410 Coeur battant 16 - Précis d`anesthésie cardiaque

publicité
PAC
•
Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 10
ANESTHESIE
POUR LA CHIRURGIE CARDIAQUE
A COEUR BATTANT
Mise à jour: Avril 2016
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
1
Table des matières
Pontages aorto-coronariens (OPCAB)
Résultats chirurgicaux
Perturbations hémodynamiques
Stratégies chirurgicales
Ischémie myocardique peropératoire
Anticoagulation
Techniques de surveillance
Prise en charge hémodynamique
Technique d’anesthésie
Résumé
Le MIDCAB
Laser transmyocardique
Mécanisme d’action et résultats
2
3
9
15
19
24
25
32
35
38
40
41
41
Technique d’anesthésie
Implantation valvulaire aortique (TAVI)
Indications et résultats
Technique d’implantation
Anesthésie
Plastie mitrale percutanée
Indications et résultats (MitraClip™)
Technique/imagerie du MitraClip™
Anesthésie pour MitraClip™
Autres plasties percutanées
Autres interventions valvulaires sans CEC
Lectures conseillées, Recommandations
Auteurs
43
45
45
51
67
72
72
78
83
87
89
94
95
Pontages aorto-coronariens à coeur battant (OPCAB)
Le pontage aorto-coronarien (PAC) est l'opération cardiaque la plus fréquemment pratiquée dans les
pays occidentaux, bien que les interventions coronariennes percutanées (PCI) avec pose de stent en
aient réduit la portée. Depuis une vingtaine d’années, un intérêt considérable s'est manifesté en
chirurgie pour le pontage aorto-coronarien à coeur battant (Off-pump coronary artery bypass ou
OPCAB), dans l’espoir de diminuer la morbidité liée à la CEC et d’offrir une opération simplifiée face
à la concurrence de la cardiologie. L’intérêt de l’OPCAB est d’éviter l’arrêt par cardioplégie, la
canulation de l’aorte ascendante, l’héparinisation complète et le contact du sang avec des surfaces
étrangères. En diminuant les coûts et en raccourcissant le séjour hospitalier, la revascularisation à
coeur battant pourrait offrir de meilleurs résultats à long terme que la PCI tout en étant moins invasive
que les PAC conventionnels [7]. Cette technique, imaginée et pratiquée en 1964 déjà par V. Kolesov
(1904-1992) à Leningrad [6], a été régulièrement pratiquée pendant 30 ans dans des pays n’ayant pas
eu un accès facile aux technologies extracorporelles (Argentine, Brésil, Inde, Turquie). Le pontage à
coeur battant s'est développé selon deux axes différents.

Une petite thoracotomie antérieure gauche permet une intervention isolée sur l'IVA
(Minimally invasive direct access coronary artery bypass ou MIDCAB) ; cette pratique
n'autorise que l'anastomose d'un seul vaisseau, est techniquement difficile, et donne des
résultats suboptimaux [8].
 L'introduction de techniques sophistiquées d'exposition et de stabilisation a permis de
revasculariser les trois vaisseaux coronariens par une sternotomie médiane classique sans
l'appui d'une CEC, avec prélèvement d’une ou des deux artères mammaires internes [1,2,5].
Après une période d'enthousiasme, l’opinion chirurgicale reste divisée sur la pratique de l’OPCAB :
certains centres y sont réticents, alors que d’autres ont quasiment abandonné la CEC pour la chirurgie
coronarienne [3,4]. En Europe et en Amérique du Nord, la proportion moyenne de pontages réalisés à
coeur battant est de 15-20% du nombre total de PAC, mais en Asie et en Amérique du Sud, elle
dépasse 60% [9]. Dans ce chapitre, on entend par cœur battant les opérations réalisées sans CEC,
sachant que de nombreux centres pratiquent les PAC sans cardioplégie et sans arrêt cardiaque mais
avec le soutien d’une CEC.
Références
1
BERGSLAND J, KARAMANOUKIAN HL, SOLTOSKI PR, SALERNO TA. "Single suture" for circumflex exposure in offpump coronary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 1999; 68: 1428-30
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
2
2
BORST C, JANSEN EW, TULLEKEN CA, et al. Coronary artery bypass grafting without cardiopulmonary bypass and without
interruption of native coronary flow using a novel anastomosis site restraining device ("Octopus"). J Am Coll Cardiol 1996; 27:
1356-64
FLOYD T, FLEISHER LA. Off-pump coronary artery bypass and the hypothesis from which it grew: Is it yet to be tested ? What
are the downsides of the lingering questions ? Anesthesiology 2005; 102:3-5
HANNAN EL, WU C, SMITH CR, et al. Off-pump versus on-pump coronary artery bypass graft surgery. Differences in shortterm outcomes and in long-term mortality and need for subsequent revascularization. Circulation 2007; 116:1145-52
JANSEN EW, BORST C, LAHPOR JR, et al. Coronary artery bypass grafting without cardiopulmonary bypass using the octopus
method: results in the first one hundred patients. J Thorac Cardiovasc Surg 1998; 116: 60-7
KOLESOV VI. Mammary artery-coronary artery anastomosis as method of treatment for angina pectoris. J Thorac Cardiovasc
Surg 1967; 54: 535-44
SERRUYS PW, MOICE MC, KAPPETEIN AP, et al. Percutaneous coronary intervention versus coronary artery bypass grafting
for severe coronary artery disease. N Engl J Med 2009; 360:961-72
STANBRIDGE RD, HADJINIKOLAOU LK. Technical adjuncts in beating heart surgery comparison of MIDCAB to off-pump
sternotomy: a meta-analysis. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 16 Suppl 2: S24-33
TAGGART DP, ALTMAN DG. Off-pump vs. on-pump CABG: are we any closer to a resolution? Eur Heart J 2012; 33:1181-3
3
4
5
6
7
8
9
Résultats chirurgicaux de l’OPCAB
Malgré la faible mortalité des PAC conventionnels (0.5-2%), on reste alerté par les complications
systémiques et neurologiques, dont une bonne partie est attribuée à la CEC. Eliminer cette dernière
devrait réduire ces complications. Malheureusement, la comparaison entre l’OPCAB et les PAC en
CEC est difficile car elle est pénalisée par quatre facteurs importants.

La technique chirurgicale de l'OPCAB est plus délicate que celle des PAC en CEC. Dans les
premières années, le nombre d'anastomoses réalisées était inférieur à celui des interventions
conventionnelles, ce qui affecte la comparaison des résultats. Par rapport à la technique
conventionnelle, l’OPCAB réclame davantage d’habileté chirurgicale, de rigueur stratégique
et de travail d’équipe entre chirurgien et anesthésiste.
 Les centres qui pratiquent couramment l’OPCAB, notamment sans implantation aortique des
pontages (no-touch total arterial graft), affichent des résultats nettement supérieurs à ceux qui
ne pratiquent qu’occasionnellement la revascularisation à coeur battant (odds ratio pour
mortalité et complications : 0.5) [32,39]. Leurs études comparatives avec les PAC en CEC
donnent des résultats plus favorables que ceux des études multicentriques qui englobent de
nombreuses institutions peu investies dans l’OPCAB.
 Alors que les nombreuses études comparatives observationnelles donnent des résultats plus
favorables pour l’OPCAB, les études contrôlées et randomisées entre OPCAB et PAC ne
montrent souvent que peu de différences entre les deux techniques [22].
 Si l’OPCAB fait une différence, c’est probablement dans les populations à haut risque,
notamment chez les personnes âgées, les malades à haut risque hémorragique et les
insuffisants multi-organiques [52].
La comparaison de 13'889 OPCAB avec 35’941 PAC en CEC (New York State Hospitals 2001-2004)
démontre une baisse de mortalité à 1 mois pour l’OPCAB (OR 0.81), mais pas de différence à 3 ans
(OR 1.08) [25]. Dans une analyse du National Adult Cardiac Surgery Database (NACSD), la
mortalité ajustée au risque décroît de 2.9% (PAC conventionnels) à 2.3% (OPCAB) [16]. Dans l’étude
PREVENT IV, la mortalité à 1 an baisse de 3.3% pour les PAC à 2.5% pour l’OPCAB [41]. Cette
baisse de mortalité est constatée dans une méta-analyse [33], mais quatre autres ne trouvent aucune
différence dans la survie jusqu’à 5 ans [1,14,22,44]. Il en est de même pour de grands essais
randomisés [28,36,41,45,47,50]. Cette discordance s’explique probablement par le fait que l’OPCAB
ne modifie pas la mortalité opératoire chez les malades à bas risque, mais la diminue significativement
(OR 0.6) chez les patients à haut risque [52]. Il semble donc que le coeur battant n'impose pas un
risque supplémentaire au malade, mais tend à diminuer la mortalité dans les centres très à l’aise avec
la technique [43,50].
En terme de morbidité, le tableau est plus complexe, mais il en ressort quelques tendances
significatives [29].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
3









L'hémorragie peropératoire, le besoin en érythrocytes ou en dérivées sanguins et le risque de
reprise pour hémostase sont nettement diminués dans la quasi-totalité des séries. Dans la
plupart des études comparatives, le risque de transfusion décroît de 30-50% à coeur battant
[14,34,36]. Il est possible d’opérer des malades sous antiplaquettaires (aspirine et clopidogrel)
sans augmentation significative du risque hémorragique [67].
Le taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) postopératoires est en général abaissé (OR
0.48-0.73) [1,22,25,34,41,49,50]. Dans les cas d'athéromatose étendue de l'aorte ascendante, il
est probable que seule l'absence totale de manipulation de l'aorte (no-touch technique), en
procédant à des greffons entièrement artériels à cœur battant, peut diminuer significativement
l'incidence d'ictus (p < 0.001) [8,10,24,39]. Ce résultat ne se retrouve pas lorsque l’aorte est
saine [14,15,56].
Les troubles neuropsychologiques cognitifs ne semblent pas être atténués de manière
significative après OPCAB [20,64,68]. Même si le taux de micro-embols cérébraux est
clairement diminué, celui des troubles cognitifs ne l’est pas, tout au moins pas à long terme
[14,27].
L'OPCAB démontre une tendance à mieux préserver le myocarde et à diminuer les
évènements cardiaques postopératoires: diminution du taux de troponine I et de CK-MB, de
l'incidence de fibrillation auriculaire, et du besoin en agents inotropes [3,4,13,14,44,46,60].
Toutefois, l'incidence d'infarctus postopératoire tend à augmenter, et n’est diminuée que dans
certaines séries [22,41,65] ; dans les méta-analyses, il est équivalent [1,14,22,34,44].
L'absence de CEC atténue, mais ne supprime pas, la libération postopératoire des marqueurs
du syndrome inflammatoire systémique (SIRS) [5,17,19,35,42].
La durée de ventilation postopératoire, la durée de séjour en soins intensifs et la durée du
séjour hospitalier sont en général raccourcies après OPCAB. Ajouté à l’absence de CEC, ce
fait réduit le coût global de l'intervention [7,51,53] ; toutefois, une série américaine et une
série chinoise ne confirment pas cette donnée [15,28].
Les personnes âgées semblent particulièrement bénéficier de la revascularisation à coeur
battant : la mortalité et le taux d’AVC sont significativement abaissés chez les octogénaires
[12,18,30,33,34,48,62].
Le genre féminin pourrait bénéficier de l’OPCAB, qui entraîne significativement moins de
morbidité que les PAC chez les femmes (OR 2.07) [50].
Le taux global d’insuffisance rénale ou respiratoire est le plus souvent abaissé, en général par
un facteur de 0.2 à 0.5, bien que les études portant sur des sujets à bas risque ne trouvent pas
de différence [1,16,24,34,36,45,50].
Comme les anastomoses à coeur battant sont techniquement plus délicates, on peut craindre que les
résultats de la revascularisation soient moins bons, et que le nombre d'anastomoses réalisées soit plus
faible, donc la revascularisation incomplète. Cependant, la perméabilité des greffons à 30 jours (9499%) tend à devenir identique à celle des pontages en CEC lorsque l'équipe chirurgicale et
anesthésique a passé sa courbe d'apprentissage et devient bien rôdée à la technique [11,52]. Par contre,
elle n’est jamais meilleure. On dispose actuellement de nombreuses études contrôlées et randomisées
pour comparer la perméabilité des greffons à moyen terme (3 mois) et à long terme (1, 3 et 5 ans)
entre OPCAB et PAC en CEC. Elles démontrent soit une égalité, soit une légère infériorité de
l’OPCAB.

Plusieurs études ne démontrent aucune différence dans la qualité des anastomoses à trois mois
et à un an [38,40,41,47,54]. Dans l'étude SMART (200 patients randomisés opérés par le
même chirurgien), la perméabilité des greffons à 30 jours (98%) et à un an (94%) est identique
entre les deux groupes [54]. Dans l’étude PREVENT IV, le taux de sténose à 1 an de > 75%
de la lumière des pontages veineux est identique (25%) [41]. La revue de 12'812 cas et une
méta-analyse de deux essais contrôlés ne décèlent aucune influence du type de chirurgie et du
nombre de greffons sur la survie à 3, 5 et 10 ans [2,38]. Le suivi à 7.5 ans de l’étude SMART
ne montre aucune différence à long terme dans la perméabilité des greffons, le taux
d’ischémie résiduelle, le taux de réintervention et la mortalité [55].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
4

D’autres travaux ont prouvé une baisse de la qualité des anastomoses. Dans une cohorte
prospective de 6'000 patients, le taux de reprises pour revascularisation secondaire et le taux
d’infarctus sont plus élevés chez les OPCAB, bien que la mortalité ne présente pas de
différence [28]. Dans un essai randomisé de 4'752 patients, le taux de re-pontages précoces
passe de 0.2% (PAC) à 0.7% (OPCAB) [36] ; à 1 an, la différence s’est amenuisée : le taux de
ré-opération n’est que de 1.2% (PAC) et de 1.6% (OPCAB) [37]. Une autre étude randomisée
a trouvé que la perméabilité à trois mois des pontages à coeur battant (88%) est inférieure à
celle des pontages réalisés en CEC (98%) [31]. Une analyse des résultats à 3 ans met en
évidence un taux de revascularisation secondaire de 6.4% pour les PAC mais de 10.1% pour
les OPCAB [25]. Dans une autre étude, la perméabilité des pontages à 1 an des OPCAB
(82.6%) est sensiblement inférieure à celle des PAC (87.8%) [59]. Dans une série randomisée,
la perméabilité à 1 an des pontages veineux est plus faible dans le groupe OPCAB (49%) que
dans celui des PAC en CEC (59%), mais ce taux est particulièrement bas pour les deux
méthodes, ce qui sous-entend des problèmes de technique chirurgicale [66]. Cette différence
ne se retrouve pas dans les pontages artériels. Dans l’essai ROOBY, la perméabilité chute de
91% (PAC) à 86% (OPCAB) pour les pontages artériels et de 80% à 73% pour les pontages
veineux ; le taux de revascularisation complète passe de 64% à 50% [26]. Dans cet essai, les
piètres résultats de l’OPCAB tiennent essentiellement au fait que les interventions sont
conduites par des chirurgiens en formation (trainees), qui sont au bas de leur courbe
d’apprentissage.
 Comparé à la PCI avec pose de stent, l’OPCAB diminue le taux de resténose à 6 mois (OR
0.31) et celui de revascularisation secondaire à 1 et 5 ans (OR 0.24) [6].
Lorsqu’il est bien conduit, un pontage à cœur battant donne donc des résultats identiques ou
sensiblement meilleurs à court terme, mais ne fait pas de différence majeure sur le long terme
[21,25,57]. Or l’échec précoce des pontages est en règle générale le fait d’une défaillance technique,
alors que les résultats à long terme dépendent davantage de l’évolution du processus athéromateux et
de l’hyperplasie fibro-intimale [57]. Une des avancées permises par l’OPCAB est le pontage tout
artériel sans manipulation de l’aorte ascendante. En effet, les clampages et déclampages de cette
dernière sont une des sources majeures d’embols cérébraux, donc d’ictus. A cœur battant, il est
possible d’éviter complètement de toucher l’aorte ascendante (no-touch) en réalisant des pontages
artériels libres branchés en "Y" sur les deux artères mammaires. Le taux d’accidents cérébrovasculaires baisse alors de plus de 60% [9,24,39]. L’ambiguïté des résultats de l’OPCAB par rapport
au PAC en CEC tient probablement au mélange des patients à bas et à haut risque dans la plupart des
études. Dans la catégorie à bas risque, l’OPCAB n’améliore pas les résultats et peut les péjorer si la
technique n’est pas maîtrisée par les opérateurs. Chez les patients à haut risque, par contre, il diminue
la mortalité et la plupart des complications majeures qui pénalisent les résultats chez les malades
fragiles [52,63].
Les contre-indications à la revascularisation à coeur battant sont la présence de thrombus
intracavitaire, de vaisseaux intramyocardiques, de dilatation ventriculaire massive, d'arythmies
ventriculaires majeures, et d'interventions combinées avec un remplacement valvulaire. Malgré les
difficultés techniques dues aux adhérences, des réopérations à coeur battant sont réalisables par
sternotomie ou par thoracotomie [43,61].
En résumé, l’OPCAB augmente la difficulté technique chirurgicale et intensifie les prestations exigées
de l’anesthésiste. Il demande de bons anesthésistes, d’excellents chirurgiens et une parfaite
coordination entre eux. Il ressort de la littérature récente, bien que souvent contradictoire, que
l’OPCAB présente un certaine nombre d’avantages.




Diminution de l’hémorragie et des transfusions ;
Diminution de l’incidence d’ictus (particulièrement en cas de chirurgie tout artérielle) ;
Amélioration des résultats chez les personnes âgées et chez les patients à haut risque ;
Amélioration momentanée de la préservation myocardique et de la fonction hémodynamique
impact apparent à long terme ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
5

Diminution de la durée en soins intensifs et réduction des coûts.
Par contre, l’OPCAB ne modifie pas significativement la mortalité et augmente les risques de
revascularisation secondaire, car le nombre et la qualité des anastomoses sont souvent inférieurs. Plus
encore que dans les PAC en CEC, la qualité des prestations chirurgicales et anesthésiques conditionne
le pronostic : les patients pris en charge par le 10% des anesthésistes les plus performants ont une
morbi-mortalité 3 fois moindre que celle des malades suivis par les anesthésistes les plus balourds
[23]. Les évidences dont on dispose actuellement pour cerner les populations bénéficiant le plus de la
chirurgie à cœur battant laissent penser que l’OPCAB est indiqué dans les catégories de patients
suivantes :





Patients avec anamnèse d’AVC ;
Patients à haut risque (âge > 75 ans, fragilité, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire) ;
Polyvasculaires avec une athéromatose avancée de l’aorte ascendante ;
Patients sous double thérapie antiplaquettaire ;
Patients avec dysfonction ventriculaire, mais sans dilatation.
Trois phénomènes nouveaux vont probablement préciser les indications à l’OPCAB :

