis rythmique qui entretient de larges oscillations entre l’hypo- et l’hypertension. La même attitude est recommandée face aux modifications Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 36 de la PAP, de la fréquence cardiaque ou du segment ST. Il s’agit donc d’être très vigilant sur les moindres modifications des variables-clés. L’analyse du New York State Cardiac Surgery Reporting System prouve que les patients pris en charge par les anesthésistes les plus peformants ont 2-3 fois moins de morbi-mortalité que ceux qui le sont par les moins adéquats [13]. La différence entre l'OPCAB et les PAC en CEC sur le devenir des patients apparaît plus marquée dans les cas à haut risque; il est donc de la plus haute importance de maîtriser les processus impliqués, parce qu'une prise en charge adéquate des patients très compromis peut faire une différence sur leur taux de mortalité et de morbidité. Technique d’anesthésie L’élément prioritaire est le maintien de l’hémodynamique et de l’équilibre DO2/VO2. L’anesthésie peut être conduite de différentes manières. Halogéné (de préférence sevoflurane) : avantage d’une protection myocardique contre l’ischémie par le préconditionnement. Propofol : pas de protection myocardique, baisse de la précharge en contradiction avec les besoins. Fentanyl/sufentanil : les plus maniables ; remifentanil : bradycardie excessive. Anesthésie combinée (AG + péridurale > D4) : sympathicolyse cardiaque et excellente antalgie, mais hémodynamique peropératoire plus difficile à contrôler ; risque d’hématome spinal. Maintenir rigoureusement la normothermie. Viser une extubation rapide. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 BELHOMME D, PEYNET J, LOUZY M, et al. Evidence for preconditioning by isoflurane in coronary artery bypass graft surgery. Circulation 1999; 100: II340-4 BETTEX DA, SCHMIDLIN D, CHASSOT PG, SCHMID ER. Intrathecal sufentanil-morphine shortens the duration of intubation and improves analgesia in fast-track cardiac surgery. Can J Anaesth 2002; 49: 711-7 CHANEY MA. Intrathecal and epidural anesthesia and analgesia for cardiac surgery. Anesth Analg 1997; 84: 1211-21 CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery: Physiology and anaesthetic management. 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La technique d'anesthésie proprement dite est moins importante que le traitement de ces deux contraintes. Toutefois, les études expérimentales et cliniques actuelles démontrent que les halogénés ont une place de choix dans ces opérations à cause de la protection contre l'ischémie que leur confère leur propriété de préconditionnement. Lorsque le traitement du malade le permet, l’anesthésie combinée avec une péridurale est une option. Quelques principes simples gouvernent l’anesthésie pour l’OPCAB : Maintien du rapport optimal entre la mVO2 et la DO2, quitte à encourir un bas débit cardiaque momentané ; Maintien prioritaire de la pression de perfusion coronarienne ; Anesthésie en auto-pilote (isoflurane ou sevoflurane à 1.0-1.5 MAC) pour se concentrer sur l’hémodynamique et l’ischémie myocardique ; Surveillance continue de la PA systémique, de la PAP et du segment ST ; Evaluations très rapprochées du DC, de la SvO2, de l’ETO (fonction, dimension et cinétique segmentaire des ventricules) et de l’ACT ; Surveillance continue du champ opératoire ; Extubation précoce (fast-track). L'OPCAB est un défi particulièrement attractif pour l'anesthésiste, car il doit jouer un rôle proactif et participer au déroulement de la partie chirurgicale; sa manière de prendre en charge l'hémodynamique et l'ischémie est une des clefs du succès de la chirurgie à coeur battant. C’est aussi une situation où Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 38 seuls une collaboration et un team-work très poussés entre anesthésiste et chirurgien permettent d’assurer le succès de l’intervention. Tableau 10.2: Exemple de protocole pour les pontages à coeur battant (OPCAB) Monitoring ECG 5-dérivations + analyse continue du segment ST Cathéter artériel (fémoral ou radial) Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz (voie jugulaire interne droite) 2 cathéters veineux périphériques (18G et 14 G) Echocardiographie transoesophagienne (ETO) Températures oesophagienne et rectale, sonde urinaire Hémodynamique complète + SvO2 à chaque changement de position du coeur ACT toutes les 30 minutes pour valeur > 250 sec Induction et maintien de l'anesthésie Etomidate, Vecuronium (selon besoins) -1 Fentanyl (dose totale: 10-15 mcg.kg ) Isoflurane ou sevoflurane (concentration expiratoire: environ 1% ou 2% pendant toute l'opération) Intubation endotrachéale avec tube standard (double-lumière si incision de thoracotomie) Ventilation: hyperventil modérée (ad PaCO2 = 30 mmHg) avec O2/air; ventilation à haute fréquence -1 (30/min) et bas volume courant (4 ml.kg ) selon les besoins chirurgicaux Alternative: rachianalgésie (0.5 mg morphine + 50 mcg Sufentanil), pas d'opiacés iv Mesures prophylactiques Température de la salle réglée à 24°C Réchauffement des perfusions ™ Emballage des parties découvertes avec de l’ouate et couverture chauffante à air pulsé (Baer-Hugger ) -1 -1 Diltiazem (0.1 mg.kg .h ) sans dose de charge, débit fixe de l'incision jusqu'à la fermeture Magnésium (MgCl2) 2 – 3 gm intraveineux à l'ouverture du péricarde -1 -1 Liquémine 1 mg.kg (100 U.kg ) au clampage de la mammaire (ACT recherché > 250 sec) ® 500 ml Voluven à l'ouverture du péricarde Electrode auriculaire connectée à un pace-maker; électrode ventriculaire en place lors de chirurgie sur la coronaire droite Perfusions Perfusion de Ringer-lactate selon besoins (total habituel: 2500 – 4000 ml) ® -1 -1 Voluven (dose maximale: 50 ml.kg .24 h ) -1 Mannitol 0.5 gm.kg à la fin de l'opération si le bilan est excessivement positif -1 Seuil de transfusion: 80 gm Hb.L (seuil plus élevé en cas d'ischémie active ou de désaturation veineuse centrale) ™ Pertes sanguines traitées par récupérateur (CellSaver ) Hypotension Elévation des jambes Augmentation du débit de perfusion Perfusion de nor-adrénaline Augmentation de la fréquence cardiaque à 50-60 batt/min (pace-maker) en cas de bradycardie Hypertension pulmonaire : hyperventilation, perfusion de nitroglycérine Bas débit (SvO2 < 65%) Augmentation de la fréquence cardiaque par le pace-maker Augmentation de la précharge Curarisation profonde Pas de β-stimulation avant la revascularisation Contre-pulsion intra-aortique (CPIA) en cas de défaillance gauche Indications au passage en CEC Persistence des éléments suivants malgré 15 minutes de thérapeutique agressive: -1 2 Index cardiaque < 1.5 l.min .m , SvO2 < 50% PAM < 50 mmHg Arythmies ventriculaires malignes Modifications du segment ST > 2 mm Anomalies étendues et majeures de la cinétique segmentaire (ETO) Dilatation et défaillance du VG (ETO) Collapsus circulatoire Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 39 Le MIDCAB Le MIDCAB (Minimally invasive direct access coronary artery bypass) est une technique qui permet un pontage mammaire sur l’IVA à coeur battant par une petite thoracotomie antérieure gauche dans le 5ème espace intercostal. Pour l’anesthésie, cette technique a plusieurs implications [1] : L’accès chirurgical est facilité si le poumon gauche n’est pas ventilé ; il est donc pratique d’utiliser un tube endotrachéal à deux lumières ; à défaut, on peut ventiler avec un petit volume courant et une haute fréquence pour limiter l’expansion pulmonaire ; Le cathéter pulmonaire n’est pas nécessaire ; une voie veineuse centrale est suffisante ; L’accès pour des palettes de défibrillation étant impossible, il faut prévoir des plaques de défibrillateur externes, collées avant le champage ; La région inguinale est préparée de manière à pouvoir procéder à une canulation d’urgence en cas de passage en CEC ; Le malade est installé avec l’hémithorax gauche surélevé par un coussin ; le bras gauche est placé le long du corps ou au zénith sur le cadre de la table d’opération ; La douleur postopératoire est plus importante après une thoracotomie qu’après une sternotomie ; la mise en place d’une péridurale thoracique haute permet une analgésie postopératoire idéale ; le risque d’hématome est identique à celui de la chirurgie vasculaire vu la faible héparinisation (200-250 UI/kg) ; D’autres techniques de loco-régionale sont envisageables : rachi-anesthésie avec sufentanilmorphine, blocs paravertébraux, blocs intercostaux ; La péridurale thoracique et les techniques fast-track sont particulièrement intéressantes lorsqu’on utilise un tube double-lumière, parce que l’extubation rapide en salle d’opération évite la transtubation du patient avec un tube conventionnel pour le postopératoire. La gestion de l’hémodynamique, de l’ischémie et de l’anticoagulation sont identiques à celles de l’OPCAB. Plusieurs études ont comparé les résultats du MIDCAB sur l’IVA à la dilatation percutanée avec pose de stent sur ce vaisseau. Bien que les récidives d’angor et les revascularisations secondaires soient plus fréquentes avec la PCI qu’avec la chirurgie, l’incidence d’évènements cardiovasculaires est plus élevée dans les groupes opérés [1]. N'autorisant l'anastomose que d'un seul vaisseau, le MIDCAB est une technique difficile à l’impact limité, qui n’est pas largement pratiquée [2]. MIDCAB Monopontage de l’artère mammaire interne gauche sur l’IVA par une minithoracotomie antérieure gauche. Moins pratiqué que l’OPCAB ou le PAC car les résultats tendent à être moins bons. Références 1 2 BAINBRIDGE D, CHENG D, MARTIN J, et al. Does off-pump or minimally invasive coronary artery bypass reduce mortality, morbidity and resource utilization when compared with percutaneous coronary intervention ? A meta-analysis of randomized trials. J Thorac Cardiovasc Surg 2007; 133:623-31 STANBRIDGE RD, HADJINIKOLAOU LK. Technical adjuncts in beating heart surgery comparison of MIDCAB to off-pump sternotomy: a meta-analysis. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 16 Suppl 2: S24-33 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 40 Laser transmyocardique La revasculariation par laser transmyocardique (RLTM) est une technique réservée au traitement de l’angor réfractaire non revascularisable par les moyens conventionnels. En dirigeant le rayon laser perpendiculairement à la paroi du VG, on crée une série de canaux destinés à revasculariser la paroi myocardique depuis la cavité ventriculaire. Cette configuration est celle du coeur des reptiles et des sauriens, chez qui le ventricule unique est vascularisé par des canaux et un réseau sinusoïde radiant depuis la cavité ventriculaire, sans arbre coronarien. Technique, mécanisme d’action et résultats Deux technologies différentes sont utilisées [3] : Le laser CO2, qui émet une seule pulsation de 15-20 Joule synchronisée avec l’onde R de l’ECG pour diminuer le risque d’arythmie ; Le laser Ho-YAG (holmium:yttrium-aluminium-garnett), qui produit 5 pulsations par seconde de 2 J chacune ; il faut 10-20 pulsations pour traverser la paroi ventriculaire tout en avançant la sonde à travers le muscle. Le rayonnement infra-rouge puissant de ces deux types de laser crée des pertuis d’environ 1 mm de diamètre par vaporisation du tissu myocardique ; l’effet est essentiellement thermique, mais également mécanique (ondes de choc). La sonde laser est appliquée à la surface du VG de manière à diriger le rayonnement vers la cavité du ventricule. Le sang qui est à l’intérieur de ce dernier absorbe le rayonnement transpariétal et évite une perforation de la paroi opposée. C’est la raison pour laquelle on synchronise l’émission avec l’onde R ; celle-ci a lieu en télédiastole, lorsque le VG est maximalement rempli. On réalise ainsi une série de conduits distants d’environ 1 cm les uns des autres, ce qui permet d’en pratiquer de 30 à 40 dans un cœur de taille normale. La preuve que ceux-ci sont perméables est apportée par deux éléments : 1) une petite hémorragie à la surface du péricarde, tamponnée au doigt et rapidement tarie, et 2) l’apparition d’un nuage de microbulles dans la cavité du VG, bien visible à l’échocardiographie. Ce phénomène est dû à la chaleur du rayonnement qui fait passer en phase gazeuse les gaz dissous dans le sang, parce que la solubilité des gaz dans un liquide est inversement proportionnelle à la température de celui-ci. Plusieurs mécanismes d’action sont évoqués pour expliquer l’efficacité apparente de cette technique dans le soulagement de l’angor et dans l’amélioration clinique des patients (voir Résultats chirurgicaux). Idéalement, les canaux restent perméables par une endothélialisation secondaire et une réaction fibreuse périvasculaire ; malheureusement, aucune étude histopathologique n’a pu indubitablement confirmer cette hypothèse. La destruction des terminaisons nerveuses afférentes supprime la sensation douloureuse de l’angor, qui est transmise par voie sympathique [10] ; la dénervation explique probablement l’effet immédiat sur la douleur angineuse. Le traumatisme local induit une néo-angiogenèse par libération locale de facteur de croissance angiogénique (VEGF, vascular endothelial growth factor) ; cette néovascularisation améliore le flux collatéral régional ; c’est une réponse non spécifique à la lésion du laser, mais celle-ci a la particularité de s’accompagner d’une cicatrisation fibreuse minime, ce qui crée un équilibre optimal entre revascularisation et fibrose [8]. Cette néovasularisation est responsable de l’amélioration à long terme. Les cicatrices fibreuses qui traversent verticalement les différentes couches de la musculature ventriculaire peuvent agir comme des redistributeurs de stress mécanique entre les couches sous-endocardiques, très sollicitées mécaniquement, et les couches sous-épicardiques ; à la Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 41 manière des tenseurs en architecture, elles peuvent diminuer ainsi la tension de paroi par unité de surface, donc la demande en O2 [6]. Un simple effet placebo est peu probable vu le degré d’amélioration à long terme. Pour l’instant, il n’existe pas d’explication univoque de l’effet de la RLTM sur la symptomatologie angineuse. La RLTM est essentiellement réservée aux patients souffrant d’angor réfractaire au traitement médical qui ne sont pas candidats à une revascularisation par PCI ou PAC parce qu’ils souffrent d’une maladie coronarienne diffuse et périphérique. Ils doivent avoir une fonction ventriculaire préservée (FE > 0.35) et présenter une réversibilité potentielle de leur ischémie à un test de perfusion myocardique (PETscan, SPECT, dipyridamole-thallium). Les contre-indications de la technique sont une insuffisance ventriculaire congestive, une insuffisance mitrale sévère, un thrombus intracavitaire, un traitement anticoagulant de longue durée et des arythmies malignes [9]. La mortalité de l’intervention est de 1-5% [1,3]. La survie à 1 an (90%) et 4 ans (75%) n’est pas différente de celle du traitement médical, mais la mortalité postopératoire est significativement plus élevée (OR 3.7) [5,7]. Par contre, la symptomatologie angineuse est très nettement diminuée avec la RLTM : l’odds ratio est 4.6 - 9.3 par rapport au traitement médical [5,9] ; en conséquence, la qualité de vie s’améliore, la tolérance à l’effort augmente et la consommation médicamenteuse diminue. Après plus de 50'000 cas traités et 7 essais randomisés (1’137 patients), le poids de l’évidence penche légèrement en faveur de la RLTM chez les patients souffrant d’angor réfractaire stable [4,5,7]. La technique peut aussi être associée à une revascularisation chirurgicale et réalisée dans le même temps opératoire ; ce peut être un apport significatif puisque 15-20% des patients n’ont qu’une revascularisation incomplète après l’opération à cause d’une coronaropathie très périphérique. Comme cette situation augmente la mortalité postopératoire, la RLTM associée aux PAC tend à l’abaisser [2]. Les complications possibles de l’intervention sont nombreuses : Risque de lésion myocardique étendue entraînant une insuffisance aiguë du VG ; Arythmies auriculaires et ventriculaires malignes (manipulations du coeur, déclenchement par le laser, lésion des faisceaux de Purkinje) ; Lésion des cordages ou des piliers de la valve mitrale et apparition d’une IM aiguë à l’ETO ; Embolie gazeuse artérielle par un excès de microbulles ; Hémorragie externe par les pertuis épicardiques et tamponnade ; 25% des patients ne sont pas soulagés de leur angor à long terme. Laser transmyocardique La technique consiste à forer au laser de petits pertuis dans la paroi ventriculaire gauche pour perfuser le myocarde à partir de la cavité ventriculaire. Indication : angor réfractaire malgré la thérapeutique et non revascularisable. Cette technique est pratiquement abandonnée. Références 1 2 3 4 AGARWAL R, AJIT M, KURIAN VM, et al. Transmyocardial laser revascularization: early results and 1-year follow-up. Ann Thorac Surg 2000; 69:1993-5 ALLEN KB, DOWLING R, DELROSSI A, et al. Transmyocardial laser revascularization combined with coronary artery bypass grafting: a multicenter, blinded, prospective, randomized, controlled trial. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 119:540-9 ALLEN KB, KELLY J, BORKON AM, et al. Transmyocardial laser revascularization: from randomized trials to clinical practice. A review of techniques, evidence-based outcomes, and future directions. Anesthesiol Clin 2008; 26:501-19 BRIDGES CR, HORVATH KA, NUGENT B, et al. Society of Thoracic Surgeons practice guideline: Transmyocardial laser revascularization. Ann Thorac Surg 2004; 77:1484-502 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 42 5 BRIONES E, LACALLE JR, MARIN I. Transmyocardial laser revascularisation versus medical therapy for refractory angina. Cochrane Database Syst Rev 2009; 21:CD003712 CARDARELLI M. A proposed alternative mechanism of action for transmyocardial revascularization. Tex Heart inst J 2006; 33:424-6 CHENG D, DIEGLER A, ALLEN K, et al. Transmyocardial laser revascularization: a meta-analysis and systematic review of controlled trials. Innovations 2006; 1:295-313 CHU VF, GIAID A, KUAGN JQ, et al. Angiogenesis in transmyocardial revascularization: Comparison of laser versus mechanical punctures. Ann Thorac Surg 1999; 68:301-7 HORVATH KA. Transmyocardial laser revascularization. J Card Surg 2008; 23:266-76 SOLA OM, SHI Q, VERNON RB, et al. Cardiac denervation after transmyocardial laser. Ann Thorac Surg 2001; 71:732-8 6 7 8 9 10 Technique d’anesthésie pour le laser Comme pour tout laser, les yeux du patient doivent être protégés par des compresses humides et ceux du personnel par des lunettes adéquates. Une sternotomie médiane ou une thoracotomie gauche antérieure par le 5ème espace intercostal sont toutes deux praticables pour avoir accès à la paroi antérolatérale du VG. Comme il n’y a pas de CEC, le maintien de la normothermie est essentiel. Une anesthésie générale combinée avec une péridurale thoracique haute est une solution élégante, car le malade n’est pas anticoagulé au cours de l’intervention. En l’absence de loco-régionale, il n’est pas nécessaire d’arrêter les antiplaquettaires en préopératoire [2]. Les candidats à la RLTM souffrent de coronaropathie diffuse et souvent d’autres affections médicales. Ce sont des patients fragiles, chez qui le rapport DO2 /VO2 et la pression de perfusion coronarienne doivent être maintenus aussi stables que possible. Il est donc capital de freiner toute tachycardie et de maintenir la PAM entre 75 et 85 mmHg. L’ETO est essentielle à la conduite de l’intervention : Détection des microbulles certifiant l’ouverture endocavitaire du conduit ; Détection d’une lésion de cordage ou de pilier par l’apparition ou l’augmentation d’une insuffisance mitrale ; Contrôle du remplissage ventriculaire pendant les émissions laser ; Contrôle fonctionnel du VG. La technique d’anesthésie elle-même vise la stabilité hémodynamique et une extubation précoce ; le maintien avec un halogéné est recommandé, car les malades souffrant de coronaropathie périphérique profitent particulièrement du préconditionnement [1,3]. L’anesthésie combinée avec péridurale thoracique haute est bien adaptée à l’opération ; En cas de thoracotomie, l’accès chirurgical est facilité si le poumon gauche n’est pas ventilé ; il est donc recommandé d’utiliser un tube endotrachéal à deux lumières ; à défaut, on peut ventiler avec un petit volume courant et une haute fréquence pour limiter l’expansion pulmonaire ; Le cathéter pulmonaire n’est en général pas nécessaire ; une voie veineuse centrale est suffisante ; L’accès pour des palettes de défibrillation étant impossible, il faut prévoir des plaques de défibrillateur externes, collées avant le champage ; La surveillance du segment ST et des arythmies est particulièrement scrupuleuse ; Le N2 O est à éviter, de crainte d’augmenter le volume des microbulles ; Maintien rigoureux de la normothermie. La recherche a continué un temps en direction d’une injection simultanée de cellules souches dans la périphérie des conduits perforés par le laser, de manière à stimuler optimalement la néoangiogenèse. Cependant, la grande majorité des centres qui la pratiquaient ont actuellement abandonné la technique du laser transmyocardique. