Précis d’Anesthésie cardiaque 2016 – 10 Chirurgie à coeur battant 4
L'hémorragie peropératoire, le besoin en érythrocytes ou en dérivées sanguins et le risque de
reprise pour hémostase sont nettement diminués dans la quasi-totalité des séries. Dans la
plupart des études comparatives, le risque de transfusion décroît de 30-50% à coeur battant
[14,34,36]. Il est possible d’opérer des malades sous antiplaquettaires (aspirine et clopidogrel)
sans augmentation significative du risque hémorragique [67].
Le taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) postopératoires est en général abaissé (OR
0.48-0.73) [1,22,25,34,41,49,50]. Dans les cas d'athéromatose étendue de l'aorte ascendante, il
est probable que seule l'absence totale de manipulation de l'aorte (no-touch technique), en
procédant à des greffons entièrement artériels à cœur battant, peut diminuer significativement
l'incidence d'ictus (p < 0.001) [8,10,24,39]. Ce résultat ne se retrouve pas lorsque l’aorte est
saine [14,15,56].
Les troubles neuropsychologiques cognitifs ne semblent pas être atténués de manière
significative après OPCAB [20,64,68]. Même si le taux de micro-embols cérébraux est
clairement diminué, celui des troubles cognitifs ne l’est pas, tout au moins pas à long terme
[14,27].
L'OPCAB démontre une tendance à mieux préserver le myocarde et à diminuer les
évènements cardiaques postopératoires: diminution du taux de troponine I et de CK-MB, de
l'incidence de fibrillation auriculaire, et du besoin en agents inotropes [3,4,13,14,44,46,60].
Toutefois, l'incidence d'infarctus postopératoire tend à augmenter, et n’est diminuée que dans
certaines séries [22,41,65] ; dans les méta-analyses, il est équivalent [1,14,22,34,44].
L'absence de CEC atténue, mais ne supprime pas, la libération postopératoire des marqueurs
du syndrome inflammatoire systémique (SIRS) [5,17,19,35,42].
La durée de ventilation postopératoire, la durée de séjour en soins intensifs et la durée du
séjour hospitalier sont en général raccourcies après OPCAB. Ajouté à l’absence de CEC, ce
fait réduit le coût global de l'intervention [7,51,53] ; toutefois, une série américaine et une
série chinoise ne confirment pas cette donnée [15,28].
Les personnes âgées semblent particulièrement bénéficier de la revascularisation à coeur
battant : la mortalité et le taux d’AVC sont significativement abaissés chez les octogénaires
[12,18,30,33,34,48,62].
Le genre féminin pourrait bénéficier de l’OPCAB, qui entraîne significativement moins de
morbidité que les PAC chez les femmes (OR 2.07) [50].
Le taux global d’insuffisance rénale ou respiratoire est le plus souvent abaissé, en général par
un facteur de 0.2 à 0.5, bien que les études portant sur des sujets à bas risque ne trouvent pas
de différence [1,16,24,34,36,45,50].
Comme les anastomoses à coeur battant sont techniquement plus délicates, on peut craindre que les
résultats de la revascularisation soient moins bons, et que le nombre d'anastomoses réalisées soit plus
faible, donc la revascularisation incomplète. Cependant, la perméabilité des greffons à 30 jours (94-
99%) tend à devenir identique à celle des pontages en CEC lorsque l'équipe chirurgicale et
anesthésique a passé sa courbe d'apprentissage et devient bien rôdée à la technique [11,52]. Par contre,
elle n’est jamais meilleure. On dispose actuellement de nombreuses études contrôlées et randomisées
pour comparer la perméabilité des greffons à moyen terme (3 mois) et à long terme (1, 3 et 5 ans)
entre OPCAB et PAC en CEC. Elles démontrent soit une égalité, soit une légère infériorité de
l’OPCAB.
Plusieurs études ne démontrent aucune différence dans la qualité des anastomoses à trois mois
et à un an [38,40,41,47,54]. Dans l'étude SMART (200 patients randomisés opérés par le
même chirurgien), la perméabilité des greffons à 30 jours (98%) et à un an (94%) est identique
entre les deux groupes [54]. Dans l’étude PREVENT IV, le taux de sténose à 1 an de > 75%
de la lumière des pontages veineux est identique (25%) [41]. La revue de 12'812 cas et une
méta-analyse de deux essais contrôlés ne décèlent aucune influence du type de chirurgie et du
nombre de greffons sur la survie à 3, 5 et 10 ans [2,38]. Le suivi à 7.5 ans de l’étude SMART
ne montre aucune différence à long terme dans la perméabilité des greffons, le taux
d’ischémie résiduelle, le taux de réintervention et la mortalité [55].