L’accroissement de la population âgée et des cas à haut risque, dans lesquels l’absence de
CEC améliore les taux de mortalité et de morbidité neurologique ;
 Le taux d’hémorragies et de transfusions nettement abaissés chez les malades de plus en plus
nombreux pour qui il est absolument nécessaire de maintenir une double thérapie
antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel ou prasugrel) ;
 L’introduction de connecteurs anastomotiques analogues aux agrafeuses digestives, qui
semblent donner d’excellents résultats ; ils pourraient être meilleurs que les anastomoses
manuelles dans les positions parfois acrobatiques de la chirurgie à cœur battant ; d’autre part,
le temps nécessaire à réaliser la suture est très court, ce qui diminue la durée pendant laquelle
le cœur est luxé et le débit cardiaque compromis.
Il paraît donc logique que cette technique fasse partie des différentes stratégies possibles pour le
patient coronarien, au même titre que les PAC en CEC et la dilatation percutanée [58].
Résultats comparés de l’OPCAB et des PAC en CEC
Le pontage aorto-coronarien à cœur battant (OPCAB) augmente les difficultés techniques pour le
chirurgien et pour l’anesthésiste, et réclame une étroite collaboration entre eux.
Par rapport au pontage en CEC (PAC), l’OPCAB ne modifie pas significativement la mortalité dans
les cas de routine, mais il tend à la diminuer dans les cas à haut risque (âge > 75 ans, comorbidités,
polyvasculaires). Il diminue significativement le risque hémorragique, le taux de transfusion et celui
d’AVC. Il raccourcit la durée en soins intensifs et réduit les coûts. Le taux d’infarctus est en général
identique à celui de l’opération en CEC. La fonction myocardique immédiate est mieux préservée
qu’après une CEC, mais cela n’a pas d’impact significatif sur le devenir clinique.
L’opération étant plus délicate à cœur battant qu’en CEC, le nombre d’anastomoses réalisées et leur
qualité tend à diminuer. Leur taux de perméabilité à 1 an est en moyenne 5-10% inférieur dans les
études multicentriques, mais il reste identique dans celles qui rapportent l’expérience de centres
dédiés et d’opérateurs investis dans la technique. L’OPCAB est donc davantage opérateur-dépendant
que le PAC.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
6
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
AFILALO J, RASTI M, OHAYON SM, et al. Off-pump vs. on-pump coronary artery bypass surgery: an updated meta-analysis
and meta-regression of randomized trials. Eur Heart J 2012; 33:1257-67
ANGELLINI GD, CULLIFORD L, SMITH DK, et al. Effects of on- and off-pump coronary artery surgery on graft patency,
survival and health-related quality of life: long term follow-up of 2 randomized controlled trials. J Thorac Cardiovasc Surg 2009;
137:295-303
ANGELINI GD, TAYLOR FC, REEVES CB, ASCIONE R. Early and mid-term outcome after off-pump and on-pump surgery in
beating heart against cardioplegic arrest studies (BHACA 1 and 2): a pooled analysis of two randomized controlled studies.
Lancet 2002; 359: 1194-9
ARCHBOLD RA, CURZEN NP. Off-pump coronary artery bypass graft surgery: The incidence of postoperative atrial
fibrillation. Heart 2003; 89:1134-7
ASCIONE R, LLOYD CT, UNDERWOOD MJ, et al. Inflammatory response after coronary revascularization with or without
cardiopulmonary bypass. Ann Thorac Surg 2000; 69: 1198-204
BAINBRIDGE D, CHENG D, MARTIN J, et al. Does off-pump or minimally invasive coronary artery bypass reduce mortality,
morbidity and resource utilization when compared with percutaneous coronary intervention ? A meta-analysis of randomized
trials. J Thorac Cardiovasc Surg 2007; 133:623-31
BERSON AJ, SMITH JM, WOODS SE, HASSELFELD KA, HIRATZKA LF. Off-pump versus on-pump coronary artery bypass
surgery: Does the pump influence outcome ? J Am Coll Surg 2004; 199:102-8
BILLINGS FT, KODALI SK, SHANEWISE JS. Transcatheter aortic valve implantation: anesthetic considerations. Anesth Analg
2009; 108:1453-62
BOLOTIN G, SHAPIRA Y, GOTLER Y, et al. The potential advantage of “no-touch” aortic technique in off-pump complete
arterial revascularization. Int J Cardiol 2007; 114:11-5
CALAFIORE AM, DI MAURO M, TEODORI G, et al. Impact of aortic manipulation on incidence of cerebrovascular accidents
after surgical myocardial revascularization. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1387-93
CALAFIORE AM, TEODORI G, DI GIANMARCO G, et al. Multiple arterial conduits without cardiopulmonary bypass: Early
angiographic results. Ann Thorac Surg 1999; 67: 450-6
CARTIER R. Off-pump coronary artery revascularization in octogenarians: is it better ? Curr Opin Cardiol 2009; 24:544-52
CARTIER R, BRANN S, DAGENAIS F, MARTINEAU R, COUTURIER A. Systematic off-pump coronary artery
revascularization in multivessel disease: experience of three hundred cases. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 119: 221-9
CHENG DC, BAINBRIDGE D, MARTIN JE, NOVICK RJ. Does off-pump coronary artery bypass reduce mortality, morbidity,
and resource utilization when compared with conventional coronary artery bypass? A meta-analysis of randomized trials.
Anesthesiology 2005; 102:188-203
CHU D, BAKEEN FG, DAO TK, et al. On-pump versus off-pump coronary artery bypass grafting in a cohort of 63’000 patients.
Ann Thorac Surg 2009; 87:1820-7
CLEVELAND JC, JR., SHROYER AL, CHEN AY, PETERSON E, GROVER FL. Off-pump coronary artery bypass grafting
decreases risk-adjusted mortality and morbidity. Ann Thorac Surg 2001; 72: 1282-8; discussion 8-9
CZERNY M, BAUMER H, KILO J, et al. Inflammatory response and myocardial injury following coronary artery bypass
grafting with or without cardiopulmonary bypass. Eur J Cardiothorac Surg 2000; 17: 737-42
DEMARIA RG, CARRIER M, FORTIER S, et al. Reduced mortality and strokes with off-pump artery bypass grafting surgery in
octogenarians. Circulation 2002; 106(suppl I):I-5-10
DIEGELER A, DOLL N, RAUCH T, et al. Humoral immune response during coronary artery bypass grafting: A comparison of
limited approach, "off-pump" technique, and conventional cardiopulmonary bypass. Circulation 2000; 102: III95-100
DIEGELER A, HIRSCH R, SCHNEIDER F, et al. Neuromonitoring and neurocognitive outcome in off-pump versus
conventional coronary bypass operation. Ann Thorac Surg 2000; 69: 1162-6
ELAHI MM, KHAN JS, MATATA BM. Deleterious effects of cardiopulmonary bypass in coronary artery surgery and scientific
interpretation of off-pump’s logic. Acute Cardiac Care 2006; 8:196-209
FENG ZZ, SHI J, ZHAO XW, XU ZF. Mata-analysis of on-pump and off-pump coronary arterial revascularization. Ann Thorac
Surg 2009; 87:757-65
GLANCE LG, KELLERMANN AL, HANNAN EL, et al. The impact of anesthesiologists on coronary artery bypass graft
surgery outcomes. Anesth Analg 2015; 120:526-33
HALBERSMA WB, ARRIGONI SC, MECOZZI G, et al. Four-year outcome of OPCAB no-touch with total arterial Y-graft:
making the best treatment a daily practice. Ann Thorac Surg 2009; 88:796-801
HANNAN EL, WU C, SMITH CR, et al. Off-pump versus on-pump coronary artery bypass graft surgery. Differences in shortterm outcomes and in long-term mortality and need for subsequent revascularization. Circulation 2007; 116:1145-52
HATTLER B, MESSENGER JC, SHROYER L, et al. Off-pump coronary artery bypass surgery is associated with worse arterial
and saphenous vein graft patency and less effective revascularisation. Results from the Veteran Affairs randomized on/off bypass
(ROOBY) trial. Circulation 2012; 125:2827-35
HERNANDEZ F, BROWN JR, LIKOVSKY DS, et al. Neurocognitive outcomes of off-pump versus on-pump coronary artery
bypass: A prospective randomized controlled trial. Ann Thorac Surg 2007; 84:1897-903
HU S, ZHENG Z, YUAN X, et al. Increasing long-term major vascular events and resource consumption in patients receiving
off-pump coronary artery bypass. A single-center prospective observational study. Circulation 2010; 121:1800-8
HUFFMYER J, RAPHAEL J. The current status of off-pump coronary artery bypass surgery. Curr Opin Anaesthesiol 2011;
24:64-9
JENSEN BO, HUGHES P, RASMUSSEN LS, et al. Cognitive outcomes in elderly high-risk patients after off-pump versus
conventional coronary artery bypass grafting: A randomized trial. Circulation 2006; 113:2790-5
KHAN NE, DE SOUZA A, MISTER R, et al. A randomized comparison of Off-pump and On-pump multivessel coronary artery
bypass surgery. N Engl J Med 2004; 350:21-8
KONETY SH, ROSENTHAL GE, VAUGHAN-SARRAZIN MS. Surgical volumes and outcomes of off-pump coronary artery
bypass graft surgery: does it matter ? J Thorac Cardiovasc Surg 2009; 137:1116-23
KOUTLAS TC, ELBEERY JR, WILLIAMS JM, et al. Myocardial revascularization in the elderly using beating heart coronary
artery bypass surgery. Ann Thorac Surg 2000; 69: 1042-7
KUSS O, VON SALVIATI B, BÖRGERMANN J. Off-pump versus on-pump coronary artery bypass grafting: a systematic
review and meta-analysis of propensity score analyses. J Thorac Cardiovasc Surg 2010; 140:829-35
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
7
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
LAFFEY JG, BOYLAN JF, CHENG DC. The systemic inflammatory response to cardiac surgery: implications for the
anesthesiologist. Anesthesiology 2002; 97: 215-52
LAMY A, DEVEREAUX PJ, PRABHAKARAN D, et al. Off-pump or on-pump coronary artery bypass grafting at 30 days. N
Engl J Med 2012; 366:1489-97
LAMY A, DEVEREAUX PJ, PRABHAKARAN D, et al. Effects of off-pump and on-pump coronary artery bypass grafting at 1
year. N Engl J Med 2013; 368:1179-88
LATTOUF OM, THOURANI VH, KILGO PD, et al. Influence of on-pump versus off-pump techniques and completeness of
revascualrization on long-term survival after coronary artery bypass. Ann Thorac Surg 2008; 86:797-805
LEACHE , CARTIER M, BOUCHARD D, et al. Improving neurological outcome in off-pump surgery: the “no-touch” technique.
Heart Surg Forum 2003; 6:169-75
LINGAAS PS, HOL PK, LUNDBLAD R, et al. Clinical and angiographic outcome of coronary surgery with and without
cardiopulmonary bypass: A prospective randomized trial. Heart Surg Forum 2004; 7:37-41
MAGEE MJ, ALEXANDER JH, HAFLEY G, et al. Coronary artery bypass graft failure after on-pump and off-pump coronary
artery bypass: findings from PREVENT IV. Ann Thorac Surg 2008; 85:494-9
MATATA BM, SOSNOWSKI AW, GALINANES M. Off-pump bypass graft operation significantly reduces oxidative stress and
inflammation. Ann Thorac Surg 2000; 69: 785-91
MISHRA Y, WASIR H, KOHLI V, et al. Beating heart versus conventional reoperative coronary artery bypass surgery. Indian
Heart J 2002; 54: 159-63
MOLLER CH, PENNINGA L, WETTERSLEV J, et al. Clinical outcomes in randomized trials of off- vs on-pump coronary
artery bypass surgery: systematic review with meta-analyses and trial sequential analyses. Eur Heart J 2008; 29:2601-16
MOLLER CH, PERKO MJ, LUND JT, et al. No major differences in 30-day outcomes in high-risk patients randomized to offpump versus on-pump coronary bypass surgery. Circulation 2010; 121:498-504
MUELLER XM, CHASSOT PG, ZHOU J, et al. Hemodynamics optimization during off-pump coronary artery bypass: the 'no
compression' technique. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22: 249-54
NATHOE HM, VAN DIJK D, JANSEN EWL, et al. A comparison of on-pump and off-pump coronary bypass surgery in lowrisk patients. N Engl J Med 2003; 348:394-402
PANESAR SS, ATHANASSIOU T, NAIR S, et al. Early outcomes in the elderly: a meta-analysis of 4921 patients undergoing
coronary artery bypass grafting – comparison between on-pump and off-pump techniques. Heart 2006; 92:1808-16
PANESAR SS, CHIKWE J, MIRZA SB, et al. Off-pump coronary artery bypass surgery may reduce the incidence of stroke in
patients with significant left main stem disease. Thorac Cardiovasc Surg 2008; 56:247-55
PUSKAS JD, KILGO PD, LATTOUF OM, et al. Off-pump coronary bypass provides reduced mortality and morbidity and
equivalent 10-year survival. Ann Thorac Surg 2008; 86:1139-46
PUSKAS JD, THOURANI VH, MARSHALL JJ, et al. Clinical outcomes, angiographic patency, and resource utilization in 200
consecutive off-pump coronary bypass patients. Ann Thorac Surg 2001; 71: 1477-83; discussion 83-4
PUSKAS JD, THOURANI VH, KILGO P, et al. Off-pump coronary artery bypass disproportionately benefits high-risk patients.
Ann Thorac Surg 2009; 88:1142-7
PUSKAS JD, WILLIAMS WH, DUKE PG, et al. Off-pump coronary artery bypass grafting provides complete revascularization
with reduced myocardial injury, transfusion requirements, and length of stay: A prospective randomized comparison of twohundred unselected patients undergoing off-pump versus conventional coronary artery bypass surgery. J Thorac Cardiovasc Surg
2003; 125:797-808
PUSKAS JD, WILLIAMS WH, MAHONEY EM, et al. Off-pump vs conventional coronary artery bypass grafting: Early and 1year graft patency, cost, and quality-of-life outcomes. JAMA 2004; 291:1841-9
PUSKAS JD, WILLIAMS WH, O’DONNELL R, et al. Off-pump and on-pump coronary artery bypass grafting are associated
with similar graft patency, myocardial ischemia and freedom from reintervention: long-term follow-up of a randomized trial. Ann
Thorac Surg 2011; 91:1836-42
RAJA SG, DREYFUS GD. Off-pump coronary artery bypass surgery: To do or not to do? Current best available evidence. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2004; 18:486-505
RAJA SG, DREYFUSS GD. Impact of off-pump coronary artery bypass surgery on graft patency: Current best available
evidence. J Card Surg 2007; 22:165-9
SERRUYS PW, MOICE MC, KAPPETEIN AP, et al. Percutaneous coronary intervention versus coronary artery bypass grafting
for severe coronary artery disease. N Engl J Med 2009; 360:961-72
SHROYER AL, GROVER FL, HATTLER B, et al. On-pump versus off-pump coronary artery bypass. N Engl J Med 2009;
361:1827-37
STAMOU SC, DANGAS G, HILL PC, et al. Atrial fibrillation after beating heart surgery. Am J Cardiol 2000; 86: 64-7
STAMOU SC, PFISTER AJ, DANGAS G, et al. Beating heart versus conventional single-vessel reoperative coronary artery
bypass. Ann Thorac Surg 2000; 69: 1383-7
STAMOU SC, PFISTER AJ, DULLUM KC, et al. Beating heart versus conventional coronary artery bypass grafting in
octogenarians: early clinical outcomes. J Am Coll Cardiol 2000; 35: 1017-130
TAGGART DP, ALTMAN DG. Off-pump vs. on-pump CABG: are we any closer to a resolution? Eur Heart J 2012; 33:1181-3
VAN DIJK D, JANSEN EW, HIJMAN R, et al. Cognitive outcome after off-pump and on-pump coronary artery bypass graft
surgery: a randomized trial. [see comments.]. JAMA 2002; 287: 1405-12
VAN DIJK D, NIERICH AP, JANSEN EW, et al. Early outcome after off-pump versus on-pump coronary bypass surgery: results
from a randomized study. [see comments.]. Circulation 2001; 104: 1761-6
WIDIMSKY P, STRAKA S, STROS P, et al. One-year coronary bypass graft patency: A randomized comparison between offpump and on-pump surgery angiographic results of the PRAGUE-4 trial. Circulation 2004; 110:3418-23
WOO YJ, GRAND T, VALETTAS N. Off-pump coronary artery bypass grafting attenuates postoperative bleeding associated
with preoperative clopidogrel administration. Heart Surg Forum 2003; 6: 282-5
ZAMVAR V, WILLIAMS D, HALL J, et al. Assessment of neurocognitive impairment after off-pump and on-pump techniques
for coronary artery bypass graft surgery: Prospective randomized controlled trial. BMJ 2002; 325:1268-73
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
8
Perturbations hémodynamiques associées aux manipulations chirurgicales
Au cours d'une intervention à coeur battant, le chirurgien doit faire face à trois problèmes majeurs:
 Obtenir une bonne exposition du vaisseau à ponter ;
 Diminuer localement les mouvements cardiaques ;
 Protéger le myocarde pendant le temps d'ischémie occasionné par l’interruption du flux dans
la coronaire.
A cet effet, il déplace le coeur, comprime la paroi ventriculaire, et assure si possible une perfusion de
vicariance pendant qu'il réalise l'anastomose distale. L'anesthésiste doit donc être préparé à affronter
des altérations hémodynamiques sévères, une détérioration momentanée de la performance
ventriculaire, et une ischémie aiguë peropératoire. En cas de collapsus circulatoire ou d'arythmie
soutenue, il doit être prêt à l’installation d’une contre-pulsion intra-aortique (CPIA) ou à la conversion
en CEC. Une excellente communication entre le chirurgien et l’anesthésiste et une planification
commune des séquences de l’intervention sont les conditions essentielles au succès de la chirurgie à
coeur battant.
L'accès à l'artère interventriculaire antérieure (IVA) est aisé par une sternotomie médiane, mais, pour
réaliser des anastomoses sur les faces latérales (artères circonflexe, diagonales, marginales, coronaire
droite) et postérieure (interventriculaire postérieure), le coeur doit être basculé hors de son berceau
péricardique. Ce mouvement a d'importantes conséquences hémodynamiques, et cause une
augmentation des pressions auriculaires, une diminution du débit cardiaque (index < 2.0 L/min/m2) et
une baisse de la SvO2 largement en dessous de 70%. Quatre processus principaux sont impliqués dans
ces perturbations [1].
Verticalisation du cœur
Le coeur est énucléé du péricarde et basculé en position verticale, avec l'apex au zénith (Figure 10.1).
Les oreillettes se retrouvent sous leur ventricule, dans lequel le sang doit monter en diastole. Les
pressions auriculaires sont donc plus élevées de 60-150% par rapport aux pressions télédiastoliques
ventriculaires correspondantes [7] ; elles doivent le rester pour assurer un remplissage adéquat des
ventricules [10]. La pression artérielle systémique baisse alors que la pression artérielle pulmonaire
(PAP) augmente. A l'échocardiographie, la taille des oreillettes devient plus grande que celle des
ventricules (Figure 10.2) [4,7]. Les flux mitraux et veineux pulmonaires sont de type restrictif,
démontrant ainsi une dysfonction diastolique significative [4].
Compression de la paroi ventriculaire
Le stabilisateur utilisé pour immobiliser la zone de l'anastomose (Figure 10.1) comprime la paroi
ventriculaire, restreint ses mouvements et diminue la taille du ventricule [2,11]. Il restreint le
remplissage diastolique du ventricule et en modifie localement la cinétique segmentaire. Le VD est
particulièrement sensible à cet effet parce que sa paroi est mince, alors que celle du VG est plus
épaisse, donc plus résistante. La localisation du stabilisateur et le degré de dislocation du coeur
déterminent le degré de restriction du débit cardiaque (Figure 10.3).
En systole, les parois antérieure et latérale du VG ont physiologiquement un plus grand déplacement
radial que la paroi postéro-inférieure et que le septum. L’ordre décroissant de raccourcissement radial
est : paroi latérale (45%), antérieure (38%), postérieure (25%) et septale (15%) (Figure 10.4) [6]. Les
parois antérieure et latérale contribuent donc davantage au volume systolique éjecté que la paroi
postérieure et le septum. Il s’ensuit que la compression latérale et antérieure provoque de sérieux effets
hémodynamiques, alors que la compression postérieure altère moins le débit cardiaque. La restriction
la plus marquée a lieu habituellement lors des anastomoses latérales (circonflexe et marginale), parce
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
9
qu'à la compression d’une paroi à forte contribution systolique s'ajoute un important basculement du
coeur ; ce basculement est moins important pour la paroi antérieure [3,5,7,8,9,10]. Dans la majorité
des cas, les indices d’éjection sont maximalement abaissés lors de l’anastomose dans le territoire
circonflexe, moins perturbés dans le territoire postérieur et le moins altérés lors d’anastomose sur
l’IVA (Figure 10.5).
Figure 10.1 : Le coeur
est verticalisé dans le
péricarde pour avoir
accès à ses faces latérales
et posté-rieures. Un
stabilisateur en place
pour
permettre
une
anastomose sur l'IVP. La
paroi est comprimée par
l'appareil; le vaisseau
apparaît entre les deux
branches du stabilisateur.
Celui-ci est muni de
petites ventouses qui
permettent d'aspirer la
paroi
pour
mieux
l'immobiliser.
A
B
OG
OG
VG
VG
Figure 10.2 : Changement de volume de l'OG et du VG lorsque le coeur est verticalisé. A. Vue ETO 2-cavités à
90° du coeur dans sa position normale. La taille de l'OG est environ le tiers de celle du VG. B. Sans modifier la
position de la sonde d'ETO, le coeur a été placé en position verticale pour intervenir sur sa paroi postérieure. Les
dimensions relatives de l'OG et du VG se sont inversées. L'OG, qui est sous le VG, est plus grande que le VG
dont le volume a diminué de moitié.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
10
A
B
OG
OD
VD
VG
Figure 10.3 : Compression par le stabilisateur. A : Stabilisateur en place pendant une anastomose sur l’IVA. B :
La paroi latérale du VG est comprimée par le stabilisateur (flèche) dans une vue 4-cavités à l'ETO. Le septum est
repoussé dans le VD, lui-même comprimé contre la plèvre droite.
Torsion de l’anneau auriculo-ventriculaire
La position verticale plie le cœur au niveau du sillon auriculo-ventriculaire et provoque une distorsion
de l'anneau mitral et de l'anneau tricuspidien. L'anneau est déformé et tordu, à telle enseigne que la
valve fuit. Une reconstruction tridimensionnelle à partir de l'échocardiographie transoesophagienne
(ETO) le montre parfaitement (Figure 10.6) [4]. L'insuffisance mitrale (IM) peut devenir importante et
causer l'apparition d'une onde "v" majeure (> 30 mmHg) sur la PAPO en l'absence de signe de
décompensation gauche ou d'ischémie myocardique. Il peut aussi arriver que la distorsion de l'anneau
provoque un effet de sténose. Le phénomène peut se rencontrer au niveau de la valve aortique, une
insuffisance mineure (IA) pouvant se transformer en régurgitation momentanément sévère à la faveur
des manipulations. Les effets hémodynamiques pulmonaires de ces régurgitations (élévation massive
de la PAP et de la PAPO) peuvent être tels qu'une réduction drastique de la précharge droite devienne
nécessaire pour diminuer la surcharge pulmonaire: position jambes déclives, perfusion de
nitroglycérine, constriction chirurgicale de la veine cave inférieure. Le moyen le plus simple de
contrôler une IM ou une IA importante est de repositionner le coeur différemment.
Compression des chambres de chasse
Il peut arriver que le basculement du cœur coude la chambre de chasse (CC) du VG ou du VD,
particulièrement pendant une anastomose proximale sur l’IVA, l’intermédiaire ou la première
diagonale (Figure 10.7). Le tableau hémodynamique qui s’ensuit est trompeur :
 Coudure de la CCVD : la PAP est basse, comme dans une hypovolémie, mais la POD est
élevée ; le VD est congestif et distendu ; si la position ne peut pas être modifiée, seule une
perfusion de nitroglycérine peut améliorer le tableau clinique ;
 Coudure au niveau de la CCVG : la PAP et la PAPO sont élevées, mais la pression artérielle
systémique est basse, et le débit cardiaque diminué ; une perfusion de dopamine ou de
dobutamine aggrave la situation.
D’une manière générale, l’observation du champ opératoire permet de remarquer la plicature d’une
chambre de chasse, et oriente la thérapeutique dans la bonne direction.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
11
Lat
Ant
Post
Sept
Raccourcissement radiaire (%)
Base
Apex
40
20
40
20
40
20
40
20
Rotations (degrés)
Base
Apex
-20 -10
+10
-10
+10
-10
+10
-10
+10
Figure 10.4 : Raccourcissement radiaire et rotation selon les quadrants du VG. On divise habituellement le VG
en 4 quadrants selon le court-axe du ventricule : latéral, antérieur, postérieur et septal. Le degré de contraction
est le plus important dans le quadrant latéral, un peu moins marqué dans le quadrant antérieur, et nettement plus
faible dans les quadrants postérieur et septal. En particulier, le degré de raccourcissement de la paroi postérobasale (cercle bleu) est plus faible que le reste du VG, raison pour laquelle elle paraît souvent hypokinétique à
l’échocardiographie. Le degré de rotation suit le même dégradé que le raccourcissement ; il est plus important à
l’apex qu’à la base et presque nul au niveau du septum [6].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
12
% changement
% changement
% changement
150
150
150
100
100
100
50
50
50
POD PAPO
POG PtdVG
Figure 10.5 : Degrés de modifications
des pressions de remplissage (en haut)
et des indices d’éjection (en bas) selon
les parois ventriculaires gauches
concernées par l’acte chirurgical
(d’après réf 3 et 7). Les changements
hémo-dynamiques sont les plus
marqués lors d’anastomose sur la
circonflexe (paroi latérale), moins
importantes
lors
d’anastomose
postérieure,
et
minimales
lors
d’anastomose sur l’IVA (paroi
antérieure).
POD PAPO POG PtdVG
Post
POD PAPO
Lat
POG PtdVG
Ant
0
-5
-10
-15
-20
-25
Indices
d’éjection
% changement
Altérations hémodynamiques
Pour avoir accès à toutes les artères coronaires, le chirurgien doit manipuler le cœur, ce qui a quatre
conséquences hémodynamiques.
1) Verticalisation du cœur : la pression auriculaire augmente, le remplissage ventriculaire est
restrictif. La déformation est maximale pour les anastomoses sur la paroi latérale et la paroi
postérieure.
2) Compression de la paroi ventriculaire par le stabilisateur : la gène au remplissage et à l’éjection
(diminution du VS) est maximale lors de compression de la paroi latérale ou antérieure ; elle est
moindre sur la paroi postérieure.
3) Torsion de l’anneau auriculo-ventriculaire : apparition d’une IM ou d’une IT.
4) Coudure de la chambre de chasse : effet CMO sur le VD ou le VG.
La restriction hémodynamique est maximale lors des anastomoses sur la circonflexe et les
marginales.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
13
Figure 10.6 : Modifications de
la forme de l'anneau mitral
reconstruit en 3 dimensions à
partir d'images ETO (d'après réf
4). A. Forme normale en selle
de l'anneau mitral lorsque le
coeur est dans sa position
normale. B: L'anneau est tordu
lorsque le coeur est dressé
verticalement. C: L'anneau est
replié sur lui-même lorsque le
coeur est placé en position pour
une anastomose sur la face
latérale.
A
B
C
Figure 10.7 : Coudure de
la chambre de chasse du
ventricule gauche lors
d’une
anastomose
sur
l’IVA. La coudure est
visible dans le champ
opératoire (flèche).
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
COUTURE P, DENAULT A, LIMOGES P, SHERIDAN P, BABIN D, CARTIER R. Mechanisms of hemodynamic changes
during off-pump coronary artery bypass surgery. Can J Anesth 2002; 49:835-49
DO QB, GOYER C, CHAVANON O, et al. Hemodynamic changes during off-pump CABG surgery. Eur J Cardiothorac Surg
2002; 21: 385-90
GEORGE SJ, AL-RUZZEH S, AMRANI M. Mitral annulus distortion during beating heart surgery: a potential cause for
hemodynamic disturbance: a three-dimensional echocardiography reconstruction study. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1424-30
KWAK YL, OH YJ, JUNG SM, YOO KJ, LEE JH, HONG YW. Change in right ventricular function during off-pump coronary
artery bypass graft surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2004; 25:572-7
MAIER SE, FISCHER SE, MCKINNON GC, et al. Evaluation of left ventricular segmental wall motion in hypertrophic
cardiomyopathy with myocardial tagging. Circulation 1992; 86:1919-28
MATHISON M, EDGERTON JR, HORSWELL JL, AKIN JJ, MACK MJ. Analysis of hemodynamic changes during beating
heart surgical procedures. Ann Thorac Surg 2000; 70: 1355-60
MISHRA M, MALHOTRA R, MISHRA A, MEHARWAL ZS, TREHAN N . Hemodynamic changes during displacement of the
beating heart using epicardial stabilization for off-pump coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 2002; 16:
685-90 )
MUELLER XM, CHASSOT PG, ZHOU J, et al. Hemodynamics optimization during off-pump coronary artery bypass: the 'no
compression' technique. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22: 249-54
NIERICH AP, DIEPHUIS J, JANSEN EW, BORST C, KNAPE JT. Heart displacement during off-pump CABG: how well is it
tolerated? Ann Thorac Surg 2000; 70: 466-72
WANG J, FILIPOVIC M, RUDZITIS A, et al. Transesophageal echocardiography for monitoring segmental wall motion during
off-pump coronary artery bypass surgery. Anesth Analg 2004; 99:965-73
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
14
Stratégies chirurgicales de l’OPCAB
Les différentes stratégies utilisées par l'opérateur pour manipuler le coeur modifient grandement la
réponse hémodynamique du patient. Bien qu'il y ait presque autant de techniques que de chirurgiens,
on peut grossièrement les diviser en trois catégories: 1) le basculement du coeur par des compresses
et/ou par le stabilisateur, 2) l'énucléation du coeur par des points péricardiques postérieurs, et 3)
l’aspiration apicale par une ventouse.
Bascule et compression
Lorsqu'on bascule le coeur au moyen de compresses ou à l'aide du stabilisateur, le VD, qui est mince,
est écrasé entre le péricarde et le VG, plus épais, et comprimé sous le sternum (Figure 10.8).
L'hémodynamique est compromise, et l'ETO révèle que le septum interauriculaire bombe dans l'OG,
que le VG n'est pas dilaté, et que le VD subit une obstruction au niveau de sa chambre de chasse [11].
Sur un modèle animal, on a démontré une chute du volume systolique de 42%, une augmentation de
165% de la pression télédiastolique du VD, mais une diminution de 62% de sa taille [7].
L'hémodynamique peut être améliorée en ouvrant la plèvre droite. Toutefois, on ne peut pas transposer
directement à l’homme les conclusions d’une expérience faite chez les mammifères dont le thorax est
à l’horizontale, parce que la position du cœur de ces animaux est longitudinale dans le thorax, alors
que le nôtre présente un angle d’environ 45° par rapport aux plans frontaux et longitudinaux. La même
manipulation n’a donc pas des effets identiques.
Figure
10.8 :
La situation du
coeur lorsqu'il
est basculé au
moyen
de
compresses
postérieures et
du stabilisateur
lui-même.
Le
VD
est
comprimé entre
le VG et le
sternum droit; la
chambre
de
chasse droite est
comprimée.
(d'après
Medtronics™).
Stabilisateur
Apex du
VG sous le
sternum
Plèvre
droite
ouverte
Compression du
VD
Compresse
© Medtronics™
Points péricardiques postérieurs
L'énucléation du coeur peut se faire par traction sur un ou plusieurs points fixés au péricarde
postérieur (Figure 10.9 et Figure 10.10) [1,13]. Cette approche est simple, efficace, et atraumatique
pour le coeur. Sur le point fixé au péricarde postérieur, une compresse déroulée est amarrée avec un
passe-fil ; elle agit comme un levier placé dans le sinus oblique. Le coeur est exposé en tirant sur la
compresse dans la direction voulue sans jamais l'écraser, ce qui réduit les effets circulatoires [2,5,13].
Le débit cardiaque s’effondre momentanément lorsque le coeur est récliné par la main de l’opérateur
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
15
pour exposer le péricarde postérieur et fixer le point d’ancrage entre la veine pulmonaire inférieure
droite et la veine cave inférieure, mais cela dure moins de 20 secondes (Figure 10.11). La vitesse de
récupération de la pression artérielle après cette manœuvre est un bon prédicteur de la stabilité
hémodynamique ultérieure lors des anastomoses. Le stabilisateur n'est utilisé ensuite que pour
immobiliser la zone de l'anastomose, mais non pour maintenir le coeur dans la position désirée [9].
Même si la pression télédiastolique du VD peut être élevée, l'effet prédominant de cette technique
porte sur le VG: baisse de 12-23% de son volume systolique et augmentation de 10-50% de la pression
de l'OG [8,15].
Figure 10.9 : Vue du
péricarde postérieur et
mise en place du point
de traction dans le
sinus oblique à la
droite de la colonne, à
mi-chemin entre la
veine
pulmonaire
inférieure droite et la
veine cave inférieure
(technique de Ricardo
Lima) (d'après réf 2).
Idéalement, le point
devrait
être
suffisamment à droite
pour dégager la vue de
l'ETO
depuis
l'oesophage.
Veine pulmonaire
inférieure droite
Veine pulmonaire
inférieure gauche
Oesophage
Veine cave inférieure
Figure
10.10 :
Exposition du coeur par
traction sur le point
péricardique postérieur.
Une compresse roulée est
placée dans le fil de
suspension, et un tube
plastic (passe-fil, en vert)
maintient le point contre
le péricarde. Les deux
brins de la compresse
sont tirés selon les
besoins de l'exposition
requise (flèches noires).
Le coeur n'est a aucun
instant comprimé (Notouch technique).
Traction sur le
péricarde
postérieur
Point péricardique
(passe-fil)
Traction sur le
péricarde
postérieur
© Chassot 2008
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
16
© Chassot 2008
Durée < 20 sec
120
PA
60
PAP
Figure 10.11 : Manoeuvre de bascule du coeur pour fixer le point de suspension péricardique postérieur.
Cette manoeuvre, qui dure moins de 20 secondes, entraîne des troubles du rythme majeurs et un
effondrement hémodynamique momentané (flèche rouge). Le délai de récupération de la pression artérielle
lorsque le coeur est repositionné (flèche bleue) prédit la tolérance aux manipulations lors des anastomoses.
Ventouse apicale
L’aspiration de l'apex au moyen d'une ventouse permet de suspendre le cœur à la verticale et de
l’orienter pour exposer ses différentes faces (Figure 10.12). Quoiqu’apparemment bien tolérée, cette
technique provoque des modifications hémodynamiques comparables à celles des autres méthodes [6].
Il est certain que la traction apicale bloque la contraction longitudinale du VG, qui contribue pour 1520% à l’éjection du volume systolique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
17
Figure 10.12 : Système
de
ventouse
pour
maintenir
le
coeur
vertical par succion de
l'apex.
Effets hémodynamiques
L'importance des effets hémodynamiques est liée au site de l'anastomose. La chute du débit systolique
et de la SvO2 est plus prononcée pendant l'exposition de la paroi latérale, parce que cette dernière
présente la plus forte contribution au volume éjecté et parce que le basculement est plus accentué que
pendant les anastomoses sur la paroi antérieure [8,9,15]. Un indice de contractilité comme le Preload
recruitable stroke work ne diminue que pendant les anastomoses sur les parois antérieure et latérale
[14]. Le flux mitral montre un aspect de type restrictif (voir Figure 10.16) [3]. D’une manière
générale, le VD est davantage handicapé que le VG parce que les deux ventricules sont en ligne : le
VD est doublement pénalisé car il souffre de sa propre distorsion et de l’augmentation de sa
postcharge due à la compression du VG, alors que la postcharge de ce dernier, située à l’extérieur de la
cage thoracique, n’est pas modifiée. D’autre part, le VD est plus aisément compressible que le VG.
Habituellement, la vitesse à laquelle on procède aux modifications de position a plus d'impact que la
position finale. Le chirurgien et l'anesthésiste doivent donc collaborer étroitement pour déplacer le
coeur lentement et corriger l'hémodynamique en continu [4,11]. En cas d’effondrement de la pression
artérielle, la première manœuvre est le repositionnement du cœur ; de petites modifications dans les
angles de bascule permettent de recommencer la manœuvre plus lentement et avec plus de succès.
Pour améliorer l'accès aux parois latérale et postérieure, la table d'opération est basculée vers la droite
ou en position de Trendelenburg, respectivement. L'élévation des jambes est la manoeuvre la plus
efficace pour augmenter la précharge. Chez un malade curarisé, cette manoeuvre augmente la pression
transmurale de l'OD, alors que la position de Trendelenburg élève simultanément la pression de l'OD
et la pression intrathoracique à cause du poids des viscères abdominaux sur le diaphragme, si bien que
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
18
la pression transmurale ne se modifie pas [10,12]. De plus, la position tête en bas augmente la pression
veineuse cérébrale ; si la pression artérielle moyenne (PAM) est très basse, il se peut que la pression
de perfusion cérébrale, qui est la différence entre la PAM et la pression veineuse, devienne
insuffisante.
Techniques chirurgicales de manipulation du coeur
Les techniques sont très nombreuses, mais peuvent être groupées en 3 catégories.
- Bascule par des compresses péricardiques et par l’appui du stabilisateur ; gène
hémodynamique portant essentiellement sur le VD comprimé contre le sternum et la
plèvre droite.
- Bascule du cœur par traction au moyen d’un amarrage sur le péricarde postérieur qui évite
la compression directe et diminue les effets hémodynamiques.
- Suspension par une ventouse apicale.
L’instabilité hémodynamique est proportionnelle à la vitesse du changement de position du cœur.
Procéder très lentement, et repositionner le cœur si la pression artérielle devient insuffisante.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
BENETTI FJ, NASELLI G, WOOD M, GEFFNER L. Direct myocardial revascularization without extracorporeal circulation.
Experience in 700 patients. Chest 1991; 100: 312-6
BERGSLAND J, KARAMANOUKIAN HL, SOLTOSKI PR, SALERNO TA. "Single suture" for circumflex exposure in offpump coronary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 1999; 68: 1428-30
BISWAS S, CLEMENTS F, DIODATO L, et al. Changes in systolic and diastolic function during multivessel off-pump coronary
bypass grafting. Eur J Cardiothorac Surg 2001; 20:913-7
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
D'ANCONA G, KARAMANOUKIAN H, LIMA R, et al. Hemodynamic effects of elevation and stabilization of the heart during
off-pump coronary surgery. J Cardiac Surg 2000; 15: 385-91
GEORGE SJ, DHADWAL K, KAPETANAKIS EI, et al. A three dimensional echocardiograpgic comparison of a deep
pericardial stitch versus an apical suction device for heart positioning during beating heart surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2007;
32:604-10
GRUNDEMAN PF, BORST C, VERLAAN CW, et al. Exposure of circumflex branches in the tilted, beating porcine heart:
echocardiographic evidence of right ventricular deformation and the effect of right or left heart bypass. J Thorac Cardiovasc Surg
1999; 118: 316-23
MATHISON M, EDGERTON JR, HORSWELL JL, AKIN JJ, MACK MJ. Analysis of hemodynamic changes during beating
heart surgical procedures. Ann Thorac Surg 2000; 70: 1355-60
MUELLER XM, CHASSOT PG, ZHOU J, et al. Hemodynamics optimization during off-pump coronary artery bypass: the 'no
compression' technique. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22: 249-54
NAKAJIMA Y, MIZOBE T, MATSUKAWA T, et al. Thermoregulatory response to intraoperative head-down tilt. Anesth Analg
2002; 94: 221-6
NIERICH AP, DIEPHUIS J, JANSEN EW, BORST C, KNAPE JT. Heart displacement during off-pump CABG: how well is it
tolerated? Ann Thorac Surg 2000; 70: 466-72
REUTER DA, FELBINGER TW, SCHMIDT C, et al. Trendelenburg positioning after cardiac surgery: effects on intrathoracic
blood volume index and cardiac performance. Eur J Anaesthesiol 2003 ; 20 : 17-20
RICCI M, KARAMANOUKIAN HL, D'ANCONA G, BERGSLAND J, SALERNO TA. Exposure and mechanical stabilization
in off-pump coronary artery bypass grafting via sternotomy. Ann Thorac Surg 2000; 70:1736-40
TORRACCA L, SCHREUDER JJ, QUARTI A, ISMENO G, FRANZE V, ALFIERI O. Acute effects of beating heart coronary
surgery on left ventricular performance. Ann Thorac Surg 2002; 74:S1348-52
WATTERS MP, ASCIONE R, RYDER IG, et al. Haemodynamic changes during beating heart coronary surgery with the 'Bristol
Technique'. Eur J Cardiothorac Surg 2001; 19: 34-40
Ischémie myocardique peropératoire
Une interruption momentanée du flux coronaire est requise pour réaliser une anastomose dans un
champ opératoire sans hémorragie continue. Le clampage coronarien est effectué par deux fils placés
proximalement et distalement à travers le myocarde de manière à contrôler le flux à travers le vaisseau
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
19
en les serrant. Ceci conduit à des périodes d'ischémie dans le territoire concerné, qui se traduisent par
une surélévation momentanée des segments ST et par de nouvelles altérations de la cinétique
segmentaire à l'ETO [36,43]. Les 15-20 minutes d'occlusion de l'IVA nécessaires à y suturer une
mammaire sont responsables d’une diminution des deux tiers du pic de raccourcissement systolique et
d’une production de lactate dans le sinus coronaire [2,32].
Différents facteurs entrent en compte dans l’importance du risque ischémique lors d’une anastomose
coronarienne à cœur battant.






Position de la sténose : proximale versus distale ;
Importance de la sténose ;
Degré de collatéralisation ;
Degré de vascularisation des zones adjacentes ;
Durée de l’occlusion ;
Techniques de protection myocardique.
L’ischémie est d’autant plus importante que la sténose est plus proximale et le territoire moins bien
collatéralisé. L’occlusion de la coronaire produit alors une dysfonction ventriculaire sévère et étendue.
Les évènements ischémiques les plus intenses surviennent lorsqu'on interrompt le flux d'une artère
dont la sténose est inférieure à 75%, parce que ce type de lésion s’accompagne d’un faible réseau
collatéral, contrairement à une sténose très serrée [40,44]. L'ischémie d'une coronaire droite (CD) non
occluse peut déclencher des arythmies dangereuses comme un bloc atrio-ventriculaire complet dû à
l'interruption du flux dans l'artère du noeud sino-atrial. C'est la raison pour laquelle certains
chirurgiens revascularisent la CD exclusivement par des anastomoses distales après sa bifurcation
[4,12,28]. Les sténoses les plus sévères étant les mieux collatéralisées, il est habituellement
recommandé de commencer par les vaisseaux obstrués à plus de 90%, mais en terminant par la
circonflexe [5,13]. Certains opérateurs préfèrent commencer par les vaisseaux les moins rétrécis pour
bénéficier du flux collatéral lors des pontages des vaisseaux les plus touchés, ou par l’IVA qui
demande le moins de manipulation et qui est immédiatement revascularisée par le flux mammaire
[4,24]. Lorsqu’on pratique des pontages libres (veineux ou artériels), il est judicieux de réaliser de
suite les anastomoses proximales de manière à assurer une revascularisation immédiate [13].
Il existe plusieurs manières de diminuer les conséquences de l'interruption du flux coronarien pendant
la chirurgie à coeur battant: amélioration de la balance entre l'apport (DO2) et la consommation (VO2 )
d'oxygène du myocarde, préconditionnement, prophylaxie pharmacologique, shunt intracoronarien.
Balance entre l'apport et la demande en O2 du myocarde
On peut améliorer le rapport DO2/VO2 en diminuant les besoins du myocarde en O2 et/ou en y
augmentant la distribution d'O2. On réduit la demande en abaissant la fréquence cardiaque (< 65
batt/min) et en diminuant la contractilité. Ceci s'obtient habituellement par un β-bloqueur ou un anticalcique. Lorsque le coeur est verticalisé, la tension de paroi du VG reste basse malgré l'augmentation
de la pression auriculaire, car cette dernière ne représente plus la précharge réelle du ventricule. Sa
valeur élevée ne correspond donc pas à une augmentation de la consommation d'O2 [7].
Une pression de perfusion coronarienne élevée est absolument essentielle pendant une période de
clampage, car le flux dans les collatérales et dans le shunt est pression-dépendant. La force motrice est
la pression diastolique aortique, dont la mesure la plus voisine en périphérie (artère radiale ou
fémorale) est la pression artérielle moyenne (PAM) [31,33]. Au cours d'une anesthésie avec des
halogénés, on a démontré qu'une PAM < 65 mmHg et une pression de perfusion coronarienne (PPC) <
50 mmHg sont associées à des épisodes d'ischémie active [21]. Il semble donc justifié de maintenir
une PAM ≥ 75 mmHg pour conserver une certaine marge de sécurité par rapport à la pression critique.
La valeur de PAM habituellement recommandée dans la littérature sur l'OPCAB est 65-80 mmHg
7,12,25,27,30,37]. On peut accepter momentanément une valeur plus basse à la condition qu'il n'y ait
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
20
aucun signe visible d'ischémie. L'administration de phényléphrine en bolus ou de nor-adrénaline en
perfusion est très souvent nécessaire au maintien d’une PAM adéquate [7,25].
Pendant les périodes d'ischémie, la priorité est placée sur la pression de perfusion. On doit accepter
que le débit cardiaque puisse être très abaissé pour diminuer la mVO2, même s'il s'installe une certaine
dette d'oxygène en périphérie [7]. On essaie de maintenir la SvO2 au-dessus de 55%, mais il n'est pas
rare qu'elle descende momentanément à 50%. La PAM est maintenue à 75 mmHg avec un
vasopresseur, et la fréquence cardiaque entre 50 et 65 batt/minute avec un β-bloqueur. La surveillance
échocardiographique transoesophagienne et l’aspect visuel dans le champ opératoire permettent de
veiller à ce que l'administration de ces substances ne conduise pas à une dilatation du VG par excès de
postcharge, auquel cas la mVO2 redevient excessive. Tant que la revascularisation n'est pas complète,
les β-stimulants ne sont utilisés qu'en dernière extrémité, ce qui oblige souvent à se maintenir pendant
une quinzaine de minutes à la limite inférieure des valeurs hémodynamiques tolérables.
Préconditionnement
Le préconditionement ischémique est défini comme une augmentation de la tolérance à l'ischémie par
de brefs épisodes répétés d'occlusion vasculaire (1-5 minutes) suivis de revascularisation momentanée
(10-30 minutes) (voir Chapitre 5 Préconditionnement) [19]. La présence d’épisodes itératifs
d’ischémie chronique dans l’anamnèse est une forme de préconditionnement clinique. Le même effet
peut aussi s'obtenir par des moyens pharmacologiques, ce qui paraît préférable dans la mesure où une
interruption du flux coronarien, même brève et momentanée, peut aggraver la situation d'un myocarde
déjà compromis par la maladie. Plusieurs substances ont été utilisées à cet effet: adénosine, nicorandil
(Dancor®), agents halogénés [11,41]. C'est une technique attractive pour protéger le myocarde pendant
les pontages à coeur battant [20]. Des études expérimentales ont démontré que l'halothane, l'isoflurane,
le sevoflurane et le desflurane protègent le myocarde contre l'ischémie par des mécanisme similaires
au préconditionnement ischémique lorsqu'ils sont administrés à ≥ 1 MAC pendant au minimum 10
minutes et au moins 30 minutes avant l'occlusion vasculaire [9,18,48]. Les meilleurs résultats sont
obtenus avec une administration continue et stable tout au long de l’intervention [11].
Dans la chirurgie à coeur battant, le préconditionnement ischémique peropératoire offre une protection
myocardique caractérisée par une diminution des taux postopératoires de troponine I et d’arythmies
[3,20,46]. Comparé au propofol, le sevoflurane garantit une meilleure fonction ventriculaire et une
diminution de la libération de troponine I, de CK-MB, de CRP et d’Interleukine 6 [9,10]. Egalement
comparé au propofol, le desflurane a le même effet, diminue de 40% le besoin en agent inotrope et
raccourcit la durée d’hospitalisation [16].
Malgré la disparité des protocoles expérimentaux et cliniques, on peut conclure de ces observations
que, en l'état actuel de nos connaissances, l'utilisation continue d'halogéné à MAC > 1 pour le maintien
de l'anesthésie est bénéfique dans les OPCAB et peut limiter les effets de l'ischémie peropératoire. Les
inhibiteurs COX-2 et les antidiabétiques oraux de type sulfonylurée doivent être évités en
préopératoire parce qu’ils inhibent le mécanisme du préconditionnement.
Prophylaxie pharmacologique
Les β-bloqueurs sont la meilleure prévention périopératoire de l'ischémie [14]. Les résultats avec les
α2-agonistes comme la clonidine ou la dexmédétomidine sont moins évidents [29]. Ces traitements
préopératoires doivent être maintenus jusque, et y compris, à la prémédication. Il en est de même pour
les antiplaquettaires (aspirine et/ou clopidogrel) et les statines administrés dans le cadre de l'angor ou
de la plaque coronarienne instable [6].
Pendant l'intervention, un β1-bloqueur sélectif de courte durée d'action comme l'esmolol est bien
adapté pour abaisser la fréquence cardiaque. Cependant, la baisse de la contractilité peut affecter
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
21
sérieusement la fonction du VG ; ceci entraîne une baisse de la PAM de 42% et du débit cardiaque de
32%, se soldant par une diminution de la SvO2 de 81% à 65% [1,8]. Cet effet inotrope négatif conduit
à une augmentation de la PAP et de la PAPO, à un moment où la pression du VD risque d'être élevée à
cause de la compression de sa chambre de chasse ou à la suite d'une insuffisance mitrale aiguë due aux
manipulations du coeur.
Un antagoniste calcique comme le diltiazem (Dilzem®) présente quelques avantages théoriques sur les
β-bloqueurs dans la période peropératoire [45]. Pour la même fréquence cardiaque, il abaisse la PAP
alors que l'esmolol tend à la faire monter [8]. Outre le frein à la conduction AV et à la fréquence, les
anticalciques ont l'intérêt d'être des vasodilatateurs artériels précieux pour inhiber le vasopasme des
greffons [34]. Comme l'augmentation de la concentration de calcium intracytoplasmique est un des
mécanismes des lésions de reperfusion post-ischémique, les anticalciques ont un effet préventif contre
ces dégâts [34,35]. Dans certains centres, on utilise une perfusion continue de diltiazem (0.1 mg kg-1 h1
) depuis l'incision jusqu'aux soins intensifs [7,28,39]. Il n'y a toutefois aucune évidence objective
prouvant que cette prophylaxie améliore le devenir des patients après OPCAB.
Le magnésium, à raison de 20 mmol sous forme de chlorure ou de sulfate, a une action semblable sur
les cellules myocardiques. Son seul inconvénient est une légère vasodilatation artériolaire [17]. Son
utilisation de routine en chirurgie cardiaque tend à diminuer l'incidence de fibrillation auriculaire. De
nombreux centres recommandent l'administration d'un bolus de MgCl2 ou de MgSO4 avant l'ouverture
du péricarde [23,28,39].
La nitroglycérine ne s'est jamais révélée efficace dans la prévention de l'ischémie peropératoire en
chirurgie cardiaque ou non-cardiaque [15,42]. Dans la chirurgie à coeur battant, elle est utilisée pour
diminuer les pressions pulmonaires ou pour traiter une ischémie active [5,12]. La baisse de précharge
qu'elle provoque diminue la congestion du VD en cas de surcharge droite, mais est un inconvénient
pendant la verticalisation du coeur lorsque les pressions de remplissage doivent être augmentées pour
maintenir le remplissage ventriculaire. Un support métabolique avec une perfusion de GlucoseInsulin-Potassium (GIK) n'apporte pas de bénéfice clinique évident pour la protection du myocarde
pendant la chirurgie à coeur battant [38].
Ischémie myocardique
Pendant l’ischémie myocardique occasionnée par le clampage nécessaire à la confection de
l’anastomose coronarienne, on cherche le meilleur rapport DO2/VO2 et une protection du myocarde.
Baisser la mVO2 (hypodynamisme, β-blocage) et à augmenter le DO2 (PAM ≥ 75 mmHg,
vasoconstricteurs), même si le DC est momentanément bas (SvO2 ≤ 55%). Surveillance attentive du
champ opératoire et de l’ETO pour éviter une dilatation du VG due à la hausse de postcharge et à la
baisse de contractilité.
Protection par préconditionnement (anesthésie maintenue par un halogéné en continu), par β-blocage
(esmolol, metoprolol), par un anticalcique (diltiazem, magnésium) et par reperfusion au moyen d’un
shunt intracoronarien.
Technique chirurgicale
Le chirurgien peut insérer un petit shunt dans la coronaire pour raccourcir la durée de l'ischémie
distale pendant les anastomoses (tailles de 1 à 3 mm) (Figure 10.13). Ce shunt fournit un débit sanguin
suffisant pour prévenir les altérations de la cinétique segmentaire et pour stabiliser le segment ST
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
22
[22,26,27]. Lorsque le flux est ainsi maintenu, on n'observe que des modifications transitoires et
modérées de la fonction du VG par rapport à une occlusion complète de l’artère coronaire [26] : baisse
du volume systolique de 11% au lieu de 31%, augmentation de la PAPO de 19% au lieu de 49% [47].
L’utilisation systématique du shunt dès l’ouverture du vaisseau à ponter autorise même à ne plus
clamper ce dernier ni à le charger sur un fil transmyocardique pour en interrompre le flux : la présence
du shunt occupe toute la lumière du vaisseau et en assure l’étanchéité tout en maintenant une perfusion
périphérique.
Figure 10.13 : Shunt
intracoronarien (flèche)
en train d'être introduit
dans une coronaire avant
la
réalisation
de
l'anastomose
(Medtronics™).
© Medtronics™
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
ALEKSIC I, BUHRE W, BARYALEI MM, et al. Haemodynamic changes during minimally invasive coronary artery bypass
surgery using high-dose esmolol. Cardiovasc Surg 2000; 8: 204-7
BROWN PM, JR., KIM VB, BOYER BJ, et al. Regional left ventricular systolic function in humans during off-pump coronary
bypass surgery. Circulation 1999; 100: II125-7
CARR-WHITE G, KOH T, DE SOUZA A, et al. Chronic stable ischaemia protects against myocyte damage during beating heart
coronary surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2004; 25:772-8
CARTIER R, BLAIN R. Off-pump revascularization of the circumflex artery: technical aspect and short-term results. Ann Thorac
Surg 1999; 68: 94-9
CARTIER R, BRANN S, DAGENAIS F, MARTINEAU R, COUTURIER A. Systematic off-pump coronary artery
revascularization in multivessel disease: experience of three hundred cases. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 119: 221-9
CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN DR. Perioperative antiplatelet therapy: the case for continuing therapy in patients at risk
of myocardial infarction. Br J Anaesth 2007; 99:316-28
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
CHAUHAN S, SAXENA N, RAO BH, SINGH RS, BHAN A. A comparison of esmolol & diltiazem for heart rate control during
coronary revascularisation on beating heart. Indian J Med Res 1999; 110: 174-7
CONZEN PF, FISCHER S, DETTER C, PETER K. Sevoflurane provides greater protection of the myocardium than propofol in
patients undergoing off-pump coronary artery bypass surgery. Anesthesiology 2003; 99:826-33
DE HERT SG, TEN BROECKE PW, MERTENS E, et al. Sevoflurane but not propofol preserves myocardial function in
coronary surgery patients. Anesthesiology 2002; 97: 42-9
DE HERT SG. Cardioprotection with volatile anesthetics: clinical relevance. Curr Opin Anesthesiol 2004; 17:57-62
DO QB, GOYER C, CHAVANON O, et al. Hemodynamic changes during off-pump CABG surgery. Eur J Cardiothorac Surg
2002; 21: 385-90
DÜRRLEMAN N, CARTIER R. Indications and strategies for OPCAB. In: Cartier R. Off pump coronary artery bypass surgery.
Georgetown:Landes Bioscience, 2005, 49-62
FLEISHER LA, BECKMAN JA, BROWN KA, et al. ACC/AHA 2007 Guidelines on perioperative cardiovascular evaluation and
care for non-cardiac surgery: Executive summary. Anesth Analg 2008; 106:685-712
GALLAGHER JD, MOORE RA, JOSE AB, BOTROS SB, CLARK DL. Prophylactic nitroglycerin infusions during coronary
artery bypass surgery. Anesthesiology 1986; 64: 785-9
GUARRACINO F, LANDONI G, TRITAPEPE L, et al. Myocardial damage prevented by volatile anesthetics: A multicenter
randomized controlled study. J Cardiothorac Vasc Anesth 2006; 20:477-83
HUSS MG, WASNICK JD. Magnesium and off-pump coronary artery bypass. J Cardiothorac Vasc Anesth 1999; 13: 374-5
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
23
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
JULIER K, DA SILVA R, GARCIA C, et al. Preconditioning by sevoflurane decreases biochemical markers for myocardial and
renal dysfunction in coronary artery bypass graft surgery. Anesthesiology 2003; 98:1315-27
KLONER RA, JENNINGS RB. Consequences of brief ischemia: stunning, preconditioning, and their clinical implications: part 1.
Circulation 2001; 104: 2981-9
LAURIKKA J, WU ZK, ISALO P, et al. Regional ischemic preconditioning enhances myocardial performance in off-pump
coronary artery bypass grafting. Chest 2002; 121:1183-9
LIEBERMAN RW, ORKIN FK, JOBES DR, SCHWARTZ AJ. Hemodynamic predictors of myocardial ischemia during
halothane anesthesia for coronary artery revascularization. Anesthesiology 1983; 59: 36-41
LUCCHETTI V, CAPASSO F, CAPUTO M, et al. Intracoronary shunt prevents left ventricular function impairment during
beating heart coronary revascularization. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 15: 255-9
MASLOW AD, REGAN MM, HEINDLE S, et al. Postoperative atrial tachyarrhythmias in patients undergoing coronary artery
bypass graft surgery without cardiopulmonary bypass: a role for intraoperative magnesium supplementation. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2000; 14: 524-30
MEHTA Y, JUNEJA R. Off-pump coronary artery bypass grafting: new developments but a better outcome ? Curr Opin
Anaesthesioogyl 2002; 15: 9-18
MEHTA Y, SHARMA KK, FIRODIYA M, MISHRA Y, TREHAN N. Vasopressor infusion during off-pump coronary artery
bypass graft surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2000; 14: 763-4
MENON AK, ALBES JM, OBERHOFF M, KARSCH KR, ZIEMER G. Occlusion versus shunting during MIDCAB: effects on
left ventricular function and quality of anastomosis. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1418-23
MISHRA M, MALHOTRA R, MISHRA A, MEHARWAL ZS, TREHAN N . Hemodynamic changes during displacement of the
beating heart using epicardial stabilization for off-pump coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 2002; 16
: 685-90 )
MUELLER XM, CHASSOT PG, ZHOU J, et al. Hemodynamics optimization during off-pump coronary artery bypass: the 'no
compression' technique. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22: 249-54
MYLES PS, HUNT JO, HOLDGAARD HO, et al. Clonidine and cardiac surgery: haemodynamic and metabolic effects,
myocardial ischaemia and recovery. Anaesth Intensive Care 1999; 27: 137-47
NIERICH AP, DIEPHUIS J, JANSEN EW, BORST C, KNAPE JT. Heart displacement during off-pump CABG: how well is it
tolerated? Ann Thorac Surg 2000; 70: 466-72
O’ROURKE MF, YAGINUMA T, AVOLIO AP . Physiological and patho-physiological implications of ventricular / vascular
coupling. Ann Biomed Eng 1984; 12: 119-34
PENTTILA HJ, LEPOJARVI MV, KAUKORANTA PK, et al. Myocardial metabolism and hemodynamics during coronary
surgery without cardiopulmonary bypass. Ann Thorac Surg 1999; 67: 683-8
ROWELL LB, BRENGELMANN GL, BLACKMON JR, BRUCE RA, MURRAY JA. Disparities between aortic and peripheral
pulse pressures induced by upright exercise and vasomotor changes in man. Circulation 1968; 37: 954-64
SEITELBERGER R, HANNES W, GLEICHAUF M, et al. Effects of diltiazem on perioperative ischemia, arrhythmias, and
myocardial function in patients undergoing elective coronary bypass grafting. J Thorac Cardiovasc Surg 1994; 107: 811-21
SEITELBERGER R, ZWOLFER W, HUBER S, et al. Nifedipine reduces the incidence of myocardial infarction and transient
ischemia in patients undergoing coronary bypass grafting. Circulation 1991; 83: 460-8
SHANEWISE JS, ZAFFER R. Intraoperative echocardiography in coronary artery bypass graft surgery without cardiopulmonary
bypass. J Am Coll Cardiol 1999; 33: 471A
SHANEWISE JS, RAMSAY JG. Off-pump coronary artery surgery: how do the anesthetic considerations differ ? Anesthiol Clin
N Am 2003; 21:613-23
SMITH A, GRATTAN A, HARPER M, ROYSTON D, RIEDEL B. Coronary revascularization: A procedure in transition from
on-pump to off-pump ? The role of Glucose-Insulin-Potassium revisited in a randomized, placebo-controlled study. J Cardiothor
Vasc Anesth 2002; 16: 413-20
STAMOU SC, PFISTER AJ, DANGAS G, et al. Beating heart versus conventional single-vessel reoperative coronary artery
bypass. Ann Thorac Surg 2000; 69: 1383-7
STANBRIDGE RD, HADJINIKOLAOU LK. Technical adjuncts in beating heart surgery comparison of MIDCAB to off-pump
sternotomy: a meta-analysis. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 16 Suppl 2: S24-33
TANAKA K, LYNDA L, KERSTEN JR, PAGEL PS, WARLTIER DC. Mechanisms of cardioprotection by volatile anesthetics.
Anesthesiology 2004; 100:707-21
THOMSON IR, MUTCH AC, CULLIGAN JD. Failure of intravenous nitroglycerin to prevent intraoperative myocardial
ischemia during fentanyl-pancuronium anesthesia. Anesthesiology 1984; 61: 385-93
WANG J, FILIPOVIC M, RUDZITIS A, et al. Transesophageal echocardiography for monitoring segmental wall motion during
off-pump coronary artery bypass surgery. Anesth Analg 2004; 99:965-73
WESTABY S, BENETTI FJ. Less invasive coronary surgery: consensus from the Oxford meeting. Ann Thorac Surg 1996; 62:
924-31
WIJEYSUNDERA DN, BEATTIES WS. Calcium channel blockers for reducing cardiac morbidity after noncardiac surgery: A
meta-analysis. Anesth Analg 2003; 97:634-41
WU ZK, IIVAINEN T, PEHKONEN E, LAURIKKA J, TARKKA MR. Arrhythmias in off-pump coronary artery bypass grafting
and th antiarrhythmic effect of regional ischemic preconditioning. J Cardiothorac Vasc Anesth 2003; 17:459-64
YEATMAN M, CAPUTO M, NARAYAN P, et al. Intracoronary shunts reduce transient intraoperative myocardial dysfunction
during off-pump coronary operations. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1411-7
ZAUGG M, LUCHINETTI E, UECKER M, PASCH T, SCHAUB MC. Anaesthetics and cardiac preconditioning: signaling and
cytoprotective mechanisms. Part I. Brit J Anaesth 2003 ; 91:551-65
Anticoagulation
L'anticoagulation est obligatoire pour l'OPCAB, mais comme il n'y a pas de contact avec les surfaces
étrangères du circuit de CEC, la valeur d'ACT visée est située entre 250 et 350 secondes, comme en
chirurgie vasculaire majeure [4,5,6]. On l'obtient pas administration intraveineuse de 2-2.5 mg/kg
(200-250 UI/kg) d'héparine avant le clampage de l'artère mammaire interne. Un ACT (Activated
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
24
Coagulation Time) est répété toutes les 20-30 minutes ; l'héparine ajoutée selon besoin pour le
maintenir entre 250 et 350 sec. Cette surveillance est à la charge de l’anesthésiste. La faible
héparinisation, jointe à la moindre activation plaquettaire, diminue très significativement le risque
hémorragique par rapport aux interventions en CEC [2,8]. Le risque de devoir transfuser est diminué
de moitié [1]. Le seuil de transfusion habituel est de 80 g/L Hb, mais il peut être plus précoce en cas
de signe d’ischémie à l’ECG ou à l’ETO, et en cas de baisse excessive de la SvO2. Le renversement de
l'héparine par la protamine est habituel, bien qu’il soit parfois partiel. L’OPCAB n’est pas associé à
une fibrinolyse comme la CEC. Il n’y a donc pas de raison d’administrer un antifibrinolytique (acide
amino-caproïque) de routine.
On a rapporté un état hypercoagulable après opération à coeur battant qui pourrait faire courir un
risque de thrombose des greffons et d'embolie pulmonaire [4]. Il est prudent de prescrire de l'aspirine
(250 mg) dès la quatrième heure après la fin de l'intervention, parce que cet antiplaquettaire réduit la
mortalité et les complications ischémiques après chirurgie coronarienne [3]. Le taux de fibrinogène est
mieux préservé après OPCAB qu’après une CEC (2.4 vs 1.7 g/L) [7].
Anticoagulation
Administration de 200-250 U/kg (1 mg/kg) d’héparine pour ACT 250-350 secondes.
Contrôle de l’ACT et ajouts d’héparine selon besoin toutes les 30 minutes.
Renversement habituel avec la protamine.
Maintenir les antiplaquettaires prescrits en préopératoire (aspirine, clopidogrel, prasugrel). Aspirine
(Aspégic® 250 mg iv) à la 4ème heure postopératoire.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
CHENG DC, BAINBRIDGE D, MARTIN JE, NOVICK RJ. Does off-pump coronary artery bypass reduce mortality, morbidity,
and resource utilization when compared with conventional coronary artery bypass? A meta-analysis of randomized trials.
Anesthesiology 2005; 102:188-203
LAMBERT AS, ODREICH MJ, MAZER CD, et al. Platelet activation in coronary bypass surgery on beating hearts compared to
cardiopulmonary bypass. Anesth Analg 2000; 90: SCA 53
MANGANO DT. Aspirin and mortality from coronary bypass surgery. N Engl J Med 2002; 347:1309-17
MARIANI MA, GU YJ, BOONSTRA PW, et al. Procoagulant activity after off-pump coronary operation: is the current
anticoagulation adequate? Ann Thorac Surg 1999; 67: 1370-5
MEHTA Y, JUNEJA R. Off-pump coronary artery bypass grafting: new developments but a better outcome ? Curr Opin
Anaesthesioogyl 2002; 15: 9-18
MISHRA M, MALHOTRA R, MISHRA A, MEHARWAL ZS, TREHAN N . Hemodynamic changes during displacement of the
beating heart using epicardial stabilization for off-pump coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 2002; 16:
685-90)
MOLLER CH, PERKO MJ, LUND JT, et al. No major differences in 30-day outcomes in high-risk patients randomized to offpump versus on-pump coronary bypass surgery. Circulation 2010; 121:498-504
WOO YJ, GRAND T, VALETTAS N. Off-pump coronary artery bypass grafting attenuates postoperative bleeding associated
with preoperative clopidogrel administration. Heart Surg Forum 2003; 6: 282-5
Techniques de surveillance
ECG
Un tracé ECG à 5 dérivations avec analyse automatique du segment ST et affichage permanent des
dérivations DII et V5 est routinier. Cependant, les manipulations du coeur modifient sa position au
sein du triangle d'Einthoven et restreignent son contact avec les tissus qui l'entourent [2]. La forme du
tracé est altérée et l'amplitude du signal est réduite (Figure 10.14A). Même en réalisant un nouvel
étalonnage à chaque changement de position, la précision de l'analyse électrocardiographique est en
partie perdue lorsque le coeur est énucléé. Pour y pallier, une astuce consiste à connecter à l'électrode
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
25
V5 un fil de pace-maker implanté sur la paroi antérieure du VG. On obtient ainsi un tracé épicardique
de grande amplitude (Figure 10.14B) qui permet de suivre avec précision l'activité électrique du
myocarde, et, le cas échéant, d'entraîner correctement une contre-pulsion intra-aortique [17].
DII
A
Position de base
Anastomose IVA
Anastomose RVP
V5
B
DII
Electrode épicardique
Pendant le clampage
Après le déclampage
Figure 10.14 : ECG en cours d’OPCAB. A: Amenuisement du tracé ECG par rapport à la position de base lors
de l’élévation du cœur pour l’anastomose sur l’IVA et de l’énucléation totale pour l’anastomose sur la face
postérieure ; le gain est maintenu identique. B: Tracé ECG épicardique obtenu par une électrode de pace-maker
implantée sur la paroi antéro-apicale et connectée à V5 pendant l'occlusion de l'IVA et après rétablissement du
flux ; le tracé supérieur est la dérivation DII conventionnelle.
Mesures de pression et de débit
La mesure invasive de la pression artérielle est évidemment primordiale. L’utilisation d’un cathéter
artériel pulmonaire de Swan-Ganz est recommandée pour les pontages multiples et les malades
souffrant de dysfonction ventriculaire, mais n’est pas nécessaire pour les monopontages. Son apport
est d’autant plus important que le nombre de pontage est élevé et la fonction ventriculaire réduite. Une
augmentation modérée de la pression artérielle pulmonaire (PAP) et pulmonaire bloquée (PAPO) est
habituelle pendant les manipulations du cœur. La PAP et la PAPO doivent être interprétées dans le
cadre de la verticalisation du coeur, puisque le sang doit "monter" dans les ventricules ; elles peuvent
rester élevées même si le malade est hypovolémique. Par contre, la SvO2 est un guide essentiel pour
juger de l'adéquation du débit cardiaque aux besoins de l'organisme, notamment pendant les périodes
de bas débit associées à l’interruption du flux coronaire. Il est important de maintenir l'extrémité
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
26
distale du cathéter dans une artère pulmonaire de grand calibre, car les manipulations du coeur peuvent
propulser le cathéter en périphérie; gonfler le ballonnet en position trop distale ferait éclater le
vaisseau.
Pendant les modifications de position du coeur, les débits du VD et du VG peuvent être très variables.
La mesure du débit cardiaque par analyse du contour de courbe artérielle (PiCCO™, FloTrac™) est
une technique intéressante car elle quantifie en continu le débit systolique instantané du VG.
Cependant, la corrélation entre la Swan-Ganz et le PiCCO est faible lorsque le débit cardiaque est
instable pendant les manipulations du cœur [10] ; de plus, les variations des résistances périphériques
obligent à recalibrer fréquemment le système PiCCO pour que l’algorithme puisse interpréter
correctement la surface sous la courbe artérielle [9]. Le flux dans l’aorte descendante évalué par
Doppler oesophagien permet également de suivre les variations du volume systolique de manière peu
invasive [5,7]. Néanmoins, aucune de ces techniques n’offre la possibilité de mesurer la SvO2, qui est
un élément décisionnel crucial dans la prise en charge hémodynamique de ces patients.
Les calculs hémodynamiques (DC, RAS, RAP) doivent être réguliers, en position neutre et pendant les
déplacements du coeur pour chaque anastomose. La SvO2 est monitorée en continu, ou au minimum
10 minutes après chaque installation dans une nouvelle position du cœur.
Echocardiographie
L'ETO est un moyen de surveillance extrêmement précieux en chirurgie à coeur battant [2,11,16,19],
même si la présence d'air entourant le coeur dressé dans le péricarde et l'utilisation de compresses
enfouies postérieurement dans le voisinage de l'oesophage limitent considérablement ses performances
(voir Chapitre 27 OPCAB). La position transgastrique est habituellement inutilisable, le coeur étant
décollé du diaphragme, mais la position rétrocardiaque à mi-oesophage permet de visualiser les 16
segments des ventricules en utilisant les plans 4-cavités, 2-cavités et long-axe, même si les images
sont parfois de mauvaise qualité. De cette manière, on peut identifier correctement au moins 14
segments dans 94% des anastomoses sur la CD, dans 83% des anastomoses sur la CX et dans 76% des
anastomoses sur l'IVA [23]. Une poche souple remplie de liquide cristalloïde enfoui au fond du
péricarde à la place des compresses permet de rétablir une imagerie transgatrique lorsque celle-ci est
nécessaire.
Un examen détaillé de l’anatomie cardiaque, des valves, de la contraction segmentaire et de la
fonction ventriculaire droite et gauche doit impérativement avoir lieu en début d’intervention pour
pouvoir servir de comparatif lorsque des modifications s’installent en cours d’opération. L’impact de
l’ETO au cours de la chirurgie à coeur battant porte sur plusieurs points.