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 43 Laser transmyocardique La technique consiste à forer au laser de petits pertuis dans la paroi ventriculaire gauche pour perfuser le myocarde à partir de la cavité ventriculaire. Indication : angor réfractaire malgré la thérapeutique et non revascularisable. Cette technique est pratiquement abandonnée. Anesthésie générale sans particularité, priorité à l’équilibre DO2/VO2 ; anesthésie combinée (AG + péridurale) possible car absence d’anticoagulation. Lunettes de protection. Références 1 2 3 BRIDGES CR, HORVATH KA, NUGENT B, et al. Society of Thoracic Surgeons practice guideline: Transmyocardial laser revascularization. Ann Thorac Surg 2004; 77:1484-502 CHENG D, DIEGLER A, ALLEN K, et al. Transmyocardial laser revascularization: a meta-analysis and systematic review of controlled trials. Innovations 2006; 1:295-313 HORVATH KA. Transmyocardial laser revascularization. J Card Surg 2008; 23:266-76 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 44 Implantation valvulaire aortique (TAVI) La levée de l’obstacle à l’éjection que représente une sténose aortique apporte un soulagement immédiat au ventricule gauche. C’est la raison pour laquelle le remplacement valvulaire aortique offre d’excellents résultats cliniques, même chez le malade âgé. Cependant, certains malades se voient refuser ce soulagement parce que leur état critique implique une mortalité excessive lors d’une intervention en CEC. Il est donc logique de se tourner vers les techniques de cathétérisme percutané pour mettre en place une prothèse aortique sans CEC ; c’est le TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic valve replacement). Le premier dispositif de ce type a été implanté chez l’homme en 2002 par le Pr Alain Cribier (Université de Rouen). Indications et résultats cliniques du TAVI La sténose aortique est la valvulopathie la plus fréquente chez l’adulte ; sa prévalence s’élève à 2-4% au-delà de 65 ans. Laissée à elle-même, elle a une mortalité de 25% à 1 an et de 50% à 2 ans [9]. Elle est aussi la valvulopathie la plus fréquemment opérée. Le remplacement valvulaire aortique (RVA) en CEC a une mortalité périopératoire moyenne de 1-3% ; il assure une survie de 83% à 5 ans et de 63% à 10 ans [5,8]. Malheureusement, la vieillesse et la présence de comorbidités importantes augmentent la mortalité opératoire jusqu’à 25%, et un tiers des patients se voit refuser la chirurgie parce que le risque est trop élevé [14]. L’implantation endovasculaire d’une prothèse valvulaire sans CEC permet d’espérer une diminution significative de cette mortalité chez les patients à très haut risque. C’est la raison d’être du TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic valve replacement) (voir Figure 10.27A). Plusieurs prothèses sont actuellement sur le marché, et d’autres en essai clinique (Figure 10.20). Elles consistent toutes en une valve biologique faite de trois feuillets de péricarde bovin (Edwards Sapien™) ou porcin (CoreValve™, Symetis Acurate TA™, JenaValve™) montée dans une armature métallique analogue à celle des endoprothèses vasculaires [7,18]. CoreValve™ : le stent de nitinol est auto-expansible ; le nitinol est un alliage nickel-titane à mémoire de forme, qui reprend sa configuration initiale dès que la température s’élève s’il a été déformé à froid. Cette prothèse existe en 4 tailles (23, 26, 29 et 31 mm) correspondant à des anneaux aortiques de 18-20 mm, 20-23 mm, de 23-27 mm et 26-29 mm, respectivement. Sa partie distale élargie la stabilise dans l’aorte ascendante. Elle s’étend plus loin dans la chambre de chasse du VG (CCVG) et dans l’aorte que les autres prothèses. Elle se place uniquement par voie fémorale. Edwards Sapien™ : le stent d’acier est dilaté au moyen d’un ballon une fois la valve en place ; ce stent est moins long que le précédent, donc moins susceptible de léser les voies de conduction. L’armature est recouverte d’un tissu synthétique pour en améliorer le scellage à l’anneau aortique. La prothèse existe en 3 tailles (23, 26 et 29 mm) prévue pour des anneaux de respectivement 18-22 mm, 21-25 mm et 24-27 mm. Edwards Sapien XT™ : cette valve possède une armature en alliage chrome-cobalt ; elle existe en 4 tailles : 20, 23, 26 et 29 mm. Montée sur un nouveau système d’implantation 16F, 18F ou 20F selon la taille de la prothèse, elle offre un ensemble valve-cathéter plus fin que la prothèse précédente. Edwards Sapien 3: de même structure que la précédente, cette valve est dotée d’une manchette externe qui assure une meilleure étanchéité avec l’anneau ; elle existe en tailles 23, 26 et 29 mm. Symetis Acurate TA™ : valve aortique porcine fixée sur un stent en nitinol auto-expansible ; prévue pour des tailles d’anneau de 21 à 27 mm, elle offre un ancrage distal particulier pour dégager les ostia coronariens ; en voie de commercialisation, elle a reçu le label CE en septembre 2011. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 45 JenaValve™ : biovalve porcine montée sur un stent en nitinol équipé d’un dispositif de clippage ; elle a également reçu le label CE en septembre 2011. De nombreuses prothèses sont en cours de développement et d’essai clinique (Portico™, Lotus™, Direct Flow Medical™, PercValve™, Colibri™ Heart Valve, Engager™ Valve) [9,12,22]. Nombre d'entre elles disposent de systèmes permettant de les repositionner au cours de l’intervention ou même de les extraire et de recommencer la procédure, voire de changer de taille. B © Edwards™ A © Medtronics™ C © Symetis™ Figure 10.20: Valves aortiques implantables (transcatheter aortic valve implantation ou TAVI). A: Corevalve™ (Medtronic, Minneapolis, MN, USA); la valve biologique est montée dans un stent auto-expensif en nitinol. B: Sapien™ (Edwards Lifesciences, Irvine, CA, USA); la valve, fixée dans un stent en acier inoxydable souple, est dilatée au moyen d’un ballon lors de sa mise en place C: Valve Acurate TA™ (Symetis SA, Lausanne, Suisse), montée dans un stent auto-expansif en nitinol et utilisée par voie transapicale seulement; elle peut être repositionnée en cours d'intervention et laisse les ostia coronariens accessibles [Noble S, Bonan R. Remplacement valvulaire aortique percutané. Rev Méd Suisse 2009; 5:526-30]. Les valves actuelles n’accommodent pas des diamètres aortiques inférieurs à 18 mm ou supérieurs à 29 mm. Dans la pratique, on choisit toujours une valve intentionnellement surdimensionnée pour réduire le risque de fuite paravalvulaire, car l’étanchéité est difficile vu que l’anneau aortique est calcifié, bosselé et inhomogène. Mais le surdimensionnement doit rester modeste (5-10%, 1-3 mm), car il empêche le dépliement correct des feuillets, cause une régurgitation centrale et lèse les voies de conduction ; s’il est excessif, il peut même conduire à une rupture catastrophique de l’anneau aortique. Ces valves sont introduites repliées sur un cathéter par voie fémorale ou transapicale et sont déployées lorsqu’elles sont en place au niveau de l’anneau aortique. La sténose aortique est au préalable dilatée au moyen d’un ballon. Avant le déploiement de la prothèse, la position de celle-ci à cheval sur la valve est contrôlée par fluoroscopie et par échocardiographie transoesophagienne (ETO). Certaines valves doivent être dilatées au ballon lors de leur mise en place (Sapien™, Sapien XT™), d’autres sont auto- Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 46 expansibles et se déploient d’elles-mêmes (CoreValve™, Symetis Acurate™, JenaValve™). L’éjection du VG est réduite par un électro-entraînement rapide à 180-220 batt/min (rapid pacing) lorsque la valve aortique est bloquée par le ballon et pendant le déploiement de la prothèse pour éviter son embolisation. Toutefois, les prothèses auto-expansibles ne requièrent pas systématiquement de pacing rapide. Le gradient moyen de ces différentes prothèses est de l'ordre de 12 mmHg. Dans le postopératoire, les patients sont placés sous anti-agrégation, en général une double thérapie antiplaquettaire (aspirine 150 mg + clopidogrel 75 mg) pendant 1-3 mois, suivie d’aspirine à vie. L’indication reconnue pour le TAVI est la sténose aortique serrée (S < 0.6 cm2/m2, gradient moyen > 40 mmHg) symptomatique chez le malade âgé (> 75 ans) dont l’espérance de vie est > 1 an et dont la mortalité opératoire estimée par EuroScore dépasse 15-20%, et chez le patient présentant des comorbidités sévères ou des contre-indications à la chirurgie en CEC: réopération, radiothérapie thoracique, hypertension pulmonaire, insuffisance droite, ou aorte porcelaine [12,21,24]. La plupart des patients sont en classe NYHA IV (EuroSCORE > 20, score STS PROM > 10), les deux tiers souffrent d’une coronaropathie associée et la moitié présente de l’angor et des syncopes [4]. L’intervention se justifie par le fait que la survie à long terme des octogénaires après remplacement de la valve aortique pour sténose est la même que celle des individus normaux du même âge (64% à 5 ans) (voir Figure 11.93) [8]. Les contre-indications actuelles au TAVI sont la bicuspidie, à cause de la forme elliptique des structures, l’insuffisance aortique, l’insuffisance mitrale sévère, l’endocardite, les thrombus ventriculaire ou auriculaire, et la dilatation de l’aorte ascendante (> 4.5 cm) [12]. D’autre part, les dimensions de l’anneau et de la racine aortique ne doivent pas dépasser celles prévues pour chaque prothèse (entre 18 mm et 29 mm) (Tableau 10.3). Tableau 10.3: Prérequis anatomiques pour l’implantation non-invasive de prothèse aortique (TAVI) Type de valve Diamètre Hauteur Surface valve aort CoreValve < 1 cm2 23 mm 26 mm 29 mm 31 mm 45 mm 55 mm 53 mm 52 mm Edwards Sapien 23 mm 26 mm 23 mm 26 mm 29 mm 14 mm 17 mm 19 mm Sinus Valsalva Largeur Haut Ø jonction sino-tubul Dist anneaucoronaire 18-20 mm 20-23 mm 23-27 mm 26-29 mm ≥ 25 mm ≥ 27 mm ≥ 29 mm ≥ 29 mm ≤ 34 mm ≤ 40 mm ≤ 43 mm ≤ 43 mm ≥ 12 mm ≥ 14 mm ≥ 14 mm ≥ 14 mm 19-22 mm 23-25 mm NS NS ≥ 10 mm ≥ 11 mm NS NS ≥ 10 mm ≥ 11 mm 19-22 mm 23-25 mm 26-28 mm NS NS NS ≥ 10 mm ≥ 11 mm ≥ 12 mm NS NS NS ≥ 10 mm ≥ 10 mm ≥ 11 mm 15 mm 15 mm 15 mm 15 mm < 0.8 cm2 14 mm 16 mm Edwards SapienXT Ø anneau aortique* < 0.8 cm2 Note. *: les valeurs mentionnées ici sont celles mesurées au CT-scan; le diamètre mesuré à l’ETO est en moyenne 1 mm plus faible que celui mesuré au CT-scan. Ø: diamètre. Haut: hauteur. NS: non-signifiant (ne s’applique pas). Sources: Holmes DR, Mack MJ, Kaul S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter aortic valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54. Kasel AM, Cassese S, Bleiziffer S, et al. Standardized imaging for aortic annular sizing. Implications for transcatheter valve selection. JACC Cardiovasc Imaging 2013; 6:249-61. Patel PA, Fassl J, Thompson A, et al. Transcatheter aortic valve replacement – Part 3: the central role of perioperative transesophageal echocardiography. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:698-710. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 47 Plusieurs grandes études randomisées, des registres nationaux et les données des entreprises manufactrices permettent de se faire une idée cohérente des résultats cliniques du TAVI après plus de 200’000 prothèses implantées à ce jour chez des patients à haut risque et âgés en moyenne de ≥ 80 ans. La comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à haut risque (mortalité prédite > 15%) montre que la mortalité à 1 an est identique (25%); le risque d’AVC est plus élevé dans le TAVI (5.1% vs 2.4%) mais le risque hémorragique est diminué (14.7% vs 25.7%) (étude PARTNER A, valve Sapien™, 699 patients) [20]. A 2 ans, la mortalité reste similaire (34% vs 35%) de même que les performances hémodynamiques de la prothèse. Seul le taux de fuite paravalvulaire est plus élevé dans le groupe TAVI; il est associé à une péjoration de la mortalité lorsque la fuite est plus que mineure [13]. Par rapport au traitement médical, la mortalité cardiovasculaire à 1 an chez des malades jugés inopérables est diminuée de plus de la moitié (HR 0.39) dans le groupe bénéficiant de TAVI, mais le taux d’AVC à 1 mois est augmenté de 1.1% à 5.0% (étude PARTNER B, valve Sapien™, 358 patients) [15]. A 2 ans, la mortalité reste inférieure dans le groupe TAVI (43% vs 68%); les performances hémodynamiques de la prothèse ne se sont pas altérées au cours de la deuxième année d’observation [17]. Le registre français des TAVI montre que le taux de succès de l’implantation est de 97%, la mortalité à 1 mois et 1 an de 9.7% et 24% respectivement, et le taux d’AVC de 4.1%; les fuites paravalvulaires sont associées à une diminution de la survie lorsque l’insuffisance aortique est plus que mineure (13% des cas) (étude FRANCE 2, 3’195 patients, valves Sapien™ et CoreValve™) [10]. Plus récemment, une nouvelle comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à haut risque montre que la mortalité à 1 an est diminuée avec le TAVI (14.2% vs 19.1%); le taux de complications est également plus faible (20% vs 27%), et celui d’AVC n’est pas augmenté (étude CoreValve™, 795 patients) [2]. Le succès immédiat est plus important avec une prothèse expandue par ballon (Sapien XT™) qu’avec une prothèse auto-expansible (CoreValve™) (96% vs 78%, OR 1.24), le taux d’IA plus faible (4% vs 18%) et le besoin de pace-maker moins important (17% vs 38%); mais à 1 an, les différences de résultats et de survie ne sont plus significatives. Seule l’IA paravalvulaire est moins fréquente avec les valves Sapien XT™ (1% vs 12%) (étude CHOICE, 241 patients) [1]. A 5 ans, la survie après TAVI est de 37% (à 6 ans: 31%); le tiers des patients est en classe NYHA I ou II (123 patients, âge moyen 81 ans); le taux cumulé d’AVC est de 16%. La prothèse ne montre pas de signe de détérioration, puisque le gradient moyen est de 10.7 mmHg et la surface moyenne 1.6 cm2 [3]. Le coût de la procédure est de $ 42’800, mais les frais cumulés à 1 an s’élèvent à $ 106’000; vu l’espérance de vie de ces malades, cela représente un investissement de $ 61’890 par QALY (quality-adjusted life-year) [19]. On estime que le rapport coût/bénéfice d’un traitement est favorable lorsqu’il est inférieur à $ 50’000/QALY. Selon certains registres, le TAVI pourrait déjà passer en-dessous de cette barre ($ 48’266/QALY) [23]. Il est certain que le montant de l’intervention baissera avec la banalisation de la procédure. La fréquente association entre la sténose aortique et la coronaropathie pose le problème de la prise en charge conjointe d’une revascularisation coronarienne et d’un remplacement valvulaire. Lorsque l’une ou l’autre de ces pathologies présente une indication chirurgicale (FE < 30%, diabète, maladie tritronculaire ou tronc commun, EuroSCORE < 20, STS score < 10), la thérapie de choix est une opération simultanée en CEC (RVA + PAC). Mais lorsque la chirurgie n’est pas indiquée à cause d’un risque trop élevé du RVA, le TAVI doit se synchroniser avec la PCI (percutaneous coronary intervention). L’attitude prédominante est de procéder à la PCI en premier et au TAVI un peu plus tard pour plusieurs raisons [11]. La PCI est bien supportée chez les patients souffrant d’une sténose aortique symptomatique; L’accès aux ostia coronariens est rendu difficile par la prothèse aortique implantée; Le pacing rapide inflige un risque ischémique très élevé; Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 48 Le traitement en deux temps diminue la charge en produit de contraste et le risque de néphropathie aiguë. L’indication à la PCI avant TAVI est réservée aux malades porteurs de sténoses sévères proximales qui mettent en danger une large masse myocardique. Le délai proposé entre les deux évènements est d’une dizaine de jours. La bithérapie antiplaquettaire après PCI + stents n’est pas interrompue pour le TAVI puisque celui-ci se déroule de toute manière sous antiplaquettaires, mais le risque hémorragique est évidemment plus élevé. Les progrès dans les résultats cliniques poussent à étendre le TAVI à des patients de risque intermédiaire. C’est ce qu’explorent des études comme SURTAVI ou ADVANCE, actuellement en cours. On ne dispose guère d’expérience dans cette catégorie de malades, ni dans les classes d’âge < 75 ans, où les résultats du RVA en CEC sont excellents. Des résultats intermédiaires montrent déjà que, chez des patients de > 75 ans à risque modéré opérés dans des centres expérimentés, la mortalité du TAVI à 1 mois est de 1.1-4.4%, ce qui est encourageant et soutient la comparaison avec la mortalité du RVA conventionnel, qui est de 2.4%% > 75 ans et de 1.3% chez les < 70 ans [16]. On ne dispose pas non plus de recul à long terme, puisque le plus long suivi de TAVI est de 6 ans [3]. Après RVA chirurgical chez les > 70 ans, par contre, on sait que 90% des bioprothèses n’ont aucun signe de dégénérescence à 15 ans [5]. Le défi à relever est de taille [6]. Implantation non-invasive de valve aortique (TAVI) L’implantation percutanée (fémorale, sous-clavière, trans-aortique) ou transapicale (minithoracotomie) d’une bioprothèse aortique montée dans un stent métallique est réservée aux malades âgés et à haut risque, dont la mortalité probable au cours d’un remplacement valvulaire aortique en CEC serait prohibitive (> 20%), mais dont l’espérance de vie est > 1 an. L’anatomie de la valve native doit correspondre aux exigences de la prothèse (tricuspidie, dimensions de l’anneau et de la racine aortique, distance des ostia coronariens). Si les accès vasculaires sont problématiques ou l’aorte trop athéromateuse, on préfère la voie transapicale. Les deux principaux types de valves montées sur cathéter sont la CoreValve™ et l’Edwards Sapien™. Le TAVI offre peu d’avantage en terme de survie à long terme par rapport au RVA en CEC, mais il améliore la situation clinique des patients à très haut risque et diminue la mortalité opératoire d’environ un tiers; la mortalité globale est considérablement inférieure à celle du traitement médical (OR 0.39). L’incidence d’AVC (3-5%), de fuite paravalvulaire (8% de degré ≥ 2) et de pacemaker permanent (5% avec valve Sapien™, 31% avec CoreValve™) est plus élevée que lors de RVA ; or ces complications sont associées à une augmentation de mortalité. Le TAVI est une technologie complexe. Elle fait partie d’une palette d’options thérapeutiques pour le patient souffrant de sténose aortique sévère, dont le choix relève d’un consilium entre cardiologue, interventionniste, chirurgien, anesthésiste et intensiviste. Les résultats tendent à s’améliorer constamment pour trois raisons. D’abord, le matériel se perfectionne et se simplifie, augmentant ainsi les chances de succès et facilitant l’intervention sous anesthésie locale, ce qui a la préférence des patients. Ensuite, la courbe d’apprentissage et l’expérience des opérateurs conduit à une accélération de la procédure et à une maîtrise perfectionnée de la technique. Troisièmement, la création d’équipes pluridisciplinaires prenant l’habitude de travailler ensemble permet à des centres dédiés dont la masse critique est importante d’obtenir des résultats fonctionnels et des survies de plus en plus élevés. Il est capital que ces équipes soient stables, car le changement fréquent de personnel dilue la courbe d’apprentissage et rompt l’homogénéité du groupe. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 49 Le concept de heart team composé du cardiologue clinicien, du cardiologue interventionnel, du spécialiste de l’imagerie, du chirurgien cardiaque, de l’anesthésiste cardiaque et de l’intensiviste en charge de l’unité postopératoire assure une étroite collaboration entre les différentes spécialités. Il est une clef fondamentale dans le succès des grandes séries [2,12,22]. Ainsi la mortalité à 30 jours s’est réduite de 6.3% dans les premiers essais cliniques à 2.2% avec les nouvelles prothèses, et le taux d’ictus est passé de 6.7% à 2.6% [22]. Toutefois, l'engouement pour le TAVI est aussi influencé par les effets de mode et par la volonté de conquérir des parts de marché pour la médecine interventionnelle. Le fait d'être dans la tendance du moment n'est pas une garantie de bien-fondé. Seules les données cliniques sur le long terme permettront de définir la place du TAVI dans l'arsenal thérapeutique de la maladie aortique. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 ABDEL-WAHAB M, NEUMANN FJ, MEHILLI J, FRERKER C, et al. 1-year outcome after transcatheter aortic valve replacement with balloon-expandable vs self-expandable valves: results from the CHOICE randomized clinical trial. J Am Coll Cardiol 2015; 66:791-800 ADAMS DH, POPMA JJ, REARDON MJ, et al. Transcatheter aortic-valve replacement with a self-expanding prosthesis. N Engl J Med 2014; 370:1790-8 BOULETI C, HIMBERT D, IUNG B, et al. Long-term outcome after transcatheter aortic valve implantation. Heart 2015; 101:936-42 CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79 DAVID TE, ARMSTRONG S, MAGANTI M. Hancock II bioprosthesis for aortic valve replacement: the gold standard of bioprosthesis valves durability? Ann Thorac Surg 2010; 90:775-81 FALK V. Should transcatheter aortic valve replacement be extended to lower-risk and younger patients? Circulation 2014; 130:2332-42 FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 2: Anesthesia management. J Cardiothorac Vasc Anesth 2010; 24:691-9 FILSOUFI F, RAHMANIAN PB, CASTILLO JG, et al. Excellent early and late outcomes of aortic valve replacement in people aged 80 and older. J Am Geriatr Soc 2008; 56:255-61 FORREST JK, MANGI A, VAITKEVICIUTE I. Transcatheter aortic valve replacement: US experience. Curr Opin Anaesthesiol 2015; 28:107-12 GILARD M, ELTCHANINOFF H, IUNG B, et al. Registry of transcatheter aortic-valve implantation in high-risk patients. N Engl J Med 2012; 366:1705-15 GOEL SS, IGE M, TUZCU EM, et al. Severe aortic stenosis and coronary artery disease – Implications for management in the transcatheter aortic valve replacement era. 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Il est donc de première importance d’avoir une connaissance approfondie de l’anatomie de la racine aortique et de ses corrélations avec l’imagerie radiologique ou ultrasonographique. Les 3 cuspides de la valve aortique sont insérées en "U" dans la racine aortique ; elles sont suspendues au niveau de la jonction sino-aortique par les 3 points commissaux et sont articulées comme une charnière au nadir de leur insertion. Cette charnière, l’insertion basse des cuspides, est située sur l’anneau basal, qui est anatomiquement dans la chambre de chasse du VG (CCVG), en-dessous de la jonction entre l’aorte et le VG (Figures 10.21 et 10.22). C’est l’endroit le plus rétréci de l’ensemble CCVG - racine aortique - aorte ascendante ; par convention, c’est aussi l’endroit où se mesure le diamètre de l’"anneau" aortique. Sa forme n’est pas circulaire mais elliptique comme celle de la chambre de chasse ; le rapport entre le petit et le grand diamètre de cette ellipse est d’environ 0.7 (moyenne 26,3 mm et 23.5 mm) [25,29]. Ce que l’on définit comme anneau aortique est donc une structure virtuelle située dans la CCVG, de section ovale, correspondant au point d’insertion le plus amont des 3 cuspides aortiques en systole. Le plan ETO long-axe à 120-140° (Figures 10.23 et 10.24), où l’on mesure le diamètre de l’anneau aortique, coupe l’ovale de cet anneau dans son plus petit diamètre. L’ETO bidimensionnelle sous-estime donc le diamètre réel de l’anneau aortique, et ceci pour deux raisons [24,25] : 1) la vue mi-oesophagienne long-axe (120-140°) coupe l’anneau elliptique dans son petit diamètre (plan sagittal) (Figure 10.23) ;e plan de coupe ne passe pas par le centre de l’anneau mais un peu en avant de celui-ci (Figure 10.24). Le plan qui intercepte le plus grand diamètre de l’anneau est un plan long-axe dit coronal ou gauchedroit, perpendiculaire au plan long-axe à 120°, coupant celui-ci selon le traitillé bleu dans la Figure 10.23. Ce plan frontal est irréalisable en ETO car il est situé en avant de l’œsophage et ne passe pas par le capteur de la sonde. Seule la reconstruction tri-dimensionnelle (ETO 3D) permet de le visualiser (Figure 10.25B). La vue transgastrique profonde à 0° donne une vision voisine de ce troisième plan, mais ne lui est pas exactement co-planaire ; d’autre part, cette vue donne des images distantes et imprécises de la valve aortique. Elle n’est donc pas un substitut à la reconstruction 3D. Les 3 plans de coupe de la valve aortique peuvent être aisément obtenus à partir d’une acquisition angiographique au CT-scan (Figure 10.25E et 10.25F). Avec une définition spatiale de 0.6-1.0 mm, l’angio-CT à 64 détecteurs est la référence pour ces mesures, mais il implique l’administration de 80-120 mL de produit de contraste iodé, ce qui peut entraîner une détérioration aiguë de la fonction rénale chez des malades qui sont déjà en piètre condition et souffrent souvent d’altérations néphrologiques. La corrélation entre l’ETO 3D et le CT-scan est excellente (r = 0.93-0.98) [18,23]. Normalement, les cuspides se tiennent parallèles au flux en systole, à 2-3 mm des parois des sinus de Valsalva. Leur longueur est légèrement inférieure à la distance antre l’anneau aortique et les ostia coronariens (Figures 10.24 et 10.25E) mais il se peut qu’une coronaire soit implantée plus bas, qu’un feuillet soit plus long, ou que des calcifications en dépassent. Ces distances sont importantes à connaître, car une prothèse débordant largement dans l’aorte (CoreValve™, par exemple) peut écraser une cuspide et ses calcifications contre la paroi du sinus de Valsalva et compromettre le flux coronarien ou même obstruer l’ostium. La distance entre l’anneau et l’ostium coronarien droit est bien visible dans le plan 2D long-axe 120-140° (Figure 10.24), mais celle qui sépare l’anneau de l’ostium gauche (tronc commun) n’est pas accessible à l’ETO 2D, car elle se trouve précisément dans le plan coronal gauche-droit que l’on n’obtient qu’à l’écho 3D. La valeur moyenne de la distance entre l’anneau aortique et chaque ostium est de 13.5 mm [23]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 51 Aorte ascendante Ostium TC Sinus de Valsalva Nodule d’Arantzius Lunula Cuspide CG Ostium CD Nadir insertion Cuspide NC Septum membraneux Ligne insertion Jonction Ao-VG Cuspide CD Anneau basal FAM Partie AV du septum MP ant Septum interventriculaire Figure 10.21: Valve aortique ouverte in situ. Les 3 cuspides sont insérées en "U" dans la racine aortique (trait noir) ; elles sont suspendues au niveau de la jonction sino-aortique et sont articulées par une charnière au nadir de leur insertion (points bleus) ; ces 3 points sont situés sur l’anneau basal (traitillé bleu), qui est anatomiquement dans la chambre de chasse du VG, en-dessous de la jonction entre l’aorte et le VG (voir Figure 10.22). C’est l’endroit le plus rétréci de l’ensemble CCVG-racine aortique ; c’est aussi la structure que l’on mesure à l’écho comme anneau aortique. Les 3 points commissuraux (points violets) sont situées sur la jonction sino-tubulaire. AV : atrio-ventriculaire. CD : coronaire droite. CG_ coronaire gauche. FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale. MP : muscle papillaire. NC : non-coronaire. TC : tronc commun. Aorte ascendante Jonction sino-tubulaire ( ) Ligne dʼinsertion des cuspides Jonction aorte-VG ( ) Insertion basse des cuspides Anneau aortique basal ( ) © Chassot 2016 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 52 Figure 10.22: Représentation schématique de la racine aortique. Les 3 cuspides sont insérées en "U" dans la racine aortique (trait noir), au niveau des sinus de Valsalva ; elles sont suspendues au niveau de la jonction sinotubulaire (pointillé rouge) et sont articulées par une charnière au nadir de leur insertion (points bleus) ; ces 3 points sont situés sur l’anneau basal (pointillé bleu), qui est en fait dans la chambre de chasse du VG, en-dessous de la jonction entre l’aorte et le VG (pointillé vert). Cet anneau basal, anatomiquement virtuel, est l’endroit le plus étroit du système CCVG - racine aortique - aorte ascendante ; par convention, c’est l’endroit où se mesure le diamètre de l’"anneau" aortique. Sa forme n’est pas circulaire mais elliptique. Les 3 points commissuraux (points violets) sont situées sur la jonction sino-tubulaire ; ils sont évasés de 5-10% par rapport aux points de l’anneau basal. A B Sinus de Valsalva NC Aorte ascendante CG Ø AP Jonction sino-tubulaire CD Ø Cor 40° 120-140° OG NC OD OG * CG VP CD CCVD NC CCVG ST CD Ao * VD OG OG AP OD Ao asc VD CCVG VG © Chassot 2016 Figure 10.23 : Corrélation anatomo-échocardiographique des 2 plans de coupe de la valve aortique : vues ETO rétrocardiaques mi-oesophagiennes en court-axe à 40° (A) et en long axe à 120-140° (coupe sagittale) (B). Pour chacune des 2 vues sont illustrés verticalement le schéma de l’aorte, le schéma de la vue ETO et l’image ETO bidimensionnelle. L’anneau aortique est elliptique, alors que l’aorte ascendante est circulaire. Le diamètre antéro-postérieur (Ø AP) est plus court que le diamètre gauche-droit ou diamètre coronal (Ø Cor). Sur l’image en Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 53 court-axe (à gauche), le traitillé blanc représente l’intersection avec le plan à 120-140° ; sur l’image en long-axe (à droite), il représente l’intersection avec le plan à 40°. Le traitillé bleu est l’intersection avec le troisième plan, qui est un plan long-axe perpendiculaire à celui de l’ETO mais qui est situé en avant du capteur oesophagien (plan gauche-droit, coronal ou frontal) et qui n’intercepte pas ce dernier ; il n’est donc visible qu’en ETO tridimensionnelle. A FAM Ao asc 1 CCVG 2 3 4 5 7 C B FAM NC 1 2 7 3 4 CG 5 CD 6 Coronaire droite © Chassot 2016 Figure 10.24 : Evaluation ETO préopératoire des diamètres aortiques. A : diamètres en long axe 120°. 1 : chambre de chasse du VG ; 2 : anneau aortique (mesure sur le bord interne, trailing edge-to-leading edge) ; 3 : sinus de Valsalva ; 4 : jonction sino-tubulaire ; 5 : aorte ascendante (au croisement de l’artère pulmonaire droite) ; 7 : hauteur de la cuspide. Ces diamètres se mesurent en systole. FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale ; CCVG : chambre de chasse du VG. B : représentation schématique des mêmes diamètres. 6 : distance entre l’anneau aortique et l’ostium coronarien droit ; 7 : hauteur de la cuspide droite (jaune) ; normalement, 6 est > 7. C : le diamètre de l’anneau aortique (en bleu) tel qu’on le mesure en vue long-axe 120° projeté sur la vue court-axe; il est légèrement plus étroit que le diamètre anatomique réel (en pointillé), parce qu’il ne passe pas réellement par le centre de l’anneau, mais un peu antérieurement à celui-ci. ETO pré-interventionnelle L’échocardiographie doit confirmer la compatibilité de l’anatomie avec les prérequis de chaque type de prothèse (voir Tableau 10.3) [16]. L’ETO bidimensionnelle (2D) permet d’obtenir des vues et des mesures importantes (voir Chapitre 26, Sténose aortique). Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 54 Vue court-axe 40°: évaluation des 3 cuspides, mobilité, calcifications, fusions commissurales, éventuelle bicuspidie, taille et position des ostia coronariens; présence d’IA (flux couleur); planimétrie de l’ouverture systolique (surface) (Figure 10.23). A C B D E Ao F OG CCVG VG Figure 10.25 : Mesures préopératoires de la racine aortique par ETO 3D (A à D) et par CT-scan (E et F). A : court-axe de l’anneau aortique (plan transverse). B : long-axe de l’anneau (plan coronal) ; ce plan n’est pas réalisable en ETO 2D. C : mesure de la distance à l’ostium droit. D : mesure de la distance à l’ostium gauche. E : CT-scan ; mesure de l’anneau aortique (flèche bleue) et de la distance des ostia coronariens (flèches vertes) ; en blanc : zones calcifiées. F : coupe de l’anneau aortique au CT-scan ; les flèches indiquent les points d’intersection des cuspides et de l’anneau. Figure inférieure : mesure des diamètres de l’ellipse [Achenbach S, et al. J Cardiovasc Comput Tomogr 2012; 6:366-80. Ferrari E, et al. Ann Thorac Surg 2010; 89:1925-32. Mukherjee C, et al. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:654-9. Patel PA, et al. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:698-710]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 55 Vue long-axe 120-140°: ouverture systolique, calcifications de la racine aortique et de l’aorte ascendante ; présence d’une insuffisance aortique (flux couleur). Evaluation du diamètre de l’anneau aortique en mésosystole mesuré entre les points d’articulation du feuillet coronarien droit et du feuillet non-coronaire ; la mesure est réalisée sur les bords internes de la structure (trailing edge-to-leading edge) (Figure 10.24). Diamètres au niveau des sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire et de l’aorte ascendante. Distance entre l’anneau aortique et l’ostium coronarien droit. Diamètre et éventuelle hypertrophie de la chambre de chasse du VG (CCVG) ; exclusion d’une sténose sous-aortique dynamique, qui interfère avec le déploiement de la CoreValve™. De fortes calcifications limitent la précision de la mesure, en particulier pour la partie antérieure de l’anneau qui est masquée par l’ombre des calcifications postérieures. Il est judicieux de répéter la mesure au moins 3 fois sur différents cycles cardiaques. Vues transgastriques profonde 0° et long-axe 120° : flux dans la CCVG (Doppler pulsé) et à travers la valve (Doppler continu); flux couleur (insuffisance aortique). Calcul du gradient à travers la valve aortique et la chambre de chasse selon l’équation de Bernoulli : ΔP = 4 • (V2VAo - V2CCVG); calcul de la surface de la valve aortique par l’équation de continuité. Diagnostic et localisation d’athéromes dans l’aorte ascendante, la crosse et l’aorte descendante; des lésions sévères ou mobiles sont une contre-indication à la voie d’accès fémorale. La dilatation de la racine aortique est une contre-indication au TAVI. L’ETO 2D évalue le petit diamètre de l’ellipse de l’anneau aortique et n’a pas accès au grand diamètre. L’ETO tridimensionnelle (3D) pallie ce défaut. Il est recommandé de procéder en plusieurs étapes pour l’imagerie 3D (Figure 10.25A et 10.25B) [17,23,24]. Centrer l’image de la valve en court-axe et en long-axe au milieu de l’écran ; la qualité de l’image 2D détermine celle de la reconstruction 3D. Acquisition en mode full volume d’un volume contenant la CCVG, la racine aortique et le début de l’aorte ascendante (cadence > 10 images/s) ; l’enregistrement se fait en apnée. Orientation des plans transverse, sagittal et coronal sur le volume reconstruit. Coupe transverse passant par la partie la plus amont des cuspides (points d’articulation avec l’anneau aortique) ; l’anneau est de forme ovale. Mesure des diamètres de l’anneau dans le plan sagittal (petit diamètre) et coronal (grand diamètre). Mesure des distances entre l’anneau aortique et l’ostium droit (plan sagittal) et entre l’anneau et l’ostium gauche (plan coronal) (Figure 10.25C et 10.25D). Ces mesures ont importantes, car il est recommandé de surdimensionner (oversizing) la prothèse de 510% (1-3 mm) par rapport aux mesures pour assurer une bonne étanchéité entre la prothèse et l’anneau aortique [25]. Cette attitude diminue le risque de fuite paravalvulaire et d’embolisation après l’implantation de la valve. Toutefois, un excès de surdimensionnement peut conduire à un déploiement partiel de la prothèse qui limite les mouvements de ses feuillets; une prothèse trop grande gène également les mouvements du feuillet antérieur mitral, induit une insuffisance intra-valvulaire, et peut causer une lésion des tissus de conduction (bloc AV), une obstruction ostiale coronarienne ou même une rupture de l’anneau aortique. A l’inverse, le choix d’une prothèse trop petite entraîne un écartement excessif de ses feuillets avec une fuite centrale, une forte incidence de fuite paravalvulaire et un risque d’embolisation. Technique d’implantation Vu l’utilisation combinée de voie d’abord chirurgicale et de contrôle radiologique, ce type d’intervention nécessite idéalement une salle d’opération hybride équipée de fluoroscopie, d’échocardiographie et même de scanner, dans laquelle on peut procéder à une intervention en CEC le cas échéant. Une équipe chirurgicale, un perfusioniste et une machine de CEC assurent un stand-by Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 56 pendant la durée de l’intervention [16,19]. Deux approches sont possibles pour implanter une valve aortique [7]. Voie percutanée rétrograde par canulation de l’artère fémorale. Le diamètre des vaisseaux et l’absence de tortuosité sont les critères majeurs de faisabilité de cette voie. C’est la voie préférentielle en cardiologie interventionelle. Elle est plus aisée en cas d’anévrysme apical ou de status adhérentiel et cicatriciel dans le péricarde (péricardite, irradiation, réopération). Bien que d’apparence moins invasive, elle présente certains inconvénients. • Vaisseaux d’au moins 8 mm de diamètre interne. • Pour les cathéters de grande taille, nécessité d’une dénudation et d’une suture chirurgicales de l’artère fémorale. • Lésions artérielles sur l’axe fémoro-iliaque par le matériel d’implantation rigide et de grande taille (22-24 French, diamètre externe 8.5-9.3 mm) ; les nouvelles prothèses passent par des introducteurs de taille plus réduite (16-20F). • Impossibilité d’ascension de la valve montée sur son cathéter à cause de sténoses ou de tortuosités artérielles. • Risque d’accident neurologique par embolisation de matériel athéromateux de l’aorte ascendante et de la crosse aortique détaché par les cathéters ; dans certaines études, le taux d’AVC (4-10%) est supérieur à celui de la voie transapicale (< 3%) [2]. L’athéromatose aortique sévère est une contre-indication à la voie fémorale. Voie transapicale antérograde par mini-thoracotomie antérieure gauche (incision de 5-6 cm) à travers le 5ème ou le 6ème espace intercostal. Elle est plus invasive et réclame une anesthésie générale, mais elle est mieux adaptée en cas de vasculopathie périphérique et d’athéromatose aortique (aorte porcelaine) ; elle présente probablement un risque d’AVC un peu plus faible. Les malades chez qui cette voie est préférée sont souvent diabétiques et/ou polyvasculaires, présentent des antécédants d’ictus, d’infarctus ou de BPCO, et ont des scores de risque plus élevés que ceux chez qui on choisit la voie fémorale [1]. D’ailleurs, la voie apicale affiche un léger excès de mortalité par rapport à la voie fémorale (11.5% vs 7.2%) [4]. La courte distance entre l’apex et la valve rend les manipulations plus précises. Les inconvénients de cette voie sont : • Intervention chirurgicale sous anesthésie générale. • Manipulation du coeur et ventriculotomie apicale. • Etanchéité de la bourse apicale parfois difficile (taille de l’introducteur : 33 F) ; risque hémorragique (tamponnade). • Contre-indication en cas d’anévrysme apical et de status péricardique adhérentiel. • Douleurs postopératoires de la thoracotomie. Les deux techniques comportent un certain nombre de points d’installation communs [1,3,5,9] : Des plaques de défibrillateur externe sur la cage thoracique ; Une électrode pour l’électro-entraînement ventriculaire rapide ; cette électrode est placée par voie endovasculaire dans le VD (voie veineuse jugulaire interne ou fémorale), ou fixée sur l’épicarde du VG par la thoracotomie ; Un cathéter de type pigtail dans l’aorte ascendante pour l’aortographie ; Un guide rigide traversant la valve aortique et stabilisé dans le VG (pour la voie fémorale) ou dans l’aorte descendante (pour la voie transapicale) ; Un accès aisé au sternum et aux vaisseaux fémoraux en cas de conversion d’urgence en CEC (éventuel placement de guides dans la veine et l’artère fémorales) ; Une anticoagulation par héparine (100 UI/kg) visant un ACT de ≥ 250 sec ; Un réchauffement de la salle, des perfusions et du patient (air pulsé). D’autres voies d’abord sont possibles lorsque les deux précédentes sont impraticables : voie axillaire, voie sous-clavière ou voie aortique directe [16]. Cette dernière nécessite une mini-sternotomie haute ; après confection d’une bourse sur l’aorte ascendante, la canulation directe donne le même accès à la valve aortique que lors de canulation fémorale, mais elle impose de manipuler l’aorte, ce qui peut Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 57 comporter un risque embolique important. Ces canulations particulières peuvent se faire sous anesthésie générale (transaortique) ou locale (sous-clavière). L’intervention nécessite deux brefs épisodes d’interruption du flux aortique au cours desquels on déploie un ballon transvalvulaire : la dilatation de la valve native (10-12 secondes), qui écrase les cuspides contre la paroi aortique, et le déploiement de la prothèse (15-20 secondes), qui la fixe contre l’anneau [1]. Le premier est requis dans tous les cas, le deuxième n’est en principe pas nécessaire avec les prothèses auto-expansibles. Cette manoeuvre obstrue complètement l’éjection du VG. Il est donc impératif de diminuer au maximum le volume systolique à ce moment afin d’éviter un déplacement distal de la prothèse et une dilatation aiguë du VG. La méthode habituellement utilisée à cet effet est l’électro-entraînement ventriculaire rapide (rapid ventricular pacing) à 180-220 batt/minute, qui baisse momentanément la pression artérielle systolique à ≤ 60 mmHg et la pression pulsée à < 20 mmHg (Figure 10.26). Le pace-maker doit fonctionner en mode fixe, sans sensing, et avec une puissance maximale (maximal output). Le ballon doit être gonflé après le début du pacing, qui n’est interrompu qu’après dégonflement total du ballon. La récupération spontanée du rythme et de la pression artérielle est rapide, mais 20% des cas nécessitent un support inotrope, des anti-arythmiques ou une cardioversion électrique [8]. La vitesse de la récupération hémodynamique est un bon marqueur de la réserve fonctionnelle du ventricule. Le risque d’altérer les voies de conduction au niveau du septum avec la partie proximale de la prothèse est important avec le système CoreValve™ puisque 15-38% des malades ont besoin d’un pace-maker permanent pour bloc AV complet ; ce bloc peut ne se manifester que 2-3 jours après l’intervention. Normalement, la longueur des cuspides coronaires gauche et droite est inférieure à la distance entre l’anneau aortique et les ostia coronariens, ce qui assure la perméabilité de ces derniers lorsque la valve est repoussée contre la paroi (voir Figure 10.24). Si ce n’est pas le cas, ou si des calcifications sont protubérantes, le tissu valvulaire peut venir obstruer une coronaire et entraîner une ischémie myocardique massive. L’ETO renseigne rapidement sur les éventuelles modifications de la contractilité segmentaire [29]. © Bettex 2016 Figure 10.26 : Enregistrement d’un épisode d’électro-entraînement rapide (200 batt/min) par pace-maker, permettant le gonflement du ballon de dilatation de la valve aortique. La PA systémique s’effondre rapidement avec la chute du débit ventriculaire. A l’arrêt du rapid pacing, le coeur reprend un rythme normal (ECG sans lésion), mais la pression artérielle reste basse et le débit cardiaque récupère en 1-3 minutes. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 58 Contrôle radiologique Un CT-scan préopératoire fournit des données numériques précises sur la valve aortique et les structures voisines (Figure 10.25E et 10.25F) : Diamètres de l’anneau, de la chambre de chasse et de la jonction sino-tubulaire ; Distance entre l’anneau et les ostia coronariens droit et gauche ; Calcifications aortiques, anomalies coronariennes ; Orientation de la valve aortique (plan des 3 cuspides) permettant de positionner ultérieurement l’arc-en-C radiologique dans le plan de la valve sans erreur de parallaxe (moyenne : 17° d’orientation latérale gauche et 10° d’orientation céphalique) [10]. Le positionnement de la prothèse à cheval sur l’anneau aortique est contrôlé par fluoroscopie (Figure 10.27) et par ETO. L’inconvénient de la radiologie est un taux d’irradiation majeur pour l’équipe soignante. L’angiographie de contrôle (positionnement et fonction de la prothèse, flux coronarien) consomme une quantité importante de produit de contraste (100-300 mL), ce qui augmente l’incidence d’insuffisance rénale postopératoire (jusqu’à 28%) chez ces malades à haut risque souffrant déjà de néphropathie liée à l’âge, au diabète ou à l’hypertension. Pour pallier cet inconvénient, il est possible de se passer d’angiographie et de n’utiliser que l’échocardiographie, soit intracavitaire soit transoesophagienne, accompagnée d’une utilisation minimale de la fluoroscopie [11]. Ceci n’est possible qu’en l’absence d’interférences avec l’image échocardiographique (artéfacts, prothèse mitrale en place, etc) et en anesthésie générale. A B Cathéter pigtail Mandrin ETO Introducteur transapical © Edwards™ Figure 10.27 : Exemple de TAVI par voie transapicale. A : prothèse Edwards Sapien™ en place avec son ballon dilatateur. B : fluoroscopie lors de mise en place d’une prothèse Sapien™ (flèche) positionnée au niveau de l’anneau aortique natif, montée sur son cathéter d’introduction, dont le mandrin est placé loin dans l’aorte thoracique. Le cathéter pigtail est introduit par une artère périphérique. Contrôle échocardiographique (ETO, ETT) Très utile pour la surveillance hémodynamique (fonction ventriculaire, volémie, ischémie), l’examen ETO peropératoire continu est un apport important à la précision de l’implantation, mais il requiert habituellement une anesthésie générale. Les centres qui pratiquent le TAVI en locale se contentent d’examens transthoraciques (ETT) itératifs et se fient quasi-exclusivement à la radiologie. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 59 L’échocardiographie permet tout d’abord d’évaluer et de mesurer les structures anatomiques (Figures 10.23, 10.24 et 10.25) (voir Chapitre 27 Endoprothèses valvulaires) : Diamètre de l’anneau aortique en mésosystole (3 mesures en vue long-axe 120°), mesuré entre les points d’insertion du feuillet coronarien droit et du feuillet non-coronaire, en incluant les calcifications annulaires. Ce diamètre évalue le petit diamètre de l’anneau, qui est ovale (voir Anatomie, Figure 10.23 et Figure 10.24). La reconstruction 3D (plan coronal) permet la mesure du grand diamètre de la valve. De fortes calcifications limitent la précision des mesures, en particulier pour la partie antérieure de l’anneau qui est masquée par les calcifications postérieures. La prothèse choisie est surdimensionnée de 1-3 mm (voir Tableau 10.3). Diamètre et éventuelle hypertrophie de la CCVG ; exclusion d’une sténose sous-aortique dynamique, qui est une contre-indication au TAVI. Diamètre et hauteur des sinus de Valsalva, diamètres de la jonction sino-tubulaire et de l’aorte ascendante. Position des ostia coronariens ; distance entre l’anneau aortique et l’ostium coronarien droit en vue 2D long-axe 120° (Figure 10.24), distance entre l’anneau et l’ostium gauche dans le plan coronal en imagerie 3D (Figure 10.25D) ; valeur moyenne 13.5 mm. Une distance de > 10 mm est recommandée pour des prothèses Sapien™ de 23 mm et de > 11 mm pour des prothèses Sapien™ de 26 mm [29]; elle est de > 14 mm pour les prothèses CoreValve™ de 26 à 31 mm (Tableau 10.3) [17]. Cette distance doit être plus grande que la hauteur des cuspides correspondantes pour éviter une occlusion coronarienne lorsque la valve native est écrasée contre les parois par la prothèse. Surface de la valve aortique (planimétrie en vue court-axe 40° ou calcul par l’équation de continuité). Gradient à travers la valve aortique (VAo) et la chambre de chasse selon l’équation de Bernoulli : ΔP = 4 • (V2VAo - V2CCVG), en vue transgastrique profonde 0° ou long-axe 120°. Evaluation de la valve mitrale (éventuelle fuite mitrale, mobilité du feuillet antérieur). Diagnostic et localisation d’athéromes dans l’aorte ascendante et la crosse. Pendant les manœuvres, l’imagerie 3D X-plane affiche simultanément à l’écran deux plans différents de la même structure, ce qui combine la précision du 2D et la reconstruction spatiale du 3D. Lors de sa mise en place, la prothèse doit se trouver à cheval sur la valve native, avec 2/3 de sa longueur sur le versant ventriculaire de l’anneau et 1/3 sur le versant aortique. Pour la prothèse Edwards Sapien™, l’extrémité proximale doit se trouver 5 mm en-dessous de l’anneau aortique, juste en amont de l’insertion du feuillet mitral antérieur ; l’extrémité distale doit se situer au niveau de l’extrémité des feuillets aortiques natifs. Pour la prothèse CoreValve™, l’extrémité ventriculaire doit se trouver 5-10 mm en dessous de l’anneau aortique (Figure 10.28 et Figure 10.29). A l’ETO, les repères dans une vue long axe à 120° sont l’anneau aortique, l’extrémité des cuspides aortiques, l’extrémité du feuillet mitral antérieur (en diastole), l’ostium coronarien droit et la jonction sinotubulaire [1,10,26,29]. Sur l’écran ETO, on contrôle plusieurs manœuvres. Avancement et positionnement des guides et introducteurs dans l’aorte et dans le VG. Voie transapicale : identification de l’apex du VG (affichage X-plane de deux plans orthogonaux simultanés, 0° et 90°), guidage des cathéters pour éviter l’accrochage de l’appareil sous-valvulaire mitral. Le repérage de l’apex est également effectué en ETT. Positionnement du ballon de valvuloplastie pour dilater la sténose aortique ; la partie centrale rétrécie du ballon doit être placée au niveau de l’anneau aortique. Malheureusement, la sonde ETO gène la visualisation angiographique et doit être retirée de quelques centimètres lors de la dilatation et du déploiement de la prothèse si l’opérateur se concentre sur les données radiologiques. Positionnement de la prothèse ; un gonflement partiel du ballon de dilatation intravalvulaire permet une localisation précise de la prothèse, qui doit laisser libres les orifices coronariens Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 60 (Figure 10.28) ; un déploiement trop en amont fait courir le risque d’une chute dans le VG ou d’un dysfonctionnement mitral, alors qu’un déploiement trop en aval favorise une embolisation dans l’aorte ascendante ou une occlusion coronarienne. Vue X-Plane visualisant les plans long-axe à 120° et court-axe à 30-40°. A B 2-3 mm BE CCVG Aorte CCVG BE Ostium coronarien Ostium coronarien Figure 10.28 : mise en place d’une endoprothèse aortique Edward’s Sapien™ sous guidage échocardiographique. A: la prothèse est introduite sur son mandrin et placée à cheval sur la valve aortique sténosée ; un gonflement très partiel du ballon d’expansion (BE) permet de localiser précisément la prothèse par rapport à l’anneau aortique à l’ETO. B : prothèse déployée ; la prothèse déborde de 2-3 mm l’insertion du feuillet mitral antérieur en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG) ; les orifices coronariens sont dégagés. A B 2-3 mm Aorte CCVG CCVG Ostium coronarien Ostium coronarien Figure 10.29 : mise en place d’une endoprothèse aortique Core-Valve™. A: la prothèse est introduite sur son mandrin et placée à cheval sur la valve aortique sténosée. B : prothèse déployée ; la prothèse déborde de 2-3 mm l’insertion du feuillet mitral antérieur en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG) et s’appuie dans la racine de l’aorte ascendante avec sa partie grillagée. Après la mise en place, l’ETO est intéressante pour l’évaluation fonctionnelle de la prothèse (chaque type présente des caractéristiques ultrasonographiques particulières) et le diagnostic d’éventuelles complications immédiates (Figure 10.30) (voir plus loin Complications) [29]. Mouvements d’ouverture et de fermeture libres et non-restrictifs des 3 feuillets ; absence de sténose (Tableau 10.4). Recherche et quantification d’une insuffisance aortique (IA) résiduelle, qui peut être paravalvulaire (entre la prothèse et l’anneau aortique) ou intravalvulaire (entre les feuillets de Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 61 la prothèse). Les signes d’une IA majeure sont les suivants (vues court-axe 40°, long-axe 120°, transgastrique profonde (0°) et transgastrique long-axe (120°) (Tableau 10.4) : • PISA bien visible sur le versant aortique (Figure 26.40) ; • Extension du jet au-delà de la chambre de chasse ; • Large diamètre du jet à son origine ; • Rapport du diamètre du jet avec le diamètre de la CCVG > 50% ; • Temps de demi-pression < 250 msec (Figure 26.42) ; • Reflux diastolique dans l’aorte descendante. L’IA majeure a des conséquences hémodynamiques facilement appréciables [21,27] : • Affaissement de la PAdiast sur la courbe de pression artérielle ; • Diminution du gradient télédiastolique entre l’aorte et le VG (PAtd – PtdVG) ; • Volume systolique plus élevé dans la CCVG que dans la CCVD. Recherche et quantification de fuites paravalvulaires (FPV) ; les fuites paravalvulaires mineures (degré I-II) sont fréquentes (60% des cas), les fuites modérées et sévères surviennent dans 7-15% des cas [16,29]. Elles sont souvent dues à une prothèse sous-dimensionnée. Leur importance est définie par la proportion de la circonférence représentée par leur orifice (ou par la somme des orifices) en court-axe : < 10% (fuite mineure), 10-20% (fuite modérée), > 20% (fuite sévère). Elles peuvent entraîner éventuellement un mouvement de bascule de la prothèse à chaque systole. Il est capital de les rechercher systématiquement sous plusieurs angles de vue avant de retirer le guide, car une ré-expansion de la prothèse avec le ballon intra-aortique permet souvent de les supprimer. Recherche et quantification des fuites intravalvulaires, fréquemment liées à une prothèse surdimensionnée. L’IA diminue en général lorsqu’on retire le guide ; une IA centrale de degré I n’est pas rare [15]. Une IA excessive et persistante (degré > II) peut demander le déploiement d’une seconde prothèse dans la première. Il peut arriver qu’un feuillet reste accolé à la paroi et ne se ferme pas en diastole, provoquant une IA massive ; il est possible de le rabattre en augmentant la postcharge avec un vasoconstricteur (phényléphrine). Le plein déploiement des feuillets peut prendre plusieurs minutes après la mise en place. Gradient transvalvulaire (en conditions hémodynamiques normales), en prenant soin de soustraire le gradient de la CCVG : ΔP = 4 • (V2PrAo - V2CCVG). ΔPmoy habituel : 10-12 mmHg ; ΔPmoy acceptable : 15-20 mmHg. Le gradient est tributaire du volume systolique et de la force d’éjection du VG. La vélocité de la CCVG doit être enregistrée bien en amont de la prothèse, et non dans sa partie intraventriculaire, juste en-dessous de la valve, qui est une zone déjà rétrécie ; ceci conduirait à sous-estimer le gradient transvalvulaire et à surestimer la surface de la prothèse. Le gradient trans-prothétique (gradient moy 12 mmHg) reste stable à long terme (Tableau 10.4) [22]. Surface d’ouverture de la prothèse, qui est en moyenne de 1.1 cm2/m2. Fonctionnement de la valve mitrale (péjoration de l’IM ou nouvelle fuite mitrale) ; les mouvements du feuillet antérieur peuvent être génés par une prothèse trop bas insérée. La voie transapicale peut endommager directement l’appareil sous-valvulaire mitral. Flux dans le tronc commun et la coronaire droite au Doppler couleur. Fonction du VG et du VD. Altérations de la cinétique segmentaire en rapport avec une obstruction coronarienne aiguë. Tamponnade sur rupture de la racine aortique ou perforation ventriculaire. Dissection aortique. Epanchement pleural gauche (voie transapicale). Complications Les deux complications immédiates les plus communes sont l’insuffisance aortique (IA) intra- ou para-valvulaire sur mauvaise expansion ou non-congruence de la prothèse avec l’anneau aortique, et le bloc AV complet par lésion du tissu de conduction avec la partie de la prothèse qui déborde dans la chambre de chasse. Avec la voie fémorale, les lésions vasculaires sont fréquentes. D’autres complications potentiellement catastrophiques sont heureusement plus rares : embolisation de débris Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 62 valvulaires ou d’athéromes aortiques entraînant un AVC, obstruction d’un ostium coronarien et infarctus massif, perforation de paroi et tamponnade, déchirure de l’anneau aortique, dissection aortique. Finalement, certaines complications sont davantage liées à la fragilité des patients face à une intervention majeure : insuffisance ventriculaire, insuffisance rénale aiguë, insuffisance polyorganique. Le taux d’échec technique varie de 1% à 9% et diminue avec l’expérience des opérateurs [16]. A C D B OG CCVG VG Ao Prothèse Figure 10.30 : Contrôle postopératoire. A: vue ETO 2D court-axe (54°) de la prothèse aortique (Edwards Sapien™) en place. B: fuite paravalvlulaire (flèche) en vue 2D long-axe 140°. C: vue 3D d’une valve Sapien™. D: vue 3D d’une fuite intravalvulaire (flèche rouge); la vue dans l’espace permet de la différencier clairement d’une fuite paravalvulaire [Zamorano JL, et al. Eur Heart J 2011; 32:2189-214]. Fuite paravalvulaire (FPV) par non-congruence de la prothèse et de l’anneau aortique, liée à la forme ovale de celui-ci, à des calcifications empêchant une apposition uniforme de la prothèse, à une position de la prothèse trop en amont ou trop en aval de la valve native, ou à une expansion insuffisante de la prothèse. Une fuite mineure est fréquente (jusqu’à 70% des cas), une fuite modérée-à-sévère est plus rare (7-15% des cas). Une fuite autre que mineure a un impact sérieux sur la survie, puisqu’elle augmente la mortalité à 1 an de 2 à 4 fois (OR 1.68 à 4.89) [13,20,27]. Le diagnostic est posé à l’ETO, mais la quantification de jets multiples, excentriques, partiellement masqués par les ombres de l’armature métallique, peut être difficile. Une fuite majeure se caractérise par une zone de convergence du flux couleur (PISA) côté aortique, un jet dépassant la chambre de chasse du VG et un reflux diastolique dans l’aorte descendante (Tableau 10.4) [21,27]. La prévention de la FPV est une évaluation précise de l’anneau aortique natif (CT-scan, ETO 3D), un léger sur-dimensionnement de la prothèse Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 63 (5-10%, 1-3 mm) et de nouvelles prothèses avec une armature plus souple ou une jupe en tissu synthétique permettant un meilleur accolement à la paroi aortique. Après implantation, toute FPV autre que mineure doit être traitée immédiatement. • Ré-expansion de la prothèse avec le ballon utilisé pour dilater la valve native ; • Fermeture des fuites par un système d’occlusion percutané (Amplatzer™ Vascular Plug) ; • Implantation d’une seconde prothèse à l’intérieur de la première (valve-in-valve). Fuite intravalvulaire par expansion inadéquate de la prothèse ou par pression diastolique insuffisante pour la refermer. Le traitement est une ré-expansion par gonflement d’un ballon ou une augmentation de la PAdiast avec un vasopresseur (ce qui est contre-intuitif dans une IA !) [27]. Le guide peut maintenir une IA centrale artificiellement, et doit être retiré pour pouvoir juger réellement de l’insuffisance. Bloc AV. Avec une incidence moyenne de 13% des cas, le bloc AV est beaucoup plus fréquent après TAVI qu’après RVA (1-2% des cas) ; il est plus fréquent avec la CoreValve™ (31% des cas) qu’avec la valve Sapien™ (5%), parce que la première s’étend plus loin dans la chambre de chasse et peut appuyer sur la partie du septum où passe le tissu de conduction [12]. Bloc de branche gauche. Plus fréquent (30% des cas), il se résout souvent spontanément et ne nécessite un pace-maker que dans 1 cas sur 5 [12]. Malpositionnement de la prothèse, souvent lié à une éjection ventriculaire persistante pendant son déploiement. Trop haute dans l’aorte, elle peut obstruer un ostium coronaire ; incidence : 0.6-1%, mortalité 40%. Trop basse dans la CCVG, elle peut léser le tissu de conduction ou géner les mouvements du feuillet mitral antérieur [19]. Arythmies. La FA est fréquente (jusqu’à 31% des cas). Sidération myocardique après le pacing ventriculaire rapide nécessitant un soutien inotrope. Lésions vasculaires de l’axe ilio-fémoral lors des implantations percutanées, nécessitant une réparation chirurgicale (3-27% des cas) ; leur incidence diminue avec la réduction progressive de la taille des introducteurs. Accident vasculaire cérébral (AVC). Les facteurs de risque sont l’âge, le diabète, l’athéromatose aortique, l’hypotension peropératoire, l’embolie de débris valvulaires et l’embolie de thrombus formés sur les cathéters. L’incidence est de 3-8% (moy 5%) à 1 an [13,16,20,22,28] ; c’est le double par rapport au RVA en CEC. Insuffisance rénale (5-12%). Elle est 3 fois moins importante qu’après RVA en CEC [8,15]. Rupture de l’anneau aortique, dissection aortique. Incidence : 1%, mortalité 48-100% [6] ; ces évènements justifient une passage d’urgence en CEC. Par voie apicale : hémorragie et tamponnade par déchirure de l’apex (2-5% des cas), formation secondaire d’un pseudo-anévrysme apical (6% des cas), épanchement pleural (20% des cas) [4]. Par voie fémorale : hémorragie et tamponnade par perforation cardiaque, hématome rétropéritonéal par lésion vasculaire. Conversion d’urgence en CEC. Incidence 1-5% des cas ; en général due à une perforation, à une rupture annulaire, à une dissection aortique, à une occlusion coronaire, à une embolisation de la prothèse ou à une non-récupération après pacing rapide [14]. L’examen ETO en fin de procédure est capital pour mettre en évidence les complications qui requièrent un traitement immédiat : positionnement inadéquat, IA majeure, tamponnade, déchirure ou dissection aortique, akinésie étendue traduisant l’occlusion d’un tronc coronarien, insuffisance mitrale. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 64 Tableau 10.4 Critères échocardiographiques des prothèses implantées par TAVI Critères de sténose aortique Paramètre Vmax flux aortique* Gradient moyen Index de vélocité** Surface d’ouverture Durée d’accélération*** Flux Doppler spectral*** Mismatch prothèse/patient Normal Sténose modérée Sténose serrée < 3 m/s < 20 mmHg > 0.35 > 1.2 cm2 < 80 ms Triangulaire, pic précoce > 0.85 cm2/m2 3-4 m/s 20-40 mmHg 0.35-0.25 1.2-0-8 cm2 80-100 ms Intermédiaire 0.85-0.65 cm2/m2 > 4 m/s > 40 mmHg < 0.25 < 0.8 cm2 > 100 ms Arrondi, symétrique < 0.65 cm2/m2 Note. *: pour autant que l’axe du Doppler soit correctement aligné avec la direction du flux. **: rapport Vmax CCVG / Vmax valve aortique. ***: le pic de vélocité du flux aortique survient normalement pendant le premier quart de la systole et donne à l’image spectrale du flux Doppler une forme triangulaire asymétrique; lors de sténose, l’accélération est plus lente; voir Chapitre 26, Figure 26.36. Critères d’insuffisance aortique Paramètre IA mineure IA modérée IA sévère Diamètre de la vena contracta Largeur du jet / diamètre CCVG Etendue du jet PISA* sur le versant aortique Temps de demi-pression du jet d’IA** Reflux diastolique aorte descendante Volume régurgité Fraction de régurgitation Surface de l’orifice de régurgitation Etendue PV circonférentielle du jet*** < 2 mm < 25% < CCVG Absent > 500 ms Absent < 30 mL < 30% < 0.1 cm2 < 10% 3-5 mm 25-65% Longueur CCVG Modeste 250-500 ms Modeste 30-60 mL 30-50% 0.1-0.3 cm2 10-30% > 5 mm > 65% Cavité du VG Important < 200 ms Marqué, holodiast > 60 mL > 50% > 0.3 cm2 > 30% Note. *: zone de convergence du flux en amont de l’orifice de régurgitation, caractérisée au Doppler couleur par des hémisphères d’accélération concentriques. **: PHT, pressure half-time (voir Chapitre 26, Figure 26.42). ***: étendue paravalvulaire (PV) du flux couleur diastolique autour de la prothèse en vue court-axe (en pourcentage de la circonférence); mesure les fuites paravalvulaires (addition de chaque fuite si elles sont multiples). Sources: Leon MB, Piazza N, Nikolsky E, et al. Standardized endpoint definitions for transcatheter aortic valve implantation clinical trials: a consensus report from the Valve Academic Research Consortium. Eur Heart J 2011; 32:205-17. Kappetein AP, Head SJ, Généreux P, et al. Updated standardized endpoint definitions for transcatheter aortic valve implantation. The Valve Academic Research Consortium-2 consnsus document. J Am Coll Cardiol 2012; 60: 1438-54. Technique d’implantation de TAVI L’imagerie préopératoire (échocardiographie 2D et 3D, CT-scan) doit mesurer avec précision les diamètres de l’anneau aortique et de la jonction sino-tubulaire, la longueur des cuspides et la distance entre l’anneau aortique et les ostia coronariens. La prothèse choisie est surdimensionnée de 5-10% (1-3 mm) par rapport aux mesures effectuées pour assurer son bon ancrage contre la racine aortique. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 65 Technique d’implantation de TAVI Par voie fémorale (moins invasive, possibilité d’anesthésie locale + sédation) ou transapicale (minithoracotomie, préférable si lésions sévères de l’axe ilio-aortique, AG nécessaire), l’intervention comporte plusieurs étapes : - Contrôle ETO 2D + 3D de la compatibilité des lésions avec la technique de TAVI - Mise en place du contrôle radiologique - Anticoagulation avec héparine pour ACT > 250 sec - Canulation et mise en place d’un guide à travers la valve aortique - Dilatation de la sténose aortique au ballon - Positionnement de la prothèse (contrôle radiologique et ETO) - Déploiement de la prothèse, par gonflement d’un ballon pour la valve Sapien™ ou par déploiement direct pour les valves auto-expansible (CoreValve™, Jena Valve™, etc) - Contrôle du positionnement et du fonctionnement de la prothèse (ETO, fluoroscopie) ; la fluoroscopie nécessite l’injection de produit de contraste (risque d’insuffisance rénale) - Recherche des complications. L’intervention nécessite deux brefs épisodes de 10-15 secondes (dilatation au ballon et déploiement de la prothèse) au cours desquels il est nécessaire de réduire l’éjection ventriculaire par un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/minute), qui baisse momentanément le volume systolique et la pression artérielle (PAsyst ≤ 60 mmHg). Les complications les plus fréquentes sont : - Fuite paravalvulaire ; traitement immédiat pour fuites plus que mineures (7-15% des cas) - Fuite intravalvulaire - Bloc AV complet, arythmies - Malpositionnement de la prothèse - Lésions vasculaires (voie fémorale) (17%) - AVC (3-7%) - Hémorragie : déchirure de l’apex, lésions vasculaires, perforation, dissection aortique, tamponnade - Insuffisance rénale (5-12%) - Conversion d’urgence en CEC (1-5%) - Mortalité (30 jours) : 3-7%. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 BILLINGS FT, KODALI SK, SHANEWISE JS. Transcatheter aortic valve implantation: anesthetic considerations. Anesth Analg 2009; 108:1453-62 BLEIZIFFER S, RUGE H, MAZZITELLI D, et al. Results of percutaneous and transapical transcatheter aortic valve implantation performed by a surgical team. Eur J Cardiothorac Surg 2009; 35:615-20 CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79 COBEY FC, FERREIRA RG, NASEEM TM, et al. Anesthetic and perioperative considerations for transapical transcatheter aortic valve replacement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1087-99 COVELLO RD, MAJ G, LANDONI G, et al. Anesthetic management of percutaneous aortic valve implantation: Focus on challenges encountered and proposed solutions. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:280-5 FALK V. Should transcatheter aortic valve replacement be extended to lower-risk and younger patients? Circulation 2014; 130:2332-42 FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 1: Development and status of the procedure. 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La sédation simple, possible pour la voie fémorale, a l’avantage d’assurer une bonne surveillance neurologique par l’état de conscience du malade et une récupération postopératoire rapide, mais elle n’autorise pas l’utilisation de l’ETO, qui est le moyen le plus rapide et le plus utile pour vérifier l’anatomie, pour positionner la prothèse, pour réduire la quantité de contraste radiologique (diminution de l’incidence d’insuffisance rénale postopératoire), pour diagnostiquer les complications immédiates (fuite paravalvulaire, tamponnade) et pour évaluer la fonction ventriculaire [4,6,7,8,11]. Les petites sondes ETO nasales mieux tolérables pour le patient n’ont pas d’imagerie 3D et sont trop imprécises en 2D pour remplacer l’ETO conventionnelle. Ajoutée à l’AL, la sédation (par exemple : 1-3 mg midazolam + 5 mg nalbuphine, ou 1 mg/kg/h propofol + 0.03 mcg/kg/min remifentanil, ou dexmédétomidine Dexdor® 0.5-1.0 mcg/kg/h) peut certes assurer le confort et l’immobilité du patient, mais au risque d’une perte de contrôle des voies aériennes supérieures et d’une hypoventilation entraînant une hypercarbie néfaste chez des patients dont la PAP est généralement déjà élevée. L’ETO en anesthésie locale réclame une sédation profonde pour tolérer la sonde pendant 2-3 heures ; ceci n’est possible qu’au prix d’un risque majeur de broncho-aspiration. Le taux de conversion d’AL en AG est très variable (1-17%) [11]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 67 On ne dispose pour l’instant que d’une seule étude comparative randomisée entre AG et AL avec sédation (66 patients pour implantation de CoreValve™ par voie fémorale) [12]. La saturation cérébrale, les fonctions neuro-cognitives, l’utilisation de catécholamines et les durées d’intervention se sont révélées comparables dans les deux groupes, mais les incidents ont été plus fréquents sous AL : agitation et douleur (61%), bradypnée (52%), insuffisance respiratoire avec hypercarbie et acidose (19%), désaturation (16%). Les auteurs donnent l’avantage à l’anesthésie générale. L’autre impact majeur de l’AG est la possibilité d’utiliser l’ETO ; pour cette raison, le taux de fuites paravalvulaires modérées (degré ≥ 2) retrouvées en postopératoire dans certaines études est plus important sous AL que sous AG [11]. Certains centres adoptent une attitude mixte : les cas anatomiquement simples se pratiquent sous AL avec l’appui d’une échocardiographie tranthoracique et de radiologie ; l’AG est réservée aux patients chez qui l’implantation peut être difficile, qui nécessitent un contrôle ETO à cause d’une anatomie peu favorable ou qui souffrent d’insuffisance rénale et doivent éviter les produits de contraste [13]. Lors de minithoracotomie pour la voie transapicale, l’anesthésie loco-régionale offre deux possiblités d’appoint antalgique. Blocs intercostaux ou blocs paravertébraux thoraciques sur 3 niveaux (30 mL 0.2% ropivacaine) pour l’analgésie postopératoire ; Anesthésie péridurale thoracique, certainement plus efficace, mais très discutable à cause du traitement antiplaquettaire. En effet, la péridurale n’est possible que si le patient est sous aspirine seule (< 300 mg/j) ; or ces malades sont placés sous bithérapie (aspirine 150 mg, clopidogrel 75 mg ou dose de charge 300 mg) dès la veille de l’opération et pour 1-3 mois. D’autre part, le cathéter doit être retiré avant de reprendre la double thérapie antiplaquettaire postopératoire (dès 24 heures). Technique d’anesthésie L’équipement est identique quelle que soit la technique : ECG, SpO2, ScO2 (saturométrie cérébrale), capnographie, température, cathéter artériel radial (côté opposé à l’éventuelle canulation sous-clavière par l’opérateur), voie périphérique de haut débit, voie veineuse centrale 2-3 lumières, cathéter vésical et ETO (en cas de narcose). Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est superflu ; sa mise en place présente un risque d’arythmie maligne non négligeable dans le cadre de la sténose aortique. Des plaques de défibrillateur externe sont installées à l’induction (contact contrôlé). La durée de l’intervention varie de 1.5 à 2.5 heures, et celle de l’anesthésie de 2-3 heures [9]. L’intervention s’accompagne de la même prophylaxie antibiotique que toute chirurgie valvulaire. La bithérapie antiagrégante (aspirine 150-250 mg, clopidogrel 75 mg) est débutée la veille de l’opération et continuée pendant 1-3 mois ; l’aspirine est prescrite à vie. Certains protocoles comprennent une dose de charge de clopidogrel (300 mg) en préopératoire. L’anesthésie vise un réveil et une extubation rapides (fast-track anaesthesia), mais elle doit offrir un maximum de stabilité hémodynamique à ces malades particulièrement fragiles. Le choix des agents importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse : doses réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. La pression de perfusion coronarienne doit être maintenue (PAM ≥ 75 mmHg) avec un vasopresseur (phényléphrine, noradrénaline) ; ceci ne représente pas une augmentation de postcharge pour le VG car cette dernière dépend essentiellement du degré de sténose aortique. La plus grande stabilité hémodynamique est obtenue avec une combinaison d’etomidate et de fentanyl/sufentanil pour l’induction, et de sevoflurane ou propofol pour le maintien. La technique la plus fréquemment utilisée est une anesthésie intraveineuse totale (TIVA) : induction avec propofol (2-3 mg/kg) et remifentanil (0.15-0.3 mg/kg), complétée par du rocuronium (0.3 mg/kg) pour l’intubation, suivie par une perfusion continue des mêmes agents (propofol 3 mg/kg/heure, remifentanil 0.2 mcg/kg/min). Autre possibilité : induction avec etomidate (0.3 mg/kg) ou propofol (1-2 mg/kg), sufentanil (0.5-1 mcg/kg) et rocuronium (0.6 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 68 mg/kg), puis maintien avec sevoflurane (1%) et remifentanil (0.2 mcg/kg/min) [3]. Chez les patients très fragiles, l’etomidate est préférable au propofol pour l’induction. Un tube double-lumière n’est pas nécessaire pour l’accès à l’apex lors de la mini-thoracotomie gauche antérieure ; un tube standard et une ventilation à bas volume courant et haute fréquence sont en général suffisants pour dégager l’apex du VG. En-dehors de cette phase de dissection, le patient est normoventilé : volume courant 6-8 mL/kg, FiO2 0.5-0.8, PaCO2 35 mmHg. La normothermie doit être scrupuleusement conservée pour pouvoir procéder à une extubation rapide : salle chauffée à 20-22°C, réchauffement des gaz et des perfusions, air chaud pulsé sous les champs, emballage des parties découvertes avec de l’ouate. Le patient est anticoagulé dès que l’exposition de l’artère ou de l’apex est réalisée : héparine non-fractionnée 1 mg/kg pour un ACT > 250 sec. L’héparinisation est renversée avec de la protamine en fin de procédure. L’électro-entraînement ventriculaire rapide (180-220 batt/min) (rapid pacing) est réalisé par une électrode montée jusque dans le VD (voie fémorale ou jugulaire interne) ou implantée sur la face antérieure du VG (voie épicardique) en cas d’abord transapical. Si la capture est déficitaire, on descend la fréquence d’entraînement par paliers de 10-20 batt/min. Avant chaque période de pacing ventriculaire, il est prudent de ventiler à FiO2 1.0 et de maintenir la PAM ≥ 80 mmHg (vasopresseur) de manière à accélérer le rétablissement de la pression artérielle lorsque cesse l’hypotension due à la tachycardie ventriculaire (Figure 10.26) [4,5]. Le ballon intravalvulaire est gonflé et la prothèse déployée lorsque la PA différentielle est < 20 mmHg, ce qui traduit la réduction extrême du volume systolique même si la PAsyst reste significative, car celle-ci est influencée par les RAS et le volume circulant. La durée du pacing est de 10-15 secondes. Le temps de récupération fonctionnelle du VG est normalement inférieur à 60 secondes ; il est un bon indice de la réserve contractile du ventricule. S’il se prolonge, une aide inotrope ou une assistance est requise. En cas d’épisodes répétés, il faut laisser plusieurs minutes au ventricule pour récupérer complètement entre les épisodes. Toutefois, si la dilatation de la valve native entraîne une insuffisance aortique massive qui surcharge le VG, il faut mettre la prothèse en place au plus vite [5]. Un exemple de protocole d’anesthésie : Tableau 10.5. Les malades souffrant de sténose aortique développent une hypertrophie ventriculaire gauche et une dysfonction diastolique qui rend leur hémodynamique très dépendante du remplissage. Comme le passage de guides et de cathéters dans un VG hypovolémique est particulièrement ardu, il est recommandé d’administrer 1.0-1.5 L de cristalloïdes au cours de l’intervention [10]. Que ce soit autour de l’apex du VG ou des vaisseaux fémoraux, l’opération entraîne des pertes sanguines qui justifient l’utilisation d’un système de récupération érythocytaire et des transfusions dans la moitié des cas [1]. Le sang peut s’accumuler dans la plèvre gauche en cas de thoracotomie ou dans le rétropéritoine en cas de lésion des vaisseaux ilio-aortiques. Quatre-vingt pourcent des patients ont besoin d’un vasoconstricteur, 20-35% d’un support inotrope, et jusqu’à 5% d’une contre-pulsion intraaortique [5,9]. Les cas de conversion en CEC sont très rares (< 5%). Si un massage cardiaque s’avérait nécessaire, il est impératif de contrôler le positionnement de la prothèse après la réanimation. Le patient est extubé dans l’heure qui suit l’intervention, dans la mesure où il est normocarde, normothermique et sans signes d’hémorragie active. Habituellement, il séjourne 24-48 heures en surveillance continue ; il n’est transféré aux soins intensifs que lors de complications graves (ECMO, dissection A, conversion en CEC) ou en cas de fonction ventriculaire misérable ne tolérant pas le pacing rapide [8]. Dans le postopératoire, on évite toute poussée hypertensive qui augmenterait le risque hémorragique au niveau des sutures vasculaires ou apicales [10]. La durée d’hospitalisation moyenne est d’une semaine. Les patients de TAVI sont des personnes fragiles sans aucune réserve physiologique (voir Figure 12.39). L’intervention n’a des chances de réussir que si elle se déroule sans accroc et que l’hémodynamique est maintenue parfaitement stable. Le moindre détail malencontreux peut engendrer une cascade de complications contre lesquelles le malade n’a aucune défense [11]. Il est capital que l’équipe (heart team) discute au préalable des plans de récupération en cas de problème, notamment des décisions de réanimation. Dans une intervention qui est quasiment du sauvetage, les souhaits du patient doivent être connus et respectés ; les limites thérapeutiques doivent être définies à l’avance et Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 69 les points de non-retour agréés par tous de manière à éviter toute tergiversation dans une situation aiguë. Tableau 10.5: Exemple de protocole pour l’implantation de valve aortique par voie transapicale Monitoring ECG 5-dérivations + analyse continue du segment ST Cathéter artériel (fémoral ou radial) ; radiale gauche ou droite selon utilisation de la sous-clavière pour une canulation chirurgicale Voie veineuse centrale 2-lumières + introducteur de Swan-Ganz (voie jugulaire interne droite) Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz si FE < 0.3 ou si HTAP (risque de bloc complet) 2 cathéters veineux périphériques (18G et 14 G) Echocardiographie transoesophagienne (ETO) Températures oesophagienne et rectale, sonde urinaire ACT > 250 sec Installation avec coussin sous l’hémithorax gauche (tilt vers la droite), bras le long du corps Patches de défibrillateur externe collés (antéro-postérieur) Positionnement de l’arc-en-C radiologique selon les repères du CT-scan Induction et maintien de l'anesthésie Induction etomidate + vecuronium/cisatracurium/rocuronium Fentanyl (5 mcg/kg), sufentanil (1.0 mcg/kg) ou perfusion de remifentanil (0.5 mcg/kg/min) Sevoflurane (Fi: 1-2%) en continu ou propofol en perfusion (5 mg/kg/heure) Intubation endotrachéale avec tube standard Ventilation: VC 6-8 mL/kg (ad PaCO2 = 30-35 mmHg) avec Fi O2 = 1.0; ventilation hte fréquence (30/min) et bas volume courant (4 ml.kg-1, I:E = 1:4) selon besoins chirurgicaux Mesures prophylactiques Température de la salle réglée à 24°C Réchauffement des perfusions Emballage des parties deécouvertes avec de l’ouate et couverture chauffante à air pulsé (Baer-Hugger™) Liquémine 1 mg.kg-1 (100 U.kg-1) à l’ouverture du péricarde (ACT recherché > 250 sec) Electrode de pace-maker implantée sur la face antérieur du VG à l’ouverture du péricarde Amiodarone (Cordarone) 150 mg/15 min à l’ouverture du péricarde Désinfection inguinale et guides fémoraux artériel et veineux en cas de passage urgent en CEC Perfusions Perfusion de Ringer-lactate selon besoins (total habituel: 1500 – 2500 mL) Voluven® (dose maximale: 50 mL/kg/24 h) Seuil de transfusion: 80 gm Hb•L-1 Pertes sanguines traitées par récupérateur (CellSaver™) Contrôle de la pression artérielle PAM ≥ 75 mmHg en moyenne au cours de l’intervention PAsyst < 100 mmHg pendant la ponction et la bourse apicale PAM ≥ 80 mmHg (phényléphrine) avant les pacings rapides pour la dilatation et l’implantation PAM ≥ 75 mmHg avec phényléphrine (100 mcg) ou adrénaline (5 mcg) après arrêt du pacing rapide Dilatation de la valve et pose de la prothèse Elever la PAM à 80 mmHg (phényléphrine) avant le pacing rapide Pacing ventriculaire 180-200 batt/min ; si capture insuffisante, descendre la fréquence de stimulation par paliers de 10 batt/min Lorsque PAsyst ≤ 60 mmHg et/ou PA différentielle < 10 mmHg : gonflement – dégonflement du ballon Arrêt du pacing ventriculaire : élever PAM à ≥ 75 mmHg avec phényléphrine (100 mcg) ou adrénaline (5 mcg) ; défibrillation si TV persistante, cardioversion si FA ; magnésium (2 gm) et Cordarone (150 mg/10 minutes) si arythmie instable Réveil et extubation Réveil rapide et extubation < 2 heures postop Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 70 Anesthésie pour implantation de valve aortique La sédation-analgésie est concevable pour la voie fémorale, mais elle ne permet pas l’utilisation de l’ETO et fait courir de risque d’hypoventilation. L’anesthésie générale est recommandée pour plusieurs raisons : immobilisation du patient, utilisation de l’ETO, confort lors du pacing rapide et du traitement des complications (défibrillation, réparation vasculaire, etc), douleur de la thoracotomie (voie transapicale). La comparaison randomisée des deux techniques donne l’avantage à l’AG. L’intervention s’accompagne de prophylaxie antibiotique, d’anticoagulation (héparine pour ACT ≥ 250 s) et de bithérapie anti-agrégante (aspirine + clopidogrel) débutée la veille et continuée 1-3 mois. Le choix des agents d’anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse chez ces malade débilités : doses réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. Techniques préférées : - Induction étomidate ou propofol - Maintien sevoflurane/isoflurane et fentanyl/rémifentanil - TIVA propofol - rémifentanil Maintien rigoureux de la normothermie. On vise une extubation rapide (< 2 heures). Avec leur sténose aortique, les patients souffrent généralement d’HVG concentrique et de dysfonction diastolique ; leur débit cardiaque est très dépendant de la précharge. L’hémodynamique à rechercher est celle recommandée en cas de sténose aortique sévère : - Précharge maintenue - Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg) - Fréquence normale, rythme sinusal - Soutien inotrope si dysfonction, dilatation ventriculaire ou difficulté de récupération après pacing ventriculaire rapide Chez ces patients fragiles et sans réserve, le TAVI n’est un succès que si la stabilité hémodynamique est rigoureusement préservée et que si l’intervention se déroule sans incident. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79 COVELLO RD, MAJ G, LANDONI G, et al. 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J Am Coll Cardiol 2016; 67:1472-87 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 71 Plastie mitrale percutanée La mortalité élevée de la chirurgie mitrale chez le malade à haut risque a suscité la mise au point de techniques percutanées moins invasives permettant de soulager les symptômes des patients et d’offrir une réparation valvulaire acceptable. Parmi les différents dispositifs mis au point ou en gestation, le plus utilisé est le MitraClip™ (Abbott Laboratories). C’est donc sur ce système que porte l’essentiel de ce chapitre. Indications et résultats du MitraClip™ Types d’insuffisance mitrale La prévalence moyenne de l’insuffisance mitrale (IM) dans les pays industrialisés est d’environ 2%, grimpant à près de 10% au-delà de 75 ans [1]. La réparation chirurgicale s’adresse essentiellement à deux types de pathologie mitrale : les lésions structurelles et les insuffisances secondaires (Figure 10.31). Lésions structurelles : dégénérescence myxoïde des feuillets et/ou des cordages, maladie de Barlow, prolapsus, calcification de l’anneau, lésions rhumatismales (RAA). Insuffisance secondaire : dilatation ou ischémie ventriculaire entraînant une traction excessive sur les cordages et maintenant tout ou partie des feuillets en-dessous de leur point de coaptation en systole ; la dilatation peut également porter sur l’anneau mitral. Les feuillets eux-mêmes sont normaux. Cette pathologie est plus fréquente que les lésions structurelles, particulièrement à partir d’un certain âge. Cette différentiation ne recoupe pas exactement la classification de Carpentier en trois types (voir Figure 26.10) : Type I : IM fonctionnelle, feuillets normaux mais dilatation ou calcification de l’anneau, dilatation de l’OG, perforation endocarditique ; Type II : excès de tissu valvulaire (prolapsus, dégénérescence) avec recul du point de coaptation ou basculement de feuillet(s) dans l’OG ; Type III : restriction des feuillets. Type IIIa : restriction systolo-diastolique (RAA). Type IIIb : restriction systolique par traction excessive sur les cordages à cause de la dilatation ventriculaire (symétrique) ou par l’ischémie d’une zone papillaire (asymétrique). Le type IIIb est le plus fréquemment impliqué dans les IM secondaires. L’IM est quantifiée en mineure, modérée ou sévère selon les recommandations actuelles [12,17], mais en échocardiographie on utilise volontiers une échelle de 4 degrés. Les critères pour une IM sévère sont un orifice de régurgitation > 0.3 cm2 et un volume régurgité > 30 mL dans les IM secondaires, ou un orifice de régurgitation > 0.4 cm2 et un volume régurgité > 50 mL dans les IM structurelles (Tableau 10.6). La chirurgie est recommandée chez les patients symptomatiques avec une IM sévère, et chez les patients asymptomatiques avec une IM sévère et une dysfonction ou une dilatation du VG. La correction interventionnelle de l’IM est clairement bénéfique en termes de symptomatologie clinique et de survie dans les lésions structurelles de la valve. Dans les IM secondaires, par contre, la situation est différente. Bien qu’elle améliore la symptomatologie clinique et interrompe le cercle vicieux entre la surcharge de volume et la dilatation ventriculaire, la correction chirurgicale n’apporte pas de gain significatif en terme de mortalité [1]. D’autre part, le taux de récidive de l’IM secondaire après plastie est de 25% à 1 an et 70% à 5 ans [10], alors que celui des IM structurelles n'est que de 15% à 15 ans [3]. Dans la chirurgie à cœur ouvert en CEC, la plastie mitrale (PVM) présente plusieurs avantages par rapport au remplacement valvulaire mitral (RVM) : conservation de l’appareil sousvalvulaire, préservation de la fonction du VG, absence d’anticoagulation. Ainsi, la mortalité Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 72 postopératoire du RVM est plus du double de celle de la PVM (OR 2.24) [14]. Mais les résultats sont différents selon que l’IM est structurelle ou secondaire. La mortalité du RVM est de 2-5% dans les IM structurelles, mais de 5-10% dans les IM secondaires ; elle augmente jusqu’à 17% chez les octogénaires [13]. A long terme, la mortalité est diminuée de moitié (OR 0.42) avec la PVM dans les IM structurelles, mais non dans les IM secondaires où PVM et RVM font jeu égal [7,14]. Une intervention peu invasive à faible morbi-mortalité est donc bienvenue dans ce contexte où la chirurgie est grevée d’une survie réduite dans les groupes à haut risque, et où le risque opératoire moins élevé de la PVM se paie d’un risque de récidive plus important. Figure 10.31 : Lésion structurelle vs IM fonctionnnelle. A: Lésion organique, en l’occurrence prolapsus du feuillet postérieur; l’IM est excentrique; le jet est de section grossièrement circulaire car l’orifice de régurgitation est plus ou moins rond. B: IM fonctionnelle, secondaire à la traction sur les cordages due à une dilatation du VG; les deux feuillets ne peuvent plus coapter en systole, car ils sont retenus en-dessous de leur plan de coaptation. L’IM est centrale et s’étend en général sur toute l’étendue de la fente mitrale; sa section n’est pas circulaire, mais plutôt en croissant. A OG VG B © Chassot 2016 Indications et résultats du MitraClip™ La plastie mitrale percutanée avec la technique de MitraClip™ (Abbott Laboratories) consiste à suturer bout-à-bout l'extrémité distale des deux feuillets mitraux par un clip introduit par voie veineuse fémorale et par accès trans-septal à l’OG. Le système s’inspire de la technique d’Alfieri, dans laquelle l'ouverture mitrale est transformée en deux demi-orifices par des points de suture reliant entre eux A2 et P2 (edge-to-edge repair) (Figures 10.32 et 10.36B). Le clip possède deux bras en alliage chromecobalt de 8 mm de longueur recouverts de tissu polyester, et deux bras secondaires ou éléments de préhension ; ces derniers permettent d’immobiliser les feuillets au moment de leur accrochage. Le système peut s’ouvrir et se fermer lorsqu’il est monté sur son guide (Figure 10.33) [5]. Le Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 73 rapprochement de la partie médiane des deux feuillets permet ainsi de diminuer l’insuffisance mitrale en systole. La cicatrisation autour du clip forme un pont tissulaire résistant entre les deux feuillets [6]. Cette technique est réservée préférentiellement aux situations où la régurgitation est causée par un défaut de coaptation de la région médiane des feuillets (A2-P2) chez des patients symptomatiques à très haut risque opératoire : Prolapsus localisé de P2 ou de A2 ; IM fonctionnelle sur dilatation du VG (insuffisance ventriculaire) ou sur akinésie pariétale (ischémie) ; Patients âgés ou débilités dont la mortalité prévisible lors d’une PVM en CEC dépasse 1520% et dont l’espérance de vie est raisonnable. En gagnant de l’expérience, on a également étendu les indications à des lésions plus excentriques et à des malades souffrant de comorbidités plus sévères. Tableau 10.6 Critères de quantification de l’insuffisance mitrale IM mineure IM modérée IM sévère < 20% de l’OG < 0.3 cm absent absent < 0.2 cm2 < 30 mL < 30% 20-40% de l’OG 0.3 – 0.6 cm faible dimension absent 0.2 – 0.4 cm2 30-50 mL 30-40% > 40% de l’OG > 0.7 cm > 1 cm présent** > 0.4 cm2 > 50 mL > 45% IM structurelle Etendue du jet couleur* Vena contracta PISA (r 1er aliasing) Reflux systolique VP Orifice de régurgitation Volume régurgité Fraction de régurgitation IM secondaire Vena contracta Orifice de régurgitation Volume régurgité Fraction de régurgitation > 0.4 cm ≥ 0.3 cm2 ≥ 30 mL ≥ 30% * Seulement en cas d’IM centrale et d’hémodynamique normale ** Absent si OG très compliante, même en cas d’IM sévère MP: muscle papillaire. VP: veines pulmonaires Sources: Vahanian A, Alfieri O, Andreotti F, et al. Guidelines in the management of valvular heart disease (version 2012). Eur Heart J 2012; 33:2451-96. Zoghbi WA, Enriquez-Sarano M, Foster E, et al. Recommendations for evaluation of the severity of native valvular regurgitation with two-dimensional and Doppler echocardiography. J Am Soc Echocardiogr 2003; 16:777-802. Pour obtenir de bons résultats, certaines conditions doivent être remplies ; elles sont bien définissables à l’ETO (Figure 10.34 et Figure 11.60) [2,19]. IM centrale, d’origine non rhumatismale ni endocarditique ; Surface d'ouverture de la valve d'au-moins 4 cm2 ; Hauteur de coaptation > 2 mm ; Distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau ≤ 11 mm (tenting height) ; En cas de prolapsus, l’écart entre les feuillets (flail gap) doit être < 10 mm et la largeur du prolapsus (flail width) < 15 mm ; Longueur du feuillet postérieur > 10 mm ; Bords libres des feuillets souples et non-calcifiés à l’endroit de pose du clip. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 74 A1 P1 FA FA A2 P2 FP A3 FP P3 © Chassot 2016 Figure 10.32 : Valve mitrale vue depuis l’OG. Le feuillet antérieur (FA) a une forme arondie, alors que le feuillet postérieur (FP) est en forme de croissant. Ce dernier est divisé en 3 festons anatomiquement bien individualisés: P1 (feston antérieur), P2 (feston moyen) et P3 (feston postérieur). De manière analogue, le feuillet antérieur est divisé en 3 parties A1, A2 et A3, mais cette division ne repose sur aucune différentiation anatomique. Mise en place du MitraClip™ par cathétérisme droit A B C Systole SIA Diastole VM Suture médiane bout-à-bout des feuillets mitraux Figure 10.33 : Techniques de plastie mitrale percutanée. A : Sytème MitraClip™. Suture de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip (MitraClip™); en diastole, l'ouverture est transformée en deux hémi-orifices de taille limitée [Feldman T, et al. N Engl J Med 2011; 364:1395-406]. B : Détail du clip, à l’extrémité de son système d’implantation. C : Imagerie ETO tridimensionnelle de l’OG avec le cathéter et le clip en place audessus de la valve mitrale. A : clip ouvert. CAT : cathéter d’implantation traversant le septum interauriculaire (SIA). VM : valve mitrale [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 75 A B V Ao OG VG © Bettex 2016 C D OG OG Distance de coaptation Hauteur de coaptation Interstice VG © Chassot 2016 Figure 10.34 : Conditions de réussite pour l’implantation d’un clip mitral selon Alfieri (MitraClip™). A : IM sévère centrale prédominant entre A2 et P2. B : la largeur du prolapsus doit être < 15 mm, et le prolapsus situé sur A2 ou P2 (prolapsus de A2). C : la hauteur de coaptation doit être > 2 mm et la distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau (tenting distance) ≤ 11 mm. D : dans le prolapsus, l’écart entre les feuillets (interstice) doit être < 10 mm. Ces mesures sont réalisées dans les vues 4 mi-oesophagiennes cavités 0-20° et long-axe du VG 120°, sauf la largeur du prolapsus, qui est plus précise en reconstruction 3D full volume. L’IM très décentrée, les lésions proches des commissures, l’écart de > 10 mm, la rupture de cordage, la fibrose étendue des feuillets et les calcifications de l’anneau mitral sont des situations dans lesquelles le MitraClip™ a peu de chance d’être efficace. Elles sont habituellement considérées comme des contre-indications à la technique. Les premiers résultats sur les IM principalement structurelles donnaient un taux de succès immédiat de l'ordre de 75% et un taux de réintervention sur la valve pour IM résiduelle plus élevé qu'après correction chirurgicale (25% versus 5.5%), mais une survie à 4 ans identique (83% après plastie percutanée et 82% après plastie chirurgicale) [5]. Par la suite, l’extension aux IM fonctionnelles chez Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 76 des malades âgés ou polymorbides dont la mortalité chirurgicale est > 15% a permis d’améliorer la survie à 1 an : 76-89% pour la plastie percutanée versus 50-55% pour la plastie chirurgicale [9,16,18] ; dans cette catégorie à haut risque, le taux de complications cardiovasculaires et de transfusion est nettement plus faible que lors de plastie chirurgicale : 15% versus 55% [8,18]. Actuellement, près de 30'000 patients ont été traités par MitraClip™. Les centres qui en sont coutumiers ont dépassé leur courbe d’apprentissage et affichent désormais des résultats très satisfaisants. Le taux de réussite technique (diminution de l’IM de ≥ 2 degrés) franchit la barre des 95%, la mortalité à 1 mois oscille entre 0% et 7.8%, et la survie à 1 an se situe entre 75% et 90% [6,9,11,16]. Même si elle n'offre pas la même qualité de correction que la plastie à ciel ouvert, cette technique percutanée permet une réduction de l'IM de l'ordre de 2 à 3 degrés (sur 4) avec un faible risque opératoire, chez des malades lourdement compromis dont la mortalité chirurgicale serait > 20% [19]. Elle est donc particulièrement indiquée chez les patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle symptomatique sur dilatation du VG ou d’IM sur prolapsus central des feuillets (A2 ou P2) [4]. Elle est également bien adaptée à la sénescence, où le problème est moins de gagner en longévité que d’améliorer la qualité de vie, et où le risque opératoire en CEC est excessif par rapport au bénéfice de la plastie chirurgicale à long terme [15]. Les recommandations européennes la considèrent comme adéquate chez les patients symptomatiques souffrant d’IM sévère primaire ou secondaire malgré un traitement médical optimal, qui sont considérés à trop haut risque pour la chirurgie et qui ont une espérance de vie d’au moins 1 an (classe IIb, degré d’évidence C) [12,17]. Bien qu’elle soit moins invasive que la chirurgie à cœur ouvert, la plastie percutanée n’est pas moins onéreuse, vu le coût du matériel d’implantation (environ 35'000 €). Du point de vue financier, le gain porte plutôt sur le raccourcissement de la durée d’hospitalisation et sur la diminution du taux de complications postopératoires. Plastie mitrale percutanée par MitraClip™ La technique consiste à suturer bout-à-bout par un clip la partie centrale des feuillets antérieur et postérieur (A2 et P2) de la valve mitrale. Le clip est introduit par voie fémorale et trans-septale (technique percutanée). Ce système s’adresse aux patients dont la mortalité opératoire en CEC serait > 20%. Certaines conditions doivent être remplies pour garantir de bons résultats : - IM centrale non-rhumatismale ni endocarditique, feuillets souples - S mitrale > 4 cm2 - Prolapsus : largeur < 15 mm, écart entre feuillets < 10 mm, - IM fonctionnelle : coaptation sur ≥ 2 mm, distance coaptation – plan de l’anneau < 11 mm Le taux de succès immédiat est 75-95% et la survie à 1 an 75-90%. Le risque de récidive est plus élevé qu’après PVM (25% vs 5%), mais le taux de complications plus faible (15% vs 55%). Références 1 2 3 4 5 6 7 ASGAR AW, MACK MJ, STONE GW. Secondary mitral regurgitation in heart failure. Pathophysiology, prognosis, and therapeutic considerations, J Am Coll Cardiol 2015; 65:1231-48 BEIGEL R, WUNDERLICH NC, KAR S, SIEGEL RJ. The evolution of percutaneous mitral valve repair therapy. Lessons learned and implications for patient selection. J Am Coll Cardiol 2014; 64:2688-700 DAVID TE. 