Recherche d’éventuelles contre-indications à une opération à coeur battant (thrombus
intraventriculaire, insuffisance aortique importante).
Evaluation dynamique pendant les anastomoses : effet du stabilisateur, apparition d’altérations
de la cinétique segmentaire, détérioration de la fonction ventriculaire globale.
Diagnostic différentiel des causes d’instabilité hémodynamique : ischémie, dysfonction,
hypovolémie, torsion excessive du coeur, insuffisance valvulaire majeure.
Surveillance de la taille des ventricules : guide pour l’administration des vasopresseurs, du
volume et des agents inotropes, tolérance du VG à l’augmentation de postcharge ou au βblocage.
Contrôle du succès des anastomoses par la récupération d’une contractilité segmentaire
normale en fin d’intervention.
L'ETO met en évidence des altérations de la cinétique segmentaire (ACS) dans 40% à 64% des cas
d’OPCAB, alors que le segment ST ne permet d’identifier que 8-19% des évènements ischémiques
[16,23]. Le stabilisateur à lui seul diminue la contractilité du segment sous-jacent dans 23% des cas
[23]. Pendant l’interruption du flux coronarien, le degré de modification de la contractilité est
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
27
inversement porportionnel à celui de la collatéralisation du segment concerné [12]. Le segment distal à
l'anastomose montre une baisse de vélocité tissulaire et un allongement systolique pendant l'ischémie
[20]. L'utilisation d'un shunt intracoronarien pendant l'anastomose rétablit la contractilité du segment
dans la plupart des cas [15]. L'importance des ACS a une valeur pronostique [18]. En effet, plus la
modification est profonde, plus elle a tendance à persister après le rétablissement du flux (Figure
10.15) [23]. La moitié des ACS récupère rapidement et complètement une fois l'anastomose
complétée, 33% ne récupère que partiellement et 17% ne récupère pas du tout [16]. Il est intéressant
de noter que 71% des complications cardiaques postopératoires se retrouvent chez les patients qui
n'ont pas récupéré de leur ACS en peropératoire, mais aucune complication n'est enregistrée chez ceux
qui ont une contractilité segmentaire normale en fin d'intervention.
Figure 10.15 : Altération de la
cinétique segmentaire en cours
d'OPCAB. Dans cette étude
[23], les deux tiers des patients
présentent des ACS (altération
de la cinétique segmentaire) en
cours d’intervention ; un tiers
récupère entièrement à la
revascularisation
(ACS
transitoires), mais un tiers
conserve un certain degré de
dysfonction segmentaire (ACS
persistants). Ces derniers sont
les malades qui présentent les
ACS les plus importants en
cours d’intervention. Score
d’ACS : 1 : normokinésie ; 2 :
hypokinésie ; 3 : akinésie ; 4 :
dyskinésie.
Score d’ACS
60 patients pour
OPCAB 3 troncs
41 avec ACS
2.2
1.8
*
ACS
persistants
22 patients
1.4
1.0
ACS
transitoires
p < 0.05
19 patients
Contrôle
Stabilisateur Anastomose
Fin
L'ETO est la technique de choix pour évaluer la fonction ventriculaire et le volume du ventricule en
télédiastole, notamment pour juger si le VG tolère la postcharge qui lui est imposée lorsqu'on utilise
des vasopresseurs pour maintenir la pression de perfusion coronarienne (voir Chapitre 27
Revascularisation coronarienne OPCAB). Comme on évite les catécholamines β-stimulantes avant la
revascularisation, seul l'ETO permet de juger à quel moment la situation devient suffisamment critique
pour en commencer l'administration. L'ETO met aussi en évidence le degré de dysfonction diastolique
propre à la verticalisation du coeur par l'analyse du flux mitral (Figure 10.16). La quantification de
l'insuffisance mitrale qui peut se développer lorsque le coeur est manipulé permet d’interpréter
correctement la survenue d'une onde "v" sur le tracé de PAPO [6] ; l’apparition d’une IM sévère est
plus fréquente chez les malades qui souffrent déjà d’une régurgitation mitrale modérée. L'ETO est
encore utile pour diagnostiquer la présence d'un foramen ovale perméable responsable d'une hypoxie
réfractaire par shunt droite – gauche au cours des manipulations du cœur ou d'un thrombus
intracavitaire gauche qui est une contre-indication à la chirurgie à coeur battant (Figure 10.17) [1].
L’impact de l’ETO sur la prise en charge chirurgicale et anesthésique est considérable. Sur une série
de 744 cas à cœur battant, l’impact global est significatif dans 27.4% des cas [8] :

Pathologies inconnues obligeant à modifier la stratégie chirurgicale (CIA, IM ou IA majeure
impliquant un remplacement valvulaire) :
1.3%
 Conversion en CEC pour dysfonction ventriculaire :
1.6%
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
28




Dysfonction du VG entraînant la mise en place d’une CPIA :
3.2%
Athéromatose aortique justifiant une chirurgie tout artérielle :
4.1%
Révision d’une anastomose après pontage
5.2%
Nouvelle altération peropératoire de la cinétique segmentaire : 10.3%
Edt
A
A
E
↑ E Vmax
↓ Edt
E
Figure 10.16 : Flux de type restrictif (à droite) tel qu'il apparaît lors de la dysfonction diastolique aiguë qui
accompagne les modifications de position du coeur. Par rapport au flux normal (à gauche), la vélocité maximale
du flux E est élevée, mais son temps de décélération (Edt) est bref.
Figure
10.17 :
Thrombus apical du
VG, qui est une
contre-indication à
toute intervention à
coeur battant.
VG
Thrombus
Champ opératoire
En extrayant le cœur de la cavité péricardique, l’OPCAB offre une vision exclusive sur les ventricules,
leur contraction et leur volume. L’observation directe du champ opératoire devient donc un mode de
surveillance particulièrement pertinent. On voit notamment les éventuelles coudures au niveau du
sillon auriculo-ventriculaire ou des chambres de chasse.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
29
Selon l’étape chirurgicale, il peut être avantageux de ventiler le patient à bas volume courant (250-300
mL) et haute fréquence (25-30/min, rapport I:E ≥ 1:4), pour éviter de gêner l’opérateur par l’inspirium
pulmonaire. Parfois, une simple déconnexion momentanée du circuit respiratoire améliore la visibilité
dans le thorax pour pratiquer un geste en profondeur. Seule l’observation constante du champ
opératoire permet cette collaboration entre anesthésiste et chirurgien.
Contrôle post-revascularisation
Pendant la première demi-heure après la revascularisation, il n'est pas rare de voir sur l'ECG des
inversion significatives de l'onde T qui sont liées aux lésions de reperfusion (Figure 10.18) [3,21]. Il
est alors bon de faire une mesure quantitative du flux dans les greffons avec un fluxmètre Doppler. Le
flux doit être pulsatile et biphasique, avec deux composantes antérogrades, l'une brève en protosystole,
et l'autre longue en diastole; il existe normalement un petit flux rétrograde en télésystole (Figure
10.19). La vélocité du flux diastolique doit être d'au moins 15 cm sec-1, et le flux moyen de plus de 20
mL min-1 [13,22]. En cas de sténose anastomotique, le tracé du flux est très pointu et essentiellement
systolique. Les valeurs absolues du flux sont moins importantes que sa pulsatilité, décrite par l'index
de pulsatilité (IP), que l'on obtient en divisant la différence entre le flux maximal et le flux minimal
par le flux moyen : IP = (Fmax – Fmin) / Fmoy. L'IP optimal est situé entre 1 et 5 [4]. Une basse
vélocité et un IP très augmenté ont une grande valeur pronostique pour l'occlusion ultérieure du
greffon, et devrait conduire à une révision immédiate de l'anastomose [13,14]. Une révision est aisée
lors d'OPCAB car il n'y a pas besoin de retourner en CEC pour la réaliser.
4 min
7 min
Lésion de
reperfusion
17 min
28 min
Figure 10.18 : Enregistrements ECG peropératoires (DII et V5) à différents temps après revascularisation de
l’IVA. Les lésions de reperfusion sont caractérisées par une onde T pointue et inversée, ici maximale à 17
minutes.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
30
Greffon sur IVA
Figure
10.19 :
Enregistrement du flux dans
un greffon veineux implanté
sur l'IVA. S: flux systolique.
D: flux diastolique. La ligne
rouge représente le flux
moyen.
S
D
Flux
moyen
Monitorage peropératoire
ECG : perte d’amplitude lors des modifications de position du cœur.
Cathéter artériel : primordial.
Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz : indispensable pour les pontages multiples, en cas de
dysfonction ventriculaire ou de comorbidité ; le suivi de la SvO2 est le meilleur critère de
l’adéquation du DC lorsque celui-ci est bas pendant les périodes d’ischémie.
ETO : diagnostic des contre-indications à la chirurgie à cœur battant, évaluation de la cinétique
segmentaire avant, pendant et après les anastomoses, diagnostic des causes d’instabilité
hémodynamique, évaluation de la fonction biventriculaire, surveillance du risque de dilatation du
VD et du VG (HTAP, vasopresseurs).
Lorsque les déplacements du cœur empêchent d’obtenir des images satisfaisantes, l’observation du
champ opératoire permet de compléter l’évaluation de la taille et de la fonction des ventricules.
Après reperfusion, la persistance de nouvelles altérations de la cinétique segmentaire a une valeur
pronostique pour les complications cardiaques postopératoires. La mesure du flux coronarien et de sa
pulsatilité est utile pour juger de la qualité des anastomoses.
Références
1
2
3
4
AKHTER M, LAJOS TZ. Pitfalls of undetected patent foramen ovale in off-pump cases. Ann Thorac Surg 1999; 67: 546-8
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
CORBALAN R, LARRAIN G, NAZZAL C, et al. Association of noninvasive markers of coronary artery reperfusion to assess
microvascular obstruction in patients with acute myocardial infarction treated with primary angioplasty. Am J Cardiol 2001; 88:
342-6
D'ANCONA G, KARAMANOUKIAN HL, RICCI M, BERGSLAND J, SALERNO TA. Graft patency verification in coronary
artery bypass grafting: principles and clinical applications of transit time flow measurement. Angiology 2000; 51: 725-31
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
31
5
DECOENE C, MODINE T, AL-RUZZEH H, et al. Analysis of thoracic blood flow during off-pump coronary artery bypass
surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2004; 25:26-34
GEORGE SJ, AL-RUZZEH S, AMRANI M. Mitral annulus distortion during beating heart surgery: a potential cause for
hemodynamic disturbance: a three-dimensional echocardiography reconstruction study. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1424-30
GROW MP, SINGH A, FLEMING NW, et al. Cardiac output monitoring during off-pump coronary artery bypass grafting. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2004; 18:43-6
GURBUZ AT, HECT ML, ARSLAN AH. Intraoperative transesophageal echocardiography modifies strategy in off-pump
coronary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 2007; 83:1035-40
HALVORSEN PS, ESPINOZA A, LUNDBLAD R, et al. Agreement between PiCCO pulse-contour analysis, pulmonary artery
thermodilution and transthoracic thermodilution during off-pump coronary artery bypass surgery. Acta Anaesthesiol Scand 2006;
50:1050-7
HALVORSEN PS, SOKOLOV A, CVANCAROVA M, et al. Continuous cardiac output during off-pump coronary artery bypass
surgery: Pulse-contour analysis versus pulmonary artery thermodilution. Br J Anaesth 2007; 99:484-92
KAPOOR PM, CHOWDHURY U, MANDAL B, et al. Trans-esophageal echocardiography in off-pump coronary artery bypass
grafting. Ann Card Anaesth 2009; 12:167
KOH TW, CARR-WHITE GS, DESOUZA AC, et al. Effect of coronary occlusion on left ventricular function with and without
collateral supply during beating heart coronary artery surgery. Heart 1999; 81: 285-91
LIN JC, FISHER DL, SZWERC MF, MAGOVERN JA. Evaluation of graft patency during minimally invasive coronary artery
bypass grafting with Doppler flow analysis. Ann Thorac Surg 2000; 70: 1350-4
LOUAGIE YA, BROCKMANN CE, JAMART J, et al. Pulsed Doppler intraoperative flow assessment and midterm coronary
graft patency. Ann Thorac Surg 1998; 66: 1282-7
LUCCHETTI V, CAPASSO F, CAPUTO M, et al. Intracoronary shunt prevents left ventricular function impairment during
beating heart coronary revascularization. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 15: 255-9
MOISES VA, MESQUITA CB, CAMPOS O, et al. Importance of intraoperative transesophageal echocardiography during
coronary artery surgery without cardiopulmonary bypass. J Am Soc Echocardiogr 1998; 11: 1139-44
ONO N, ONO T, ASAKURA T, OHASHI T, SIN T. Usefuleness of unipolar epicardial ventricular electrogram for triggering of
intraaortic balloon counterpulsation during off-pump coronary artery bypass surgery in patients with hemodynamic instability
complicating acute coronary syndrome, Anesth Analg 2005; 100:937-41
SHANEWISE JS, ZAFFER R. Intraoperative echocardiography in coronary artery bypass graft surgery without cardiopulmonary
bypass. J Am Coll Cardiol 1999; 33: 471A
SHANEWISE JS, RAMSAY JG. Off-pump coronary artery surgery: how do the anesthetic considerations differ ? Anesthiol Clin
N Am 2003; 21:613-23
SKULSTAD H, ANDERSEN K, EDVARDSEN T, REIN KA, TONNESSEN TI, IHLEN E. Detection of ischemia and new
insight into left ventricular physiology by strain Doppler and tissue velocity imaging: assessment during coronary bypass on the
beating heart. J Am Soc Echocardiogr 2004; 17:1225-33
VATURI MM, BIRNBAUM MY. The use of the electrocardiogram to identify epicardial coronary and tissue reperfusion in acute
myocardial infarction. J Thrombosis & Thrombolysis 2000; 10: 5-14
WALPOTH BH, BOSSHARD A, GENYK I, et al. Transit-time flow measurement for detection of early graft failure during
myocardial revascularization. Ann Thorac Surg 1998; 66: 1097-100
WANG J, FILIPOVIC M, RUDZITIS A, et al. Transesophageal echocardiography for monitoring segmental wall motion during
off-pump coronary artery bypass surgery. Anesth Analg 2004; 99:965-73
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
Prise en charge hémodynamique
L’élément central dans la prise en charge d’une revascularisation à coeur battant est le maintien d’un
rapport optimal entre l'apport et la consommation d'oxygène du myocarde. On le fait habituellement
en abaissant la mVO2 autant que possible et en maintenant la pression artérielle moyenne (PAM) audessus de 70-75 mmHg [3,5,10]. On tolère une baisse du débit cardiaque pour autant que la SvO2 reste
supérieure à 55% et qu'une acidose métabolique ne se développe pas. Toutefois, il n'est pas rare que la
SvO2 descende momentanément à 50%; cette valeur est la limite inférieure en dessous de laquelle il
faut améliorer le débit cardiaque par des catécholamines à effet béta et/ou par une accélération de la
fréquence cardiaque (pace-maker auriculaire). Par analogie avec les résultats obtenus en CEC, on peut
aussi approfondir la curarisation pour diminuer la consommation d'oxygène de l'organisme et freiner
l'acidose métabolique [8]. Le rapport de Buffington est un guide utile. Il stipule que les malades
souffrant de sténoses coronariennes sont à risque d'ischémie myocardique lorsque leur PAM est
inférieure à leur fréquence cardiaque (PAM / FC < 1) [1].
Hypotension artérielle
Le patient devient fréquemment hypotendu lorsque le coeur est basculé dans une nouvelle position.

La première mesure est le repositionnement du cœur, suivi d’un deuxième essai plus lent en
variant quelque peu l’angle d’énucléation.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
32





La précharge est augmentée par élévation des jambes et par administration de cristalloïdes ou
de colloïdes. La quantité totale de liquides perfusés est très similaire à celle utilisée dans les
interventions en CEC [11].
Des vasopresseurs de type alpha comme la phényléphrine ou la nor-adrénaline sont indiqués
lorsque la pression demeure basse malgré l'apport liquidien, pour éviter une surchage en
volume et une augmentation de l'eau totale pulmonaire. Il est rare que l’on puisse se passer
d’une perfusion de nor-adrénaline. L'ETO est utile pour évaluer une éventuelle dilatation du
VG.
La tachycardie est freinée par un β-bloqueur, le plus fréquemment de l'esmolol, après avoir
exclu qu'elle ne soit pas due à une hypovolémie ou à un réveil. Un agoniste α2 comme la
dexmédétomidine peut être utile dans les cas réfractaires [14].
En cas de bradycardie excessive (fréquence < 50 batt/min), des fils de pace-maker branchés
sur l'OD ou le VD permettent de régler la fréquence à 55-60 battements par minute [12,16]. Il
faut s’assurer qu’une électrode ventriculaire soit en place avant de procéder à une intervention
sur le tronc de la CD, car le risque de bloc AV complet est important lorsqu’on occlut cette
artère ; ce risque est plus grand lorsque la sténose est modérée (70-80%), car la
collatéralisation est pauvre.
Il est préférable de renoncer à toute stimulation béta tant que le myocarde n'est pas
revascularisé pour éviter une ischémie par demande excessive en oxygène [3,15]. Le bienfondé de ce concept logique n'a toutefois pas encore été démontré cliniquement par des études
contrôlées.
Ischémie aiguë
Lorsque survient une ischémie aiguë (surélévation du segment ST, akinésie segmentaire), la prise en
charge doit être immédiate.





Relâchement de la suture qui clampe la coronaire, si le stade de l’intervention le permet ;
Mise en place ou repositionnement du shunt intracoronarien ;
Administration de vasopresseur pour assurer une PAM > 80 mmHg ;
Perfusion de nitroglycérine ;
En cas de tachycardie, administration d’esmolol (après contrôle de la profondeur de
l’anesthésie).
Conversion en CEC
A quel moment la chirurgie à coeur battant n'est-elle plus possible ? Les indications à passer en CEC
sont mal définies et très intuitives. Les limites sont en général placées aux valeurs suivantes, pour
autant qu'elles persistent inchangées pendant plus de 10 minutes malgré un traitement agressif [16] :








Index cardiaque < 1.5 L min-1 m-2 ;
SvO2 < 50% ;
PAM < 50 mm Hg ;
Arythmies ventriculaires malignes ;
Modifications ST > 2 mm ;
Dilatation ou dysfonction persistantes du VG ;
Altérations majeures et étendues de la cinétique segmentaire ;
Collapsus circulatoire.
Le taux de conversion en CEC oscille entre 1% et 4.9% [2,7,16]. Les patients qui ont nécessité une
CEC ont une mortalité deux à six fois supérieure à celle du coeur battant (5-12%), probablement à
cause d’une tendance à une conversion trop tardive après un trop long épisode de choc cardiogène
[13]. Une excellente communication entre l'anesthésiste et le chirurgien est absolument essentielle, car
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
33
le repositionnement du coeur est la première mesure à prendre en cas de choc [5]. La présence d'un
perfusioniste et d'une machine de CEC en attente dans la salle d'opération est de routine. Les
principaux facteurs associés à une instabilité hémodynamique requérant une CEC sont la
cardiomégalie, la compression latérale pendant une anastomose sur la CX ou une marginale, et
l'ischémie aiguë pendant l'occlusion de la CD [16].
Technique hybride
En cas de dysfonction gauche sévère (FE ≤ 0.3), la chirurgie peut se faire à coeur battant sous
assistance d'une contre-pulsion intra-aortique pour éviter la conversion d'urgence en CEC [4,9]. On
peut aussi procéder à une canulation standard et utiliser la CEC comme une simple assistance
momentanée. Il n’y a pas de cardioplégie et le coeur continue à battre en décharge. De la même
manière, une pompe centrifuge ou les mini-pompes axiales peuvent fournir un support
hémodynamique au VD ou au VG pendant les anastomoses [6]. L’assistance isolée du VD ne
nécessite ni oxygénateur ni canulation de l’aorte. Toutefois, ces techniques hybrides contraignent à
une anticoagulation plus profonde, ce qui abolit un des intérêts majeurs du coeur battant.
Prise en carge hémodynamique
En cas d’hypotension :
- Repositionnement du cœur
- 500 mL cristalloïde
- Phényléphrine (bolus) ou noradrénaline (perfusion)
- Si bradycardie : pace-maker
- Si tachycardie (non due à l’hypovolémie) : esmolol
En cas d’ischémie :
- Maintenir le rapport PAM/FC > 1 ;
- Augmenter la PAM > 80 mmHg (vasopresseurs) ;
- Baisser la fréquence < 65 batt/min (esmolol) ;
- Perfusion de nitroglycérine ;
- Déclampage coronarien (si le stade de l’opération le permet) ;
- Mise en place d’un shunt intracoronarien.
Indication à la conversion en CEC : persistance des valeurs suivantes pendant > 10 minutes malgré
un traitement agressif.
- PAM < 50 mmHg ;
- IC < 1.5 L/min/m2 ;
- SvO2 < 50% ;
- Arythmies malignes, bloc AV complet ;
- Dilatation du VG, akinésie étendue persistante.
Références
1
2
3
4
BUFFINGTON CW. Hemodynamic determinants of ischemic myocardial dysfunction in the presence of coronary stenosis in
dogs. Anesthesiology 1985; 63: 651-62
CARTIER R, BLAIN R. Off-pump revascularization of the circumflex artery: technical aspect and short-term results. Ann Thorac
Surg 1999; 68: 94-9
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
CRAVER JM, MURRAH CP. Elective intraaortic balloon counterpulsation for high-risk off-pump coronary artery bypass
operations. Ann Thorac Surg 2001; 71: 1220-3
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
34
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
DO QB, GOYER C, CHAVANON O, et al. Hemodynamic changes during off-pump CABG surgery. Eur J Cardiothorac Surg
2002; 21: 385-90
GUYTON RA, THOURANI VH, PUSKAS JD, et al. Perfusion-assisted direct coronary artery bypass: selective graft perfusion in
off-pump cases. Ann Thorac Surg 2000; 69: 171-5
HART JC, SPOONER TH, PYM J, et al. A review of 1,582 consecutive Octopus off-pump coronary bypass patients. Ann Thorac
Surg 2000; 70: 1017-20
IRISH CL, MURKIN JM, CLELAND A, et al. Neuromuscular blockade significantly decreases systemic oxygen consumption
during hypothermic cardiopulmonary bypass. J Cardiothorac Vasc Anesth 1991; 5:132-7
KIM KB, LIM C, AHN H, YANG JK. Intraaortic balloon pump therapy facilitates posterior vessel off-pump coronary artery
bypass grafting in high-risk patients. Ann Thorac Surg 2001; 71: 1964-8
MISHRA M, MALHOTRA R, MISHRA A, MEHARWAL ZS, TREHAN N . Hemodynamic changes during displacement of the
beating heart using epicardial stabilization for off-pump coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 2002; 16
: 685-90 )
MUELLER XM, CHASSOT PG, ZHOU J, et al. Hemodynamics optimization during off-pump coronary artery bypass: the 'no
compression' technique. Eur J Cardiothorac Surg 2002; 22: 249-54
ONO N, ONO T, ASAKURA T, OHASHI T, SIN T. Usefuleness of unipolar epicardial ventricular electrogram for triggering of
intraaortic balloon counterpulsation during off-pump coronary artery bypass surgery in patients with hemodynamic instability
complicating acute coronary syndrome, Anesth Analg 2005; 100:937-41
REEVES BC, ASCIONE R, CAPUTO M, ANGELINI GD. Morbidity and mortality following acute conversion from off-pump
to on-pump coronary surgery. Eur J Cardiothorac Surg 2006; 29:941-7
RUESCH S, LEVY JH. Treatment of persistent tachycardia with dexmedetomidine during off-pump cardiac surgery. Anesth
Analg 2002; 95: 316-8
SHANEWISE JS, RAMSAY JG. Off-pump coronary artery surgery: how do the anesthetic considerations differ ? Anesthiol Clin
N Am 2003; 21:613-23
VASSILIADES TA, JR., NIELSEN JL, LONQUIST JL. Hemodynamic collapse during off-pump coronary artery bypass
grafting. Ann Thorac Surg 2002; 73: 1874-9
Technique d’anesthésie pour l’OPCAB
Se passer de CEC ne raccourcit pas la durée de l'opération, qui dépend essentiellement du nombre
d'anastomoses à réaliser et de l'habileté de l'opérateur. L'accélération porte essentiellement sur la
période postopératoire: accélération de la récupération, diminution du temps d'intubation,
raccourcissement du séjour en soins intensifs et du séjour hospitalier [6]. Ceci a poussé les
anesthésistes à utiliser des techniques d’anesthésie permettant un réveil rapide (fast-track), ce qui s'est
révélé sûr et économiquement rentable ; le malade est extubé immédiatement ou 1-2 heures après la
fin de l'intervention dans une unité de surveillance intensive de type salle de réveil [11,27]. Pour ce
faire, il ne doit pas saigner, et doit être hémodynamiquement stable, eurythmique et normotherme.
L'hypothermie, qui constitue un risque indépendant de complications cardiaques [12], doit être évitée
par tous les moyens possibles en cours d'intervention: chauffage de la salle d'opération, chauffage des
perfusions et des gaz, couverture et matelas chauffants, etc. Comme le tronc et les membres inférieurs
sont préparés chirurgicalement, les couvertures chauffantes ne sont que modestement utiles; il est plus
efficace de chauffer la salle d'opération à 22-24°C [9,24]. Maintenir la normothermie est un défi
d'autant plus grand que l'absence de CEC empêche de réchauffer le malade avant de sortir de pompe.
Vu les fréquents changements de position de la table d'opération, il est prudent de disposer d'appuis
latéraux pour empêcher les translations accidentelles du patient.
La technique d’anesthésie est conventionnelle, mais en veillant à réduire les doses d’opiacés et de
benzodiazépines. Les substances les plus fréquemment utilisées sont le fentanyl, le propofol,
l’isoflurane ou le sevoflurane (Tableau 10.1). Une technique ultra-courte avec extubation sur table
n'accroît pas le confort du patient, bien au contraire, et n'est pas économiquement rentable, car elle
immobilise du temps de salle d'opération [9,21]. Parmi les agents intraveineux, le propofol a des
propriétés veinodilatatrices qui diminuent la précharge et nécessitent d'importants réajustements de
volume ; il n'a que peu d'effet cardioprotecteur [8]. Comparé au fentanyl et au sufentanil, le
remifentanil diminue considérablement la précharge et induit des bradycardies sévères [10] ; de ce fait,
il est moins stable dans les conditions de l'OPCAB. L'induction la plus stable est obtenue avec de
l'étomidate et du fentanyl. Bien que la technique d'anesthésie n'ait pas d'influence sur la mortalité et la
morbidité, il semble toutefois que les halogénés soient bénéfiques à cause de leur capacité protectrice
contre l'ischémie due au préconditionement pharmacologique [1,7,15]. Dans l'état actuel de nos
connaissances, leur utilisation est fortement recommandée dans la chirurgie à coeur battant [4]. A
noter cependant que le desflurane augmente les résistances vasculaires pulmonaires lors des
modifications du dosage ; il n’est donc pas indiqué dans ce contexte. Le Tableau 10.2 est un exemple
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
35
de protocole d'anesthésie. Quels que soient les substances utilisées, leur administration doit être réglée
de manière à pouvoir extuber le patient dans l’heure qui suit la fin de l’intervention.
Tableau 10.1
Agents d'anesthésie utilisés pour la chirurgie à coeur battant, tels que mentionnés dans 48 études
Propofol
Isoflurane, sevoflurane
Midazolam
Fentanyl
27 (56%)
20 (42%)
9 (19%)
32 (67%)
Sufentanil
Remifentanil
Anesth péridurale
Rachianesthésie
12 (25%)
8 (17%)
5 (10%)
2 (4%)
Les nombres indiquent le nombre de fois (% des études) où l'agent est mentionné
Dans 10% des études publiées, on a choisi une anesthésie générale combinée avec une rachianesthésie
(sufentanil-morphine ou bupivacaine) [2,20] ou une péridurale thoracique haute (bupivacaine,
sufentanil) [9,14,17,19,22,25]. La péridurale thoracique haute (> D5) a certains avantages démontrés :
vasodilatation des vaisseaux épicardiques, diminution de la demande myocardique en oxygène,
diminution du taux d'arythmies, diminution de la stimulation sympathique cardiaque [3,18,23,26]. Elle
fournit une excellente analgésie postopératoire, mais son utilisation en peropératoire peut compliquer
la gestion de l'hémodynamique à cause de la baisse de précharge et de postcharge qu’elle occasionne.
Malgré les avantages de la sympathicolyse cardiaque, les études randomisées qui ont comparé
l'anesthésie générale et l'anesthésie combinée n'ont pas trouvé de retombées sur la morbidité, la
mortalité, ni les complications postopératoires, à l'exception d'une excellente antalgie et d'une
extubation plus précoce [2,17,22,26]. Certains centres tentent de pratiquer des interventions à coeur
battant sous péridurale seule, sans anesthésie, ni intubation, ni ventilation mécanique [16,17,28].
Quoique apparemment bien tolérée par les patients, cette technique n'offre pas d'avantages en terme de
morbidité et de mortalité. Elle relève plus de la mode ou de l'exploit que de l'efficacité clinique.
Comme la chirurgie à coeur battant réclame une héparinisation inférieure à celle des interventions en
CEC, le risque d'hématome épidural est réduit par rapport à celui de la chirurgie cardiaque
conventionnelle ; il devrait être identique à celui de la chirurgie vasculaire. Toutefois, la tendance
actuelle est de maintenir la protection des antiplaquettaires jusqu'à l'opération chez les malades
porteurs de plaques instables ou de stents, ce qui contre-indique toute anesthésie loco-régionale.
Comme les données de la littérature actuelle démontrent clairement que la protection par aspirine et
clopidogrel est largement supérieure aux bénéfices attendus de la sympathicolyse thoracique [5], il est
préférable de procéder à une anesthésie générale, l'antalgie étant assurée par des opiacés et des AINS.
Quelle que soit la technique choisie, le rôle premier de l'anesthésiste est de prévenir les altérations
hémodynamiques dues aux manipulations chirurgicales, et de traiter les évènements ischémiques
peropératoires [24]. Pour avoir la disponibilité nécessaire à cet effet, l'anesthésiste doit régler le
problème de l'anesthésie proprement dite afin que celle-ci fonctionne en auto-pilote et ne demande pas
des réajustements répétés. La technique de choix est le maintien constant d’une fraction inspirée
d’halogéné correspondant à 1.0-1.5 MAC, accompagné de l’administration de fentanyl ou de
sufentanil et de pachycurare selon les besoins.
D’autre part, l’hémodynamique est un système multifactoriel complexe qui présente une certaine
inertie. Il est donc important d’anticiper les modifications et d’opérer de petites corrections dès
l’apparition de faibles changements dans la variable observée. La réaction à une hypotension, par
exemple, doit être gérée en fonction de la rapidité avec laquelle chute la pression artérielle, et non par
la valeur absolue de cette pression ; l’administration trop tardive de vasoconstricteur oblige à en
donner davantage, entre autre parce que le temps circulatoire s’est ralenti, ce qui va induire un
basculement vers une poussée hypertensive lorsque la substance arrive en masse sur ses récepteurs.
Une sous-correction précoce évite l’installation d’un roulis rythmique qui entretient de larges
oscillations entre l’hypo- et l’hypertension. La même attitude est recommandée face aux modifications
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
36
de la PAP, de la fréquence cardiaque ou du segment ST. Il s’agit donc d’être très vigilant sur les
moindres modifications des variables-clés. L’analyse du New York State Cardiac Surgery Reporting
System prouve que les patients pris en charge par les anesthésistes les plus peformants ont 2-3 fois
moins de morbi-mortalité que ceux qui le sont par les moins adéquats [13].
La différence entre l'OPCAB et les PAC en CEC sur le devenir des patients apparaît plus marquée
dans les cas à haut risque; il est donc de la plus haute importance de maîtriser les processus impliqués,
parce qu'une prise en charge adéquate des patients très compromis peut faire une différence sur leur
taux de mortalité et de morbidité.
Technique d’anesthésie
L’élément prioritaire est le maintien de l’hémodynamique et de l’équilibre DO2/VO2. L’anesthésie
peut être conduite de différentes manières.
Halogéné (de préférence sevoflurane) : avantage d’une protection myocardique contre l’ischémie par
le préconditionnement. Propofol : pas de protection myocardique, baisse de la précharge en
contradiction avec les besoins. Fentanyl/sufentanil : les plus maniables ; remifentanil : bradycardie
excessive.
Anesthésie combinée (AG + péridurale > D4) : sympathicolyse cardiaque et excellente antalgie, mais
hémodynamique peropératoire plus difficile à contrôler ; risque d’hématome spinal.
Maintenir rigoureusement la normothermie. Viser une extubation rapide.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
BELHOMME D, PEYNET J, LOUZY M, et al. Evidence for preconditioning by isoflurane in coronary artery bypass graft
surgery. Circulation 1999; 100: II340-4
BETTEX DA, SCHMIDLIN D, CHASSOT PG, SCHMID ER. Intrathecal sufentanil-morphine shortens the duration of intubation
and improves analgesia in fast-track cardiac surgery. Can J Anaesth 2002; 49: 711-7
CHANEY MA. Intrathecal and epidural anesthesia and analgesia for cardiac surgery. Anesth Analg 1997; 84: 1211-21
CHASSOT PG, VAN DER LINDEN P, ZAUGG M, MUELLER XM, SPAHN DR. Off-pump coronary artery bypass surgery:
Physiology and anaesthetic management. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
CHASSOT PG, MARCUCCI C, DELABAYS A, SPAHN DR. Perioperative antiplatelet therapy. Am Fam Physician 2010;
82:1484-9
CHENG DC, BAINBRIDGE D, MARTIN JE, NOVICK RJ. Does off-pump coronary artery bypass reduce mortality, morbidity,
and resource utilization when compared with conventional coronary artery bypass? A meta-analysis of randomized trials.
Anesthesiology 2005; 102:188-203
CONZEN PF, FISCHER S, DETTER C, PETER K. Sevoflurane provides greater protection of the myocardium than propofol in
patients undergoing off-pump coronary artery bypass surgery. Anesthesiology 2003; 99:826-33
DE HERT SG, TEN BROECKE PW, MERTENS E, et al. Sevoflurane but not propofol preserves myocardial function in
coronary surgery patients. Anesthesiology 2002; 97: 42-9
DJAIANI GN, ALI M, HEINRICH L, et al. Ultra-fast-track anesthetic technique facilitates operating room extubation in patients
undergoing off-pump coronary revascularization surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2001; 15: 152-7
ELLIOTT P, O'HARE R, BILL KM, et al. Severe cardiovascular depression with remifentanil. Anesth Analg 2000; 91: 58-61
ENDER J, BORGER MA, SCHOLZ M, et al. Cardiac surgery fast-track treatment in a postanesthetic care unit. Anesthesiology
2008; 109:61-6
FRANK SM, FLEISHER LA, BRESLOW MJ, et al. Perioperative maintenance of normothermia reduces the incidence of morbid
cardiac events. A randomized clinical trial. [see comments.]. JAMA 1997; 277: 1127-34
GLANCE LG, KELLERMANN AL, HANNAN EL, et al. The impact of anesthesiologists on coronary artery bypass graft
surgery outcomes. Anesth Analg 2015; 120:526-33
JANSEN EW, BORST C, LAHPOR JR, et al. Coronary artery bypass grafting without cardiopulmonary bypass using the octopus
method: results in the first one hundred patients. J Thorac Cardiovasc Surg 1998; 116: 60-7
JULIER K, DA SILVA R, GARCIA C, et al. Preconditioning by sevoflurane decreases biochemical markers for myocardial and
renal dysfunction in coronary artery bypass graft surgery. Anesthesiology 2003; 98:1315-27
KARAGOZ HY, SONMEZ B, BAKKALOGLU B, et al. Coronary artery bypass grafting in the conscious patient without
endotracheal general anesthesia. Ann Thorac Surg 2000; 70: 91-6
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
37
17
KESSLER P, AYBEK T, NEIDHART G, et al. Comparison of three anesthetic techniques for off-pump coronary artrery bypass
grafting: General anesthesia, combined general and high thoracic epidural anesthesia, or high thoracic epidural anesthesia alone. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2005; 19:32-9
KIRNO K, FRIBERG P, GRZEGORCZYK A, et al. Thoracic epidural anesthesia during coronary artery bypass surgery: effects
on cardiac sympathetic activity, myocardial blood flow and metabolism, and central hemodynamics. Anesth Analg 1994; 79:
1075-81
LEE JH, CAPDEVILLE M, MARSH D, et al. Earlier recovery with beating-heart surgery: A comparison of 300 patients
undergoing conventional versus off-pump coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2002; 16: 139-43
LEE TWR, GROCOTT HP, SCHWINN D, JACOBSOHN E. High spinal anesthesia for cardiac surgery. Anesthesiology 2003;
98: 499-510
MONTES FR, SANCHEZ SI, GIRALDO JC, et al. The lack of benefit of tracheal extubation in the operating room after coronary
artery bypass surgery. Anesth Analg 2000; 91: 776-80
NIERICH AP, DIEPHUIS J, JANSEN EW, et al. Embracing the heart: perioperative management of patients undergoing offpump coronary artery bypass grafting using the octopus tissue stabilizer. [see comments.]. J Cardiothorac Vasc Anesth 1999; 13:
123-9
OLAUSSON K, MAGNUSDOTTIR H, LURJE L, et al. Anti-ischemic and anti-anginal effects of thoracic epidural anesthesia
versus those of conventional medical therapy in the treatment of severe refractory unstable angina pectoris. Circulation 1997; 96:
2178-82
RESANO FG, STAMOU SC, LOWERY RC, CORSO PJ. Complete myocardial revascularization on the beating heart with
epicardial stabilization: anesthetic considerations. J Cardiothorac Vasc Anesth 2000; 14: 534-9
SALVI L, SICILLO L, BRAMBILLASCA C, JULIANO G, SALIS S, MARINO MR. High thoracic epidural anesthesia for offpump coronary artery bypass surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2004; 18:256-62
SCOTT NB, TURFREY DJ, RAY DA, et al. A prospective randomized study of the potential benefits of thoracic epidural
anesthesia and analgesia in patients undergoing coronary artery bypass grafting. Anesth Analg 2001; 93: 528-35
SCOTT BH, SEIFERT FC, GRIMSON R, GLASS PSA. Resource utilization in on- and off-pump coronary artery surgery:
Factors influencing postoperative length of stay – An experience of 1'746 consecutive patients undergoing fast-track cardiac
anesthesia. J Cardiothorac Vasc Anesth 2005; 19:26-31
VANEK T, STRAKA Z, BRUCEK P, WIDIMSKY P. Thoracic epidural anesthesia for off-pump coronary artery bypass without
intubation. Eur J Cardiothorac Surg 2001; 20: 858-60
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
OPCAB : résumé
Le pontage aorto-coronarien à coeur battant est une alternative performante à la chirurgie en CEC, qui
permet de réduire les coûts, les transfusions et la morbidité immédiate, sans que le risque opératoire
augmente. La qualité et le nombre des anastomoses réalisées sont identiques à ceux des PAC en CEC
dans les centres qui sont coutumiers de la technique, car le succès dépend clairement de l'habileté et de
la stratégie chirurgicales. Pendant un OPCAB, l'anesthésiste fait face à deux problèmes majeurs: le
maintien de la stabilité hémodynamique pendant que le chirurgien manipule le coeur, et le traitement
de l'ischémie aiguë pendant l'anastomose du greffon sur la coronaire. Il lui faut régler optimalement la
demande et l'apport d'oxygène au myocarde. La technique d'anesthésie proprement dite est moins
importante que le traitement de ces deux contraintes. Toutefois, les études expérimentales et cliniques
actuelles démontrent que les halogénés ont une place de choix dans ces opérations à cause de la
protection contre l'ischémie que leur confère leur propriété de préconditionnement. Lorsque le
traitement du malade le permet, l’anesthésie combinée avec une péridurale est une option.
Quelques principes simples gouvernent l’anesthésie pour l’OPCAB :







Maintien du rapport optimal entre la mVO2 et la DO2, quitte à encourir un bas débit cardiaque
momentané ;
Maintien prioritaire de la pression de perfusion coronarienne ;
Anesthésie en auto-pilote (isoflurane ou sevoflurane à 1.0-1.5 MAC) pour se concentrer sur
l’hémodynamique et l’ischémie myocardique ;
Surveillance continue de la PA systémique, de la PAP et du segment ST ;
Evaluations très rapprochées du DC, de la SvO2, de l’ETO (fonction, dimension et cinétique
segmentaire des ventricules) et de l’ACT ;
Surveillance continue du champ opératoire ;
Extubation précoce (fast-track).
L'OPCAB est un défi particulièrement attractif pour l'anesthésiste, car il doit jouer un rôle proactif et
participer au déroulement de la partie chirurgicale; sa manière de prendre en charge l'hémodynamique
et l'ischémie est une des clefs du succès de la chirurgie à coeur battant. C’est aussi une situation où
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
38
seuls une collaboration et un team-work très poussés entre anesthésiste et chirurgien permettent
d’assurer le succès de l’intervention.
Tableau 10.2: Exemple de protocole pour les pontages à coeur battant (OPCAB)
Monitoring
ECG 5-dérivations + analyse continue du segment ST
Cathéter artériel (fémoral ou radial)
Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz (voie jugulaire interne droite)
2 cathéters veineux périphériques (18G et 14 G)
Echocardiographie transoesophagienne (ETO)
Températures oesophagienne et rectale, sonde urinaire
Hémodynamique complète + SvO2 à chaque changement de position du coeur
ACT toutes les 30 minutes pour valeur > 250 sec
Induction et maintien de l'anesthésie
Etomidate, Vecuronium (selon besoins)
-1
Fentanyl (dose totale: 10-15 mcg.kg )
Isoflurane ou sevoflurane (concentration expiratoire: environ 1% ou 2% pendant toute l'opération)
Intubation endotrachéale avec tube standard (double-lumière si incision de thoracotomie)
Ventilation: hyperventil modérée (ad PaCO2 = 30 mmHg) avec O2/air; ventilation à haute fréquence
-1
(30/min) et bas volume courant (4 ml.kg ) selon les besoins chirurgicaux
Alternative: rachianalgésie (0.5 mg morphine + 50 mcg Sufentanil), pas d'opiacés iv
Mesures prophylactiques
Température de la salle réglée à 24°C
Réchauffement des perfusions
™
Emballage des parties découvertes avec de l’ouate et couverture chauffante à air pulsé (Baer-Hugger )
-1 -1
Diltiazem (0.1 mg.kg .h ) sans dose de charge, débit fixe de l'incision jusqu'à la fermeture
Magnésium (MgCl2) 2 – 3 gm intraveineux à l'ouverture du péricarde
-1
-1
Liquémine 1 mg.kg (100 U.kg ) au clampage de la mammaire (ACT recherché > 250 sec)
®
500 ml Voluven à l'ouverture du péricarde
Electrode auriculaire connectée à un pace-maker; électrode ventriculaire en place lors de chirurgie
sur la coronaire droite
Perfusions
Perfusion de Ringer-lactate selon besoins (total habituel: 2500 – 4000 ml)
®
-1
-1
Voluven (dose maximale: 50 ml.kg .24 h )
-1
Mannitol 0.5 gm.kg à la fin de l'opération si le bilan est excessivement positif
-1
Seuil de transfusion: 80 gm Hb.L (seuil plus élevé en cas d'ischémie active ou de désaturation
veineuse centrale)
™
Pertes sanguines traitées par récupérateur (CellSaver )
Hypotension
Elévation des jambes
Augmentation du débit de perfusion
Perfusion de nor-adrénaline
Augmentation de la fréquence cardiaque à 50-60 batt/min (pace-maker) en cas de bradycardie
Hypertension pulmonaire : hyperventilation, perfusion de nitroglycérine
Bas débit (SvO2 < 65%)
Augmentation de la fréquence cardiaque par le pace-maker
Augmentation de la précharge
Curarisation profonde
Pas de β-stimulation avant la revascularisation
Contre-pulsion intra-aortique (CPIA) en cas de défaillance gauche
Indications au passage en CEC
Persistence des éléments suivants malgré 15 minutes de thérapeutique agressive:
-1
2
Index cardiaque < 1.5 l.min .m , SvO2 < 50%
PAM < 50 mmHg
Arythmies ventriculaires malignes
Modifications du segment ST > 2 mm
Anomalies étendues et majeures de la cinétique segmentaire (ETO)
Dilatation et défaillance du VG (ETO)
Collapsus circulatoire
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
39
Le MIDCAB
Le MIDCAB (Minimally invasive direct access coronary artery bypass) est une technique qui permet
un pontage mammaire sur l’IVA à coeur battant par une petite thoracotomie antérieure gauche dans le
5ème espace intercostal. Pour l’anesthésie, cette technique a plusieurs implications [1] :








L’accès chirurgical est facilité si le poumon gauche n’est pas ventilé ; il est donc pratique
d’utiliser un tube endotrachéal à deux lumières ; à défaut, on peut ventiler avec un petit
volume courant et une haute fréquence pour limiter l’expansion pulmonaire ;
Le cathéter pulmonaire n’est pas nécessaire ; une voie veineuse centrale est suffisante ;
L’accès pour des palettes de défibrillation étant impossible, il faut prévoir des plaques de
défibrillateur externes, collées avant le champage ;
La région inguinale est préparée de manière à pouvoir procéder à une canulation d’urgence en
cas de passage en CEC ;
Le malade est installé avec l’hémithorax gauche surélevé par un coussin ; le bras gauche est
placé le long du corps ou au zénith sur le cadre de la table d’opération ;
La douleur postopératoire est plus importante après une thoracotomie qu’après une
sternotomie ; la mise en place d’une péridurale thoracique haute permet une analgésie
postopératoire idéale ; le risque d’hématome est identique à celui de la chirurgie vasculaire vu
la faible héparinisation (200-250 UI/kg) ;
D’autres techniques de loco-régionale sont envisageables : rachi-anesthésie avec sufentanilmorphine, blocs paravertébraux, blocs intercostaux ;
La péridurale thoracique et les techniques fast-track sont particulièrement intéressantes
lorsqu’on utilise un tube double-lumière, parce que l’extubation rapide en salle d’opération
évite la transtubation du patient avec un tube conventionnel pour le postopératoire.
La gestion de l’hémodynamique, de l’ischémie et de l’anticoagulation sont identiques à celles de
l’OPCAB. Plusieurs études ont comparé les résultats du MIDCAB sur l’IVA à la dilatation percutanée
avec pose de stent sur ce vaisseau. Bien que les récidives d’angor et les revascularisations secondaires
soient plus fréquentes avec la PCI qu’avec la chirurgie, l’incidence d’évènements cardiovasculaires est
plus élevée dans les groupes opérés [1]. N'autorisant l'anastomose que d'un seul vaisseau, le MIDCAB
est une technique difficile à l’impact limité, qui n’est pas largement pratiquée [2].
MIDCAB
Monopontage de l’artère mammaire interne gauche sur l’IVA par une minithoracotomie antérieure
gauche. Moins pratiqué que l’OPCAB ou le PAC car les résultats tendent à être moins bons.
Références
1
2
BAINBRIDGE D, CHENG D, MARTIN J, et al. Does off-pump or minimally invasive coronary artery bypass reduce mortality,
morbidity and resource utilization when compared with percutaneous coronary intervention ? A meta-analysis of randomized
trials. J Thorac Cardiovasc Surg 2007; 133:623-31
STANBRIDGE RD, HADJINIKOLAOU LK. Technical adjuncts in beating heart surgery comparison of MIDCAB to off-pump
sternotomy: a meta-analysis. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 16 Suppl 2: S24-33
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
40
Laser transmyocardique
La revasculariation par laser transmyocardique (RLTM) est une technique réservée au traitement de
l’angor réfractaire non revascularisable par les moyens conventionnels. En dirigeant le rayon laser
perpendiculairement à la paroi du VG, on crée une série de canaux destinés à revasculariser la paroi
myocardique depuis la cavité ventriculaire. Cette configuration est celle du coeur des reptiles et des
sauriens, chez qui le ventricule unique est vascularisé par des canaux et un réseau sinusoïde radiant
depuis la cavité ventriculaire, sans arbre coronarien.
Technique, mécanisme d’action et résultats
Deux technologies différentes sont utilisées [3] :

Le laser CO2, qui émet une seule pulsation de 15-20 Joule synchronisée avec l’onde R de
l’ECG pour diminuer le risque d’arythmie ;
 Le laser Ho-YAG (holmium:yttrium-aluminium-garnett), qui produit 5 pulsations par seconde
de 2 J chacune ; il faut 10-20 pulsations pour traverser la paroi ventriculaire tout en avançant
la sonde à travers le muscle.
Le rayonnement infra-rouge puissant de ces deux types de laser crée des pertuis d’environ 1 mm de
diamètre par vaporisation du tissu myocardique ; l’effet est essentiellement thermique, mais également
mécanique (ondes de choc).
La sonde laser est appliquée à la surface du VG de manière à diriger le rayonnement vers la cavité du
ventricule. Le sang qui est à l’intérieur de ce dernier absorbe le rayonnement transpariétal et évite une
perforation de la paroi opposée. C’est la raison pour laquelle on synchronise l’émission avec l’onde
R ; celle-ci a lieu en télédiastole, lorsque le VG est maximalement rempli. On réalise ainsi une série de
conduits distants d’environ 1 cm les uns des autres, ce qui permet d’en pratiquer de 30 à 40 dans un
cœur de taille normale. La preuve que ceux-ci sont perméables est apportée par deux éléments : 1) une
petite hémorragie à la surface du péricarde, tamponnée au doigt et rapidement tarie, et 2) l’apparition
d’un nuage de microbulles dans la cavité du VG, bien visible à l’échocardiographie. Ce phénomène est
dû à la chaleur du rayonnement qui fait passer en phase gazeuse les gaz dissous dans le sang, parce
que la solubilité des gaz dans un liquide est inversement proportionnelle à la température de celui-ci.
Plusieurs mécanismes d’action sont évoqués pour expliquer l’efficacité apparente de cette technique
dans le soulagement de l’angor et dans l’amélioration clinique des patients (voir Résultats
chirurgicaux).

Idéalement, les canaux restent perméables par une endothélialisation secondaire et une
réaction fibreuse périvasculaire ; malheureusement, aucune étude histopathologique n’a pu
indubitablement confirmer cette hypothèse.
 La destruction des terminaisons nerveuses afférentes supprime la sensation douloureuse de
l’angor, qui est transmise par voie sympathique [10] ; la dénervation explique probablement
l’effet immédiat sur la douleur angineuse.
 Le traumatisme local induit une néo-angiogenèse par libération locale de facteur de croissance
angiogénique (VEGF, vascular endothelial growth factor) ; cette néovascularisation améliore
le flux collatéral régional ; c’est une réponse non spécifique à la lésion du laser, mais celle-ci a
la particularité de s’accompagner d’une cicatrisation fibreuse minime, ce qui crée un équilibre
optimal entre revascularisation et fibrose [8]. Cette néovasularisation est responsable de
l’amélioration à long terme.
 Les cicatrices fibreuses qui traversent verticalement les différentes couches de la musculature
ventriculaire peuvent agir comme des redistributeurs de stress mécanique entre les couches
sous-endocardiques, très sollicitées mécaniquement, et les couches sous-épicardiques ; à la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
41
manière des tenseurs en architecture, elles peuvent diminuer ainsi la tension de paroi par unité
de surface, donc la demande en O2 [6].
 Un simple effet placebo est peu probable vu le degré d’amélioration à long terme.
Pour l’instant, il n’existe pas d’explication univoque de l’effet de la RLTM sur la symptomatologie
angineuse.
La RLTM est essentiellement réservée aux patients souffrant d’angor réfractaire au traitement médical
qui ne sont pas candidats à une revascularisation par PCI ou PAC parce qu’ils souffrent d’une maladie
coronarienne diffuse et périphérique. Ils doivent avoir une fonction ventriculaire préservée (FE > 0.35)
et présenter une réversibilité potentielle de leur ischémie à un test de perfusion myocardique (PETscan, SPECT, dipyridamole-thallium). Les contre-indications de la technique sont une insuffisance
ventriculaire congestive, une insuffisance mitrale sévère, un thrombus intracavitaire, un traitement
anticoagulant de longue durée et des arythmies malignes [9].
La mortalité de l’intervention est de 1-5% [1,3]. La survie à 1 an (90%) et 4 ans (75%) n’est pas
différente de celle du traitement médical, mais la mortalité postopératoire est significativement plus
élevée (OR 3.7) [5,7]. Par contre, la symptomatologie angineuse est très nettement diminuée avec la
RLTM : l’odds ratio est 4.6 - 9.3 par rapport au traitement médical [5,9] ; en conséquence, la qualité
de vie s’améliore, la tolérance à l’effort augmente et la consommation médicamenteuse diminue.
Après plus de 50'000 cas traités et 7 essais randomisés (1’137 patients), le poids de l’évidence penche
légèrement en faveur de la RLTM chez les patients souffrant d’angor réfractaire stable [4,5,7]. La
technique peut aussi être associée à une revascularisation chirurgicale et réalisée dans le même temps
opératoire ; ce peut être un apport significatif puisque 15-20% des patients n’ont qu’une
revascularisation incomplète après l’opération à cause d’une coronaropathie très périphérique. Comme
cette situation augmente la mortalité postopératoire, la RLTM associée aux PAC tend à l’abaisser [2].
Les complications possibles de l’intervention sont nombreuses :






Risque de lésion myocardique étendue entraînant une insuffisance aiguë du VG ;
Arythmies auriculaires et ventriculaires malignes (manipulations du coeur, déclenchement par
le laser, lésion des faisceaux de Purkinje) ;
Lésion des cordages ou des piliers de la valve mitrale et apparition d’une IM aiguë à l’ETO ;
Embolie gazeuse artérielle par un excès de microbulles ;
Hémorragie externe par les pertuis épicardiques et tamponnade ;
25% des patients ne sont pas soulagés de leur angor à long terme.
Laser transmyocardique
La technique consiste à forer au laser de petits pertuis dans la paroi ventriculaire gauche pour
perfuser le myocarde à partir de la cavité ventriculaire. Indication : angor réfractaire malgré la
thérapeutique et non revascularisable. Cette technique est pratiquement abandonnée.
Références
1
2
3
4
AGARWAL R, AJIT M, KURIAN VM, et al. Transmyocardial laser revascularization: early results and 1-year follow-up. Ann
Thorac Surg 2000; 69:1993-5
ALLEN KB, DOWLING R, DELROSSI A, et al. Transmyocardial laser revascularization combined with coronary artery bypass
grafting: a multicenter, blinded, prospective, randomized, controlled trial. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 119:540-9
ALLEN KB, KELLY J, BORKON AM, et al. Transmyocardial laser revascularization: from randomized trials to clinical practice.
A review of techniques, evidence-based outcomes, and future directions. Anesthesiol Clin 2008; 26:501-19
BRIDGES CR, HORVATH KA, NUGENT B, et al. Society of Thoracic Surgeons practice guideline: Transmyocardial laser
revascularization. Ann Thorac Surg 2004; 77:1484-502
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
42
5
BRIONES E, LACALLE JR, MARIN I. Transmyocardial laser revascularisation versus medical therapy for refractory angina.
Cochrane Database Syst Rev 2009; 21:CD003712
CARDARELLI M. A proposed alternative mechanism of action for transmyocardial revascularization. Tex Heart inst J 2006;
33:424-6
CHENG D, DIEGLER A, ALLEN K, et al. Transmyocardial laser revascularization: a meta-analysis and systematic review of
controlled trials. Innovations 2006; 1:295-313
CHU VF, GIAID A, KUAGN JQ, et al. Angiogenesis in transmyocardial revascularization: Comparison of laser versus
mechanical punctures. Ann Thorac Surg 1999; 68:301-7
HORVATH KA. Transmyocardial laser revascularization. J Card Surg 2008; 23:266-76
SOLA OM, SHI Q, VERNON RB, et al. Cardiac denervation after transmyocardial laser. Ann Thorac Surg 2001; 71:732-8
6
7
8
9
10
Technique d’anesthésie pour le laser
Comme pour tout laser, les yeux du patient doivent être protégés par des compresses humides et ceux
du personnel par des lunettes adéquates. Une sternotomie médiane ou une thoracotomie gauche
antérieure par le 5ème espace intercostal sont toutes deux praticables pour avoir accès à la paroi antérolatérale du VG. Comme il n’y a pas de CEC, le maintien de la normothermie est essentiel. Une
anesthésie générale combinée avec une péridurale thoracique haute est une solution élégante, car le
malade n’est pas anticoagulé au cours de l’intervention. En l’absence de loco-régionale, il n’est pas
nécessaire d’arrêter les antiplaquettaires en préopératoire [2].
Les candidats à la RLTM souffrent de coronaropathie diffuse et souvent d’autres affections médicales.
Ce sont des patients fragiles, chez qui le rapport DO2 /VO2 et la pression de perfusion coronarienne
doivent être maintenus aussi stables que possible. Il est donc capital de freiner toute tachycardie et de
maintenir la PAM entre 75 et 85 mmHg. L’ETO est essentielle à la conduite de l’intervention :


Détection des microbulles certifiant l’ouverture endocavitaire du conduit ;
Détection d’une lésion de cordage ou de pilier par l’apparition ou l’augmentation d’une
insuffisance mitrale ;
 Contrôle du remplissage ventriculaire pendant les émissions laser ;
 Contrôle fonctionnel du VG.
La technique d’anesthésie elle-même vise la stabilité hémodynamique et une extubation précoce ; le
maintien avec un halogéné est recommandé, car les malades souffrant de coronaropathie périphérique
profitent particulièrement du préconditionnement [1,3].







L’anesthésie combinée avec péridurale thoracique haute est bien adaptée à l’opération ;
En cas de thoracotomie, l’accès chirurgical est facilité si le poumon gauche n’est pas ventilé ;
il est donc recommandé d’utiliser un tube endotrachéal à deux lumières ; à défaut, on peut
ventiler avec un petit volume courant et une haute fréquence pour limiter l’expansion
pulmonaire ;
Le cathéter pulmonaire n’est en général pas nécessaire ; une voie veineuse centrale est
suffisante ;
L’accès pour des palettes de défibrillation étant impossible, il faut prévoir des plaques de
défibrillateur externes, collées avant le champage ;
La surveillance du segment ST et des arythmies est particulièrement scrupuleuse ;
Le N2 O est à éviter, de crainte d’augmenter le volume des microbulles ;
Maintien rigoureux de la normothermie.
La recherche a continué un temps en direction d’une injection simultanée de cellules souches dans la
périphérie des conduits perforés par le laser, de manière à stimuler optimalement la néoangiogenèse.
Cependant, la grande majorité des centres qui la pratiquaient ont actuellement abandonné la technique
du laser transmyocardique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
43
Laser transmyocardique
La technique consiste à forer au laser de petits pertuis dans la paroi ventriculaire gauche pour
perfuser le myocarde à partir de la cavité ventriculaire. Indication : angor réfractaire malgré la
thérapeutique et non revascularisable. Cette technique est pratiquement abandonnée.
Anesthésie générale sans particularité, priorité à l’équilibre DO2/VO2 ; anesthésie combinée (AG +
péridurale) possible car absence d’anticoagulation. Lunettes de protection.
Références
1
2
3
BRIDGES CR, HORVATH KA, NUGENT B, et al. Society of Thoracic Surgeons practice guideline: Transmyocardial laser
revascularization. Ann Thorac Surg 2004; 77:1484-502
CHENG D, DIEGLER A, ALLEN K, et al. Transmyocardial laser revascularization: a meta-analysis and systematic review of
controlled trials. Innovations 2006; 1:295-313
HORVATH KA. Transmyocardial laser revascularization. J Card Surg 2008; 23:266-76
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
44
Implantation valvulaire aortique (TAVI)
La levée de l’obstacle à l’éjection que représente une sténose aortique apporte un soulagement
immédiat au ventricule gauche. C’est la raison pour laquelle le remplacement valvulaire aortique offre
d’excellents résultats cliniques, même chez le malade âgé. Cependant, certains malades se voient
refuser ce soulagement parce que leur état critique implique une mortalité excessive lors d’une
intervention en CEC. Il est donc logique de se tourner vers les techniques de cathétérisme percutané
pour mettre en place une prothèse aortique sans CEC ; c’est le TAVI (Transcatheter aortic valve
implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic valve replacement). Le premier dispositif de ce type a
été implanté chez l’homme en 2002 par le Pr Alain Cribier (Université de Rouen).
Indications et résultats cliniques du TAVI
La sténose aortique est la valvulopathie la plus fréquente chez l’adulte ; sa prévalence s’élève à 2-4%
au-delà de 65 ans. Laissée à elle-même, elle a une mortalité de 25% à 1 an et de 50% à 2 ans [9]. Elle
est aussi la valvulopathie la plus fréquemment opérée. Le remplacement valvulaire aortique (RVA) en
CEC a une mortalité périopératoire moyenne de 1-3% ; il assure une survie de 83% à 5 ans et de 63%
à 10 ans [5,8]. Malheureusement, la vieillesse et la présence de comorbidités importantes augmentent
la mortalité opératoire jusqu’à 25%, et un tiers des patients se voit refuser la chirurgie parce que le
risque est trop élevé [14]. L’implantation endovasculaire d’une prothèse valvulaire sans CEC permet
d’espérer une diminution significative de cette mortalité chez les patients à très haut risque. C’est la
raison d’être du TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic
valve replacement) (voir Figure 10.27A).
Plusieurs prothèses sont actuellement sur le marché, et d’autres en essai clinique (Figure 10.20). Elles
consistent toutes en une valve biologique faite de trois feuillets de péricarde bovin (Edwards
Sapien™) ou porcin (CoreValve™, Symetis Acurate TA™, JenaValve™) montée dans une armature
métallique analogue à celle des endoprothèses vasculaires [7,18].