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Eur Heart J 2011; 32:2189-214 Technique d’insertion et imagerie du MitraClip™ Implantation du MitraClip™ Idéalement, la réalisation d’une plastie mitrale percutanée devrait avoir lieu dans une salle d’intervention hybride, de manière à pouvoir convertir le geste à ciel fermé en opération à ciel ouvert en CEC si la situation venait à l’exiger. Des écrans répétiteurs offrent une vue permanente sur la fluoroscopie et l’échocardiographie. Ils permettent également d’afficher certaines vues de repérage prises en préopératoire (angio-IRM, angio-CT). De nouvelles techniques de fusion d’image (HeartNavigator™ Philips) offrent la posibilité de superposer et de synchroniser la reconstruction 3D de l’ETO, du CT-scan ou de l’IRM avec l’image radioscopique en temps réel fournie par l’arc-en-C [2,6]. La procédure se déroule en plusieurs temps (Figure 10.33). L'accès à la valve mitrale se fait par voie trans-septale depuis une ponction veineuse fémorale avec un introducteur 24F ; celui-ci est introduit jusque dans l’OG, ce qui permet d’y mesurer la pression en cours d’intervention. Ponction trans-septale ; le point de ponction est réalisé dans la portion médiane postérieure du septum, supérieurement par rapport à la fosse ovale; il doit être situé 3.5 – 4.0 cm au-dessus du plan de l'anneau mitral de manière à pouvoir bouger et orienter correctement le support du clip perpendiculairement au plan de la valve et à éviter de toucher les parois auriculaires (risque d’arythmies et de perforation). Avancement du guide de stabilisation de l'introducteur trans-septal : il est dirigé dans une veine pulmonaire gauche ou dans le VG; on évite soigneusement l’appendice auriculaire gauche à cause du risque de perforation. Avancement du clip et de son système de mise en place à travers l'introducteur et positionnement du système en face de la valve mitrale, à la verticale de son ouverture; le clip est orienté perpendiculairement à sa commissure (Figure 10.33C). Orientation du clip perpendiculaire par rapport à la commissure contrôlé à l’ETO. Franchissement de la valve mitrale à clip ouvert ; les deux bras du clip doivent rester perpendiculaires à la ligne de coaptation de la valve ; le clip est situé au milieu de la zone d’insuffisance ; les mouvements de la valve restent libres, preuve qu’aucun cordage n’est accroché par le système. Accrochage des feuillets : le cathéter est retiré en douceur pour que le clip accroche l’extrémité des feuillets. Le clip est fermé partiellement pour permettre un contrôle Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 78 échocardiographique ; à ce stade, il est possible de rouvrir le système et de recommencer la manœuvre. Fermeture complète des bras du clip et fixation définitive des feuillets. En cas de fuite résiduelle excessive, on peut ajouter un deuxième clip. Dans ce cas, le placement du premier clip sera effectué de manière à disposer l’insuffisance résiduelle d’un seul côté du clip. Retrait du dispositif si les images de contrôle sont satisfaisantes et l’hémodynamique stable. Il arrive que la perforation septale laisse un orifice significatif, équivalant à une CIA ; s’il existe une composante droite-gauche importante (désaturation artérielle) ou un risque de surcharge de volume pour le VD, la CIA est fermée immédiatement avec un système d’occlusion (Amplatzer™). La durée de la procédure est en moyenne de 2-3.5 heures. Les complications sont essentiellement une perforation cardiaque (tamponnade), une rupture de cordage, une déchirure de feuillet aggravant la régurgitation mitrale, une embolisation du clip ou un échec de positionnement de celui-ci. Le traitement de ces complications est chirurgical. ETO pour MitraClip™ L’anesthésiste est directement impliqué dans la procédure parce que l’ETO est nécessaire tout au long de la manœuvre pour évaluer la valve, guider l’implantation et contrôler le résultat (Figures 10.35 et 10.36) [3,5,7]. Les vues bidimensionnelles (2D) et tridimensionnelles (3D) sont complémentaires et présentent chacune leur intérêt selon les phases de la procédure. Les vues 2D les plus utiles sont les vues rétrocardiaques 4 cavités 0-30°, bicavale 100°, long-axe 120° et court-axe de la base 40°. La représentation 3D zoom en temps réel est particulièrement adaptées à la vérification de l’orientation du clip par rapport à la commissure mitrale ; la représentation Live 3D est peu utilisée car elle ne permet la visualisation que d’une fine tranche de la valve. L’affichage simultané de deux plans bidimensionnels distincts (X-plane) permet d’éviter de changer l’orientation du capteur en cours de manœuvre et de profiter simultanément de la précision anatomique du 2D et de la reconstruction spatiale du 3D. Les prestations du 3D sont nettement supérieures à celles du 2D dans les phases suivantes : positionnement du clip dans les axes antéro-postérieur et médio-latéral au-dessus de la valve, ajustement du clip avec les bras perpendiculaires à la commissure mitrale, visualisation du clip fixé aux feuillets [1]. Le 3D permet de voir toute la longueur du cathéter dans l’OG et dans la mitrale, alors que le 2D ne réalise que des tomographies avec lesquelles on n’identifie le cathéter que lorsqu’il passe dans le plan de coupe. L’imagerie 3D Full volume est spécialement utile avec le Doppler couleur pour localiser de manière exacte l’origine du jet de l’IM, pour en déterminer la géométrie et pour évaluer les jets résiduels après l’intervention [4]. L’obtention de bonnes images 3D couleur est toutefois rendue difficile par la présence de troubles du rythme ou de fibrillation auriculaire. En effet, les images en Full-volume requièrent une reconstruction ne s’avèrant possible qu’en apnée et en présence d’un ryhme cardiaque parfaitement régulier. La reconstitution du jet dans l’espace est particulièrement pertinente pour les IM fonctionnelles dont la régurgitation reproduit la forme de la fente qui subsiste en systole entre les feuillets, alors que le jet des IM organiques est de géométrie approximativement circulaire. Par contre, le 2D offre une résolution spatiale bien supérieure. Il est plus performant que le 3D pour visualiser la déformation en tente (tenting) du septum interauriculaire lors de sa ponction, pour suivre l’accrochage des feuillets mitraux par le clip et pour identifier le point d’insertion de ce dernier sur les feuillets [1,3]. L’ETO surveille et oriente tout le déroulement de la procédure [3,5]. D'une manière générale, l'échocardiographie doit être en phase avec les besoins de l'opérateur, non avec ceux de l'anesthésiste. Il est important d'éviter les changements de plan inutiles et d'adapter l'imagerie aux nécessités spécifiques de l'intervention. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 79 OG OG VCS VG OD OD A B © Bettex 2016 OG OG Ao VG VG C D Figure 10.35 : Images ETO bidimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™. A : effet de tente (tenting) lors de la perforation du septum interauriculaire (vue bicave 80°). B : mesure de la distance entre le point de ponction et le plan de l’anneau mitral (flèche jaune) en vue 4-cavités (0°). C : clip en position intraventriculaire, les deux bras ouverts en direction des feuillets mitraux. D : accrochage des feuillets. Contrôle de la situation anatomique pour vérifier que les critères de succès soient remplis : o IM centrale (A2-P2), d’origine non-rhumatismale ; o Surface d'ouverture de la valve d'au-moins 4 cm2 ; o Hauteur de coaptation > 2 mm ; o Distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau ≤ 11 mm (tenting height) ; o En cas de prolapsus, l’écart entre les feuillets (flail gap) doit être < 10 mm et la largeur du prolapsus (flail width) < 15 mm ; o Longueur du feuillet postérieur > 10 mm ; o Bords libres souples et non-calcifiés à l’endroit de pose du clip. Ponction trans-septale : l’ETO identifie le cathéter de ponction par le sommet de la déformation en tente du septum membraneux dans la portion médiane supéro-postérieure du septum, 3.5 – 4.0 cm au-dessus du plan de l'anneau mitral (Figure 10.35A et 10.37A). Ce repérage est aisé dans les vues combinées 4-cavités 0-20° (position en hauteur), bi-cavale 80100° (position dans l'axe cranio-caudal), et court-axe de la base 40° (position dans l'axe antéro-postérieur), ou en vues simultanées 60° et 100° en X-plane 3D. Avancement du guide de stabilisation de l'introducteur trans-septal : contrôle de son passage dans une veine pulmonaire gauche ou dans le VG, et non dans l’appendice auriculaire gauche. Avancement du clip et de son système de mise en place à travers l'introducteur : contrôle dans les plans orthogonaux de la valve mitrale, en vues bicommissurale (60°) ou long-axe (120°), et simultanément en vue basale court-axe (X-plane 3D) ; le cathéter surplombe la valve mitrale perpendiculaire à son plan (Figure 10.37B). Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 80 FA FA P1 FP P2 P3 FP A FA FP FP B © Bettex 2016 Figure 10.36 : Images ETO tridimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™ (vues auriculaires) et leurs représentations schématiques. A : vue intra-auriculaire du clip surplombant la valve mitrale (flèche); les bras sont orientés perpendiculairement à la commissure mitrale. B : une fois le clip en place et le guide retiré, les feuillets mitraux sont fixés l’un à l’autre par leur extrémité distale (A2 et P2) (flèche rouge) ; en diastole, la valve mitrale présente une double ouverture (flèches vertes). FA : feuillet antérieur ; FP : feuillet postérieur. Positionnement du système en face de la valve mitrale, à la verticale de son ouverture; le clip est orienté perpendiculairement à la commissure mitrale (Figure 10.36A). Franchissement de la valve mitrale : avancement du clip juste en amont de l’orifice de régurgitation, au centre du PISA, selon un trajet coaxial au flux mitral. Contrôle en vue 4cavités (0°), bicommissurale (60°), long-axe (120°), 3D full volume, avec et sans Doppler couleur. Contrôle de position du clip avant accrochage : le clip est maintenant en dessous de la valve mitrale, sur son versant ventriculaire ; il est ouvert : ses deux bras doivent être perpendiculaires à la ligne de coaptation de la valve, il est situé au milieu de la valve, dont les mouvements restent libres. Seule l’image radiologique permet de visualiser correctement les 2 bras du clip et leur ouverture-fermeture. Accrochage des feuillets : le cathéter est retiré en douceur pour que le clip accroche l’extrémité des feuillets, ce qui exerce une tension sur les cordages ; les éléments de fixation sont abaissés sur les feuillets. Le clip est fermé partiellement pour permettre un contrôle échocardiographique, puis on procède à la fermeture complète des bras et à l’accrochage définitif des feuillets. Contrôle de la mise en place sur les deux feuillets en vues 4-cavités 0- Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 81 20° et long-axe 120° (2D), ou en vues simultanées 40-60° et 120° (3D X-plane). La précision de l’imagerie 2D est essentielle pendant cette phase parce que la résolution du 3D est insuffisante pour visualiser la finesse de l’extrémité des feuillets mitraux. Comme complément d’information, on utilise essentiellement le 3D Zoom ; le 3D Full volume est surtout utile pour le le Doppler couleur, car la résolution est trop basse en 3D Zoom. Si l’un des feuillets est mal accroché, le clip bouge avec l’autre feuillet. Le clip peut être ré-ouvert et repositionné si nécessaire. Contrôle immédiat : stabilité du clip, présence de fuite(s) résiduelle(s), mouvement des feuillets, planimétrie du double orifice en court-axe transgastrique ou en 3D full volume (addition des 2 surfaces d’ouverture ≥ 2.5 cm2), gradient diastolique (ΔPmax ≤ 5 mmHg) identique à travers chaque orifice) (Figure 10.36B), L’importance de l’IM résiduelle doit être évaluée dans des conditions hémodynamiques normales ; il est souvent nécessaire d’administrer un vasopresseur (phényléphrine, noradrénaline) pour réaliser un test adéquat. Une fuite résiduelle de degré > 2/4 est considérée comme excessive ; le cas échéant, on peut ajouter un deuxième clip à côté du premier. Il faut contrôler au préalable qu’il existe suffisamment de tissu mitral libre pour éviter que ce clip supplémentaire ne sténose l’orifice diastolique. Il arrive que la perforation septale laisse un orifice significatif, équivalant à une CIA, mis en évidence par le flux couleur à prédominance gauche-droite. A C OG OD B D Figure 10.37 : Images ETO tridimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™. A : effet de tente (tenting) au moment de la perforation du septum interauriculaire [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308]. B : vue plongeante sur l’OG; le cathéter franchit le septum interauriculaire (SIA) et se dirige à angle droit vers la valve mitrale, visant le centre de l’ouverture diastolique [Altiok E, et al. Clin Res Cardiol 2011; 100:675-81]. C : libération du clip (flèche bleue) et retrait du cathéter (flèche rouge). D : vue depuis le VG de deux clips (C) en place sur la mitrale, laissant deux orifices (*) en diastole [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308]. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 82 Technique du MitraClip™ L’accès est une ponction percutanée de la veine fémorale. Le cathéter est introduit dans l’OG par perforation trans-septale depuis l’OD. Le clip est positionné perpendiculairement à la commissure mitrale en son milieu, puis il est descendu dans le VG. En le retirant, le clip ouvert accroche les 2 feuillets mitraux et les pince (fermeture) au niveau de A2-P2. En cas de fuite résiduelle, on peut réitérer la procédure avec un deuxième clip. La durée de l’intervention est d’environ 3 heures. L’ETO (2D et 3D) est nécessaire pour guider l’intervention dans ses différentes phases : - Vérification des critères anatomiques de faisabilité - Ponction trans-septale (vues 2D court-axe de la base 40° et bicave 100°, idem en X-plane) - Positionnement du clip en amont puis en aval de la valve mitrale (3D Zoom) - Accrochage des feuillets (vues 2D 4-cavités 20-40° et long-axe 120°), fermeture du clip - Contrôle immédiat de la position du clip (3D zoom ou couleur full volume), évaluation de l’IM résiduelle - Evaluation d’une éventuelle CIA secondaire à la ponction trans-septale avec shunt D-G Références 1 2 3 4 5 6 7 ALTIOK E, BECKER M, HAMADA S, et al. Optimized guidance of percutaneous edge-to-edge repair of the mitral valve using real-time 3D transesophageal echocardiography. Clin Res Cardiol 2011; 100:675-81 DELGADO V, KAPADIA S, MARSAN NA, et al. Multimodality imaging before, during, and after percutaneous mitral valve repair. Heart 2011; 97:1704-14 FALETRA FF, PEDRAZZINI G, PASOTTI E, et al. 3D TEE during catheter-based interventions. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308 GAEMPERLI O, MOCCETTI M, SURDER D, et al. Acute hemodynamic changes after percutaneous mitral valve repair: relation to mid-term outcomes. Heart 2012; 98:126-32 GUARRACINO F, BALDASSARRI R, FERRO B, et al. Transesophageal echocardiography during MitraClip™ procedure. Anesth Analg 2014; 118:1188-96 KLIGER C, JELNIN V, SHARMA S, et al. CT angiography-fluoroscopy fusion imaging for percutaneous transapical access. J Am Coll Cardiol Imag 2014; 7:169-77 ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography in new transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 32:2189-214 SIA Anesthésie pour MitraClip™ Modifications hémodynamiques Après une réparation mitrale, la perte de la soupape à basse pression que représente la fuite dans l’OG en systole est l’équivalent d’une augmentation de postcharge (afterload mismatch) pour le VG dès la sortie de CEC. Cette situation est particulièrement éprouvante dans le contexte d’une IM secondaire, d’une dilatation ventriculaire et d’une FE basse en préopératoire ; elle entraîne une péjoration de la fonction du VG. Ce désappariement entre la postcharge et la fonction ventriculaire survient dans 26% des cas de MitraClip™, particulièrement chez les patients dont le VG est dilaté (Dts > 60 mm, Dtd > 70 mm). Il s’accompagne d’une dysfonction droite (68% des cas) et d’une hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg). Cependant, ce phénomène est transitoire et ne modifie pas la survie à long terme (81% à 1 an) [5]. Dans les autres cas (IM structurelle, fonction du VG conservée), on assiste à une baisse de l’onde "v" de 30%, de la POG de 25%, des RAP de 24%, de la PAPm de 20% et de la PAPO de 10-20% ; l’index cardiaque augmente de 32-60% dès 5 minutes après la fermeture du clip [3,4]. La PAM reste stable. La PtdVG ne se modifie pas, probablement parce que l’accroissement de postcharge compense la baisse de précharge liée à la suppression de l’IM. D’une manière générale, l’effet hémodynamique de l’intervention est bénéfique puisque le débit cardiaque augmente dès la fermeture du clip. Le gain acquis pas la suppression de la régurgitation compense largement l’augmentation de Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 83 postcharge due à l’étanchéité de la mitrale en systole. La baisse de la PAPO est secondaire à la suppression du reflux dans les veines pulmonaires et non à une diminution de la Ptd du VG. La FE tend à diminuer parce que la boucle pression/volume s’est déplacée vers le haut (augmentation de postcharge par fermeture de l’IM) et s’est rétrécie (diminution de précharge par suppression du volume régurgité) ; le travail d’éjection (surface P•V) est pratiquement inchangé (Figure 10.38, voir aussi Figures 5.48, 5.53 et 11.57) [3]. D’une manière générale, la situation d’afterload mismatch semble donc mieux tolérée par le VG que lors d’une intervention en CEC, probablement parce que cette dernière a un effet délétère sur la fonction ventriculaire. Figure 10.38 : Boucles pression-volume (P-V) en cas d’insuffisance mitrale (IM). A : par rapport à une boucle P-V normale (en jaune), la boucle d’une IM (en rouge) est de plus grand volume à cause de la masse de sang régurgitée qui fait des allers-retours entre le VG et l’OD à chaque cycle cardiaque (VS : volume systolique). Contrairement à la situation normale où elle est verticale, la contraction isovolumétrique de l’IM est oblique parce qu’elle s’accompagne d’une éjection dans l’OG (baisse de volume ventriculaire). Emax : élastance maximale (en bleu), dont la pente représente la contractilité. Compl : courbe de compliance (en vert). B : boucle PV après réparation mitrale (en vert et jaune). Le volume systolique est diminué (suppression de la régurgitation) et la pression augmentée (postcharge plus élevée par fermeture de l’IM). La FE (VS/Vtd) tend à diminuer parce que la boucle PV s’est déplacée vers le haut et s’est rétrécie. Le travail d’éjection (surface P•V) est peu modifié : ce qui est perdu en volume est gagné en pression [Gaemperli O, et al. Heart 2012 ; 98 :126-32]. A Pression Emax Contraction isovolumétrique Normal IM Compl V0 VS VS Volume B Pression Emax Post RVM IM V0 VS’ Compl VS Volume © Chassot 2016 Technique d’anesthésie L’anesthésie générale offre les conditions optimales pour une intervention qui impose la présence d’une sonde ETO en permanence et qui nécessite une immobilité totale du patient. La sédation profonde (2-3 mg midazolam + perfusion de propofol) est parfois utilisée [6], mais l’absence de contrôle des voies aériennes en présence d’une sonde de forte taille dans l’œsophage est une situation assez risquée. La technique d'anesthésie doit remplir deux conditions essentielles: Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 84 Assurer la stabilité hémodynamique en cours d'intervention chez des malades trop compromis pour subir une CEC; Permettre un réveil et une extubation rapides. L'anesthésie et l'analgésie n'ont pas besoin d'être profondes, car la stimulation douloureuse est inexistante hormis celle d'une éventuelle réanimation. Mais la stratégie anesthésique reste guidée par les contraintes propres à l’insuffisance mitrale et aux comorbidités du malade. Précharge: maintenir la normovolémie, ce qui représente peu de volume perfusé car les pertes liquidiennes sont faibles et l’hémorragie peu importante ; il faut restreindre les apports hydrosalins en cas d’insuffisance congestive, et éventuellement ajouter la nitroglycérine. Postcharge: elle doit rester basse pour diminuer l’IM ; RAS abaissées par isoflurane, éventuellement phentolamine ou nitroprussiate. Veiller à rétablir une PAM ≥ 80 mmHg lors du contrôle des fuites résiduelles (test de charge avec phényléphrine ou nor-adrénaline). Contractilité: elle doit être épaulée selon besoin par des agents inotropes positifs sans effet alpha (dobutamine, milrinone + adrénaline) ; dans la phase aiguë peropératoire, le lévosimendan est d’action trop lente. Fréquence: maintenir 70-80 batt/min parce que la bradycardie augmente le temps de remplissage et le volume ventriculaire, donc fait courir le risque de dilatation aiguë du VG. L’IM ayant lieu en systole, la variation de la fréquence modifie peu sa durée. La procédure déclenche fréquemment une FA et/ou des épisodes de TV; lorsqu'ils sont mal supportés hémodynamiquement, prévoir des antiarythmiques (lidocaïne, amiodarone). En cas de fibrillation ventriculaire, défibriller par les patches cutanés fixés au malade. Ventilation en pression positive : bénéfique pour la fonction du VG et pour la réduction de l’IM ; prévoir l’extubation en fin d’intervention. Le choix de la technique anesthésique est déterminé par l’état du malade (degré d’IM, fonction ventriculaire, comorbidités) et par la faible invasivité de la procédure [1,3]. Equipement et monitorage : ECG, PetCO2, SpO2, cathéter artériel, voies veineuses périphériques, voie veineuse centrale 3-lumières (si FE < 35%), sonde urinaire, ETO (sonde 3D), patches de défibrillateur. La POG est mesurée par l’introducteur trans-septal. L’utilisation d’un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz n’est pas requise. L’induction peut être réalisée au moyen de plusieurs agents, mais l’étomidate garantit une stabilité hémodynamique optimale. Le propofol est régulièrement utilisé à dosage réduit dans les cas non-décompensés. Le midazolam assure une bonne sédation mais peut retarder l’extubation. L’adjonction de fentanyl ou de sufentanil diminue la réponse sympathique, mais doit rester modeste. Le rémifentanil en perfusion à faible dose est bien adapté au réveil rapide et à l'absence de douleurs postopératoires. Maintien de l’anesthésie : la perfusion de propofol et de rémifentanil (TIVA) est la technique la plus courante; l’isoflurane et le sevoflurane ont l'avantage de baisser les RAS; le desflurane est déconseillé (↑ RAS et ↑ RAP). Prévention de l’hypothermie. La normoventilation (FiO2 0.5-0.8) est assurée par le respirateur en IPPV ; elle est momentanément interrompue pendant les phases où une stricte immobilité est requise. La curarisation n'est nécessaire que pour l'intubation. Le dosage des agents d’anesthésie reste modeste, car la stimulation douloureuse est quasiinexistante et l'extubation doit être immédiate. L’anticoagulation par héparine non-fractionnée (100 UI/kg) est débutée dès la canulation veineuse fémorale ; l’ACT recherché est 250-300 secondes. L’effet est renversé avec de la protamine en fin d’intervention. Anti-agrégants : aspirine 250 mg iv en début d’intervention ; aspirine (100 mg/j) et clopidogrel (75 mg/j) débutés per os le lendemain matin ; la bithérapie est continuée pour 3-6 mois, suivie d’aspirine seule à vie. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 85 Maintenir la contractilité si nécessaire (la détérioration de la fonction systolique est masquée par l’IM) : • Préférence à la dobutamine ; • Milrinone (± adrénaline) si HTAP, dilatation ou défaillance chronique du VG ; • Quoiqu’adéquat, le lévosimendan est d’action trop lente. Les arythmies (FA, TV) sont courantes parce que les cathéters stimulent mécaniquement la paroi des cavités; ces épisodes disparaissent dès que la manipulation cesse. Lorsqu'ils se prolongent ou compromettent l'hémodynamique, adminsitrer du Mg2+, de la lidocaïne et/ou de l'amiodarone. Les patients sont extubés sur table ou dans la première heure aux soins intensifs. Selon la sélection des patients, 25-75% d’entre eux réclament un support inotrope, et 10-15% sont transfusés [39a,56a]. Ils se répartissent en 3 catégories [2] : Suites postopératoires simples (environ 20% des cas) ; Complications mineures (hémorragie, insuffisance ventriculaire passagère, etc) ; Suites complexes avec support hémodynamique (CPIA, ECMO), insuffisance polyorganique, etc (environ 15%). La durée moyenne du séjour en soins intensifs/soins continus est de 22 heures et celle de l’hospitalisation de 4.5 jours [1,2,7]. Anesthésie pour plastie mitrale percutanée Hémodynamique recherchée: - Volémie normale - RAS basses, sauf pour le test de charge (contrôle des fuites résiduelles) - Stimulation inotrope sans effet alpha (amines β, inodilatateurs) - Fréquence normale, mais arythmies fréquentes (FA, TV) déclenchées par les manipulations intracardiaques Le choix de la technique d'anesthésie est déterminé par l'état hémodynamique du malade, par la faible stimulation de la procédure et par l'extubation immédiate du patient - Induction: propofol (cas stables) ou étomidate (cas décompensés) - Maintien: perfusion propofol/rémifentanil (cas stables), ou isoflurane (cas décompensés) - Curarisation: seulement pour l'intubation - Réveil et extubation dans la première heure L’augmentation de postcharge gauche représentée par la fermeture de la fuite mitrale est bien tolérée dans 75% des cas. Références 1 2 3 4 5 CHIH HN, KEONG YK, KIAN HV, et al. Anesthesia management for MitraClip device implantation. Ann Card Anaesth 2014; 17:17-22 DI PRIMA AL, COVELLO DR, FRANCO A, et al. Do patients undergoing MitraClip implantation require routine ICU admission ? J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1479-83 GAEMPERLI O, MOCCETTI M, SURDER D, et al. Acute hemodynamic changes after percutaneous mitral valve repair: relation to mid-term outcomes. Heart 2012; 98:126-32 KOTTENBERG E, DUMONT M, FREY UH, et al. The minimally invasive MitraClip™ procedure for mitral regurgitation under general anaesthesia: immediate effects on the pulmonary circulation and right ventricular function. Anaesthesia 2014; 69:860-7 MELISURGO G, AJELLO S, PAPPALARDO F, et al. Afterload mismatch after MitraClip insertion for functional mitral regurgitation. Am J Cardiol 2014; 113:1844-50 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 86 6 7 RASSAF T, BALZER J, ZEUS T, et al. Safety and efficacy of deep sedation as compared to general anaesthesia in percutaneous mitral valve repair using the MitraClip™ system. Catheter Cardiovasc Interv 2014; 84:E38-E42 TARAMASSO M, MAISANO F, DENTI P, et al. Percutaneous edge-to-edge repair in high-risk and elderly patients with degenerative mitral regurgitation: midterm outcomes in a single-center experience. J Thorac Cardiovasc Surg 2014; 148:2743-50 Autres plasties mitrales percutanées Bien que le MitraClip™ soit actuellement le système le plus utilisé et le plus performant, d’autres techniques sont constamment mises au point. L’introduction d'un arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™, Monarc™, PTMA™), qui s'ancre dans le vaisseau et enserre l'anneau mitral sur les 2/3 de sa circonférence, permet de rétrécir ce dernier (Figure 10.39A). Le stress de torsion exercé sur la structure est tel que les fractures du matériel ne sont pas rares. D'autre part, le système peut comprimer l'artère circonflexe qui chemine à côté du sinus, ou prolaber dans l’OG si le sinus est distant de l’anneau mitral, car son trajet est variable selon les individus. Le taux de succès global est ≤ 60%; la réduction du volume régurgité est de l'ordre de 30% [3]. On n’a que peu d’expérience avec ce système, qui n’a pas eu la faveur des cardiologues interventionnels. L’entreprise qui fabrique le Carillon™ a cessé son activité fin 2011. Le CardioBand™ (Valtech) reproduit un anneau mitral prothétique tel qu’il est implanté chirurgicalement mais en l’introduisant dans l’OG par voie veineuse et trans-septale, et en le plaçant autour de l’insertion du feuillet postérieur, sur son versant auriculaire. La prothèse est fixée par voie percutanée au moyen de microvis implantées dans l’anneau mitral ; elle est ensuite cintrée en réglant un tenseur interne de manière à réduire autant que possible l’IM (Figure 10.39B). La réduction dans l’axe septo-latéral est de l’ordre de 30% [1,2]. Figure 10.39 : Autres systèmes de plastie mitrale percutanée. A : arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™) avec son système d’ancrage qui se déploie proximalement et distalement lorsque la courbure est réalisée [Feldman T, et al. J Am Coll Cardiol 2011; 57:529-37]. B : système CardioBand™, anneau implanté par vissage dans l’anneau mitral et secondairement cintré par un tenseur interne [Feldman T, et al. J Am Coll Cardiol 2014; 63:2057-68]. A B Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 87 Le système Mitralign™, introduit dans le VG par voie rétrograde trans-aortique, réalise une plicature de l’anneau mitral par insertion de points ancrés sur des pledgets en regard des deux commissures. Autres techniques de plastie mitrale percutanée Différents dispositifs existent, moins utilisés que le MitraClip™ - Arceau dans le sinus coronaire (abandonné) - Anneau mitral implanté, avec tenseur interne Références 1 2 3 HERRMANN HC, MAISANO F. Transcatheter therapy of mitral regurgitation. Circulation 2014; 130:1712-22 MAISANO F, VANERMEN H, SEEBURGER J, et al. Direct access transcatheter mitral annuloplasty with a sutureless and adjustable device: preclinical experience. Eur J Cardiothorac Surg 2012; 42:524-9 SCHOFER J, SIMINIAK T, HAUDE M, et al. Percutaneous mitral annuloplasty for functional mitral regurgitation. Results of the CARILLON mitral annuloplasty device European Union study. Circulation 2009; 120:326-33 Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 88 Autres interventions valvulaires sans CEC L’imagination débordante des ingénieurs et des cliniciens produit constamment de nouvelles technologies qui visent à réaliser de manière non-invasive ce qu’accomplit la chirurgie à ciel ouvert et à cœur arrêté. Nous ne mentionnons ici que quelques-unes de ces innovations, pour la plupart encore au stade de prototype, mais dont le marché est en pleine expansion. PVM transapicale Par voie transapicale, on peut introduire des cordages artificiels suturés au bord externe du feuillet prolabant et fixés à l’apex du VG ; leur tension est réglée de manière à faire disparaître la fuite mitrale à l’ETO (NeoChord™) [3]. Le système V-Chordal™ s’implante par voie trans-septale dans la tête du muscle papillaire ; il évite ainsi de devoir procéder à une incision transapicale par thoracotomie [6]. Le MitraSpacer™ est un système d’occlusion partiel de la valve mitrale qui flotte entre les deux feuillets et qui est ancré à l’apex du VG ; il offre un appui central aux feuillets pour assurer leur occlusion en systole [6]. MitraAssist Medical Ltd développe une espèce de feuillet postérieur artificiel implantable de manière non-invasive, qui sert de butée au feuillet antérieur pour assurer l’occlusion de la valve en systole [6]. RVM percutané/transapical Le succès du TAVI a poussé à transposer la technique d’implantation par cathétérisme à la valve mitrale, mais les problèmes sont plus importants dans cette localisation : largeur de la valve, noncircularité de l’anneau, danger d’obstruction de la chambre de chasse, nécessité de conserver l’appareil sous-valvulaire, risque plus important des fuites paravalvulaires résiduelles (hémolyse) [6]. Les premiers essais se sont portés sur l’implantation de prothèses aortiques dilatées au ballon à l’intérieur de bioprothèses mitrales dégénérées (voir valve-in-valve). Plusieurs modèles de bioprothèses sont actuellement disponibles pour la mise en place sur une valve mitrale native (Figure 10.40). CardiaQ™ : bioprothèse en péricarde bovin montée sur une armature auto-expansible, ancrée par des crochets et placée en position supra-annulaire dans l’OG ; Tiara™ : bioprothèse en péricarde bovin dont la forme en "D" reproduit celle de l’anneau mitral et évide l’obstruction de la CCVG ; Endovalve™ : bioprothèse stentless dont l’armature en nitinol s’agrippe à l’anneau mitral en fonction de sa forme et de sa taille ; Fortis™, Lutter Tendyne™ : bioprothèses en péricarde bovin implantées par voie transapicale. "Valve-in-valve" La dégénérescence des bioprothèses valvulaires chirurgicales (20-30% à 10 ans) oblige souvent à les remplacer ; cette réopération est grevée d’une mortalité de 5 à 23% [9]. Pour diminuer ce risque, il est possible d’utiliser la même technique que le TAVI en plaçant une nouvelle prothèse à l’intérieur de la première (technique valve-in-valve). On peut aussi corriger une plastie mitrale défaillante de la même manière (technique valve-in-ring), mais la forme en "D" de l’anneau prothétique complique la congruence d’une nouvelle valve qui est circulaire. La taille de la néo-prothèse est choisie en fonction du diamètre interne de l’ancienne prothèse. Malheureusement, il est souvent difficile de connaître cette mesure avec exactitude parce que les fabriquants n’utilisent pas tous le même codage dans la taille des valves qu’ils produisent. Il n’existe d’ailleurs aucune standardisation à ce sujet (les références 1 et 4 donnent les valeurs mesurées du diamètre des principales bioprothèses sur le marché). D’autre part, des calcifications ou un pannus peuvent réduire l’ouverture de la prothèse dégénérée et compliquer la Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 89 pose de la nouvelle. Habituellement, la valve choisie est surdimensionnée de 10% par rapport au diamètre interne de l’ancienne [4]. L’apport de l’ETO est essentiel pour l’examen de l’ancienne prothèse (destruction de feuillet, présence d’endocardite, de pannus, de thrombus ou de fuite paravalvulaire), pour le positionnement de la nouvelle et pour son évaluation post-implantation. Une fuite paravalvulaire autour de la prothèse primitive a peu de chance d’être améliorée par l’implantation d’une nouvelle valve [4]. A C B D Figure 10.40 : Bioprothèses mitrales pour implantation par cathéterisme transapical. A : valve CardiaQ™ (Edwards). B : valve Tiara™ (Neovasc). C: valve FORTIS™ (Edwards). D: valve Lutter™ (Tendyne) [Herrmann HC, et al. Circulation 2014; 130:1712-22]. Pour la valve aortique, la voie transapicale sous anesthésie générale est choisie dans 40% des cas ; elle facilite le passage à travers une prothèse sténosée [4]. L’imagerie ETO tridimensionnelle offre la possibilité de mesurer le diamètre interne de l’ancienne valve, de localiser les ostia coronariens et de vérifier la présence d’un pannus ou d’une éventuelle fuite paravalvulaire. Le risque d’occlusion coronaire est deux fois plus élevé que dans le TAVI primaire [2]. La deuxième prothèse, le plus souvent SAPIEN™ ou Melody™, rarement CoreValve™, est positionnée de manière à ce que sa partie non-recouverte soit en position supra-annulaire en amont de la première. A l’image, l’anneau de la néo-valve est environ 5 mm en-dessous de celui de l’ancienne prothèse [9]. La dilatation de la valve au ballon se fait sous la protection d’un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/min). Le taux de malpositionnement est de 12%, la mortalité de 8%, le risque d’obstruction coronaire de 2% et celui d’ictus de 1.4% [9]. Le gradient transvalvulaire moyen est de 9-23 mmHg (moyenne 15 mmHg), ce qui est plus élevé que lors de l’intervention primitive ; de ce fait, le taux de non-appariement entre la Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 90 prothèse et l’aorte du patient (prosthesis-patient mismatch) est de 32%. Le taux de fuite paravalvulaire, par contre, est bas (4%) [4,7]. Pour la valve mitrale, la voie d’abord préférentielle est la voie transapicale sous anesthésie générale. Les deux valves les plus souvent implantées sont les valves SAPIEN XT™ et Melody™. Le taux de succès est de 94%, la mortalité de 8%, le risque d’obstruction de la CCVG de 8% et celui d’ictus de 2.5% [9]. Le gradient transvalvulaire moyen est de 6.3 mmHg. Une anticoagulation permanente est requise car le risque de thrombose est significatif. Conduit apico-aortique Dans certaines circonstances où un RVA est requis mais les options chirurgicales et non-invasives exclues, on désire malgré tout éviter une CEC, un clampage aortique et une dissection intrapéricardique : Reprise après de multiples opérations cardiaques ; Athéromatose étendue de l’aorte ascendante, aorte porcelaine ; Comorbidités contre-indiquant une CEC (cirrhose hépatique, pathologie de la coagulation) ; Pathologie contre-indiquant une implantation aortique trans-cathéter (TAVI). En cas de sténose aortique serrée, il est possible de court-circuiter la racine aortique sans toucher à la valve au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse valvulaire ; ce tube est implanté d’un côté dans l’apex du VG (comme une canule d’assistance ventriculaire gauche) et anastomosé de l’autre en termino-latéral sur l’aorte descendante. En systole, le volume sanguin du VG est éjecté essentiellement dans le conduit. Le flux de ce dernier vascularise la crosse aortique a retro, ce qui peut provoquer une zone de stase au niveau de la rencontre de ce flux avec celui éjecté à travers la valve aortique native. Dans l’aorte distale, le flux est normal. L’opération se pratique par thoracotomie gauche sans CEC. En l’absence de CEC, l’anesthésie générale peut être combinée à une analgésie péridurale thoracique haute, d’autant plus indiquée que la thoracotomie est une voie d’abord douloureuse. Si la péridurale n’est pas réalisable, on peut procéder à des blocs paravertébraux ou à des blocs intercostaux. La technique d’anesthésie comporte quelques particularités [8]. Installation en décubitus latéral droit, bras gauche au zénith, bassin incliné à 45° pour permettre une canulation fémorale si nécessaire ; Patches de défibrillateur externe ; Tube endotrachéal à 2-lumières (tube endobronchique gauche) et ventilation monopulmonaire ; Monitorage : cathéter artériel, voie veineuse centrale et/ou cathéter pulmonaire de Swan-Ganz, échocardiographie transoesophagienne ; Respect d’une normothermie rigoureuse (36-37° C) permettant une extubation rapide ; Anticoagulation par héparine pour un ACT 150-250 secondes ; Position de Trendelenburg pendant la canulation apicale du VG pour limiter le risque d’embolie gazeuse ceérébrale ; Deux épisodes d’hypotension artérielle contrôlée (PAsyst < 80 mmHg) pendant la canulation apicale et pendant le clampage latéral de l’aorte descendante (bolus de phentolamine, éventuellement pacing ventriculaire rapide). La mise en place de la canule apicale rigide s’accompagne de modifications électrocardiographiques (élévation du segment ST) et d’arythmies ventriculaires, en général contrôlées par de l’amiodarone ou de la lidocaïne. L’administration prophylactique de magnésium peut être utile. La réexpansion pulmonaire en fin d’intervention doit être soigneuse mais doit éviter de déplacer ou de couder le Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 91 conduit avec des manœuvres excessives. L’amélioration hémodynamique n’est pas immédiate ; un soutien inotrope est nécessaire dans le postopératoire. L’ETO est très utile pour exclure une contre-indication à la technique, comme un thrombus apical du VG, un anévrysme ventriculaire, une insuffisance aortique ou des plaques athéromatoses de l’aorte descendante. En peropératoire, l’ETO est un monitorage précieux de la fonction ventriculaire, de la volémie et de l’ischémie myocardique. Il est de plus nécessaire pour la surveillance du système mis en place. Positionnement correct de la canule apicale, dirigée vers le centre de la cavité ventriculaire et non vers le septum ; Intégrité de l’appareil sous-valvulaire mitral, développement d’une IM nouvelle ou modification de l’importance d’une IM pré-existante ; En cas d’IM, détection du mécanisme : gêne mécanique, ischémie, dilatation du VG ; Dissection de l’aorte descendante ; Embolisation gazeuse, air résiduel dans le VG, contrôle du débullage ; Mise en évidence du flux dans le conduit au Doppler couleur et spectral ; o Flux dans la canule apicale, qui s’éloigne du capteur oesophagien en vues rétrocardiaques (0°, 90° et 20°) ; o Comme le conduit entre perpendiculairement dans l’aorte descendante, son flux est dirigé vers le capteur au niveau de son anastomose (vues 0° et 90° de l’aorte descendante) ; Documentation d’une éventuelle zone de stase dans la crosse au niveau de la rencontre entre le flux rétrograde du conduit et le flux antérograde de l’éjection à travers la valve aortique. Interventions hybrides Il s’agit d’interventions qui combinent la chirurgie à cœur ouvert en CEC et des techniques inspirées de la technologie percutanée. Par exemple, au lieu de placer un anneau souple ou rigide mais statique lors d’une plastie chirurgicale de la valve mitrale, on peut implanter un anneau dynamique (enCor Dynaplasty™, CardinalRing™) qui contient un système de tenseur interne permettant de cintrer l’anneau à souhait. Cet ajustement se fait après la sortie de pompe, ou même dans les mois postopératoires par un accès percutané à demeure [6]. Autres interventions valvulaires sans CEC Plastie mitrale transapicale : cordages artificiels, ballon-appui pour les feuillets mitraux, feuillet postérieur artificiel. Remplacament mitral percutané/transapical par des bioprothèses analogues à celles du TAVI mais dimensionnées pour la valve mitrale. Procédure valve-in-valve (voie transapicale) : implantation d’une prothèse transcutanée à l’intérieur d’une bioprothèse dégénérée (position aortique ou mitrale). Conduit apico-aortique : court-circuit de la voie d’éjection du VG par un conduit en Dacron muni d’une prothèse valvulaire reliant l’apex du VG à l’aorte descendante. Au lieu de passer par la valve aortique sévèrement sténosée, le volume systolique est éjecté dans l’aorte en direction céphalique de manière rétrograde et en direction caudale de manière antérograde. Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 92 Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 BAPAT VN, ATTIA R, THOMAS M. Effect of valve design on the stent internal diameter of a bioprosthetic valve. J Am Coll Cardiol Interv 2014; 7:115-27 DVIR D, LEIPSIC J, BLANKE P, et al. Coronary obstruction in transcatheter aortic valve-in-valve implantation: preprocedural evaluation, device selecion, protection, and treatment. 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BETTEX Professeure, Faculté de Médecine, Université de Zürich Cheffe du Service d’Anesthésie Cardiovasculaire, Institut für Anästhesiologie, Universitätspital Zürich (USZ), CH - 8031 Zürich Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 95