CoreValve™ : le stent de nitinol est auto-expansible ; le nitinol est un alliage nickel-titane à
mémoire de forme, qui reprend sa configuration initiale dès que la température s’élève s’il a
été déformé à froid. Cette prothèse existe en 4 tailles (23, 26, 29 et 31 mm) correspondant à
des anneaux aortiques de 18-20 mm, 20-23 mm, de 23-27 mm et 26-29 mm, respectivement.
Sa partie distale élargie la stabilise dans l’aorte ascendante. Elle s’étend plus loin dans la
chambre de chasse du VG (CCVG) et dans l’aorte que les autres prothèses. Elle se place
uniquement par voie fémorale.
Edwards Sapien™ : le stent d’acier est dilaté au moyen d’un ballon une fois la valve en place ;
ce stent est moins long que le précédent, donc moins susceptible de léser les voies de
conduction. L’armature est recouverte d’un tissu synthétique pour en améliorer le scellage à
l’anneau aortique. La prothèse existe en 3 tailles (23, 26 et 29 mm) prévue pour des anneaux
de respectivement 18-22 mm, 21-25 mm et 24-27 mm.
Edwards Sapien XT™ : cette valve possède une armature en alliage chrome-cobalt ; elle
existe en 4 tailles : 20, 23, 26 et 29 mm. Montée sur un nouveau système d’implantation 16F,
18F ou 20F selon la taille de la prothèse, elle offre un ensemble valve-cathéter plus fin que la
prothèse précédente.
Edwards Sapien 3: de même structure que la précédente, cette valve est dotée d’une manchette
externe qui assure une meilleure étanchéité avec l’anneau ; elle existe en tailles 23, 26 et 29
mm.
Symetis Acurate TA™ : valve aortique porcine fixée sur un stent en nitinol auto-expansible ;
prévue pour des tailles d’anneau de 21 à 27 mm, elle offre un ancrage distal particulier pour
dégager les ostia coronariens ; en voie de commercialisation, elle a reçu le label CE en
septembre 2011.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
45

JenaValve™ : biovalve porcine montée sur un stent en nitinol équipé d’un dispositif de
clippage ; elle a également reçu le label CE en septembre 2011.
De nombreuses prothèses sont en cours de développement et d’essai clinique (Portico™, Lotus™,
Direct Flow Medical™, PercValve™, Colibri™ Heart Valve, Engager™ Valve) [9,12,22]. Nombre
d'entre elles disposent de systèmes permettant de les repositionner au cours de l’intervention ou même
de les extraire et de recommencer la procédure, voire de changer de taille.
B
© Edwards™
A
© Medtronics™
C
© Symetis™
Figure 10.20: Valves aortiques implantables (transcatheter aortic valve implantation ou TAVI). A:
Corevalve™ (Medtronic, Minneapolis, MN, USA); la valve biologique est montée dans un stent auto-expensif
en nitinol. B: Sapien™ (Edwards Lifesciences, Irvine, CA, USA); la valve, fixée dans un stent en acier
inoxydable souple, est dilatée au moyen d’un ballon lors de sa mise en place C: Valve Acurate TA™ (Symetis
SA, Lausanne, Suisse), montée dans un stent auto-expansif en nitinol et utilisée par voie transapicale seulement;
elle peut être repositionnée en cours d'intervention et laisse les ostia coronariens accessibles [Noble S, Bonan R.
Remplacement valvulaire aortique percutané. Rev Méd Suisse 2009; 5:526-30].
Les valves actuelles n’accommodent pas des diamètres aortiques inférieurs à 18 mm ou supérieurs à
29 mm. Dans la pratique, on choisit toujours une valve intentionnellement surdimensionnée pour
réduire le risque de fuite paravalvulaire, car l’étanchéité est difficile vu que l’anneau aortique est
calcifié, bosselé et inhomogène. Mais le surdimensionnement doit rester modeste (5-10%, 1-3 mm),
car il empêche le dépliement correct des feuillets, cause une régurgitation centrale et lèse les voies de
conduction ; s’il est excessif, il peut même conduire à une rupture catastrophique de l’anneau aortique.
Ces valves sont introduites repliées sur un cathéter par voie fémorale ou transapicale et sont déployées
lorsqu’elles sont en place au niveau de l’anneau aortique. La sténose aortique est au préalable dilatée
au moyen d’un ballon. Avant le déploiement de la prothèse, la position de celle-ci à cheval sur la valve
est contrôlée par fluoroscopie et par échocardiographie transoesophagienne (ETO). Certaines valves
doivent être dilatées au ballon lors de leur mise en place (Sapien™, Sapien XT™), d’autres sont auto-
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
46
expansibles et se déploient d’elles-mêmes (CoreValve™, Symetis Acurate™, JenaValve™).
L’éjection du VG est réduite par un électro-entraînement rapide à 180-220 batt/min (rapid pacing)
lorsque la valve aortique est bloquée par le ballon et pendant le déploiement de la prothèse pour éviter
son embolisation. Toutefois, les prothèses auto-expansibles ne requièrent pas systématiquement de
pacing rapide. Le gradient moyen de ces différentes prothèses est de l'ordre de 12 mmHg. Dans le
postopératoire, les patients sont placés sous anti-agrégation, en général une double thérapie
antiplaquettaire (aspirine 150 mg + clopidogrel 75 mg) pendant 1-3 mois, suivie d’aspirine à vie.
L’indication reconnue pour le TAVI est la sténose aortique serrée (S < 0.6 cm2/m2, gradient moyen >
40 mmHg) symptomatique chez le malade âgé (> 75 ans) dont l’espérance de vie est > 1 an et dont la
mortalité opératoire estimée par EuroScore dépasse 15-20%, et chez le patient présentant des
comorbidités sévères ou des contre-indications à la chirurgie en CEC: réopération, radiothérapie
thoracique, hypertension pulmonaire, insuffisance droite, ou aorte porcelaine [12,21,24]. La plupart
des patients sont en classe NYHA IV (EuroSCORE > 20, score STS PROM > 10), les deux tiers
souffrent d’une coronaropathie associée et la moitié présente de l’angor et des syncopes [4].
L’intervention se justifie par le fait que la survie à long terme des octogénaires après remplacement de
la valve aortique pour sténose est la même que celle des individus normaux du même âge (64% à 5
ans) (voir Figure 11.93) [8]. Les contre-indications actuelles au TAVI sont la bicuspidie, à cause de la
forme elliptique des structures, l’insuffisance aortique, l’insuffisance mitrale sévère, l’endocardite, les
thrombus ventriculaire ou auriculaire, et la dilatation de l’aorte ascendante (> 4.5 cm) [12]. D’autre
part, les dimensions de l’anneau et de la racine aortique ne doivent pas dépasser celles prévues pour
chaque prothèse (entre 18 mm et 29 mm) (Tableau 10.3).
Tableau 10.3:
Prérequis anatomiques pour l’implantation non-invasive de prothèse aortique (TAVI)
Type de valve
Diamètre Hauteur
Surface
valve aort
CoreValve
< 1 cm2
23 mm
26 mm
29 mm
31 mm
45 mm
55 mm
53 mm
52 mm
Edwards Sapien
23 mm
26 mm
23 mm
26 mm
29 mm
14 mm
17 mm
19 mm
Sinus Valsalva
Largeur Haut
Ø jonction
sino-tubul
Dist anneaucoronaire
18-20 mm
20-23 mm
23-27 mm
26-29 mm
≥ 25 mm
≥ 27 mm
≥ 29 mm
≥ 29 mm
≤ 34 mm
≤ 40 mm
≤ 43 mm
≤ 43 mm
≥ 12 mm
≥ 14 mm
≥ 14 mm
≥ 14 mm
19-22 mm
23-25 mm
NS
NS
≥ 10 mm
≥ 11 mm
NS
NS
≥ 10 mm
≥ 11 mm
19-22 mm
23-25 mm
26-28 mm
NS
NS
NS
≥ 10 mm
≥ 11 mm
≥ 12 mm
NS
NS
NS
≥ 10 mm
≥ 10 mm
≥ 11 mm
15 mm
15 mm
15 mm
15 mm
< 0.8 cm2
14 mm
16 mm
Edwards SapienXT
Ø anneau
aortique*
< 0.8 cm2
Note. *: les valeurs mentionnées ici sont celles mesurées au CT-scan; le diamètre mesuré à l’ETO est en moyenne 1 mm plus
faible que celui mesuré au CT-scan.
Ø: diamètre. Haut: hauteur. NS: non-signifiant (ne s’applique pas).
Sources: Holmes DR, Mack MJ, Kaul S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter
aortic valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54. Kasel AM, Cassese S, Bleiziffer S, et al. Standardized
imaging for aortic annular sizing. Implications for transcatheter valve selection. JACC Cardiovasc Imaging 2013; 6:249-61.
Patel PA, Fassl J, Thompson A, et al. Transcatheter aortic valve replacement – Part 3: the central role of perioperative
transesophageal echocardiography. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:698-710.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
47
Plusieurs grandes études randomisées, des registres nationaux et les données des entreprises
manufactrices permettent de se faire une idée cohérente des résultats cliniques du TAVI après plus de
200’000 prothèses implantées à ce jour chez des patients à haut risque et âgés en moyenne de ≥ 80 ans.
 La comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à haut risque (mortalité prédite
> 15%) montre que la mortalité à 1 an est identique (25%); le risque d’AVC est plus élevé
dans le TAVI (5.1% vs 2.4%) mais le risque hémorragique est diminué (14.7% vs 25.7%)
(étude PARTNER A, valve Sapien™, 699 patients) [20]. A 2 ans, la mortalité reste similaire
(34% vs 35%) de même que les performances hémodynamiques de la prothèse. Seul le taux de
fuite paravalvulaire est plus élevé dans le groupe TAVI; il est associé à une péjoration de la
mortalité lorsque la fuite est plus que mineure [13].
 Par rapport au traitement médical, la mortalité cardiovasculaire à 1 an chez des malades jugés
inopérables est diminuée de plus de la moitié (HR 0.39) dans le groupe bénéficiant de TAVI,
mais le taux d’AVC à 1 mois est augmenté de 1.1% à 5.0% (étude PARTNER B, valve
Sapien™, 358 patients) [15]. A 2 ans, la mortalité reste inférieure dans le groupe TAVI (43%
vs 68%); les performances hémodynamiques de la prothèse ne se sont pas altérées au cours de
la deuxième année d’observation [17].
 Le registre français des TAVI montre que le taux de succès de l’implantation est de 97%, la
mortalité à 1 mois et 1 an de 9.7% et 24% respectivement, et le taux d’AVC de 4.1%; les
fuites paravalvulaires sont associées à une diminution de la survie lorsque l’insuffisance
aortique est plus que mineure (13% des cas) (étude FRANCE 2, 3’195 patients, valves
Sapien™ et CoreValve™) [10].
 Plus récemment, une nouvelle comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à
haut risque montre que la mortalité à 1 an est diminuée avec le TAVI (14.2% vs 19.1%); le
taux de complications est également plus faible (20% vs 27%), et celui d’AVC n’est pas
augmenté (étude CoreValve™, 795 patients) [2].
 Le succès immédiat est plus important avec une prothèse expandue par ballon (Sapien XT™)
qu’avec une prothèse auto-expansible (CoreValve™) (96% vs 78%, OR 1.24), le taux d’IA
plus faible (4% vs 18%) et le besoin de pace-maker moins important (17% vs 38%); mais à 1
an, les différences de résultats et de survie ne sont plus significatives. Seule l’IA
paravalvulaire est moins fréquente avec les valves Sapien XT™ (1% vs 12%) (étude
CHOICE, 241 patients) [1].
 A 5 ans, la survie après TAVI est de 37% (à 6 ans: 31%); le tiers des patients est en classe
NYHA I ou II (123 patients, âge moyen 81 ans); le taux cumulé d’AVC est de 16%. La
prothèse ne montre pas de signe de détérioration, puisque le gradient moyen est de 10.7
mmHg et la surface moyenne 1.6 cm2 [3].
 Le coût de la procédure est de $ 42’800, mais les frais cumulés à 1 an s’élèvent à $ 106’000;
vu l’espérance de vie de ces malades, cela représente un investissement de $ 61’890 par
QALY (quality-adjusted life-year) [19]. On estime que le rapport coût/bénéfice d’un
traitement est favorable lorsqu’il est inférieur à $ 50’000/QALY. Selon certains registres, le
TAVI pourrait déjà passer en-dessous de cette barre ($ 48’266/QALY) [23]. Il est certain que
le montant de l’intervention baissera avec la banalisation de la procédure.
La fréquente association entre la sténose aortique et la coronaropathie pose le problème de la prise en
charge conjointe d’une revascularisation coronarienne et d’un remplacement valvulaire. Lorsque l’une
ou l’autre de ces pathologies présente une indication chirurgicale (FE < 30%, diabète, maladie
tritronculaire ou tronc commun, EuroSCORE < 20, STS score < 10), la thérapie de choix est une
opération simultanée en CEC (RVA + PAC). Mais lorsque la chirurgie n’est pas indiquée à cause d’un
risque trop élevé du RVA, le TAVI doit se synchroniser avec la PCI (percutaneous coronary
intervention). L’attitude prédominante est de procéder à la PCI en premier et au TAVI un peu plus tard
pour plusieurs raisons [11].
 La PCI est bien supportée chez les patients souffrant d’une sténose aortique symptomatique;
 L’accès aux ostia coronariens est rendu difficile par la prothèse aortique implantée;
 Le pacing rapide inflige un risque ischémique très élevé;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
48
 Le traitement en deux temps diminue la charge en produit de contraste et le risque de
néphropathie aiguë.
L’indication à la PCI avant TAVI est réservée aux malades porteurs de sténoses sévères proximales
qui mettent en danger une large masse myocardique. Le délai proposé entre les deux évènements est
d’une dizaine de jours. La bithérapie antiplaquettaire après PCI + stents n’est pas interrompue pour le
TAVI puisque celui-ci se déroule de toute manière sous antiplaquettaires, mais le risque hémorragique
est évidemment plus élevé.
Les progrès dans les résultats cliniques poussent à étendre le TAVI à des patients de risque
intermédiaire. C’est ce qu’explorent des études comme SURTAVI ou ADVANCE, actuellement en
cours. On ne dispose guère d’expérience dans cette catégorie de malades, ni dans les classes d’âge <
75 ans, où les résultats du RVA en CEC sont excellents. Des résultats intermédiaires montrent déjà
que, chez des patients de > 75 ans à risque modéré opérés dans des centres expérimentés, la mortalité
du TAVI à 1 mois est de 1.1-4.4%, ce qui est encourageant et soutient la comparaison avec la
mortalité du RVA conventionnel, qui est de 2.4%% > 75 ans et de 1.3% chez les < 70 ans [16]. On ne
dispose pas non plus de recul à long terme, puisque le plus long suivi de TAVI est de 6 ans [3]. Après
RVA chirurgical chez les > 70 ans, par contre, on sait que 90% des bioprothèses n’ont aucun signe de
dégénérescence à 15 ans [5]. Le défi à relever est de taille [6].
Implantation non-invasive de valve aortique (TAVI)
L’implantation percutanée (fémorale, sous-clavière, trans-aortique) ou transapicale (minithoracotomie) d’une bioprothèse aortique montée dans un stent métallique est réservée aux malades
âgés et à haut risque, dont la mortalité probable au cours d’un remplacement valvulaire aortique en
CEC serait prohibitive (> 20%), mais dont l’espérance de vie est > 1 an. L’anatomie de la valve
native doit correspondre aux exigences de la prothèse (tricuspidie, dimensions de l’anneau et de la
racine aortique, distance des ostia coronariens). Si les accès vasculaires sont problématiques ou
l’aorte trop athéromateuse, on préfère la voie transapicale. Les deux principaux types de valves
montées sur cathéter sont la CoreValve™ et l’Edwards Sapien™.
Le TAVI offre peu d’avantage en terme de survie à long terme par rapport au RVA en CEC, mais il
améliore la situation clinique des patients à très haut risque et diminue la mortalité opératoire
d’environ un tiers; la mortalité globale est considérablement inférieure à celle du traitement médical
(OR 0.39). L’incidence d’AVC (3-5%), de fuite paravalvulaire (8% de degré ≥ 2) et de pacemaker
permanent (5% avec valve Sapien™, 31% avec CoreValve™) est plus élevée que lors de RVA ; or
ces complications sont associées à une augmentation de mortalité.
Le TAVI est une technologie complexe. Elle fait partie d’une palette d’options thérapeutiques pour
le patient souffrant de sténose aortique sévère, dont le choix relève d’un consilium entre cardiologue,
interventionniste, chirurgien, anesthésiste et intensiviste.
Les résultats tendent à s’améliorer constamment pour trois raisons. D’abord, le matériel se
perfectionne et se simplifie, augmentant ainsi les chances de succès et facilitant l’intervention sous
anesthésie locale, ce qui a la préférence des patients. Ensuite, la courbe d’apprentissage et l’expérience
des opérateurs conduit à une accélération de la procédure et à une maîtrise perfectionnée de la
technique. Troisièmement, la création d’équipes pluridisciplinaires prenant l’habitude de travailler
ensemble permet à des centres dédiés dont la masse critique est importante d’obtenir des résultats
fonctionnels et des survies de plus en plus élevés. Il est capital que ces équipes soient stables, car le
changement fréquent de personnel dilue la courbe d’apprentissage et rompt l’homogénéité du groupe.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
49
Le concept de heart team composé du cardiologue clinicien, du cardiologue interventionnel, du
spécialiste de l’imagerie, du chirurgien cardiaque, de l’anesthésiste cardiaque et de l’intensiviste en
charge de l’unité postopératoire assure une étroite collaboration entre les différentes spécialités. Il est
une clef fondamentale dans le succès des grandes séries [2,12,22]. Ainsi la mortalité à 30 jours s’est
réduite de 6.3% dans les premiers essais cliniques à 2.2% avec les nouvelles prothèses, et le taux
d’ictus est passé de 6.7% à 2.6% [22]. Toutefois, l'engouement pour le TAVI est aussi influencé par
les effets de mode et par la volonté de conquérir des parts de marché pour la médecine
interventionnelle. Le fait d'être dans la tendance du moment n'est pas une garantie de bien-fondé.
Seules les données cliniques sur le long terme permettront de définir la place du TAVI dans l'arsenal
thérapeutique de la maladie aortique.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
ABDEL-WAHAB M, NEUMANN FJ, MEHILLI J, FRERKER C, et al. 1-year outcome after transcatheter aortic valve
replacement with balloon-expandable vs self-expandable valves: results from the CHOICE randomized clinical trial. J Am Coll
Cardiol 2015; 66:791-800
ADAMS DH, POPMA JJ, REARDON MJ, et al. Transcatheter aortic-valve replacement with a self-expanding prosthesis. N Engl
J Med 2014; 370:1790-8
BOULETI C, HIMBERT D, IUNG B, et al. Long-term outcome after transcatheter aortic valve implantation. Heart 2015;
101:936-42
CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79
DAVID TE, ARMSTRONG S, MAGANTI M. Hancock II bioprosthesis for aortic valve replacement: the gold standard of
bioprosthesis valves durability? Ann Thorac Surg 2010; 90:775-81
FALK V. Should transcatheter aortic valve replacement be extended to lower-risk and younger patients? Circulation 2014;
130:2332-42
FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 2: Anesthesia management. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2010; 24:691-9
FILSOUFI F, RAHMANIAN PB, CASTILLO JG, et al. Excellent early and late outcomes of aortic valve replacement in people
aged 80 and older. J Am Geriatr Soc 2008; 56:255-61
FORREST JK, MANGI A, VAITKEVICIUTE I. Transcatheter aortic valve replacement: US experience. Curr Opin Anaesthesiol
2015; 28:107-12
GILARD M, ELTCHANINOFF H, IUNG B, et al. Registry of transcatheter aortic-valve implantation in high-risk patients. N
Engl J Med 2012; 366:1705-15
GOEL SS, IGE M, TUZCU EM, et al. Severe aortic stenosis and coronary artery disease – Implications for management in the
transcatheter aortic valve replacement era. J Am Coll Cardiol 2013; 62:1-10
HOLMES DR, MACK MJ, KAUL S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter aortic
valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54
KLIGER C, JELNIN V, SHARMA S, et al. CT angiography-fluoroscopy fusion imaging for percutaneous transapical access. J
Am Coll Cardiol Imag 2014; 7:169-77
KOHL P, KERZMANN A, LAHAYE L, et al. Cardiac surgery in octogenarians: perioperative outcome and long-term results.
Eur Heart J 2001; 22:1235-43
LEON MB, SMITH CR, MACK M, et al. Transcatheter aortic-valve implantation for aortic stenosis in patients who cannot
undergo surgery. N Engl J Med 2010; 363:1597-607
LINKE A, WENAWESER P, GERCKENS U, et al. Treatment of aortic stenosis with a self-expanding transcatheter valve: the
international multicentre ADVANCE study. Eur Heart J 2014; 35:2672-84
MAKKAR RR, FONTANA GP, JILAIHAWI H, et al. Transcatheter aortic-valve replacement for inoperable severe aortic
stenosis. N Engl J Med 2012 ; 366:1696-704
NOBLE S, BONAN R. Templacement valvulaire aortique percutané. Rev Méd Suisse 2009; 5:526-30
REYNOLDS MR, MAGNUSON EA, WANG K, et al. Cost-effectiveness of transcatheter aortic valve replacement compared
with standard care among inoperable patients with severe aortic stenosis. Circulation 2012; 125:1102-9
SMITH G, LEON MB, MACK MJ, et al, for the PARTNER Trial Investigators. Transcatheter versus surgical aortic valve
replacement in high risk patients. N Engl J Med 2011; 364:2187-98
VAHANIAN A, ALFIERI O, AL-ATTAR N, et al. Transcatheter valve implantation for patients with aortic stenosis: A position
statement from the European Association of Cardio-Thoracic Surgery and the European Society of Cardiology, in collaboration
with the European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions. Eur J Cardiothorac Surg 2008; 34:1-8
VAHL TP, KODALI SK, LEON MB. Transcatheter aortic valve replacement 2016. A modern-day “through the looking-glass”
adventure. J Am Coll Cardiol 2016; 67:1472-87
WATT M, MEALING S, EATON J, et al. Cost-effectiveness of transcatheter aortic valve replacement in patients ineligible for
conventional aortic valve replacement. Heart 201; 98:370-6
ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography in new
transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 32:2189-214
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
50
Technique d’implantation valvulaire aortique
Anatomie et mesures préopératoires
Lors d’un remplacement valvulaire à ciel ouvert (RVA), le chirurgien jouit d’une vue directe sur la
valve aortique. Il peut en mesurer le diamètre et tester la congruence de la prothèse avec une jauge.
Cette facilité est absente dans le TAVI. Le choix de la taille de la prothèse repose entièrement sur des
mesures non-invasives faites au CT-scan et à l’échocardiographie. Il est donc de première importance
d’avoir une connaissance approfondie de l’anatomie de la racine aortique et de ses corrélations avec
l’imagerie radiologique ou ultrasonographique.
Les 3 cuspides de la valve aortique sont insérées en "U" dans la racine aortique ; elles sont suspendues
au niveau de la jonction sino-aortique par les 3 points commissaux et sont articulées comme une
charnière au nadir de leur insertion. Cette charnière, l’insertion basse des cuspides, est située sur
l’anneau basal, qui est anatomiquement dans la chambre de chasse du VG (CCVG), en-dessous de la
jonction entre l’aorte et le VG (Figures 10.21 et 10.22). C’est l’endroit le plus rétréci de l’ensemble
CCVG - racine aortique - aorte ascendante ; par convention, c’est aussi l’endroit où se mesure le
diamètre de l’"anneau" aortique. Sa forme n’est pas circulaire mais elliptique comme celle de la
chambre de chasse ; le rapport entre le petit et le grand diamètre de cette ellipse est d’environ 0.7
(moyenne 26,3 mm et 23.5 mm) [25,29]. Ce que l’on définit comme anneau aortique est donc une
structure virtuelle située dans la CCVG, de section ovale, correspondant au point d’insertion le plus
amont des 3 cuspides aortiques en systole. Le plan ETO long-axe à 120-140° (Figures 10.23 et 10.24),
où l’on mesure le diamètre de l’anneau aortique, coupe l’ovale de cet anneau dans son plus petit
diamètre. L’ETO bidimensionnelle sous-estime donc le diamètre réel de l’anneau aortique, et ceci
pour deux raisons [24,25] : 1) la vue mi-oesophagienne long-axe (120-140°) coupe l’anneau elliptique
dans son petit diamètre (plan sagittal) (Figure 10.23) ;e plan de coupe ne passe pas par le centre de
l’anneau mais un peu en avant de celui-ci (Figure 10.24).
Le plan qui intercepte le plus grand diamètre de l’anneau est un plan long-axe dit coronal ou gauchedroit, perpendiculaire au plan long-axe à 120°, coupant celui-ci selon le traitillé bleu dans la Figure
10.23. Ce plan frontal est irréalisable en ETO car il est situé en avant de l’œsophage et ne passe pas
par le capteur de la sonde. Seule la reconstruction tri-dimensionnelle (ETO 3D) permet de le visualiser
(Figure 10.25B). La vue transgastrique profonde à 0° donne une vision voisine de ce troisième plan,
mais ne lui est pas exactement co-planaire ; d’autre part, cette vue donne des images distantes et
imprécises de la valve aortique. Elle n’est donc pas un substitut à la reconstruction 3D. Les 3 plans de
coupe de la valve aortique peuvent être aisément obtenus à partir d’une acquisition angiographique au
CT-scan (Figure 10.25E et 10.25F). Avec une définition spatiale de 0.6-1.0 mm, l’angio-CT à 64
détecteurs est la référence pour ces mesures, mais il implique l’administration de 80-120 mL de
produit de contraste iodé, ce qui peut entraîner une détérioration aiguë de la fonction rénale chez des
malades qui sont déjà en piètre condition et souffrent souvent d’altérations néphrologiques. La
corrélation entre l’ETO 3D et le CT-scan est excellente (r = 0.93-0.98) [18,23].
Normalement, les cuspides se tiennent parallèles au flux en systole, à 2-3 mm des parois des sinus de
Valsalva. Leur longueur est légèrement inférieure à la distance antre l’anneau aortique et les ostia
coronariens (Figures 10.24 et 10.25E) mais il se peut qu’une coronaire soit implantée plus bas, qu’un
feuillet soit plus long, ou que des calcifications en dépassent. Ces distances sont importantes à
connaître, car une prothèse débordant largement dans l’aorte (CoreValve™, par exemple) peut écraser
une cuspide et ses calcifications contre la paroi du sinus de Valsalva et compromettre le flux
coronarien ou même obstruer l’ostium. La distance entre l’anneau et l’ostium coronarien droit est bien
visible dans le plan 2D long-axe 120-140° (Figure 10.24), mais celle qui sépare l’anneau de l’ostium
gauche (tronc commun) n’est pas accessible à l’ETO 2D, car elle se trouve précisément dans le plan
coronal gauche-droit que l’on n’obtient qu’à l’écho 3D. La valeur moyenne de la distance entre
l’anneau aortique et chaque ostium est de 13.5 mm [23].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
51
Aorte
ascendante
Ostium TC
Sinus de
Valsalva
Nodule d’Arantzius
Lunula
Cuspide CG
Ostium CD
Nadir insertion
Cuspide NC
Septum
membraneux
Ligne insertion
Jonction Ao-VG
Cuspide CD
Anneau basal
FAM
Partie AV
du septum
MP ant
Septum
interventriculaire
Figure 10.21: Valve aortique ouverte in situ. Les 3 cuspides sont insérées en "U" dans la racine aortique (trait
noir) ; elles sont suspendues au niveau de la jonction sino-aortique et sont articulées par une charnière au nadir
de leur insertion (points bleus) ; ces 3 points sont situés sur l’anneau basal (traitillé bleu), qui est
anatomiquement dans la chambre de chasse du VG, en-dessous de la jonction entre l’aorte et le VG (voir Figure
10.22). C’est l’endroit le plus rétréci de l’ensemble CCVG-racine aortique ; c’est aussi la structure que l’on
mesure à l’écho comme anneau aortique. Les 3 points commissuraux (points violets) sont situées sur la jonction
sino-tubulaire. AV : atrio-ventriculaire. CD : coronaire droite. CG_ coronaire gauche. FAM : feuillet antérieur de
la valve mitrale. MP : muscle papillaire. NC : non-coronaire. TC : tronc commun.
Aorte ascendante
Jonction sino-tubulaire (
)
Ligne dʼinsertion des
cuspides
Jonction aorte-VG (
)
Insertion basse des
cuspides
Anneau aortique basal (
)
© Chassot 2016
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
52
Figure 10.22: Représentation schématique de la racine aortique. Les 3 cuspides sont insérées en "U" dans la
racine aortique (trait noir), au niveau des sinus de Valsalva ; elles sont suspendues au niveau de la jonction sinotubulaire (pointillé rouge) et sont articulées par une charnière au nadir de leur insertion (points bleus) ; ces 3
points sont situés sur l’anneau basal (pointillé bleu), qui est en fait dans la chambre de chasse du VG, en-dessous
de la jonction entre l’aorte et le VG (pointillé vert). Cet anneau basal, anatomiquement virtuel, est l’endroit le
plus étroit du système CCVG - racine aortique - aorte ascendante ; par convention, c’est l’endroit où se mesure le
diamètre de l’"anneau" aortique. Sa forme n’est pas circulaire mais elliptique. Les 3 points commissuraux
(points violets) sont situées sur la jonction sino-tubulaire ; ils sont évasés de 5-10% par rapport aux points de
l’anneau basal.
A
B
Sinus de
Valsalva
NC
Aorte
ascendante
CG
Ø AP
Jonction
sino-tubulaire
CD
Ø Cor
40°
120-140°
OG
NC
OD
OG
*
CG
VP
CD
CCVD
NC
CCVG
ST
CD
Ao
*
VD
OG
OG
AP
OD
Ao asc
VD
CCVG
VG
© Chassot 2016
Figure 10.23 : Corrélation anatomo-échocardiographique des 2 plans de coupe de la valve aortique : vues ETO
rétrocardiaques mi-oesophagiennes en court-axe à 40° (A) et en long axe à 120-140° (coupe sagittale) (B). Pour
chacune des 2 vues sont illustrés verticalement le schéma de l’aorte, le schéma de la vue ETO et l’image ETO
bidimensionnelle. L’anneau aortique est elliptique, alors que l’aorte ascendante est circulaire. Le diamètre
antéro-postérieur (Ø AP) est plus court que le diamètre gauche-droit ou diamètre coronal (Ø Cor). Sur l’image en
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
53
court-axe (à gauche), le traitillé blanc représente l’intersection avec le plan à 120-140° ; sur l’image en long-axe
(à droite), il représente l’intersection avec le plan à 40°. Le traitillé bleu est l’intersection avec le troisième plan,
qui est un plan long-axe perpendiculaire à celui de l’ETO mais qui est situé en avant du capteur oesophagien
(plan gauche-droit, coronal ou frontal) et qui n’intercepte pas ce dernier ; il n’est donc visible qu’en ETO
tridimensionnelle.
A
FAM
Ao asc
1
CCVG
2
3
4
5
7
C
B
FAM
NC
1
2
7
3
4
CG
5
CD
6
Coronaire
droite
© Chassot 2016
Figure 10.24 : Evaluation ETO préopératoire des diamètres aortiques. A : diamètres en long axe 120°. 1 :
chambre de chasse du VG ; 2 : anneau aortique (mesure sur le bord interne, trailing edge-to-leading edge) ; 3 :
sinus de Valsalva ; 4 : jonction sino-tubulaire ; 5 : aorte ascendante (au croisement de l’artère pulmonaire
droite) ; 7 : hauteur de la cuspide. Ces diamètres se mesurent en systole. FAM : feuillet antérieur de la valve
mitrale ; CCVG : chambre de chasse du VG. B : représentation schématique des mêmes diamètres. 6 : distance
entre l’anneau aortique et l’ostium coronarien droit ; 7 : hauteur de la cuspide droite (jaune) ; normalement, 6 est
> 7. C : le diamètre de l’anneau aortique (en bleu) tel qu’on le mesure en vue long-axe 120° projeté sur la vue
court-axe; il est légèrement plus étroit que le diamètre anatomique réel (en pointillé), parce qu’il ne passe pas
réellement par le centre de l’anneau, mais un peu antérieurement à celui-ci.
ETO pré-interventionnelle
L’échocardiographie doit confirmer la compatibilité de l’anatomie avec les prérequis de chaque type
de prothèse (voir Tableau 10.3) [16]. L’ETO bidimensionnelle (2D) permet d’obtenir des vues et des
mesures importantes (voir Chapitre 26, Sténose aortique).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
54
 Vue court-axe 40°: évaluation des 3 cuspides, mobilité, calcifications, fusions commissurales,
éventuelle bicuspidie, taille et position des ostia coronariens; présence d’IA (flux couleur);
planimétrie de l’ouverture systolique (surface) (Figure 10.23).
A
C
B
D
E
Ao
F
OG
CCVG
VG
Figure 10.25 : Mesures préopératoires de la racine aortique par ETO 3D (A à D) et par CT-scan (E et F). A :
court-axe de l’anneau aortique (plan transverse). B : long-axe de l’anneau (plan coronal) ; ce plan n’est pas
réalisable en ETO 2D. C : mesure de la distance à l’ostium droit. D : mesure de la distance à l’ostium gauche.
E : CT-scan ; mesure de l’anneau aortique (flèche bleue) et de la distance des ostia coronariens (flèches vertes) ;
en blanc : zones calcifiées. F : coupe de l’anneau aortique au CT-scan ; les flèches indiquent les points
d’intersection des cuspides et de l’anneau. Figure inférieure : mesure des diamètres de l’ellipse [Achenbach S, et
al. J Cardiovasc Comput Tomogr 2012; 6:366-80. Ferrari E, et al. Ann Thorac Surg 2010; 89:1925-32.
Mukherjee C, et al. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:654-9. Patel PA, et al. J Cardiothorac Vasc Anesth
2012; 26:698-710].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
55
 Vue long-axe 120-140°: ouverture systolique, calcifications de la racine aortique et de l’aorte
ascendante ; présence d’une insuffisance aortique (flux couleur). Evaluation du diamètre de
l’anneau aortique en mésosystole mesuré entre les points d’articulation du feuillet coronarien
droit et du feuillet non-coronaire ; la mesure est réalisée sur les bords internes de la structure
(trailing edge-to-leading edge) (Figure 10.24). Diamètres au niveau des sinus de Valsalva, de
la jonction sino-tubulaire et de l’aorte ascendante. Distance entre l’anneau aortique et l’ostium
coronarien droit. Diamètre et éventuelle hypertrophie de la chambre de chasse du VG
(CCVG) ; exclusion d’une sténose sous-aortique dynamique, qui interfère avec le déploiement
de la CoreValve™. De fortes calcifications limitent la précision de la mesure, en particulier
pour la partie antérieure de l’anneau qui est masquée par l’ombre des calcifications
postérieures. Il est judicieux de répéter la mesure au moins 3 fois sur différents cycles
cardiaques.
 Vues transgastriques profonde 0° et long-axe 120° : flux dans la CCVG (Doppler pulsé) et à
travers la valve (Doppler continu); flux couleur (insuffisance aortique). Calcul du gradient à
travers la valve aortique et la chambre de chasse selon l’équation de Bernoulli : ΔP = 4 •
(V2VAo - V2CCVG); calcul de la surface de la valve aortique par l’équation de continuité.
 Diagnostic et localisation d’athéromes dans l’aorte ascendante, la crosse et l’aorte
descendante; des lésions sévères ou mobiles sont une contre-indication à la voie d’accès
fémorale. La dilatation de la racine aortique est une contre-indication au TAVI.
L’ETO 2D évalue le petit diamètre de l’ellipse de l’anneau aortique et n’a pas accès au grand
diamètre. L’ETO tridimensionnelle (3D) pallie ce défaut. Il est recommandé de procéder en plusieurs
étapes pour l’imagerie 3D (Figure 10.25A et 10.25B) [17,23,24].
 Centrer l’image de la valve en court-axe et en long-axe au milieu de l’écran ; la qualité de
l’image 2D détermine celle de la reconstruction 3D.
 Acquisition en mode full volume d’un volume contenant la CCVG, la racine aortique et le
début de l’aorte ascendante (cadence > 10 images/s) ; l’enregistrement se fait en apnée.
 Orientation des plans transverse, sagittal et coronal sur le volume reconstruit.
 Coupe transverse passant par la partie la plus amont des cuspides (points d’articulation avec
l’anneau aortique) ; l’anneau est de forme ovale.
 Mesure des diamètres de l’anneau dans le plan sagittal (petit diamètre) et coronal (grand
diamètre).
 Mesure des distances entre l’anneau aortique et l’ostium droit (plan sagittal) et entre l’anneau
et l’ostium gauche (plan coronal) (Figure 10.25C et 10.25D).
Ces mesures ont importantes, car il est recommandé de surdimensionner (oversizing) la prothèse de 510% (1-3 mm) par rapport aux mesures pour assurer une bonne étanchéité entre la prothèse et l’anneau
aortique [25]. Cette attitude diminue le risque de fuite paravalvulaire et d’embolisation après
l’implantation de la valve. Toutefois, un excès de surdimensionnement peut conduire à un déploiement
partiel de la prothèse qui limite les mouvements de ses feuillets; une prothèse trop grande gène
également les mouvements du feuillet antérieur mitral, induit une insuffisance intra-valvulaire, et peut
causer une lésion des tissus de conduction (bloc AV), une obstruction ostiale coronarienne ou même
une rupture de l’anneau aortique. A l’inverse, le choix d’une prothèse trop petite entraîne un
écartement excessif de ses feuillets avec une fuite centrale, une forte incidence de fuite paravalvulaire
et un risque d’embolisation.
Technique d’implantation
Vu l’utilisation combinée de voie d’abord chirurgicale et de contrôle radiologique, ce type
d’intervention nécessite idéalement une salle d’opération hybride équipée de fluoroscopie,
d’échocardiographie et même de scanner, dans laquelle on peut procéder à une intervention en CEC le
cas échéant. Une équipe chirurgicale, un perfusioniste et une machine de CEC assurent un stand-by
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
56
pendant la durée de l’intervention [16,19]. Deux approches sont possibles pour implanter une valve
aortique [7].

Voie percutanée rétrograde par canulation de l’artère fémorale. Le diamètre des vaisseaux et
l’absence de tortuosité sont les critères majeurs de faisabilité de cette voie. C’est la voie
préférentielle en cardiologie interventionelle. Elle est plus aisée en cas d’anévrysme apical ou
de status adhérentiel et cicatriciel dans le péricarde (péricardite, irradiation, réopération). Bien
que d’apparence moins invasive, elle présente certains inconvénients.
• Vaisseaux d’au moins 8 mm de diamètre interne.
• Pour les cathéters de grande taille, nécessité d’une dénudation et d’une suture
chirurgicales de l’artère fémorale.
• Lésions artérielles sur l’axe fémoro-iliaque par le matériel d’implantation rigide et
de grande taille (22-24 French, diamètre externe 8.5-9.3 mm) ; les nouvelles
prothèses passent par des introducteurs de taille plus réduite (16-20F).
• Impossibilité d’ascension de la valve montée sur son cathéter à cause de sténoses
ou de tortuosités artérielles.
• Risque d’accident neurologique par embolisation de matériel athéromateux de
l’aorte ascendante et de la crosse aortique détaché par les cathéters ; dans certaines
études, le taux d’AVC (4-10%) est supérieur à celui de la voie transapicale (< 3%)
[2]. L’athéromatose aortique sévère est une contre-indication à la voie fémorale.
 Voie transapicale antérograde par mini-thoracotomie antérieure gauche (incision de 5-6 cm) à
travers le 5ème ou le 6ème espace intercostal. Elle est plus invasive et réclame une anesthésie
générale, mais elle est mieux adaptée en cas de vasculopathie périphérique et d’athéromatose
aortique (aorte porcelaine) ; elle présente probablement un risque d’AVC un peu plus faible.
Les malades chez qui cette voie est préférée sont souvent diabétiques et/ou polyvasculaires,
présentent des antécédants d’ictus, d’infarctus ou de BPCO, et ont des scores de risque plus
élevés que ceux chez qui on choisit la voie fémorale [1]. D’ailleurs, la voie apicale affiche un
léger excès de mortalité par rapport à la voie fémorale (11.5% vs 7.2%) [4]. La courte distance
entre l’apex et la valve rend les manipulations plus précises. Les inconvénients de cette voie
sont :
• Intervention chirurgicale sous anesthésie générale.
• Manipulation du coeur et ventriculotomie apicale.
• Etanchéité de la bourse apicale parfois difficile (taille de l’introducteur : 33 F) ;
risque hémorragique (tamponnade).
• Contre-indication en cas d’anévrysme apical et de status péricardique adhérentiel.
• Douleurs postopératoires de la thoracotomie.
Les deux techniques comportent un certain nombre de points d’installation communs [1,3,5,9] :
 Des plaques de défibrillateur externe sur la cage thoracique ;
 Une électrode pour l’électro-entraînement ventriculaire rapide ; cette électrode est placée par
voie endovasculaire dans le VD (voie veineuse jugulaire interne ou fémorale), ou fixée sur
l’épicarde du VG par la thoracotomie ;
 Un cathéter de type pigtail dans l’aorte ascendante pour l’aortographie ;
 Un guide rigide traversant la valve aortique et stabilisé dans le VG (pour la voie fémorale) ou
dans l’aorte descendante (pour la voie transapicale) ;
 Un accès aisé au sternum et aux vaisseaux fémoraux en cas de conversion d’urgence en CEC
(éventuel placement de guides dans la veine et l’artère fémorales) ;
 Une anticoagulation par héparine (100 UI/kg) visant un ACT de ≥ 250 sec ;
 Un réchauffement de la salle, des perfusions et du patient (air pulsé).
D’autres voies d’abord sont possibles lorsque les deux précédentes sont impraticables : voie axillaire,
voie sous-clavière ou voie aortique directe [16]. Cette dernière nécessite une mini-sternotomie haute ;
après confection d’une bourse sur l’aorte ascendante, la canulation directe donne le même accès à la
valve aortique que lors de canulation fémorale, mais elle impose de manipuler l’aorte, ce qui peut
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
57
comporter un risque embolique important. Ces canulations particulières peuvent se faire sous
anesthésie générale (transaortique) ou locale (sous-clavière).
L’intervention nécessite deux brefs épisodes d’interruption du flux aortique au cours desquels on
déploie un ballon transvalvulaire : la dilatation de la valve native (10-12 secondes), qui écrase les
cuspides contre la paroi aortique, et le déploiement de la prothèse (15-20 secondes), qui la fixe contre
l’anneau [1]. Le premier est requis dans tous les cas, le deuxième n’est en principe pas nécessaire avec
les prothèses auto-expansibles. Cette manoeuvre obstrue complètement l’éjection du VG. Il est donc
impératif de diminuer au maximum le volume systolique à ce moment afin d’éviter un déplacement
distal de la prothèse et une dilatation aiguë du VG. La méthode habituellement utilisée à cet effet est
l’électro-entraînement ventriculaire rapide (rapid ventricular pacing) à 180-220 batt/minute, qui
baisse momentanément la pression artérielle systolique à ≤ 60 mmHg et la pression pulsée à < 20
mmHg (Figure 10.26). Le pace-maker doit fonctionner en mode fixe, sans sensing, et avec une
puissance maximale (maximal output). Le ballon doit être gonflé après le début du pacing, qui n’est
interrompu qu’après dégonflement total du ballon. La récupération spontanée du rythme et de la
pression artérielle est rapide, mais 20% des cas nécessitent un support inotrope, des anti-arythmiques
ou une cardioversion électrique [8]. La vitesse de la récupération hémodynamique est un bon
marqueur de la réserve fonctionnelle du ventricule. Le risque d’altérer les voies de conduction au
niveau du septum avec la partie proximale de la prothèse est important avec le système CoreValve™
puisque 15-38% des malades ont besoin d’un pace-maker permanent pour bloc AV complet ; ce bloc
peut ne se manifester que 2-3 jours après l’intervention. Normalement, la longueur des cuspides
coronaires gauche et droite est inférieure à la distance entre l’anneau aortique et les ostia coronariens,
ce qui assure la perméabilité de ces derniers lorsque la valve est repoussée contre la paroi (voir Figure
10.24). Si ce n’est pas le cas, ou si des calcifications sont protubérantes, le tissu valvulaire peut venir
obstruer une coronaire et entraîner une ischémie myocardique massive. L’ETO renseigne rapidement
sur les éventuelles modifications de la contractilité segmentaire [29].
© Bettex 2016
Figure 10.26 : Enregistrement d’un épisode d’électro-entraînement rapide (200 batt/min) par pace-maker,
permettant le gonflement du ballon de dilatation de la valve aortique. La PA systémique s’effondre rapidement
avec la chute du débit ventriculaire. A l’arrêt du rapid pacing, le coeur reprend un rythme normal (ECG sans
lésion), mais la pression artérielle reste basse et le débit cardiaque récupère en 1-3 minutes.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
58
Contrôle radiologique
Un CT-scan préopératoire fournit des données numériques précises sur la valve aortique et les
structures voisines (Figure 10.25E et 10.25F) :




Diamètres de l’anneau, de la chambre de chasse et de la jonction sino-tubulaire ;
Distance entre l’anneau et les ostia coronariens droit et gauche ;
Calcifications aortiques, anomalies coronariennes ;
Orientation de la valve aortique (plan des 3 cuspides) permettant de positionner ultérieurement
l’arc-en-C radiologique dans le plan de la valve sans erreur de parallaxe (moyenne : 17°
d’orientation latérale gauche et 10° d’orientation céphalique) [10].
Le positionnement de la prothèse à cheval sur l’anneau aortique est contrôlé par fluoroscopie (Figure
10.27) et par ETO. L’inconvénient de la radiologie est un taux d’irradiation majeur pour l’équipe
soignante. L’angiographie de contrôle (positionnement et fonction de la prothèse, flux coronarien)
consomme une quantité importante de produit de contraste (100-300 mL), ce qui augmente l’incidence
d’insuffisance rénale postopératoire (jusqu’à 28%) chez ces malades à haut risque souffrant déjà de
néphropathie liée à l’âge, au diabète ou à l’hypertension. Pour pallier cet inconvénient, il est possible
de se passer d’angiographie et de n’utiliser que l’échocardiographie, soit intracavitaire soit
transoesophagienne, accompagnée d’une utilisation minimale de la fluoroscopie [11]. Ceci n’est
possible qu’en l’absence d’interférences avec l’image échocardiographique (artéfacts, prothèse mitrale
en place, etc) et en anesthésie générale.
A
B
Cathéter
pigtail
Mandrin
ETO
Introducteur
transapical
© Edwards™
Figure 10.27 : Exemple de TAVI par voie transapicale. A : prothèse Edwards Sapien™ en place avec son ballon
dilatateur. B : fluoroscopie lors de mise en place d’une prothèse Sapien™ (flèche) positionnée au niveau de
l’anneau aortique natif, montée sur son cathéter d’introduction, dont le mandrin est placé loin dans l’aorte
thoracique. Le cathéter pigtail est introduit par une artère périphérique.
Contrôle échocardiographique (ETO, ETT)
Très utile pour la surveillance hémodynamique (fonction ventriculaire, volémie, ischémie), l’examen
ETO peropératoire continu est un apport important à la précision de l’implantation, mais il requiert
habituellement une anesthésie générale. Les centres qui pratiquent le TAVI en locale se contentent
d’examens transthoraciques (ETT) itératifs et se fient quasi-exclusivement à la radiologie.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
59
L’échocardiographie permet tout d’abord d’évaluer et de mesurer les structures anatomiques (Figures
10.23, 10.24 et 10.25) (voir Chapitre 27 Endoprothèses valvulaires) :
 Diamètre de l’anneau aortique en mésosystole (3 mesures en vue long-axe 120°), mesuré entre
les points d’insertion du feuillet coronarien droit et du feuillet non-coronaire, en incluant les
calcifications annulaires. Ce diamètre évalue le petit diamètre de l’anneau, qui est ovale (voir
Anatomie, Figure 10.23 et Figure 10.24). La reconstruction 3D (plan coronal) permet la
mesure du grand diamètre de la valve. De fortes calcifications limitent la précision des
mesures, en particulier pour la partie antérieure de l’anneau qui est masquée par les
calcifications postérieures. La prothèse choisie est surdimensionnée de 1-3 mm (voir Tableau
10.3).
 Diamètre et éventuelle hypertrophie de la CCVG ; exclusion d’une sténose sous-aortique
dynamique, qui est une contre-indication au TAVI.
 Diamètre et hauteur des sinus de Valsalva, diamètres de la jonction sino-tubulaire et de l’aorte
ascendante.
 Position des ostia coronariens ; distance entre l’anneau aortique et l’ostium coronarien droit en
vue 2D long-axe 120° (Figure 10.24), distance entre l’anneau et l’ostium gauche dans le plan
coronal en imagerie 3D (Figure 10.25D) ; valeur moyenne 13.5 mm. Une distance de > 10 mm
est recommandée pour des prothèses Sapien™ de 23 mm et de > 11 mm pour des prothèses
Sapien™ de 26 mm [29]; elle est de > 14 mm pour les prothèses CoreValve™ de 26 à 31 mm
(Tableau 10.3) [17]. Cette distance doit être plus grande que la hauteur des cuspides
correspondantes pour éviter une occlusion coronarienne lorsque la valve native est écrasée
contre les parois par la prothèse.
 Surface de la valve aortique (planimétrie en vue court-axe 40° ou calcul par l’équation de
continuité).
 Gradient à travers la valve aortique (VAo) et la chambre de chasse selon l’équation de
Bernoulli : ΔP = 4 • (V2VAo - V2CCVG), en vue transgastrique profonde 0° ou long-axe 120°.
 Evaluation de la valve mitrale (éventuelle fuite mitrale, mobilité du feuillet antérieur).
 Diagnostic et localisation d’athéromes dans l’aorte ascendante et la crosse.
 Pendant les manœuvres, l’imagerie 3D X-plane affiche simultanément à l’écran deux plans
différents de la même structure, ce qui combine la précision du 2D et la reconstruction spatiale
du 3D.
Lors de sa mise en place, la prothèse doit se trouver à cheval sur la valve native, avec 2/3 de sa
longueur sur le versant ventriculaire de l’anneau et 1/3 sur le versant aortique. Pour la prothèse
Edwards Sapien™, l’extrémité proximale doit se trouver 5 mm en-dessous de l’anneau aortique, juste
en amont de l’insertion du feuillet mitral antérieur ; l’extrémité distale doit se situer au niveau de
l’extrémité des feuillets aortiques natifs. Pour la prothèse CoreValve™, l’extrémité ventriculaire doit
se trouver 5-10 mm en dessous de l’anneau aortique (Figure 10.28 et Figure 10.29). A l’ETO, les
repères dans une vue long axe à 120° sont l’anneau aortique, l’extrémité des cuspides aortiques,
l’extrémité du feuillet mitral antérieur (en diastole), l’ostium coronarien droit et la jonction sinotubulaire [1,10,26,29]. Sur l’écran ETO, on contrôle plusieurs manœuvres.
 Avancement et positionnement des guides et introducteurs dans l’aorte et dans le VG.
 Voie transapicale : identification de l’apex du VG (affichage X-plane de deux plans
orthogonaux simultanés, 0° et 90°), guidage des cathéters pour éviter l’accrochage de
l’appareil sous-valvulaire mitral. Le repérage de l’apex est également effectué en ETT.
 Positionnement du ballon de valvuloplastie pour dilater la sténose aortique ; la partie centrale
rétrécie du ballon doit être placée au niveau de l’anneau aortique. Malheureusement, la sonde
ETO gène la visualisation angiographique et doit être retirée de quelques centimètres lors de la
dilatation et du déploiement de la prothèse si l’opérateur se concentre sur les données
radiologiques.
 Positionnement de la prothèse ; un gonflement partiel du ballon de dilatation intravalvulaire
permet une localisation précise de la prothèse, qui doit laisser libres les orifices coronariens
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
60
(Figure 10.28) ; un déploiement trop en amont fait courir le risque d’une chute dans le VG ou
d’un dysfonctionnement mitral, alors qu’un déploiement trop en aval favorise une
embolisation dans l’aorte ascendante ou une occlusion coronarienne.
 Vue X-Plane visualisant les plans long-axe à 120° et court-axe à 30-40°.
A
B
2-3 mm
BE
CCVG
Aorte
CCVG
BE
Ostium
coronarien
Ostium
coronarien
Figure 10.28 : mise en place d’une endoprothèse aortique Edward’s Sapien™ sous guidage
échocardiographique. A: la prothèse est introduite sur son mandrin et placée à cheval sur la valve aortique
sténosée ; un gonflement très partiel du ballon d’expansion (BE) permet de localiser précisément la prothèse par
rapport à l’anneau aortique à l’ETO. B : prothèse déployée ; la prothèse déborde de 2-3 mm l’insertion du
feuillet mitral antérieur en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG) ; les orifices coronariens sont
dégagés.
A
B
2-3 mm
Aorte
CCVG
CCVG
Ostium
coronarien
Ostium
coronarien
Figure 10.29 : mise en place d’une endoprothèse aortique Core-Valve™. A: la prothèse est introduite sur son
mandrin et placée à cheval sur la valve aortique sténosée. B : prothèse déployée ; la prothèse déborde de 2-3 mm
l’insertion du feuillet mitral antérieur en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG) et s’appuie dans la
racine de l’aorte ascendante avec sa partie grillagée.
Après la mise en place, l’ETO est intéressante pour l’évaluation fonctionnelle de la prothèse (chaque
type présente des caractéristiques ultrasonographiques particulières) et le diagnostic d’éventuelles
complications immédiates (Figure 10.30) (voir plus loin Complications) [29].
 Mouvements d’ouverture et de fermeture libres et non-restrictifs des 3 feuillets ; absence de
sténose (Tableau 10.4).
 Recherche et quantification d’une insuffisance aortique (IA) résiduelle, qui peut être
paravalvulaire (entre la prothèse et l’anneau aortique) ou intravalvulaire (entre les feuillets de
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
61











la prothèse). Les signes d’une IA majeure sont les suivants (vues court-axe 40°, long-axe
120°, transgastrique profonde (0°) et transgastrique long-axe (120°) (Tableau 10.4) :
• PISA bien visible sur le versant aortique (Figure 26.40) ;
• Extension du jet au-delà de la chambre de chasse ;
• Large diamètre du jet à son origine ;
• Rapport du diamètre du jet avec le diamètre de la CCVG > 50% ;
• Temps de demi-pression < 250 msec (Figure 26.42) ;
• Reflux diastolique dans l’aorte descendante.
L’IA majeure a des conséquences hémodynamiques facilement appréciables [21,27] :
• Affaissement de la PAdiast sur la courbe de pression artérielle ;
• Diminution du gradient télédiastolique entre l’aorte et le VG (PAtd – PtdVG) ;
• Volume systolique plus élevé dans la CCVG que dans la CCVD.
Recherche et quantification de fuites paravalvulaires (FPV) ; les fuites paravalvulaires
mineures (degré I-II) sont fréquentes (60% des cas), les fuites modérées et sévères surviennent
dans 7-15% des cas [16,29]. Elles sont souvent dues à une prothèse sous-dimensionnée. Leur
importance est définie par la proportion de la circonférence représentée par leur orifice (ou par
la somme des orifices) en court-axe : < 10% (fuite mineure), 10-20% (fuite modérée), > 20%
(fuite sévère). Elles peuvent entraîner éventuellement un mouvement de bascule de la prothèse
à chaque systole. Il est capital de les rechercher systématiquement sous plusieurs angles de
vue avant de retirer le guide, car une ré-expansion de la prothèse avec le ballon intra-aortique
permet souvent de les supprimer.
Recherche et quantification des fuites intravalvulaires, fréquemment liées à une prothèse
surdimensionnée. L’IA diminue en général lorsqu’on retire le guide ; une IA centrale de degré
I n’est pas rare [15]. Une IA excessive et persistante (degré > II) peut demander le
déploiement d’une seconde prothèse dans la première. Il peut arriver qu’un feuillet reste
accolé à la paroi et ne se ferme pas en diastole, provoquant une IA massive ; il est possible de
le rabattre en augmentant la postcharge avec un vasoconstricteur (phényléphrine). Le plein
déploiement des feuillets peut prendre plusieurs minutes après la mise en place.
Gradient transvalvulaire (en conditions hémodynamiques normales), en prenant soin de
soustraire le gradient de la CCVG : ΔP = 4 • (V2PrAo - V2CCVG). ΔPmoy habituel : 10-12
mmHg ; ΔPmoy acceptable : 15-20 mmHg. Le gradient est tributaire du volume systolique et
de la force d’éjection du VG. La vélocité de la CCVG doit être enregistrée bien en amont de la
prothèse, et non dans sa partie intraventriculaire, juste en-dessous de la valve, qui est une zone
déjà rétrécie ; ceci conduirait à sous-estimer le gradient transvalvulaire et à surestimer la
surface de la prothèse. Le gradient trans-prothétique (gradient moy 12 mmHg) reste stable à
long terme (Tableau 10.4) [22].
Surface d’ouverture de la prothèse, qui est en moyenne de 1.1 cm2/m2.
Fonctionnement de la valve mitrale (péjoration de l’IM ou nouvelle fuite mitrale) ; les
mouvements du feuillet antérieur peuvent être génés par une prothèse trop bas insérée. La voie
transapicale peut endommager directement l’appareil sous-valvulaire mitral.
Flux dans le tronc commun et la coronaire droite au Doppler couleur.
Fonction du VG et du VD.
Altérations de la cinétique segmentaire en rapport avec une obstruction coronarienne aiguë.
Tamponnade sur rupture de la racine aortique ou perforation ventriculaire.
Dissection aortique.
Epanchement pleural gauche (voie transapicale).
Complications
Les deux complications immédiates les plus communes sont l’insuffisance aortique (IA) intra- ou
para-valvulaire sur mauvaise expansion ou non-congruence de la prothèse avec l’anneau aortique, et le
bloc AV complet par lésion du tissu de conduction avec la partie de la prothèse qui déborde dans la
chambre de chasse. Avec la voie fémorale, les lésions vasculaires sont fréquentes. D’autres
complications potentiellement catastrophiques sont heureusement plus rares : embolisation de débris
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
62
valvulaires ou d’athéromes aortiques entraînant un AVC, obstruction d’un ostium coronarien et
infarctus massif, perforation de paroi et tamponnade, déchirure de l’anneau aortique, dissection
aortique. Finalement, certaines complications sont davantage liées à la fragilité des patients face à une
intervention majeure : insuffisance ventriculaire, insuffisance rénale aiguë, insuffisance polyorganique. Le taux d’échec technique varie de 1% à 9% et diminue avec l’expérience des opérateurs
[16].
A
C
D
B
OG
CCVG
VG
Ao
Prothèse
Figure 10.30 : Contrôle postopératoire. A: vue ETO 2D court-axe (54°) de la prothèse aortique (Edwards
Sapien™) en place. B: fuite paravalvlulaire (flèche) en vue 2D long-axe 140°. C: vue 3D d’une valve Sapien™.
D: vue 3D d’une fuite intravalvulaire (flèche rouge); la vue dans l’espace permet de la différencier clairement
d’une fuite paravalvulaire [Zamorano JL, et al. Eur Heart J 2011; 32:2189-214].
 Fuite paravalvulaire (FPV) par non-congruence de la prothèse et de l’anneau aortique, liée à la
forme ovale de celui-ci, à des calcifications empêchant une apposition uniforme de la
prothèse, à une position de la prothèse trop en amont ou trop en aval de la valve native, ou à
une expansion insuffisante de la prothèse. Une fuite mineure est fréquente (jusqu’à 70% des
cas), une fuite modérée-à-sévère est plus rare (7-15% des cas). Une fuite autre que mineure a
un impact sérieux sur la survie, puisqu’elle augmente la mortalité à 1 an de 2 à 4 fois (OR 1.68
à 4.89) [13,20,27]. Le diagnostic est posé à l’ETO, mais la quantification de jets multiples,
excentriques, partiellement masqués par les ombres de l’armature métallique, peut être
difficile. Une fuite majeure se caractérise par une zone de convergence du flux couleur (PISA)
côté aortique, un jet dépassant la chambre de chasse du VG et un reflux diastolique dans
l’aorte descendante (Tableau 10.4) [21,27]. La prévention de la FPV est une évaluation précise
de l’anneau aortique natif (CT-scan, ETO 3D), un léger sur-dimensionnement de la prothèse
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
63













(5-10%, 1-3 mm) et de nouvelles prothèses avec une armature plus souple ou une jupe en tissu
synthétique permettant un meilleur accolement à la paroi aortique. Après implantation, toute
FPV autre que mineure doit être traitée immédiatement.
• Ré-expansion de la prothèse avec le ballon utilisé pour dilater la valve native ;
• Fermeture des fuites par un système d’occlusion percutané (Amplatzer™ Vascular
Plug) ;
• Implantation d’une seconde prothèse à l’intérieur de la première (valve-in-valve).
Fuite intravalvulaire par expansion inadéquate de la prothèse ou par pression diastolique
insuffisante pour la refermer. Le traitement est une ré-expansion par gonflement d’un ballon
ou une augmentation de la PAdiast avec un vasopresseur (ce qui est contre-intuitif dans une
IA !) [27]. Le guide peut maintenir une IA centrale artificiellement, et doit être retiré pour
pouvoir juger réellement de l’insuffisance.
Bloc AV. Avec une incidence moyenne de 13% des cas, le bloc AV est beaucoup plus
fréquent après TAVI qu’après RVA (1-2% des cas) ; il est plus fréquent avec la CoreValve™
(31% des cas) qu’avec la valve Sapien™ (5%), parce que la première s’étend plus loin dans la
chambre de chasse et peut appuyer sur la partie du septum où passe le tissu de conduction
[12].
Bloc de branche gauche. Plus fréquent (30% des cas), il se résout souvent spontanément et ne
nécessite un pace-maker que dans 1 cas sur 5 [12].
Malpositionnement de la prothèse, souvent lié à une éjection ventriculaire persistante pendant
son déploiement. Trop haute dans l’aorte, elle peut obstruer un ostium coronaire ; incidence :
0.6-1%, mortalité 40%. Trop basse dans la CCVG, elle peut léser le tissu de conduction ou
géner les mouvements du feuillet mitral antérieur [19].
Arythmies. La FA est fréquente (jusqu’à 31% des cas).
Sidération myocardique après le pacing ventriculaire rapide nécessitant un soutien inotrope.
Lésions vasculaires de l’axe ilio-fémoral lors des implantations percutanées, nécessitant une
réparation chirurgicale (3-27% des cas) ; leur incidence diminue avec la réduction progressive
de la taille des introducteurs.
Accident vasculaire cérébral (AVC). Les facteurs de risque sont l’âge, le diabète,
l’athéromatose aortique, l’hypotension peropératoire, l’embolie de débris valvulaires et
l’embolie de thrombus formés sur les cathéters. L’incidence est de 3-8% (moy 5%) à 1 an
[13,16,20,22,28] ; c’est le double par rapport au RVA en CEC.
Insuffisance rénale (5-12%). Elle est 3 fois moins importante qu’après RVA en CEC [8,15].
Rupture de l’anneau aortique, dissection aortique. Incidence : 1%, mortalité 48-100% [6] ; ces
évènements justifient une passage d’urgence en CEC.
Par voie apicale : hémorragie et tamponnade par déchirure de l’apex (2-5% des cas),
formation secondaire d’un pseudo-anévrysme apical (6% des cas), épanchement pleural (20%
des cas) [4].
Par voie fémorale : hémorragie et tamponnade par perforation cardiaque, hématome
rétropéritonéal par lésion vasculaire.
Conversion d’urgence en CEC. Incidence 1-5% des cas ; en général due à une perforation, à
une rupture annulaire, à une dissection aortique, à une occlusion coronaire, à une embolisation
de la prothèse ou à une non-récupération après pacing rapide [14].
L’examen ETO en fin de procédure est capital pour mettre en évidence les complications qui
requièrent un traitement immédiat : positionnement inadéquat, IA majeure, tamponnade, déchirure ou
dissection aortique, akinésie étendue traduisant l’occlusion d’un tronc coronarien, insuffisance mitrale.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
64
Tableau 10.4
Critères échocardiographiques des prothèses implantées par TAVI
Critères de sténose aortique
Paramètre
Vmax flux aortique*
Gradient moyen
Index de vélocité**
Surface d’ouverture
Durée d’accélération***
Flux Doppler spectral***
Mismatch prothèse/patient
Normal
Sténose modérée
Sténose serrée
< 3 m/s
< 20 mmHg
> 0.35
> 1.2 cm2
< 80 ms
Triangulaire, pic précoce
> 0.85 cm2/m2
3-4 m/s
20-40 mmHg
0.35-0.25
1.2-0-8 cm2
80-100 ms
Intermédiaire
0.85-0.65 cm2/m2
> 4 m/s
> 40 mmHg
< 0.25
< 0.8 cm2
> 100 ms
Arrondi, symétrique
< 0.65 cm2/m2
Note. *: pour autant que l’axe du Doppler soit correctement aligné avec la direction du flux. **: rapport Vmax
CCVG / Vmax valve aortique. ***: le pic de vélocité du flux aortique survient normalement pendant le premier
quart de la systole et donne à l’image spectrale du flux Doppler une forme triangulaire asymétrique; lors de
sténose, l’accélération est plus lente; voir Chapitre 26, Figure 26.36.
Critères d’insuffisance aortique
Paramètre
IA mineure
IA modérée
IA sévère
Diamètre de la vena contracta
Largeur du jet / diamètre CCVG
Etendue du jet
PISA* sur le versant aortique
Temps de demi-pression du jet d’IA**
Reflux diastolique aorte descendante
Volume régurgité
Fraction de régurgitation
Surface de l’orifice de régurgitation
Etendue PV circonférentielle du jet***
< 2 mm
< 25%
< CCVG
Absent
> 500 ms
Absent
< 30 mL
< 30%
< 0.1 cm2
< 10%
3-5 mm
25-65%
Longueur CCVG
Modeste
250-500 ms
Modeste
30-60 mL
30-50%
0.1-0.3 cm2
10-30%
> 5 mm
> 65%
Cavité du VG
Important
< 200 ms
Marqué, holodiast
> 60 mL
> 50%
> 0.3 cm2
> 30%
Note. *: zone de convergence du flux en amont de l’orifice de régurgitation, caractérisée au Doppler couleur par
des hémisphères d’accélération concentriques. **: PHT, pressure half-time (voir Chapitre 26, Figure 26.42). ***:
étendue paravalvulaire (PV) du flux couleur diastolique autour de la prothèse en vue court-axe (en pourcentage
de la circonférence); mesure les fuites paravalvulaires (addition de chaque fuite si elles sont multiples).
Sources: Leon MB, Piazza N, Nikolsky E, et al. Standardized endpoint definitions for transcatheter aortic valve
implantation clinical trials: a consensus report from the Valve Academic Research Consortium. Eur Heart J
2011; 32:205-17. Kappetein AP, Head SJ, Généreux P, et al. Updated standardized endpoint definitions for
transcatheter aortic valve implantation. The Valve Academic Research Consortium-2 consnsus document. J Am
Coll Cardiol 2012; 60: 1438-54.
Technique d’implantation de TAVI
L’imagerie préopératoire (échocardiographie 2D et 3D, CT-scan) doit mesurer avec précision les
diamètres de l’anneau aortique et de la jonction sino-tubulaire, la longueur des cuspides et la distance
entre l’anneau aortique et les ostia coronariens. La prothèse choisie est surdimensionnée de 5-10%
(1-3 mm) par rapport aux mesures effectuées pour assurer son bon ancrage contre la racine aortique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
65
Technique d’implantation de TAVI
Par voie fémorale (moins invasive, possibilité d’anesthésie locale + sédation) ou transapicale (minithoracotomie, préférable si lésions sévères de l’axe ilio-aortique, AG nécessaire), l’intervention
comporte plusieurs étapes :
- Contrôle ETO 2D + 3D de la compatibilité des lésions avec la technique de TAVI
- Mise en place du contrôle radiologique
- Anticoagulation avec héparine pour ACT > 250 sec
- Canulation et mise en place d’un guide à travers la valve aortique
- Dilatation de la sténose aortique au ballon
- Positionnement de la prothèse (contrôle radiologique et ETO)
- Déploiement de la prothèse, par gonflement d’un ballon pour la valve Sapien™ ou par
déploiement direct pour les valves auto-expansible (CoreValve™, Jena Valve™, etc)
- Contrôle du positionnement et du fonctionnement de la prothèse (ETO, fluoroscopie) ; la
fluoroscopie nécessite l’injection de produit de contraste (risque d’insuffisance rénale)
- Recherche des complications.
L’intervention nécessite deux brefs épisodes de 10-15 secondes (dilatation au ballon et déploiement
de la prothèse) au cours desquels il est nécessaire de réduire l’éjection ventriculaire par un pacing
ventriculaire rapide (180-220 batt/minute), qui baisse momentanément le volume systolique et la
pression artérielle (PAsyst ≤ 60 mmHg).
Les complications les plus fréquentes sont :
- Fuite paravalvulaire ; traitement immédiat pour fuites plus que mineures (7-15% des cas)
- Fuite intravalvulaire
- Bloc AV complet, arythmies
- Malpositionnement de la prothèse
- Lésions vasculaires (voie fémorale) (17%)
- AVC (3-7%)
- Hémorragie : déchirure de l’apex, lésions vasculaires, perforation, dissection aortique,
tamponnade
- Insuffisance rénale (5-12%)
- Conversion d’urgence en CEC (1-5%)
- Mortalité (30 jours) : 3-7%.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
BILLINGS FT, KODALI SK, SHANEWISE JS. Transcatheter aortic valve implantation: anesthetic considerations. Anesth Analg
2009; 108:1453-62
BLEIZIFFER S, RUGE H, MAZZITELLI D, et al. Results of percutaneous and transapical transcatheter aortic valve implantation
performed by a surgical team. Eur J Cardiothorac Surg 2009; 35:615-20
CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79
COBEY FC, FERREIRA RG, NASEEM TM, et al. Anesthetic and perioperative considerations for transapical transcatheter
aortic valve replacement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1087-99
COVELLO RD, MAJ G, LANDONI G, et al. Anesthetic management of percutaneous aortic valve implantation: Focus on
challenges encountered and proposed solutions. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:280-5
FALK V. Should transcatheter aortic valve replacement be extended to lower-risk and younger patients? Circulation 2014;
130:2332-42
FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 1: Development and status of the procedure. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2010; 24:498-505
FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 2: Anesthesia management. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2010; 24:691-9
FASSL J, WALTHER T, GROESDONK HV, et al. Anesthesia management for transapical transcatheter aortic valve
implantation: A case series. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:286-91
FERRARI E, SULZER C, MARCUCCI C, et al. Transapical aortic valve implantation without angiography – Proof of a concept.
Ann Thorac Surg 2010; 89:1925-32
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
66
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
FERRARI E, SULZER C, RIZZO E, et al. A fully echo-guided trans-apical aortic valve implantation. Eur J Cardiothorac Surg
2009; 36:928-40
GHADIMI K, PATEL PA, GUTSCHE JT, et al. Perioperative conduction disturbances after transcatheter aortic valve
replacement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:1414-20
GILARD M, ELTCHANINOFF H, IUNG B, et al. Registry of transcatheter aortic-valve implantation in high-risk patients. N
Engl J Med 2012; 366:1705-15
GRIESE DP, REENTS W, KERBER S, et al. Emergency cardiac surgery during transfemoral and transapical transcatheter aortic
valve implantation: incidence, reasons, management, and outcome of 411 patients from a single center. Catheter Cardiovasc
Interv 2013; 82:E726-33
GUINOT PG, DEPOIX JP, ETCHEGOYEN L, et al. Anesthesia and perioperative management of patients undergoing
transcatheter aortic vave implantation: Analysis of 90 consecutive patients with focus on perioperative complications. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2010; 24: 752-61
HOLMES DR, MACK MJ, KAUL S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter aortic
valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54
KASEL AM, CASSESE S, BLEIZIFFER S, et al. Standardized imaging for aortic annular sizing. Implications for transcatheter
valve selection. JACC Cardiovasc Imaging 2013; 6:249-61
KHALIQUE O, KODALI SK, PARADIS JM, et al. Aortic annular size using a novel 3-dimensional echocardiographic method.
Use and comparison with cardiac computed tomography. Circ Cardiovasc Imaging 2014; 7:155-63
KLEIN AA, SKIBAS NJ, ENDER J. Controversies and complications in the perioperative management of transcatheter aortic
valve replacement. Anesth Analg 2014; 119:784-98
KODALI SK, WILLIAMS MR, SMITH CR, et al. Two-year outcomes after transcatheter or surgical aortic-valve replacement. N
Engl J Med 2012; 366:1686-95
LERAKIS S, HAYEK SS, DOUGLAS PS. Paravalvular aortic leak after transcatheter aortic valve replacement. Current
knowledge. Circulation 2013; 127:397-407
MAKKAR RR, FONTANA GP, JILAIHAWI H, et al. Transcatheter aortic-valve replacement for inoperable severe aortic
stenosis. N Engl J Med 2012; 366:1696-704
MUKHERJEE C, HEIN F, HOLZHEY D, et al. Is real-time 3D transesophageal echocardiography a feasible approach to detect
coronary ostium during transapical aortic valve implantation? J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:654-9
PATEL PA, FASSL J, THOMPSON A; et al. Transcatheter aortic valve replacement – Part 3: the central role of perioperative
transesophageal echocardiography. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:698-710
PATEL PA, GUTSCHE JT, VERNICK WJ, et al. The functional aortic annulus in the 3D era: focus on transcatheter aortic valve
replacement for the perioperative echocardiographer. J Cardiothorac Vasc Anesth 2015; 29:240-5
SELLEVOLD OFM, GUARRACINO F. Transcutaneous aortic valve implantation: recent advances and future. Curr Opin
Anaesthesiol 2010; 23:67-73
SINNING JM, VASA-NICOTERA M, CHIN D, et al. Evaluation and management of paravalvular aortic regurgitation after
transcatheter aortic vave replacement. J Am Coll Cardiol 2013; 62:11-20
SMITH G, LEON MB, MACK MJ, et al, for the PARTNER Trial Investigators. Transcatheter versus surgical aortic valve
replacement in high risk patients. N Engl J Med 2011; 364:2187-98
ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography in new
transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 32:2189-214
Anesthésie pour TAVI
Anesthésie générale versus locale + sédation
Alors que l’anesthésie générale (AG) est requise pour la voie transapicale à cause de la thoracotomie,
l’implantation par voie fémorale peut aussi se pratiquer sous sédation et anesthésie locale (AL) du pli
de l’aine. Quels sont les avantages respectifs de chaque technique ? L’AG est requise pour l’utilisation
de l’ETO ; elle assure le confort et l’immobilisation du patient (possibilité d’apnée), et facilite la
tolérance à la tachycardie ventriculaire (baisse du débit cérébral) ou au traitement des complications
(reconstruction vasculaire chirurgicale, défibrillation, etc) [1,2,11]. La sédation simple, possible pour
la voie fémorale, a l’avantage d’assurer une bonne surveillance neurologique par l’état de conscience
du malade et une récupération postopératoire rapide, mais elle n’autorise pas l’utilisation de l’ETO,
qui est le moyen le plus rapide et le plus utile pour vérifier l’anatomie, pour positionner la prothèse,
pour réduire la quantité de contraste radiologique (diminution de l’incidence d’insuffisance rénale
postopératoire), pour diagnostiquer les complications immédiates (fuite paravalvulaire, tamponnade)
et pour évaluer la fonction ventriculaire [4,6,7,8,11]. Les petites sondes ETO nasales mieux tolérables
pour le patient n’ont pas d’imagerie 3D et sont trop imprécises en 2D pour remplacer l’ETO
conventionnelle. Ajoutée à l’AL, la sédation (par exemple : 1-3 mg midazolam + 5 mg nalbuphine, ou
1 mg/kg/h propofol + 0.03 mcg/kg/min remifentanil, ou dexmédétomidine Dexdor® 0.5-1.0 mcg/kg/h)
peut certes assurer le confort et l’immobilité du patient, mais au risque d’une perte de contrôle des
voies aériennes supérieures et d’une hypoventilation entraînant une hypercarbie néfaste chez des
patients dont la PAP est généralement déjà élevée. L’ETO en anesthésie locale réclame une sédation
profonde pour tolérer la sonde pendant 2-3 heures ; ceci n’est possible qu’au prix d’un risque majeur
de broncho-aspiration. Le taux de conversion d’AL en AG est très variable (1-17%) [11].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
67
On ne dispose pour l’instant que d’une seule étude comparative randomisée entre AG et AL avec
sédation (66 patients pour implantation de CoreValve™ par voie fémorale) [12]. La saturation
cérébrale, les fonctions neuro-cognitives, l’utilisation de catécholamines et les durées d’intervention se
sont révélées comparables dans les deux groupes, mais les incidents ont été plus fréquents sous AL :
agitation et douleur (61%), bradypnée (52%), insuffisance respiratoire avec hypercarbie et acidose
(19%), désaturation (16%). Les auteurs donnent l’avantage à l’anesthésie générale. L’autre impact
majeur de l’AG est la possibilité d’utiliser l’ETO ; pour cette raison, le taux de fuites paravalvulaires
modérées (degré ≥ 2) retrouvées en postopératoire dans certaines études est plus important sous AL
que sous AG [11]. Certains centres adoptent une attitude mixte : les cas anatomiquement simples se
pratiquent sous AL avec l’appui d’une échocardiographie tranthoracique et de radiologie ; l’AG est
réservée aux patients chez qui l’implantation peut être difficile, qui nécessitent un contrôle ETO à
cause d’une anatomie peu favorable ou qui souffrent d’insuffisance rénale et doivent éviter les
produits de contraste [13].
Lors de minithoracotomie pour la voie transapicale, l’anesthésie loco-régionale offre deux possiblités
d’appoint antalgique.
 Blocs intercostaux ou blocs paravertébraux thoraciques sur 3 niveaux (30 mL 0.2%
ropivacaine) pour l’analgésie postopératoire ;
 Anesthésie péridurale thoracique, certainement plus efficace, mais très discutable à cause du
traitement antiplaquettaire. En effet, la péridurale n’est possible que si le patient est sous
aspirine seule (< 300 mg/j) ; or ces malades sont placés sous bithérapie (aspirine 150 mg,
clopidogrel 75 mg ou dose de charge 300 mg) dès la veille de l’opération et pour 1-3 mois.
D’autre part, le cathéter doit être retiré avant de reprendre la double thérapie antiplaquettaire
postopératoire (dès 24 heures).
Technique d’anesthésie
L’équipement est identique quelle que soit la technique : ECG, SpO2, ScO2 (saturométrie cérébrale),
capnographie, température, cathéter artériel radial (côté opposé à l’éventuelle canulation sous-clavière
par l’opérateur), voie périphérique de haut débit, voie veineuse centrale 2-3 lumières, cathéter
vésical et ETO (en cas de narcose). Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est superflu ; sa mise en
place présente un risque d’arythmie maligne non négligeable dans le cadre de la sténose aortique. Des
plaques de défibrillateur externe sont installées à l’induction (contact contrôlé). La durée de
l’intervention varie de 1.5 à 2.5 heures, et celle de l’anesthésie de 2-3 heures [9]. L’intervention
s’accompagne de la même prophylaxie antibiotique que toute chirurgie valvulaire. La bithérapie antiagrégante (aspirine 150-250 mg, clopidogrel 75 mg) est débutée la veille de l’opération et continuée
pendant 1-3 mois ; l’aspirine est prescrite à vie. Certains protocoles comprennent une dose de charge
de clopidogrel (300 mg) en préopératoire.
L’anesthésie vise un réveil et une extubation rapides (fast-track anaesthesia), mais elle doit offrir un
maximum de stabilité hémodynamique à ces malades particulièrement fragiles. Le choix des agents
importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse : doses
réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. La pression de
perfusion coronarienne doit être maintenue (PAM ≥ 75 mmHg) avec un vasopresseur (phényléphrine,
noradrénaline) ; ceci ne représente pas une augmentation de postcharge pour le VG car cette dernière
dépend essentiellement du degré de sténose aortique. La plus grande stabilité hémodynamique est
obtenue avec une combinaison d’etomidate et de fentanyl/sufentanil pour l’induction, et de
sevoflurane ou propofol pour le maintien. La technique la plus fréquemment utilisée est une anesthésie
intraveineuse totale (TIVA) : induction avec propofol (2-3 mg/kg) et remifentanil (0.15-0.3 mg/kg),
complétée par du rocuronium (0.3 mg/kg) pour l’intubation, suivie par une perfusion continue des
mêmes agents (propofol 3 mg/kg/heure, remifentanil 0.2 mcg/kg/min). Autre possibilité : induction
avec etomidate (0.3 mg/kg) ou propofol (1-2 mg/kg), sufentanil (0.5-1 mcg/kg) et rocuronium (0.6
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
68
mg/kg), puis maintien avec sevoflurane (1%) et remifentanil (0.2 mcg/kg/min) [3]. Chez les patients
très fragiles, l’etomidate est préférable au propofol pour l’induction.
Un tube double-lumière n’est pas nécessaire pour l’accès à l’apex lors de la mini-thoracotomie gauche
antérieure ; un tube standard et une ventilation à bas volume courant et haute fréquence sont en
général suffisants pour dégager l’apex du VG. En-dehors de cette phase de dissection, le patient est
normoventilé : volume courant 6-8 mL/kg, FiO2 0.5-0.8, PaCO2 35 mmHg. La normothermie doit être
scrupuleusement conservée pour pouvoir procéder à une extubation rapide : salle chauffée à 20-22°C,
réchauffement des gaz et des perfusions, air chaud pulsé sous les champs, emballage des parties
découvertes avec de l’ouate. Le patient est anticoagulé dès que l’exposition de l’artère ou de l’apex est
réalisée : héparine non-fractionnée 1 mg/kg pour un ACT > 250 sec. L’héparinisation est renversée
avec de la protamine en fin de procédure.
L’électro-entraînement ventriculaire rapide (180-220 batt/min) (rapid pacing) est réalisé par une
électrode montée jusque dans le VD (voie fémorale ou jugulaire interne) ou implantée sur la face
antérieure du VG (voie épicardique) en cas d’abord transapical. Si la capture est déficitaire, on
descend la fréquence d’entraînement par paliers de 10-20 batt/min. Avant chaque période de pacing
ventriculaire, il est prudent de ventiler à FiO2 1.0 et de maintenir la PAM ≥ 80 mmHg (vasopresseur)
de manière à accélérer le rétablissement de la pression artérielle lorsque cesse l’hypotension due à la
tachycardie ventriculaire (Figure 10.26) [4,5]. Le ballon intravalvulaire est gonflé et la prothèse
déployée lorsque la PA différentielle est < 20 mmHg, ce qui traduit la réduction extrême du volume
systolique même si la PAsyst reste significative, car celle-ci est influencée par les RAS et le volume
circulant. La durée du pacing est de 10-15 secondes. Le temps de récupération fonctionnelle du VG est
normalement inférieur à 60 secondes ; il est un bon indice de la réserve contractile du ventricule. S’il
se prolonge, une aide inotrope ou une assistance est requise. En cas d’épisodes répétés, il faut laisser
plusieurs minutes au ventricule pour récupérer complètement entre les épisodes. Toutefois, si la
dilatation de la valve native entraîne une insuffisance aortique massive qui surcharge le VG, il faut
mettre la prothèse en place au plus vite [5]. Un exemple de protocole d’anesthésie : Tableau 10.5.
Les malades souffrant de sténose aortique développent une hypertrophie ventriculaire gauche et une
dysfonction diastolique qui rend leur hémodynamique très dépendante du remplissage. Comme le
passage de guides et de cathéters dans un VG hypovolémique est particulièrement ardu, il est
recommandé d’administrer 1.0-1.5 L de cristalloïdes au cours de l’intervention [10]. Que ce soit
autour de l’apex du VG ou des vaisseaux fémoraux, l’opération entraîne des pertes sanguines qui
justifient l’utilisation d’un système de récupération érythocytaire et des transfusions dans la moitié des
cas [1]. Le sang peut s’accumuler dans la plèvre gauche en cas de thoracotomie ou dans le
rétropéritoine en cas de lésion des vaisseaux ilio-aortiques. Quatre-vingt pourcent des patients ont
besoin d’un vasoconstricteur, 20-35% d’un support inotrope, et jusqu’à 5% d’une contre-pulsion intraaortique [5,9]. Les cas de conversion en CEC sont très rares (< 5%). Si un massage cardiaque s’avérait
nécessaire, il est impératif de contrôler le positionnement de la prothèse après la réanimation. Le
patient est extubé dans l’heure qui suit l’intervention, dans la mesure où il est normocarde,
normothermique et sans signes d’hémorragie active. Habituellement, il séjourne 24-48 heures en
surveillance continue ; il n’est transféré aux soins intensifs que lors de complications graves (ECMO,
dissection A, conversion en CEC) ou en cas de fonction ventriculaire misérable ne tolérant pas le
pacing rapide [8]. Dans le postopératoire, on évite toute poussée hypertensive qui augmenterait le
risque hémorragique au niveau des sutures vasculaires ou apicales [10]. La durée d’hospitalisation
moyenne est d’une semaine.
Les patients de TAVI sont des personnes fragiles sans aucune réserve physiologique (voir Figure
12.39). L’intervention n’a des chances de réussir que si elle se déroule sans accroc et que
l’hémodynamique est maintenue parfaitement stable. Le moindre détail malencontreux peut engendrer
une cascade de complications contre lesquelles le malade n’a aucune défense [11]. Il est capital que
l’équipe (heart team) discute au préalable des plans de récupération en cas de problème, notamment
des décisions de réanimation. Dans une intervention qui est quasiment du sauvetage, les souhaits du
patient doivent être connus et respectés ; les limites thérapeutiques doivent être définies à l’avance et
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
69
les points de non-retour agréés par tous de manière à éviter toute tergiversation dans une situation
aiguë.
Tableau 10.5:
Exemple de protocole pour l’implantation de valve aortique par voie transapicale
Monitoring
ECG 5-dérivations + analyse continue du segment ST
Cathéter artériel (fémoral ou radial) ; radiale gauche ou droite selon utilisation de la sous-clavière pour une
canulation chirurgicale
Voie veineuse centrale 2-lumières + introducteur de Swan-Ganz (voie jugulaire interne droite)
Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz si FE < 0.3 ou si HTAP (risque de bloc complet)
2 cathéters veineux périphériques (18G et 14 G)
Echocardiographie transoesophagienne (ETO)
Températures oesophagienne et rectale, sonde urinaire
ACT > 250 sec
Installation avec coussin sous l’hémithorax gauche (tilt vers la droite), bras le long du corps
Patches de défibrillateur externe collés (antéro-postérieur)
Positionnement de l’arc-en-C radiologique selon les repères du CT-scan
Induction et maintien de l'anesthésie
Induction etomidate + vecuronium/cisatracurium/rocuronium
Fentanyl (5 mcg/kg), sufentanil (1.0 mcg/kg) ou perfusion de remifentanil (0.5 mcg/kg/min)
Sevoflurane (Fi: 1-2%) en continu ou propofol en perfusion (5 mg/kg/heure)
Intubation endotrachéale avec tube standard
Ventilation: VC 6-8 mL/kg (ad PaCO2 = 30-35 mmHg) avec Fi O2 = 1.0; ventilation hte fréquence
(30/min) et bas volume courant (4 ml.kg-1, I:E = 1:4) selon besoins chirurgicaux
Mesures prophylactiques
Température de la salle réglée à 24°C
Réchauffement des perfusions
Emballage des parties deécouvertes avec de l’ouate et couverture chauffante à air pulsé (Baer-Hugger™)
Liquémine 1 mg.kg-1 (100 U.kg-1) à l’ouverture du péricarde (ACT recherché > 250 sec)
Electrode de pace-maker implantée sur la face antérieur du VG à l’ouverture du péricarde
Amiodarone (Cordarone) 150 mg/15 min à l’ouverture du péricarde
Désinfection inguinale et guides fémoraux artériel et veineux en cas de passage urgent en CEC
Perfusions
Perfusion de Ringer-lactate selon besoins (total habituel: 1500 – 2500 mL)
Voluven® (dose maximale: 50 mL/kg/24 h)
Seuil de transfusion: 80 gm Hb•L-1
Pertes sanguines traitées par récupérateur (CellSaver™)
Contrôle de la pression artérielle
PAM ≥ 75 mmHg en moyenne au cours de l’intervention
PAsyst < 100 mmHg pendant la ponction et la bourse apicale
PAM ≥ 80 mmHg (phényléphrine) avant les pacings rapides pour la dilatation et l’implantation
PAM ≥ 75 mmHg avec phényléphrine (100 mcg) ou adrénaline (5 mcg) après arrêt du pacing rapide
Dilatation de la valve et pose de la prothèse
Elever la PAM à 80 mmHg (phényléphrine) avant le pacing rapide
Pacing ventriculaire 180-200 batt/min ; si capture insuffisante, descendre la fréquence de stimulation par paliers
de 10 batt/min
Lorsque PAsyst ≤ 60 mmHg et/ou PA différentielle < 10 mmHg : gonflement – dégonflement du ballon
Arrêt du pacing ventriculaire : élever PAM à ≥ 75 mmHg avec phényléphrine (100 mcg) ou adrénaline (5 mcg) ;
défibrillation si TV persistante, cardioversion si FA ; magnésium (2 gm) et Cordarone (150 mg/10 minutes) si
arythmie instable
Réveil et extubation
Réveil rapide et extubation < 2 heures postop
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
70
Anesthésie pour implantation de valve aortique
La sédation-analgésie est concevable pour la voie fémorale, mais elle ne permet pas l’utilisation de
l’ETO et fait courir de risque d’hypoventilation. L’anesthésie générale est recommandée pour
plusieurs raisons : immobilisation du patient, utilisation de l’ETO, confort lors du pacing rapide et du
traitement des complications (défibrillation, réparation vasculaire, etc), douleur de la thoracotomie
(voie transapicale). La comparaison randomisée des deux techniques donne l’avantage à l’AG.
L’intervention s’accompagne de prophylaxie antibiotique, d’anticoagulation (héparine pour ACT ≥
250 s) et de bithérapie anti-agrégante (aspirine + clopidogrel) débutée la veille et continuée 1-3 mois.
Le choix des agents d’anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit
être très précautionneuse chez ces malade débilités : doses réduites, induction lente, correction
immédiate de toute déviation circulatoire. Techniques préférées :
- Induction étomidate ou propofol
- Maintien sevoflurane/isoflurane et fentanyl/rémifentanil
- TIVA propofol - rémifentanil
Maintien rigoureux de la normothermie. On vise une extubation rapide (< 2 heures).
Avec leur sténose aortique, les patients souffrent généralement d’HVG concentrique et de
dysfonction diastolique ; leur débit cardiaque est très dépendant de la précharge. L’hémodynamique
à rechercher est celle recommandée en cas de sténose aortique sévère :
- Précharge maintenue
- Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)
- Fréquence normale, rythme sinusal
- Soutien inotrope si dysfonction, dilatation ventriculaire ou difficulté de récupération après
pacing ventriculaire rapide
Chez ces patients fragiles et sans réserve, le TAVI n’est un succès que si la stabilité hémodynamique
est rigoureusement préservée et que si l’intervention se déroule sans incident.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
CHEUNG A, REE R. Transcatheter aortic valve replacement. Anesthesiol Clin 2008; 26:465-79
COVELLO RD, MAJ G, LANDONI G, et al. Anesthetic management of percutaneous aortic valve implantation: Focus on
challenges encountered and proposed solutions. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:280-5
ENDER J, BORGER MA, SCHOLZ M, et al. Cardiac surgery fast-track treatment in a postanesthetic care unit. Anesthesiology
2008; 109:61-6
FASSL J, AUGOUSTIDES JGT. Transcatheter aortic valve implantation – Part 2: Anesthesia management. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2010; 24:691-9
FASSL J, WALTHER T, GROESDONK HV, et al. Anesthesia management for transapical transcatheter aortic valve
implantation: A case series. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:286-91
FERRARI E, SULZER C, MARCUCCI C, et al. Transapical aortic valve implantation without angiography – Proof of a concept.
Ann Thorac Surg 2010; 89:1925-32
FERRARI E, SULZER C, RIZZO E, et al. A fully echo-guided trans-apical aortic valve implantation. Eur J Cardiothorac Surg
2009; 36:928-40
FORREST JK, MANGI A, VAITKEVICIUTE I. Transcatheter aortic valve replacement: US experience. Curr Opin Anaesthesiol
2015; 28:107-12
GUINOT PG, DEPOIX JP, ETCHEGOYEN L, et al. Anesthesia and perioperative management of patients undergoing
transcatheter aortic vave implantation: Analysis of 90 consecutive patients with focus on perioperative complications. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2010; 24: 752-61
HOLMES DR, MACK MJ, KAUL S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter aortic
valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54
KLEIN AA, SKIBAS NJ, ENDER J. Controversies and complications in the perioperative management of transcatheter aortic
valve replacement. Anesth Analg 2014; 119:784-98
MAYR NP, HAPFELMEIER A, MARTIN K, et al. Comparison of seation and general anaesthesia for transcatheter aortic valve
implantation on cerebral oxygen saturation and neurocognitive outcome. Br J Anaesth 2016; 116:90-9
VAHL TP, KODALI SK, LEON MB. Transcatheter aortic valve replacement 2016. A modern-day “through the looking-glass”
adventure. J Am Coll Cardiol 2016; 67:1472-87
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
71
Plastie mitrale percutanée
La mortalité élevée de la chirurgie mitrale chez le malade à haut risque a suscité la mise au point de
techniques percutanées moins invasives permettant de soulager les symptômes des patients et d’offrir
une réparation valvulaire acceptable. Parmi les différents dispositifs mis au point ou en gestation, le
plus utilisé est le MitraClip™ (Abbott Laboratories). C’est donc sur ce système que porte l’essentiel
de ce chapitre.
Indications et résultats du MitraClip™
Types d’insuffisance mitrale
La prévalence moyenne de l’insuffisance mitrale (IM) dans les pays industrialisés est d’environ 2%,
grimpant à près de 10% au-delà de 75 ans [1]. La réparation chirurgicale s’adresse essentiellement à
deux types de pathologie mitrale : les lésions structurelles et les insuffisances secondaires (Figure
10.31).
 Lésions structurelles : dégénérescence myxoïde des feuillets et/ou des cordages, maladie de
Barlow, prolapsus, calcification de l’anneau, lésions rhumatismales (RAA).
 Insuffisance secondaire : dilatation ou ischémie ventriculaire entraînant une traction excessive
sur les cordages et maintenant tout ou partie des feuillets en-dessous de leur point de
coaptation en systole ; la dilatation peut également porter sur l’anneau mitral. Les feuillets
eux-mêmes sont normaux. Cette pathologie est plus fréquente que les lésions structurelles,
particulièrement à partir d’un certain âge.
Cette différentiation ne recoupe pas exactement la classification de Carpentier en trois types (voir
Figure 26.10) :
 Type I : IM fonctionnelle, feuillets normaux mais dilatation ou calcification de l’anneau,
dilatation de l’OG, perforation endocarditique ;
 Type II : excès de tissu valvulaire (prolapsus, dégénérescence) avec recul du point de
coaptation ou basculement de feuillet(s) dans l’OG ;
 Type III : restriction des feuillets. Type IIIa : restriction systolo-diastolique (RAA). Type
IIIb : restriction systolique par traction excessive sur les cordages à cause de la dilatation
ventriculaire (symétrique) ou par l’ischémie d’une zone papillaire (asymétrique). Le type IIIb
est le plus fréquemment impliqué dans les IM secondaires.
L’IM est quantifiée en mineure, modérée ou sévère selon les recommandations actuelles [12,17], mais
en échocardiographie on utilise volontiers une échelle de 4 degrés. Les critères pour une IM sévère
sont un orifice de régurgitation > 0.3 cm2 et un volume régurgité > 30 mL dans les IM secondaires, ou
un orifice de régurgitation > 0.4 cm2 et un volume régurgité > 50 mL dans les IM structurelles
(Tableau 10.6). La chirurgie est recommandée chez les patients symptomatiques avec une IM sévère,
et chez les patients asymptomatiques avec une IM sévère et une dysfonction ou une dilatation du VG.
La correction interventionnelle de l’IM est clairement bénéfique en termes de symptomatologie
clinique et de survie dans les lésions structurelles de la valve. Dans les IM secondaires, par contre, la
situation est différente. Bien qu’elle améliore la symptomatologie clinique et interrompe le cercle
vicieux entre la surcharge de volume et la dilatation ventriculaire, la correction chirurgicale n’apporte
pas de gain significatif en terme de mortalité [1]. D’autre part, le taux de récidive de l’IM secondaire
après plastie est de 25% à 1 an et 70% à 5 ans [10], alors que celui des IM structurelles n'est que de
15% à 15 ans [3]. Dans la chirurgie à cœur ouvert en CEC, la plastie mitrale (PVM) présente plusieurs
avantages par rapport au remplacement valvulaire mitral (RVM) : conservation de l’appareil sousvalvulaire, préservation de la fonction du VG, absence d’anticoagulation. Ainsi, la mortalité
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
72
postopératoire du RVM est plus du double de celle de la PVM (OR 2.24) [14]. Mais les résultats sont
différents selon que l’IM est structurelle ou secondaire. La mortalité du RVM est de 2-5% dans les IM
structurelles, mais de 5-10% dans les IM secondaires ; elle augmente jusqu’à 17% chez les
octogénaires [13]. A long terme, la mortalité est diminuée de moitié (OR 0.42) avec la PVM dans les
IM structurelles, mais non dans les IM secondaires où PVM et RVM font jeu égal [7,14]. Une
intervention peu invasive à faible morbi-mortalité est donc bienvenue dans ce contexte où la chirurgie
est grevée d’une survie réduite dans les groupes à haut risque, et où le risque opératoire moins élevé de
la PVM se paie d’un risque de récidive plus important.
Figure
10.31
:
Lésion
structurelle
vs
IM
fonctionnnelle.
A:
Lésion
organique, en l’occurrence
prolapsus du feuillet postérieur;
l’IM est excentrique; le jet est
de
section
grossièrement
circulaire car l’orifice de
régurgitation est plus ou moins
rond. B: IM fonctionnelle,
secondaire à la traction sur les
cordages due à une dilatation du
VG; les deux feuillets ne
peuvent plus coapter en systole,
car ils sont retenus en-dessous
de leur plan de coaptation.
L’IM est centrale et s’étend en
général sur toute l’étendue de la
fente mitrale; sa section n’est
pas circulaire, mais plutôt en
croissant.
A
OG
VG
B
© Chassot 2016
Indications et résultats du MitraClip™
La plastie mitrale percutanée avec la technique de MitraClip™ (Abbott Laboratories) consiste à
suturer bout-à-bout l'extrémité distale des deux feuillets mitraux par un clip introduit par voie veineuse
fémorale et par accès trans-septal à l’OG. Le système s’inspire de la technique d’Alfieri, dans laquelle
l'ouverture mitrale est transformée en deux demi-orifices par des points de suture reliant entre eux A2
et P2 (edge-to-edge repair) (Figures 10.32 et 10.36B). Le clip possède deux bras en alliage chromecobalt de 8 mm de longueur recouverts de tissu polyester, et deux bras secondaires ou éléments de
préhension ; ces derniers permettent d’immobiliser les feuillets au moment de leur accrochage. Le
système peut s’ouvrir et se fermer lorsqu’il est monté sur son guide (Figure 10.33) [5]. Le
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
73
rapprochement de la partie médiane des deux feuillets permet ainsi de diminuer l’insuffisance mitrale
en systole. La cicatrisation autour du clip forme un pont tissulaire résistant entre les deux feuillets [6].
Cette technique est réservée préférentiellement aux situations où la régurgitation est causée par un
défaut de coaptation de la région médiane des feuillets (A2-P2) chez des patients symptomatiques à
très haut risque opératoire :
 Prolapsus localisé de P2 ou de A2 ;
 IM fonctionnelle sur dilatation du VG (insuffisance ventriculaire) ou sur akinésie pariétale
(ischémie) ;
 Patients âgés ou débilités dont la mortalité prévisible lors d’une PVM en CEC dépasse 1520% et dont l’espérance de vie est raisonnable.
En gagnant de l’expérience, on a également étendu les indications à des lésions plus excentriques et à
des malades souffrant de comorbidités plus sévères.
Tableau 10.6
Critères de quantification de l’insuffisance mitrale
IM mineure
IM modérée
IM sévère
< 20% de l’OG
< 0.3 cm
absent
absent
< 0.2 cm2
< 30 mL
< 30%
20-40% de l’OG
0.3 – 0.6 cm
faible dimension
absent
0.2 – 0.4 cm2
30-50 mL
30-40%
> 40% de l’OG
> 0.7 cm
> 1 cm
présent**
> 0.4 cm2
> 50 mL
> 45%
IM structurelle
Etendue du jet couleur*
Vena contracta
PISA (r 1er aliasing)
Reflux systolique VP
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
Fraction de régurgitation
IM secondaire
Vena contracta
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
Fraction de régurgitation
> 0.4 cm
≥ 0.3 cm2
≥ 30 mL
≥ 30%
* Seulement en cas d’IM centrale et d’hémodynamique normale
** Absent si OG très compliante, même en cas d’IM sévère
MP: muscle papillaire. VP: veines pulmonaires
Sources: Vahanian A, Alfieri O, Andreotti F, et al. Guidelines in the management of valvular heart disease (version
2012). Eur Heart J 2012; 33:2451-96. Zoghbi WA, Enriquez-Sarano M, Foster E, et al. Recommendations for
evaluation of the severity of native valvular regurgitation with two-dimensional and Doppler echocardiography. J Am
Soc Echocardiogr 2003; 16:777-802.
Pour obtenir de bons résultats, certaines conditions doivent être remplies ; elles sont bien définissables
à l’ETO (Figure 10.34 et Figure 11.60) [2,19].





IM centrale, d’origine non rhumatismale ni endocarditique ;
Surface d'ouverture de la valve d'au-moins 4 cm2 ;
Hauteur de coaptation > 2 mm ;
Distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau ≤ 11 mm (tenting height) ;
En cas de prolapsus, l’écart entre les feuillets (flail gap) doit être < 10 mm et la largeur du
prolapsus (flail width) < 15 mm ;
 Longueur du feuillet postérieur > 10 mm ;
 Bords libres des feuillets souples et non-calcifiés à l’endroit de pose du clip.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
74
A1
P1
FA
FA
A2
P2
FP
A3
FP
P3
© Chassot 2016
Figure 10.32 : Valve mitrale vue depuis l’OG. Le feuillet antérieur (FA) a une forme arondie, alors que le
feuillet postérieur (FP) est en forme de croissant. Ce dernier est divisé en 3 festons anatomiquement bien
individualisés: P1 (feston antérieur), P2 (feston moyen) et P3 (feston postérieur). De manière analogue, le
feuillet antérieur est divisé en 3 parties A1, A2 et A3, mais cette division ne repose sur aucune différentiation
anatomique.
Mise en place du
MitraClip™ par
cathétérisme
droit
A
B
C
Systole
SIA
Diastole
VM
Suture médiane
bout-à-bout des
feuillets mitraux
Figure 10.33 : Techniques de plastie mitrale percutanée. A : Sytème MitraClip™. Suture de l'extrémité médiane
des deux feuillets par un clip (MitraClip™); en diastole, l'ouverture est transformée en deux hémi-orifices de
taille limitée [Feldman T, et al. N Engl J Med 2011; 364:1395-406]. B : Détail du clip, à l’extrémité de son
système d’implantation. C : Imagerie ETO tridimensionnelle de l’OG avec le cathéter et le clip en place audessus de la valve mitrale. A : clip ouvert. CAT : cathéter d’implantation traversant le septum interauriculaire
(SIA). VM : valve mitrale [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
75
A
B
V Ao
OG
VG
© Bettex 2016
C
D
OG
OG
Distance de
coaptation
Hauteur de
coaptation
Interstice
VG
© Chassot 2016
Figure 10.34 : Conditions de réussite pour l’implantation d’un clip mitral selon Alfieri (MitraClip™). A : IM
sévère centrale prédominant entre A2 et P2. B : la largeur du prolapsus doit être < 15 mm, et le prolapsus situé
sur A2 ou P2 (prolapsus de A2). C : la hauteur de coaptation doit être > 2 mm et la distance entre le point de
coaptation et le plan de l’anneau (tenting distance) ≤ 11 mm. D : dans le prolapsus, l’écart entre les feuillets
(interstice) doit être < 10 mm. Ces mesures sont réalisées dans les vues 4 mi-oesophagiennes cavités 0-20° et
long-axe du VG 120°, sauf la largeur du prolapsus, qui est plus précise en reconstruction 3D full volume.
L’IM très décentrée, les lésions proches des commissures, l’écart de > 10 mm, la rupture de cordage,
la fibrose étendue des feuillets et les calcifications de l’anneau mitral sont des situations dans
lesquelles le MitraClip™ a peu de chance d’être efficace. Elles sont habituellement considérées
comme des contre-indications à la technique.
Les premiers résultats sur les IM principalement structurelles donnaient un taux de succès immédiat de
l'ordre de 75% et un taux de réintervention sur la valve pour IM résiduelle plus élevé qu'après
correction chirurgicale (25% versus 5.5%), mais une survie à 4 ans identique (83% après plastie
percutanée et 82% après plastie chirurgicale) [5]. Par la suite, l’extension aux IM fonctionnelles chez
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
76
des malades âgés ou polymorbides dont la mortalité chirurgicale est > 15% a permis d’améliorer la
survie à 1 an : 76-89% pour la plastie percutanée versus 50-55% pour la plastie chirurgicale [9,16,18] ;
dans cette catégorie à haut risque, le taux de complications cardiovasculaires et de transfusion est
nettement plus faible que lors de plastie chirurgicale : 15% versus 55% [8,18]. Actuellement, près de
30'000 patients ont été traités par MitraClip™. Les centres qui en sont coutumiers ont dépassé leur
courbe d’apprentissage et affichent désormais des résultats très satisfaisants. Le taux de réussite
technique (diminution de l’IM de ≥ 2 degrés) franchit la barre des 95%, la mortalité à 1 mois oscille
entre 0% et 7.8%, et la survie à 1 an se situe entre 75% et 90% [6,9,11,16].
Même si elle n'offre pas la même qualité de correction que la plastie à ciel ouvert, cette technique
percutanée permet une réduction de l'IM de l'ordre de 2 à 3 degrés (sur 4) avec un faible risque
opératoire, chez des malades lourdement compromis dont la mortalité chirurgicale serait > 20% [19].
Elle est donc particulièrement indiquée chez les patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle
symptomatique sur dilatation du VG ou d’IM sur prolapsus central des feuillets (A2 ou P2) [4]. Elle
est également bien adaptée à la sénescence, où le problème est moins de gagner en longévité que
d’améliorer la qualité de vie, et où le risque opératoire en CEC est excessif par rapport au bénéfice de
la plastie chirurgicale à long terme [15]. Les recommandations européennes la considèrent comme
adéquate chez les patients symptomatiques souffrant d’IM sévère primaire ou secondaire malgré un
traitement médical optimal, qui sont considérés à trop haut risque pour la chirurgie et qui ont une
espérance de vie d’au moins 1 an (classe IIb, degré d’évidence C) [12,17]. Bien qu’elle soit moins
invasive que la chirurgie à cœur ouvert, la plastie percutanée n’est pas moins onéreuse, vu le coût du
matériel d’implantation (environ 35'000 €). Du point de vue financier, le gain porte plutôt sur le
raccourcissement de la durée d’hospitalisation et sur la diminution du taux de complications
postopératoires.
Plastie mitrale percutanée par MitraClip™
La technique consiste à suturer bout-à-bout par un clip la partie centrale des feuillets antérieur et
postérieur (A2 et P2) de la valve mitrale. Le clip est introduit par voie fémorale et trans-septale
(technique percutanée). Ce système s’adresse aux patients dont la mortalité opératoire en CEC serait >
20%. Certaines conditions doivent être remplies pour garantir de bons résultats :
- IM centrale non-rhumatismale ni endocarditique, feuillets souples
- S mitrale > 4 cm2
- Prolapsus : largeur < 15 mm, écart entre feuillets < 10 mm,
- IM fonctionnelle : coaptation sur ≥ 2 mm, distance coaptation – plan de l’anneau < 11 mm
Le taux de succès immédiat est 75-95% et la survie à 1 an 75-90%. Le risque de récidive est plus élevé
qu’après PVM (25% vs 5%), mais le taux de complications plus faible (15% vs 55%).
Références
1
2
3
4
5
6
7
ASGAR AW, MACK MJ, STONE GW. Secondary mitral regurgitation in heart failure. Pathophysiology, prognosis, and
therapeutic considerations, J Am Coll Cardiol 2015; 65:1231-48
BEIGEL R, WUNDERLICH NC, KAR S, SIEGEL RJ. The evolution of percutaneous mitral valve repair therapy. Lessons
learned and implications for patient selection. J Am Coll Cardiol 2014; 64:2688-700
DAVID TE. Outcomes of mitral valve repair for mitral regurgitation due to degenerative disease. Semin Thorac Cardiovasc Surg
2007;19:116-20
FELDMAN T, CILINGIROGLU M. Percutaneous leaflet repair and annuloplasty for mitral regurgitation. J Am Coll Cardiol
2011; 57:529-37
FELDMAN T, FOSTER E, GLOWER DG, et al. Percutaneous repair or surgery for mitral regurgitation. N Engl J Med 2011;
364:1395-406
FELDMAN T, YOUNG A. Percutaneous approaches to valve repair for mitral regurgitation. J Am Coll Cardiol 2014; 63:2057-68
GOLDSTEIN D, MOSKOWITZ AJ, GELIJNS AC, et al. Two-year outcomes of surgical treatment of severe ischemic mitral
regurgitation. N Engl J Med 2016; 374-344-53
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
77
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
HERRMANN HC, MAISANO F. Transcatheter therapy of mitral regurgitation. Circulation 2014; 130:1712-22
MAISANO F, FRANZEN O, BALDUS S; et al. Percutaneous mitral valve interventions in the real world: early and one-year
results from the ACCESS-EU, a prospective, multicenter, non-randomised post-approval study of the MitraClip therapy in
Europe. J Am Coll Cardiol 2013; 62:1052-61
MILANO CA, DANESHMAND MA, RANKIN JS, et al. Survival prognosis and surgical management of ischemic mitral
regurgitation. Ann Thorac Surg 2008; 86:735-44
MUNKHOLM-LARSEN S, WAN B, TIAN DH, et al. A systematic review on the safety and efficacy of percutaneous edge-toedge mitral valve repair with MitraClip system for high surgical risk candidates. Heart 2014; 100:473-8
NISHIMURA RA, OTTO CM, SORAJJA P, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients with valvular heart
disease. J Am Coll Cardiol 2014; 63:e57-185
NOWICKI ER, BIRKMEYER NJ, WEINTRAUB RW, et al. Multivariable prediction of in-hospital mortality associated with
aortic and mitral valve surgery in Northern New England. Ann Thorac Surg 2004; 77:1966-77
SHUHAIBER J, ANDERSON RJ. Meta-analysis of clinical outcomes following surgical mitral valve repair or replacement. Eur J
Cardiothorac Surg 2007; 31:267-75
TARAMASSO M, GAEMPERLI O, MAISANO F. Treatment of degenerative mitral regurgitation in elderly patients. Nature Rev
Cardiol 2015; 12:177-83
TARAMASSO M, MAISANO F, DENTI P, et al. Percutaneous edge-to-edge repair in high-risk and elderly patients with
degenerative mitral regurgitation: midterm outcomes in a single-center experience. J Thorac Cardiovasc Surg 2014; 148:2743-50
VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F, et al. Guidelines in the management of valvular heart disease (version 2012). Eur
Heart J 2012; 33:2451-96
WHITLOW PL, FELDMAN T, PEDERSEN WR, et al. Acute and 12-month results with catheter-based mitral valve leaflet
repair: the EVEREST II high risk study. J Am Coll Cardiol 2012; 59:130-9
ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography in new
transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 32:2189-214
Technique d’insertion et imagerie du MitraClip™
Implantation du MitraClip™
Idéalement, la réalisation d’une plastie mitrale percutanée devrait avoir lieu dans une salle
d’intervention hybride, de manière à pouvoir convertir le geste à ciel fermé en opération à ciel ouvert
en CEC si la situation venait à l’exiger. Des écrans répétiteurs offrent une vue permanente sur la
fluoroscopie et l’échocardiographie. Ils permettent également d’afficher certaines vues de repérage
prises en préopératoire (angio-IRM, angio-CT). De nouvelles techniques de fusion d’image
(HeartNavigator™ Philips) offrent la posibilité de superposer et de synchroniser la reconstruction 3D
de l’ETO, du CT-scan ou de l’IRM avec l’image radioscopique en temps réel fournie par l’arc-en-C
[2,6]. La procédure se déroule en plusieurs temps (Figure 10.33).
 L'accès à la valve mitrale se fait par voie trans-septale depuis une ponction veineuse fémorale
avec un introducteur 24F ; celui-ci est introduit jusque dans l’OG, ce qui permet d’y mesurer
la pression en cours d’intervention.
 Ponction trans-septale ; le point de ponction est réalisé dans la portion médiane postérieure du
septum, supérieurement par rapport à la fosse ovale; il doit être situé 3.5 – 4.0 cm au-dessus
du plan de l'anneau mitral de manière à pouvoir bouger et orienter correctement le support du
clip perpendiculairement au plan de la valve et à éviter de toucher les parois auriculaires
(risque d’arythmies et de perforation).
 Avancement du guide de stabilisation de l'introducteur trans-septal : il est dirigé dans une
veine pulmonaire gauche ou dans le VG; on évite soigneusement l’appendice auriculaire
gauche à cause du risque de perforation.
 Avancement du clip et de son système de mise en place à travers l'introducteur et
positionnement du système en face de la valve mitrale, à la verticale de son ouverture; le clip
est orienté perpendiculairement à sa commissure (Figure 10.33C).
 Orientation du clip perpendiculaire par rapport à la commissure contrôlé à l’ETO.
 Franchissement de la valve mitrale à clip ouvert ; les deux bras du clip doivent rester
perpendiculaires à la ligne de coaptation de la valve ; le clip est situé au milieu de la zone
d’insuffisance ; les mouvements de la valve restent libres, preuve qu’aucun cordage n’est
accroché par le système.
 Accrochage des feuillets : le cathéter est retiré en douceur pour que le clip accroche
l’extrémité des feuillets. Le clip est fermé partiellement pour permettre un contrôle
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
78






échocardiographique ; à ce stade, il est possible de rouvrir le système et de recommencer la
manœuvre.
Fermeture complète des bras du clip et fixation définitive des feuillets.
En cas de fuite résiduelle excessive, on peut ajouter un deuxième clip. Dans ce cas, le
placement du premier clip sera effectué de manière à disposer l’insuffisance résiduelle d’un
seul côté du clip.
Retrait du dispositif si les images de contrôle sont satisfaisantes et l’hémodynamique stable.
Il arrive que la perforation septale laisse un orifice significatif, équivalant à une CIA ; s’il
existe une composante droite-gauche importante (désaturation artérielle) ou un risque de
surcharge de volume pour le VD, la CIA est fermée immédiatement avec un système
d’occlusion (Amplatzer™).
La durée de la procédure est en moyenne de 2-3.5 heures.
Les complications sont essentiellement une perforation cardiaque (tamponnade), une rupture
de cordage, une déchirure de feuillet aggravant la régurgitation mitrale, une embolisation du
clip ou un échec de positionnement de celui-ci. Le traitement de ces complications est
chirurgical.
ETO pour MitraClip™
L’anesthésiste est directement impliqué dans la procédure parce que l’ETO est nécessaire tout au long
de la manœuvre pour évaluer la valve, guider l’implantation et contrôler le résultat (Figures 10.35 et
10.36) [3,5,7]. Les vues bidimensionnelles (2D) et tridimensionnelles (3D) sont complémentaires et
présentent chacune leur intérêt selon les phases de la procédure. Les vues 2D les plus utiles sont les
vues rétrocardiaques 4 cavités 0-30°, bicavale 100°, long-axe 120° et court-axe de la base 40°. La
représentation 3D zoom en temps réel est particulièrement adaptées à la vérification de l’orientation du
clip par rapport à la commissure mitrale ; la représentation Live 3D est peu utilisée car elle ne permet
la visualisation que d’une fine tranche de la valve. L’affichage simultané de deux plans
bidimensionnels distincts (X-plane) permet d’éviter de changer l’orientation du capteur en cours de
manœuvre et de profiter simultanément de la précision anatomique du 2D et de la reconstruction
spatiale du 3D. Les prestations du 3D sont nettement supérieures à celles du 2D dans les phases
suivantes : positionnement du clip dans les axes antéro-postérieur et médio-latéral au-dessus de la
valve, ajustement du clip avec les bras perpendiculaires à la commissure mitrale, visualisation du clip
fixé aux feuillets [1]. Le 3D permet de voir toute la longueur du cathéter dans l’OG et dans la mitrale,
alors que le 2D ne réalise que des tomographies avec lesquelles on n’identifie le cathéter que lorsqu’il
passe dans le plan de coupe. L’imagerie 3D Full volume est spécialement utile avec le Doppler couleur
pour localiser de manière exacte l’origine du jet de l’IM, pour en déterminer la géométrie et pour
évaluer les jets résiduels après l’intervention [4]. L’obtention de bonnes images 3D couleur est
toutefois rendue difficile par la présence de troubles du rythme ou de fibrillation auriculaire. En effet,
les images en Full-volume requièrent une reconstruction ne s’avèrant possible qu’en apnée et en
présence d’un ryhme cardiaque parfaitement régulier. La reconstitution du jet dans l’espace est
particulièrement pertinente pour les IM fonctionnelles dont la régurgitation reproduit la forme de la
fente qui subsiste en systole entre les feuillets, alors que le jet des IM organiques est de géométrie
approximativement circulaire. Par contre, le 2D offre une résolution spatiale bien supérieure. Il est
plus performant que le 3D pour visualiser la déformation en tente (tenting) du septum interauriculaire
lors de sa ponction, pour suivre l’accrochage des feuillets mitraux par le clip et pour identifier le point
d’insertion de ce dernier sur les feuillets [1,3].
L’ETO surveille et oriente tout le déroulement de la procédure [3,5]. D'une manière générale,
l'échocardiographie doit être en phase avec les besoins de l'opérateur, non avec ceux de l'anesthésiste.
Il est important d'éviter les changements de plan inutiles et d'adapter l'imagerie aux nécessités
spécifiques de l'intervention.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
79
OG
OG
VCS
VG
OD
OD
A
B
© Bettex 2016
OG
OG
Ao
VG
VG
C
D
Figure 10.35 : Images ETO bidimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™. A : effet de tente (tenting)
lors de la perforation du septum interauriculaire (vue bicave 80°). B : mesure de la distance entre le point de
ponction et le plan de l’anneau mitral (flèche jaune) en vue 4-cavités (0°). C : clip en position intraventriculaire,
les deux bras ouverts en direction des feuillets mitraux. D : accrochage des feuillets.
 Contrôle de la situation anatomique pour vérifier que les critères de succès soient remplis :
o IM centrale (A2-P2), d’origine non-rhumatismale ;
o Surface d'ouverture de la valve d'au-moins 4 cm2 ;
o Hauteur de coaptation > 2 mm ;
o Distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau ≤ 11 mm (tenting height) ;
o En cas de prolapsus, l’écart entre les feuillets (flail gap) doit être < 10 mm et la
largeur du prolapsus (flail width) < 15 mm ;
o Longueur du feuillet postérieur > 10 mm ;
o Bords libres souples et non-calcifiés à l’endroit de pose du clip.
 Ponction trans-septale : l’ETO identifie le cathéter de ponction par le sommet de la
déformation en tente du septum membraneux dans la portion médiane supéro-postérieure du
septum, 3.5 – 4.0 cm au-dessus du plan de l'anneau mitral (Figure 10.35A et 10.37A). Ce
repérage est aisé dans les vues combinées 4-cavités 0-20° (position en hauteur), bi-cavale 80100° (position dans l'axe cranio-caudal), et court-axe de la base 40° (position dans l'axe
antéro-postérieur), ou en vues simultanées 60° et 100° en X-plane 3D.
 Avancement du guide de stabilisation de l'introducteur trans-septal : contrôle de son passage
dans une veine pulmonaire gauche ou dans le VG, et non dans l’appendice auriculaire gauche.
 Avancement du clip et de son système de mise en place à travers l'introducteur : contrôle dans
les plans orthogonaux de la valve mitrale, en vues bicommissurale (60°) ou long-axe (120°), et
simultanément en vue basale court-axe (X-plane 3D) ; le cathéter surplombe la valve mitrale
perpendiculaire à son plan (Figure 10.37B).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
80
FA
FA
P1
FP
P2
P3
FP
A
FA
FP
FP
B
© Bettex 2016
Figure 10.36 : Images ETO tridimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™ (vues auriculaires) et leurs
représentations schématiques. A : vue intra-auriculaire du clip surplombant la valve mitrale (flèche); les bras
sont orientés perpendiculairement à la commissure mitrale. B : une fois le clip en place et le guide retiré, les
feuillets mitraux sont fixés l’un à l’autre par leur extrémité distale (A2 et P2) (flèche rouge) ; en diastole, la
valve mitrale présente une double ouverture (flèches vertes). FA : feuillet antérieur ; FP : feuillet postérieur.
 Positionnement du système en face de la valve mitrale, à la verticale de son ouverture; le clip
est orienté perpendiculairement à la commissure mitrale (Figure 10.36A).
 Franchissement de la valve mitrale : avancement du clip juste en amont de l’orifice de
régurgitation, au centre du PISA, selon un trajet coaxial au flux mitral. Contrôle en vue 4cavités (0°), bicommissurale (60°), long-axe (120°), 3D full volume, avec et sans Doppler
couleur.
 Contrôle de position du clip avant accrochage : le clip est maintenant en dessous de la valve
mitrale, sur son versant ventriculaire ; il est ouvert : ses deux bras doivent être
perpendiculaires à la ligne de coaptation de la valve, il est situé au milieu de la valve, dont les
mouvements restent libres. Seule l’image radiologique permet de visualiser correctement les 2
bras du clip et leur ouverture-fermeture.
 Accrochage des feuillets : le cathéter est retiré en douceur pour que le clip accroche
l’extrémité des feuillets, ce qui exerce une tension sur les cordages ; les éléments de fixation
sont abaissés sur les feuillets. Le clip est fermé partiellement pour permettre un contrôle
échocardiographique, puis on procède à la fermeture complète des bras et à l’accrochage
définitif des feuillets. Contrôle de la mise en place sur les deux feuillets en vues 4-cavités 0-
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
81
20° et long-axe 120° (2D), ou en vues simultanées 40-60° et 120° (3D X-plane). La précision
de l’imagerie 2D est essentielle pendant cette phase parce que la résolution du 3D est
insuffisante pour visualiser la finesse de l’extrémité des feuillets mitraux. Comme
complément d’information, on utilise essentiellement le 3D Zoom ; le 3D Full volume est
surtout utile pour le le Doppler couleur, car la résolution est trop basse en 3D Zoom. Si l’un
des feuillets est mal accroché, le clip bouge avec l’autre feuillet. Le clip peut être ré-ouvert et
repositionné si nécessaire.
 Contrôle immédiat : stabilité du clip, présence de fuite(s) résiduelle(s), mouvement des
feuillets, planimétrie du double orifice en court-axe transgastrique ou en 3D full volume
(addition des 2 surfaces d’ouverture ≥ 2.5 cm2), gradient diastolique (ΔPmax ≤ 5 mmHg)
identique à travers chaque orifice) (Figure 10.36B), L’importance de l’IM résiduelle doit être
évaluée dans des conditions hémodynamiques normales ; il est souvent nécessaire
d’administrer un vasopresseur (phényléphrine, noradrénaline) pour réaliser un test adéquat.
 Une fuite résiduelle de degré > 2/4 est considérée comme excessive ; le cas échéant, on peut
ajouter un deuxième clip à côté du premier. Il faut contrôler au préalable qu’il existe
suffisamment de tissu mitral libre pour éviter que ce clip supplémentaire ne sténose l’orifice
diastolique.
 Il arrive que la perforation septale laisse un orifice significatif, équivalant à une CIA, mis en
évidence par le flux couleur à prédominance gauche-droite.
A
C
OG
OD
B
D
Figure 10.37 : Images ETO tridimensionnelles de la mise en place du Mitraclip™. A : effet de tente (tenting) au
moment de la perforation du septum interauriculaire [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol Cardiovasc Imag 2014;
7:292-308]. B : vue plongeante sur l’OG; le cathéter franchit le septum interauriculaire (SIA) et se dirige à angle
droit vers la valve mitrale, visant le centre de l’ouverture diastolique [Altiok E, et al. Clin Res Cardiol 2011;
100:675-81]. C : libération du clip (flèche bleue) et retrait du cathéter (flèche rouge). D : vue depuis le VG de
deux clips (C) en place sur la mitrale, laissant deux orifices (*) en diastole [Faletra FF, et al. J Am Coll Cardiol
Cardiovasc Imag 2014; 7:292-308].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
82
Technique du MitraClip™
L’accès est une ponction percutanée de la veine fémorale. Le cathéter est introduit dans l’OG par
perforation trans-septale depuis l’OD. Le clip est positionné perpendiculairement à la commissure
mitrale en son milieu, puis il est descendu dans le VG. En le retirant, le clip ouvert accroche les 2
feuillets mitraux et les pince (fermeture) au niveau de A2-P2. En cas de fuite résiduelle, on peut
réitérer la procédure avec un deuxième clip. La durée de l’intervention est d’environ 3 heures.
L’ETO (2D et 3D) est nécessaire pour guider l’intervention dans ses différentes phases :
- Vérification des critères anatomiques de faisabilité
- Ponction trans-septale (vues 2D court-axe de la base 40° et bicave 100°, idem en X-plane)
- Positionnement du clip en amont puis en aval de la valve mitrale (3D Zoom)
- Accrochage des feuillets (vues 2D 4-cavités 20-40° et long-axe 120°), fermeture du clip
- Contrôle immédiat de la position du clip (3D zoom ou couleur full volume), évaluation de
l’IM résiduelle
- Evaluation d’une éventuelle CIA secondaire à la ponction trans-septale avec shunt D-G
Références
1
2
3
4
5
6
7
ALTIOK E, BECKER M, HAMADA S, et al. Optimized guidance of percutaneous edge-to-edge repair of the mitral valve using
real-time 3D transesophageal echocardiography. Clin Res Cardiol 2011; 100:675-81
DELGADO V, KAPADIA S, MARSAN NA, et al. Multimodality imaging before, during, and after percutaneous mitral valve
repair. Heart 2011; 97:1704-14
FALETRA FF, PEDRAZZINI G, PASOTTI E, et al. 3D TEE during catheter-based interventions. J Am Coll Cardiol Cardiovasc
Imag 2014; 7:292-308
GAEMPERLI O, MOCCETTI M, SURDER D, et al. Acute hemodynamic changes after percutaneous mitral valve repair: relation
to mid-term outcomes. Heart 2012; 98:126-32
GUARRACINO F, BALDASSARRI R, FERRO B, et al. Transesophageal echocardiography during MitraClip™ procedure.
Anesth Analg 2014; 118:1188-96
KLIGER C, JELNIN V, SHARMA S, et al. CT angiography-fluoroscopy fusion imaging for percutaneous transapical access. J
Am Coll Cardiol Imag 2014; 7:169-77
ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography in new
transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 32:2189-214
SIA
Anesthésie pour MitraClip™
Modifications hémodynamiques
Après une réparation mitrale, la perte de la soupape à basse pression que représente la fuite dans l’OG
en systole est l’équivalent d’une augmentation de postcharge (afterload mismatch) pour le VG dès la
sortie de CEC. Cette situation est particulièrement éprouvante dans le contexte d’une IM secondaire,
d’une dilatation ventriculaire et d’une FE basse en préopératoire ; elle entraîne une péjoration de la
fonction du VG. Ce désappariement entre la postcharge et la fonction ventriculaire survient dans 26%
des cas de MitraClip™, particulièrement chez les patients dont le VG est dilaté (Dts > 60 mm, Dtd >
70 mm). Il s’accompagne d’une dysfonction droite (68% des cas) et d’une hypertension pulmonaire
(PAPs > 50 mmHg). Cependant, ce phénomène est transitoire et ne modifie pas la survie à long terme
(81% à 1 an) [5]. Dans les autres cas (IM structurelle, fonction du VG conservée), on assiste à une
baisse de l’onde "v" de 30%, de la POG de 25%, des RAP de 24%, de la PAPm de 20% et de la PAPO
de 10-20% ; l’index cardiaque augmente de 32-60% dès 5 minutes après la fermeture du clip [3,4]. La
PAM reste stable. La PtdVG ne se modifie pas, probablement parce que l’accroissement de postcharge
compense la baisse de précharge liée à la suppression de l’IM. D’une manière générale, l’effet
hémodynamique de l’intervention est bénéfique puisque le débit cardiaque augmente dès la fermeture
du clip. Le gain acquis pas la suppression de la régurgitation compense largement l’augmentation de
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
83
postcharge due à l’étanchéité de la mitrale en systole. La baisse de la PAPO est secondaire à la
suppression du reflux dans les veines pulmonaires et non à une diminution de la Ptd du VG. La FE
tend à diminuer parce que la boucle pression/volume s’est déplacée vers le haut (augmentation de
postcharge par fermeture de l’IM) et s’est rétrécie (diminution de précharge par suppression du
volume régurgité) ; le travail d’éjection (surface P•V) est pratiquement inchangé (Figure 10.38, voir
aussi Figures 5.48, 5.53 et 11.57) [3]. D’une manière générale, la situation d’afterload mismatch
semble donc mieux tolérée par le VG que lors d’une intervention en CEC, probablement parce que
cette dernière a un effet délétère sur la fonction ventriculaire.
Figure
10.38 :
Boucles
pression-volume (P-V) en cas
d’insuffisance mitrale (IM). A :
par rapport à une boucle P-V
normale (en jaune), la boucle
d’une IM (en rouge) est de plus
grand volume à cause de la
masse de sang régurgitée qui
fait des allers-retours entre le
VG et l’OD à chaque cycle
cardiaque
(VS :
volume
systolique). Contrairement à la
situation normale où elle est
verticale,
la
contraction
isovolumétrique de l’IM est
oblique
parce
qu’elle
s’accompagne d’une éjection
dans l’OG (baisse de volume
ventriculaire). Emax : élastance
maximale (en bleu), dont la
pente représente la contractilité.
Compl : courbe de compliance
(en vert). B : boucle PV après
réparation mitrale (en vert et
jaune). Le volume systolique
est diminué (suppression de la
régurgitation) et la pression
augmentée (postcharge plus
élevée par fermeture de l’IM).
La FE (VS/Vtd) tend à
diminuer parce que la boucle PV s’est déplacée vers le haut et
s’est rétrécie. Le travail
d’éjection (surface P•V) est peu
modifié : ce qui est perdu en
volume est gagné en pression
[Gaemperli O, et al. Heart
2012 ; 98 :126-32].
A
Pression
Emax
Contraction
isovolumétrique
Normal
IM
Compl
V0
VS
VS
Volume
B
Pression
Emax
Post
RVM
IM
V0
VS’
Compl
VS
Volume
© Chassot 2016
Technique d’anesthésie
L’anesthésie générale offre les conditions optimales pour une intervention qui impose la présence
d’une sonde ETO en permanence et qui nécessite une immobilité totale du patient. La sédation
profonde (2-3 mg midazolam + perfusion de propofol) est parfois utilisée [6], mais l’absence de
contrôle des voies aériennes en présence d’une sonde de forte taille dans l’œsophage est une situation
assez risquée. La technique d'anesthésie doit remplir deux conditions essentielles:
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
84
 Assurer la stabilité hémodynamique en cours d'intervention chez des malades trop compromis
pour subir une CEC;
 Permettre un réveil et une extubation rapides.
L'anesthésie et l'analgésie n'ont pas besoin d'être profondes, car la stimulation douloureuse est
inexistante hormis celle d'une éventuelle réanimation. Mais la stratégie anesthésique reste guidée par
les contraintes propres à l’insuffisance mitrale et aux comorbidités du malade.
 Précharge: maintenir la normovolémie, ce qui représente peu de volume perfusé car les pertes
liquidiennes sont faibles et l’hémorragie peu importante ; il faut restreindre les apports hydrosalins en cas d’insuffisance congestive, et éventuellement ajouter la nitroglycérine.
 Postcharge: elle doit rester basse pour diminuer l’IM ; RAS abaissées par isoflurane,
éventuellement phentolamine ou nitroprussiate. Veiller à rétablir une PAM ≥ 80 mmHg lors
du contrôle des fuites résiduelles (test de charge avec phényléphrine ou nor-adrénaline).
 Contractilité: elle doit être épaulée selon besoin par des agents inotropes positifs sans effet
alpha (dobutamine, milrinone + adrénaline) ; dans la phase aiguë peropératoire, le
lévosimendan est d’action trop lente.
 Fréquence: maintenir 70-80 batt/min parce que la bradycardie augmente le temps de
remplissage et le volume ventriculaire, donc fait courir le risque de dilatation aiguë du VG.
L’IM ayant lieu en systole, la variation de la fréquence modifie peu sa durée. La procédure
déclenche fréquemment une FA et/ou des épisodes de TV; lorsqu'ils sont mal supportés
hémodynamiquement, prévoir des antiarythmiques (lidocaïne, amiodarone). En cas de
fibrillation ventriculaire, défibriller par les patches cutanés fixés au malade.
 Ventilation en pression positive : bénéfique pour la fonction du VG et pour la réduction de
l’IM ; prévoir l’extubation en fin d’intervention.
Le choix de la technique anesthésique est déterminé par l’état du malade (degré d’IM, fonction
ventriculaire, comorbidités) et par la faible invasivité de la procédure [1,3].
 Equipement et monitorage : ECG, PetCO2, SpO2, cathéter artériel, voies veineuses
périphériques, voie veineuse centrale 3-lumières (si FE < 35%), sonde urinaire, ETO (sonde
3D), patches de défibrillateur. La POG est mesurée par l’introducteur trans-septal.
L’utilisation d’un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz n’est pas requise.
 L’induction peut être réalisée au moyen de plusieurs agents, mais l’étomidate garantit une
stabilité hémodynamique optimale. Le propofol est régulièrement utilisé à dosage réduit dans
les cas non-décompensés. Le midazolam assure une bonne sédation mais peut retarder
l’extubation. L’adjonction de fentanyl ou de sufentanil diminue la réponse sympathique, mais
doit rester modeste. Le rémifentanil en perfusion à faible dose est bien adapté au réveil rapide
et à l'absence de douleurs postopératoires.
 Maintien de l’anesthésie : la perfusion de propofol et de rémifentanil (TIVA) est la technique
la plus courante; l’isoflurane et le sevoflurane ont l'avantage de baisser les RAS; le desflurane
est déconseillé (↑ RAS et ↑ RAP).
 Prévention de l’hypothermie.
 La normoventilation (FiO2 0.5-0.8) est assurée par le respirateur en IPPV ; elle est
momentanément interrompue pendant les phases où une stricte immobilité est requise.
 La curarisation n'est nécessaire que pour l'intubation.
 Le dosage des agents d’anesthésie reste modeste, car la stimulation douloureuse est quasiinexistante et l'extubation doit être immédiate.
 L’anticoagulation par héparine non-fractionnée (100 UI/kg) est débutée dès la canulation
veineuse fémorale ; l’ACT recherché est 250-300 secondes. L’effet est renversé avec de la
protamine en fin d’intervention.
 Anti-agrégants : aspirine 250 mg iv en début d’intervention ; aspirine (100 mg/j) et
clopidogrel (75 mg/j) débutés per os le lendemain matin ; la bithérapie est continuée pour 3-6
mois, suivie d’aspirine seule à vie.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
85
 Maintenir la contractilité si nécessaire (la détérioration de la fonction systolique est masquée
par l’IM) :
• Préférence à la dobutamine ;
• Milrinone (± adrénaline) si HTAP, dilatation ou défaillance chronique du VG ;
• Quoiqu’adéquat, le lévosimendan est d’action trop lente.
 Les arythmies (FA, TV) sont courantes parce que les cathéters stimulent mécaniquement la
paroi des cavités; ces épisodes disparaissent dès que la manipulation cesse. Lorsqu'ils se
prolongent ou compromettent l'hémodynamique, adminsitrer du Mg2+, de la lidocaïne et/ou de
l'amiodarone.
Les patients sont extubés sur table ou dans la première heure aux soins intensifs. Selon la sélection des
patients, 25-75% d’entre eux réclament un support inotrope, et 10-15% sont transfusés [39a,56a]. Ils
se répartissent en 3 catégories [2] :
 Suites postopératoires simples (environ 20% des cas) ;
 Complications mineures (hémorragie, insuffisance ventriculaire passagère, etc) ;
 Suites complexes avec support hémodynamique (CPIA, ECMO), insuffisance polyorganique,
etc (environ 15%).
La durée moyenne du séjour en soins intensifs/soins continus est de 22 heures et celle de
l’hospitalisation de 4.5 jours [1,2,7].
Anesthésie pour plastie mitrale percutanée
Hémodynamique recherchée:
- Volémie normale
- RAS basses, sauf pour le test de charge (contrôle des fuites résiduelles)
- Stimulation inotrope sans effet alpha (amines β, inodilatateurs)
- Fréquence normale, mais arythmies fréquentes (FA, TV) déclenchées par les manipulations
intracardiaques
Le choix de la technique d'anesthésie est déterminé par l'état hémodynamique du malade, par la faible
stimulation de la procédure et par l'extubation immédiate du patient
- Induction: propofol (cas stables) ou étomidate (cas décompensés)
- Maintien: perfusion propofol/rémifentanil (cas stables), ou isoflurane (cas décompensés)
- Curarisation: seulement pour l'intubation
- Réveil et extubation dans la première heure
L’augmentation de postcharge gauche représentée par la fermeture de la fuite mitrale est bien tolérée
dans 75% des cas.
Références
1
2
3
4
5
CHIH HN, KEONG YK, KIAN HV, et al. Anesthesia management for MitraClip device implantation. Ann Card Anaesth 2014;
17:17-22
DI PRIMA AL, COVELLO DR, FRANCO A, et al. Do patients undergoing MitraClip implantation require routine ICU
admission ? J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1479-83
GAEMPERLI O, MOCCETTI M, SURDER D, et al. Acute hemodynamic changes after percutaneous mitral valve repair: relation
to mid-term outcomes. Heart 2012; 98:126-32
KOTTENBERG E, DUMONT M, FREY UH, et al. The minimally invasive MitraClip™ procedure for mitral regurgitation under
general anaesthesia: immediate effects on the pulmonary circulation and right ventricular function. Anaesthesia 2014; 69:860-7
MELISURGO G, AJELLO S, PAPPALARDO F, et al. Afterload mismatch after MitraClip insertion for functional mitral
regurgitation. Am J Cardiol 2014; 113:1844-50
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
86
6
7
RASSAF T, BALZER J, ZEUS T, et al. Safety and efficacy of deep sedation as compared to general anaesthesia in percutaneous
mitral valve repair using the MitraClip™ system. Catheter Cardiovasc Interv 2014; 84:E38-E42
TARAMASSO M, MAISANO F, DENTI P, et al. Percutaneous edge-to-edge repair in high-risk and elderly patients with
degenerative mitral regurgitation: midterm outcomes in a single-center experience. J Thorac Cardiovasc Surg 2014; 148:2743-50
Autres plasties mitrales percutanées
Bien que le MitraClip™ soit actuellement le système le plus utilisé et le plus performant, d’autres
techniques sont constamment mises au point.
L’introduction d'un arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™, Monarc™, PTMA™), qui
s'ancre dans le vaisseau et enserre l'anneau mitral sur les 2/3 de sa circonférence, permet de rétrécir ce
dernier (Figure 10.39A). Le stress de torsion exercé sur la structure est tel que les fractures du matériel
ne sont pas rares. D'autre part, le système peut comprimer l'artère circonflexe qui chemine à côté du
sinus, ou prolaber dans l’OG si le sinus est distant de l’anneau mitral, car son trajet est variable selon
les individus. Le taux de succès global est ≤ 60%; la réduction du volume régurgité est de l'ordre de
30% [3]. On n’a que peu d’expérience avec ce système, qui n’a pas eu la faveur des cardiologues
interventionnels. L’entreprise qui fabrique le Carillon™ a cessé son activité fin 2011.
Le CardioBand™ (Valtech) reproduit un anneau mitral prothétique tel qu’il est implanté
chirurgicalement mais en l’introduisant dans l’OG par voie veineuse et trans-septale, et en le plaçant
autour de l’insertion du feuillet postérieur, sur son versant auriculaire. La prothèse est fixée par voie
percutanée au moyen de microvis implantées dans l’anneau mitral ; elle est ensuite cintrée en réglant
un tenseur interne de manière à réduire autant que possible l’IM (Figure 10.39B). La réduction dans
l’axe septo-latéral est de l’ordre de 30% [1,2].
Figure 10.39 : Autres systèmes de
plastie mitrale percutanée. A : arceau
dans le sinus coronaire (dispositifs
Carillon™) avec son système d’ancrage
qui se déploie proximalement et
distalement lorsque la courbure est
réalisée [Feldman T, et al. J Am Coll
Cardiol 2011; 57:529-37]. B : système
CardioBand™, anneau implanté par
vissage dans l’anneau mitral et
secondairement cintré par un tenseur
interne [Feldman T, et al. J Am Coll
Cardiol 2014; 63:2057-68].
A
B
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
87
Le système Mitralign™, introduit dans le VG par voie rétrograde trans-aortique, réalise une plicature
de l’anneau mitral par insertion de points ancrés sur des pledgets en regard des deux commissures.
Autres techniques de plastie mitrale percutanée
Différents dispositifs existent, moins utilisés que le MitraClip™
- Arceau dans le sinus coronaire (abandonné)
- Anneau mitral implanté, avec tenseur interne
Références
1
2
3
HERRMANN HC, MAISANO F. Transcatheter therapy of mitral regurgitation. Circulation 2014; 130:1712-22
MAISANO F, VANERMEN H, SEEBURGER J, et al. Direct access transcatheter mitral annuloplasty with a sutureless and
adjustable device: preclinical experience. Eur J Cardiothorac Surg 2012; 42:524-9
SCHOFER J, SIMINIAK T, HAUDE M, et al. Percutaneous mitral annuloplasty for functional mitral regurgitation. Results of the
CARILLON mitral annuloplasty device European Union study. Circulation 2009; 120:326-33
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
88
Autres interventions valvulaires sans CEC
L’imagination débordante des ingénieurs et des cliniciens produit constamment de nouvelles
technologies qui visent à réaliser de manière non-invasive ce qu’accomplit la chirurgie à ciel ouvert et
à cœur arrêté. Nous ne mentionnons ici que quelques-unes de ces innovations, pour la plupart encore
au stade de prototype, mais dont le marché est en pleine expansion.
PVM transapicale
Par voie transapicale, on peut introduire des cordages artificiels suturés au bord externe du feuillet
prolabant et fixés à l’apex du VG ; leur tension est réglée de manière à faire disparaître la fuite mitrale
à l’ETO (NeoChord™) [3]. Le système V-Chordal™ s’implante par voie trans-septale dans la tête du
muscle papillaire ; il évite ainsi de devoir procéder à une incision transapicale par thoracotomie [6]. Le
MitraSpacer™ est un système d’occlusion partiel de la valve mitrale qui flotte entre les deux feuillets
et qui est ancré à l’apex du VG ; il offre un appui central aux feuillets pour assurer leur occlusion en
systole [6]. MitraAssist Medical Ltd développe une espèce de feuillet postérieur artificiel implantable
de manière non-invasive, qui sert de butée au feuillet antérieur pour assurer l’occlusion de la valve en
systole [6].
RVM percutané/transapical
Le succès du TAVI a poussé à transposer la technique d’implantation par cathétérisme à la valve
mitrale, mais les problèmes sont plus importants dans cette localisation : largeur de la valve, noncircularité de l’anneau, danger d’obstruction de la chambre de chasse, nécessité de conserver l’appareil
sous-valvulaire, risque plus important des fuites paravalvulaires résiduelles (hémolyse) [6]. Les
premiers essais se sont portés sur l’implantation de prothèses aortiques dilatées au ballon à l’intérieur
de bioprothèses mitrales dégénérées (voir valve-in-valve). Plusieurs modèles de bioprothèses sont
actuellement disponibles pour la mise en place sur une valve mitrale native (Figure 10.40).
 CardiaQ™ : bioprothèse en péricarde bovin montée sur une armature auto-expansible, ancrée
par des crochets et placée en position supra-annulaire dans l’OG ;
 Tiara™ : bioprothèse en péricarde bovin dont la forme en "D" reproduit celle de l’anneau
mitral et évide l’obstruction de la CCVG ;
 Endovalve™ : bioprothèse stentless dont l’armature en nitinol s’agrippe à l’anneau mitral en
fonction de sa forme et de sa taille ;
 Fortis™, Lutter Tendyne™ : bioprothèses en péricarde bovin implantées par voie transapicale.
"Valve-in-valve"
La dégénérescence des bioprothèses valvulaires chirurgicales (20-30% à 10 ans) oblige souvent à les
remplacer ; cette réopération est grevée d’une mortalité de 5 à 23% [9]. Pour diminuer ce risque, il est
possible d’utiliser la même technique que le TAVI en plaçant une nouvelle prothèse à l’intérieur de la
première (technique valve-in-valve). On peut aussi corriger une plastie mitrale défaillante de la même
manière (technique valve-in-ring), mais la forme en "D" de l’anneau prothétique complique la
congruence d’une nouvelle valve qui est circulaire. La taille de la néo-prothèse est choisie en fonction
du diamètre interne de l’ancienne prothèse. Malheureusement, il est souvent difficile de connaître cette
mesure avec exactitude parce que les fabriquants n’utilisent pas tous le même codage dans la taille des
valves qu’ils produisent. Il n’existe d’ailleurs aucune standardisation à ce sujet (les références 1 et 4
donnent les valeurs mesurées du diamètre des principales bioprothèses sur le marché). D’autre part,
des calcifications ou un pannus peuvent réduire l’ouverture de la prothèse dégénérée et compliquer la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
89
pose de la nouvelle. Habituellement, la valve choisie est surdimensionnée de 10% par rapport au
diamètre interne de l’ancienne [4]. L’apport de l’ETO est essentiel pour l’examen de l’ancienne
prothèse (destruction de feuillet, présence d’endocardite, de pannus, de thrombus ou de fuite
paravalvulaire), pour le positionnement de la nouvelle et pour son évaluation post-implantation. Une
fuite paravalvulaire autour de la prothèse primitive a peu de chance d’être améliorée par l’implantation
d’une nouvelle valve [4].
A
C
B
D
Figure 10.40 : Bioprothèses mitrales pour implantation par cathéterisme transapical. A : valve CardiaQ™
(Edwards). B : valve Tiara™ (Neovasc). C: valve FORTIS™ (Edwards). D: valve Lutter™ (Tendyne)
[Herrmann HC, et al. Circulation 2014; 130:1712-22].
Pour la valve aortique, la voie transapicale sous anesthésie générale est choisie dans 40% des cas ; elle
facilite le passage à travers une prothèse sténosée [4]. L’imagerie ETO tridimensionnelle offre la
possibilité de mesurer le diamètre interne de l’ancienne valve, de localiser les ostia coronariens et de
vérifier la présence d’un pannus ou d’une éventuelle fuite paravalvulaire. Le risque d’occlusion
coronaire est deux fois plus élevé que dans le TAVI primaire [2]. La deuxième prothèse, le plus
souvent SAPIEN™ ou Melody™, rarement CoreValve™, est positionnée de manière à ce que sa
partie non-recouverte soit en position supra-annulaire en amont de la première. A l’image, l’anneau de
la néo-valve est environ 5 mm en-dessous de celui de l’ancienne prothèse [9]. La dilatation de la valve
au ballon se fait sous la protection d’un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/min). Le taux de
malpositionnement est de 12%, la mortalité de 8%, le risque d’obstruction coronaire de 2% et celui
d’ictus de 1.4% [9]. Le gradient transvalvulaire moyen est de 9-23 mmHg (moyenne 15 mmHg), ce
qui est plus élevé que lors de l’intervention primitive ; de ce fait, le taux de non-appariement entre la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
90
prothèse et l’aorte du patient (prosthesis-patient mismatch) est de 32%. Le taux de fuite
paravalvulaire, par contre, est bas (4%) [4,7].
Pour la valve mitrale, la voie d’abord préférentielle est la voie transapicale sous anesthésie générale.
Les deux valves les plus souvent implantées sont les valves SAPIEN XT™ et Melody™. Le taux de
succès est de 94%, la mortalité de 8%, le risque d’obstruction de la CCVG de 8% et celui d’ictus de
2.5% [9]. Le gradient transvalvulaire moyen est de 6.3 mmHg. Une anticoagulation permanente est
requise car le risque de thrombose est significatif.
Conduit apico-aortique
Dans certaines circonstances où un RVA est requis mais les options chirurgicales et non-invasives
exclues, on désire malgré tout éviter une CEC, un clampage aortique et une dissection
intrapéricardique :




Reprise après de multiples opérations cardiaques ;
Athéromatose étendue de l’aorte ascendante, aorte porcelaine ;
Comorbidités contre-indiquant une CEC (cirrhose hépatique, pathologie de la coagulation) ;
Pathologie contre-indiquant une implantation aortique trans-cathéter (TAVI).
En cas de sténose aortique serrée, il est possible de court-circuiter la racine aortique sans toucher à la
valve au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse valvulaire ; ce tube est implanté d’un côté
dans l’apex du VG (comme une canule d’assistance ventriculaire gauche) et anastomosé de l’autre en
termino-latéral sur l’aorte descendante. En systole, le volume sanguin du VG est éjecté essentiellement
dans le conduit. Le flux de ce dernier vascularise la crosse aortique a retro, ce qui peut provoquer une
zone de stase au niveau de la rencontre de ce flux avec celui éjecté à travers la valve aortique native.
Dans l’aorte distale, le flux est normal. L’opération se pratique par thoracotomie gauche sans CEC.
En l’absence de CEC, l’anesthésie générale peut être combinée à une analgésie péridurale thoracique
haute, d’autant plus indiquée que la thoracotomie est une voie d’abord douloureuse. Si la péridurale
n’est pas réalisable, on peut procéder à des blocs paravertébraux ou à des blocs intercostaux.
La technique d’anesthésie comporte quelques particularités [8].
 Installation en décubitus latéral droit, bras gauche au zénith, bassin incliné à 45° pour
permettre une canulation fémorale si nécessaire ;
 Patches de défibrillateur externe ;
 Tube endotrachéal à 2-lumières (tube endobronchique gauche) et ventilation monopulmonaire ;
 Monitorage : cathéter artériel, voie veineuse centrale et/ou cathéter pulmonaire de Swan-Ganz,
échocardiographie transoesophagienne ;
 Respect d’une normothermie rigoureuse (36-37° C) permettant une extubation rapide ;
 Anticoagulation par héparine pour un ACT 150-250 secondes ;
 Position de Trendelenburg pendant la canulation apicale du VG pour limiter le risque
d’embolie gazeuse ceérébrale ;
 Deux épisodes d’hypotension artérielle contrôlée (PAsyst < 80 mmHg) pendant la canulation
apicale et pendant le clampage latéral de l’aorte descendante (bolus de phentolamine,
éventuellement pacing ventriculaire rapide).
La mise en place de la canule apicale rigide s’accompagne de modifications électrocardiographiques
(élévation du segment ST) et d’arythmies ventriculaires, en général contrôlées par de l’amiodarone ou
de la lidocaïne. L’administration prophylactique de magnésium peut être utile. La réexpansion
pulmonaire en fin d’intervention doit être soigneuse mais doit éviter de déplacer ou de couder le
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
91
conduit avec des manœuvres excessives. L’amélioration hémodynamique n’est pas immédiate ; un
soutien inotrope est nécessaire dans le postopératoire.
L’ETO est très utile pour exclure une contre-indication à la technique, comme un thrombus apical du
VG, un anévrysme ventriculaire, une insuffisance aortique ou des plaques athéromatoses de l’aorte
descendante. En peropératoire, l’ETO est un monitorage précieux de la fonction ventriculaire, de la
volémie et de l’ischémie myocardique. Il est de plus nécessaire pour la surveillance du système mis en
place.
 Positionnement correct de la canule apicale, dirigée vers le centre de la cavité ventriculaire et
non vers le septum ;
 Intégrité de l’appareil sous-valvulaire mitral, développement d’une IM nouvelle ou
modification de l’importance d’une IM pré-existante ;
 En cas d’IM, détection du mécanisme : gêne mécanique, ischémie, dilatation du VG ;
 Dissection de l’aorte descendante ;
 Embolisation gazeuse, air résiduel dans le VG, contrôle du débullage ;
 Mise en évidence du flux dans le conduit au Doppler couleur et spectral ;
o Flux dans la canule apicale, qui s’éloigne du capteur oesophagien en vues
rétrocardiaques (0°, 90° et 20°) ;
o Comme le conduit entre perpendiculairement dans l’aorte descendante, son flux est
dirigé vers le capteur au niveau de son anastomose (vues 0° et 90° de l’aorte
descendante) ;
 Documentation d’une éventuelle zone de stase dans la crosse au niveau de la rencontre entre le
flux rétrograde du conduit et le flux antérograde de l’éjection à travers la valve aortique.
Interventions hybrides
Il s’agit d’interventions qui combinent la chirurgie à cœur ouvert en CEC et des techniques inspirées
de la technologie percutanée. Par exemple, au lieu de placer un anneau souple ou rigide mais statique
lors d’une plastie chirurgicale de la valve mitrale, on peut implanter un anneau dynamique (enCor
Dynaplasty™, CardinalRing™) qui contient un système de tenseur interne permettant de cintrer
l’anneau à souhait. Cet ajustement se fait après la sortie de pompe, ou même dans les mois
postopératoires par un accès percutané à demeure [6].
Autres interventions valvulaires sans CEC
Plastie mitrale transapicale : cordages artificiels, ballon-appui pour les feuillets mitraux, feuillet
postérieur artificiel.
Remplacament mitral percutané/transapical par des bioprothèses analogues à celles du TAVI mais
dimensionnées pour la valve mitrale.
Procédure valve-in-valve (voie transapicale) : implantation d’une prothèse transcutanée à l’intérieur
d’une bioprothèse dégénérée (position aortique ou mitrale).
Conduit apico-aortique : court-circuit de la voie d’éjection du VG par un conduit en Dacron muni
d’une prothèse valvulaire reliant l’apex du VG à l’aorte descendante. Au lieu de passer par la valve
aortique sévèrement sténosée, le volume systolique est éjecté dans l’aorte en direction céphalique de
manière rétrograde et en direction caudale de manière antérograde.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
92
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
BAPAT VN, ATTIA R, THOMAS M. Effect of valve design on the stent internal diameter of a bioprosthetic valve. J Am Coll
Cardiol Interv 2014; 7:115-27
DVIR D, LEIPSIC J, BLANKE P, et al. Coronary obstruction in transcatheter aortic valve-in-valve implantation: preprocedural
evaluation, device selecion, protection, and treatment. Circ Cardiovasc Interv 2015; 8:e002079
FELDMAN T, YOUNG A. Percutaneous approaches to valve repair for mitral regurgitation. J Am Coll Cardiol 2014; 63:2057-68
GURVITCH R, CHEUNG A, YE J, et al. Transcatheter valve-in-valve implantation for failed surgical bioprosthetic valves. J Am
Coll Cardiol 2011; 58:2196-209
HATTLER B, MESSENGER JC, SHROYER L, et al. Off-pump coronary artery bypass surgery is associated with worse arterial
and saphenous vein graft patency and less effective revascularisation. Results from the Veteran Affairs randomized on/off bypass
(ROOBY) trial. Circulation 2012; 125:2827-35
HERRMANN HC, MAISANO F. Transcatheter therapy of mitral regurgitation. Circulation 2014; 130:1712-22
HOLMES DR, MACK MJ, KAUL S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on transcatheter aortic
valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54
ODONKOR P, STANSBURY LG, GAMMIE JS, et al. Anesthetic management of patients undergoing aortic valve bypass (apiaortic conduit) surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:148-60
PARADIS JM, DEL TRIGO M, PURI R, et al. Transcatheter valve-in-valve and valve-in-ring for treating aortic and mitral
surgical prosthetic dysfunction. J Am Coll Cardiol 2015; 66:2019-37
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
93
Lectures conseillées
AFILALO J, RASTI M, OHAYON SM, et al. Off-pump vs. on-pump coronary artery bypass surgery: an
updated meta-analysis and meta-regression of randomized trials. Eur Heart J 2012; 33:1257-67
COBEY FC, FERREIRA RG, NASEEM TM, et al. Anesthetic and perioperative considerations for transapical
transcatheter aortic valve replacement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:1087-99
FELDMAN T, YOUNG A. Percutaneous approaches to valve repair for mitral regurgitation. J Am Coll Cardiol
2014; 63:2057-68
GUARRACINO F, BALDASSARRI R, FERRO B, et al. Transesophageal echocardiography during
MitraClip™ procedure. Anesth Analg 2014; 118:1188-96
HERRMANN HC, MAISANO F. Transcatheter therapy of mitral regurgitation. Circulation 2014; 130:1712-22
HOLMES DR, MACK MJ, KAUL S, et al. 2012 ACCF/AATS/SCAI/STS expert consensus document on
transcatheter aortic valve replacement. J Am Coll Cardiol 2012; 59:1200-54
KLEIN AA, SKIBAS NJ, ENDER J. Controversies and complications in the perioperative management of
transcatheter aortic valve replacement. Anesth Analg 2014; 119:784-98
MUNKHOLM-LARSEN S, WAN B, TIAN DH, et al. A systematic review on the safety and efficacy of
percutaneous edge-to-edge mitral valve repair with MitraClip system for high surgical risk candidates.
Heart 2014; 100:473-8
NISHIMURA RA, OTTO CM, SORAJJA P, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients
with valvular heart disease. J Am Coll Cardiol 2014; 63:e57-185
PUSKAS JD, WILLIAMS WH, O’DONNELL R, et al. Off-pump and on-pump coronary artery bypass grafting
are associated with similar graft patency, myocardial ischemia and freedom from reintervention: longterm follow-up of a randomized trial. Ann Thorac Surg 2011; 91:1836-42
SFEIR PM, ABCHEE AB, GHAZZI Z, et al. Endovascular transcatheter aortic valve implantation: en evolving
standard. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:765-78
TAGGART DP, ALTMAN DG. Off-pump vs. on-pump CABG: are we any closer to a resolution? Eur Heart J
2012; 33:1181-3
VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F, et al. Guidelines in the management of valvular heart disease
(version 2012). Eur Heart J 2012; 33:2451-96
ZAMORANO JL, BADANO LP, BRUCE C, et al. EAE/ASE recommendations for the use of echocardiography
in new transcatheter interventions for valvular heart disease. Eur Heart J 2011; 2189-214
Recommandations
ETO dans les interventions valvulaires percutanées. Recommandations des Sociétés européenne et
américaine d’échocardiographie 2011 (TEE transcath EAE ASE.pdf)
Revascularisation coronarienne: recommandations européennes 2014 (Revascularisation ESC.pdf)
TAVI: document de consensus AHA, ASE, EACTS, SCA 2012 (TAVI consensus AHA.pdf)
TAVI: document de consensus sur le CT-scan 2012 (TAVI consensus CT.pdf)
TAVI: définitions des risques, complications et fonction valvulaire 2012 (TAVI consensus
VARC2.pdf)
Valvulopathies: recommandations américaines pour la prise en charge des patients 2014 (Valvulopath
ACC/AHA.pdf)
Valvulopathies: recommandations européennes pour la prise en charge des patients 2012 (Valvulopath
ESC.pdf)
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
94
Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Maître d’enseignement et de recherche,
Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne
(UNIL), CH - 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), CH - 1011 Lausanne
Dominique A. BETTEX
Professeure, Faculté de Médecine, Université de Zürich
Cheffe du Service d’Anesthésie Cardiovasculaire,
Institut für Anästhesiologie, Universitätspital Zürich (USZ),
CH - 8031 Zürich
Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant
95
Téléchargement