Herpès virus humains 6 et 7 L’herpès virus humain 6 (HHV6) a été isolé en 1986 dans des cultures de lymphocytes pratiquées dans l’intention d’isoler de nouveaux rétrovirus. L’herpès virus humain 7 (HHV7) a été isolé dans des conditions similaires en 1990. Ces deux virus sont des virus latents, proches du cytomégalovirus, et sont très répandus dans la population générale. HHV6 a rapidement été rattaché à l’exanthème subit du nourrisson. La responsabilité d’HHV7 dans une pathologie particulière est moins évidente. Agent viral HHV6 et HHV7 appartiennent à la famille des Herpesviridae, à la sous-famille des Betaherpesvirinae dont fait également partie le cytomégalovirus et au genre Roseolovirus. Ce sont des virus enveloppés de 160 à 200 nm de diamètre pour HHV6 et de 180 à 200 nm pour HHV7. L’enveloppe lipidique d’origine cellulaire, porteuse de spicules glycoprotéiques, contient une nucléocapside icosaédrique de 162 capsomères qui protège un ADN linéaire et bicaténaire de 160–162 kb pour HHV6 et 145 kb pour HHV7. Le génome comporte une longue séquence unique encadrée par deux séquences répétées identiques et orientées dans le même sens, ainsi que des séquences répétées internes de petite taille. Le génome de l’HHV6 paraît contenir 97 gènes dont 88 sont communs aux variants A et B d’HHV6 et 9 spécifiques de chaque variant. L’ADN de L’HHV7 contient 84 gènes. L’homologie protéique entre HHV6 et HHV7 varie de 20 à 75 % suivant les gènes. En plus de leurs séquences génotypiques, les deux variants A et B de l’HHV6 se différencient par leurs propriétés de culture in vitro et leur antigénicité. HHV6B serait plus souvent responsable d’exanthème subit, alors qu’HHV6A serait plutôt retrouvé chez l’adulte immunodéprimé au cours de réactivations. HHV7 n’existe que sous une seule forme. Physiopathologie HHV6 infecte préférentiellement les lymphocytes T, particulièrement les lymphocytes CD4 positifs, mais aussi les monocytes et macrophages, les cellules gliales, oligodendrocytaires, mégacaryocytaires et fibroblastiques. In vivo, il est retrouvé dans les lymphocytes et monocytes mais aussi dans les cellules endothéliales, dans les cellules épithéliales des glandes salivaires, dans les oligodendrocytes. L’attachement du virus à la cellule cible par interaction entre ses glycoprotéines d’enveloppe et un ensemble de récepteurs dont le CD46 est suivi d’une fusion de l’enveloppe avec la membrane cellulaire et de la pénétration de la nucléocapside dans le cytoplasme cellulaire. La nucléocapside est transportée jusqu’au noyau cellulaire. La transcription et la réplication du génome viral vont aboutir à la production de protéines très précoces (immediate early), précoces (early) et tardives (late). Ces différentes protéines vont permettre la modification du métabolisme cellulaire, la réplication de l’ADN viral et la production de particules virales. L’assemblage des capsides, l’encapsidation de l’ADN et l’acquisition du tégument se font dans le noyau tandis que l’enveloppe se forme par bourgeonnement dans des vacuoles cytoplasmiques où sont ancrées les glycoprotéines virales. Enfin, les virions sont libérés à l’extérieur de la cellule par fusion des vacuoles avec la membrane cytoplasmique. Ce cycle productif aboutit à la lyse cellulaire. Les mécanismes qui aboutissent à la phase de latence sont moins bien connus. Comme pour les autres herpès virus, un mécanisme de réactivation peut conduire à un nouveau cycle lytique. HHV7 a un tropisme plus sélectif pour les lymphocytes T CD4 positifs, mais il est également retrouvé in vivo dans les glandes salivaires, la peau et d’autres organes. Épidémiologie HHV6 et 7 sont strictement humains et ubiquitaires. La prévalence de l’infection dépasse 90 % chez l’adulte. La contamination est précoce dans l’enfance : autour de 6 mois pour HHV6 après la disparition des anticorps maternels, autour de 2 à 3 ans pour HHV7. Après la primo-infection, ces deux virus restent latents dans l’organisme, avec de fréquentes réactivations avec excrétion salivaire de virus, à l’origine de la contamination. La transmission est donc majoritairement interhumaine directe. Le risque de transmission par transfusion sanguine est faible ou nul, les donneurs n’ayant qu’une charge virale très faible dans leurs leucocytes et les receveurs étant la plupart du temps déjà immunisés. La transmission de HHV6 par transplantation d’organes a été décrite à plusieurs reprises et peut se traduire par une infection survenant dans les 3 mois après une greffe. De très rares cas de transmission intra-utérine d’HHV6 ont été établis, mais aucun cas de malformation n’a été décrit. En revanche, la contamination périnatale semble fréquente, liée à une excrétion virale cervicale importante lors de réactivations virales, plus fréquentes pendant la grossesse. HHV6 n’est pas retrouvé dans le lait maternel. Aucune donnée n’est disponible pour HHV7. Clinique La primo-infection, majoritairement asymptomatique, survient tôt dans la vie. Elle est associée à une multiplication active du virus avec une virémie lymphocytaire : • la primo-infection symptomatique à HHV6 se traduit par un exanthème subit (roséole infantile ou sixième maladie). C’est une affection bénigne survenant entre 6 mois et 3 ans. Après une incubation silencieuse de 5 à 15 jours, elle associe une fièvre d’installation brutale, isolée, en plateau pendant 3 à 5 jours, à une éruption rubéoliforme du cou et du tronc qui apparaît avec la défervescence et dure 1 à 2 jours. L’évolution est généralement favorable, mais des complications neurologiques peuvent être observées (convulsions), comme des aspects moins caractéristiques : fièvres isolées, syndromes mononucléosiques, hépatites. Les primo-infections de l’adulte sont rares et peuvent prendre la forme d’une fièvre isolée, d’un syndrome mononucléosique, d’une hépatite, voire d’une méningo-encéphalite ; • la primo-infection à HHV7 est très mal connue. Elle pourrait être proche de celle liée à HHV6, mais reste discutée. L’infection chronique est moins bien définie. La fréquence et l’expression des réactivations chez l’immunocompétent ne sont pas connues. Elles sont vraisemblablement asymptomatiques : • les réactivations cliniques d’HHV6 se produisent chez les immunodéprimés, après transplantation d’organe ou au cours de l’infection par le VIH, et se manifestent comme une infection opportuniste. Elles sont souvent contemporaines d’une réactivation du CMV, ce qui peut rendre difficile l’attribution de la pathologie observée à l’un ou l’autre des deux virus. Par ailleurs, une réactivation HHV6 est souvent associée au rejet de greffe sans qu’il soit possible de trouver un lien entre ces deux événements. La coinfection possible des lymphocytes CD4 par HHV6 et VIH a fait suspecter une synergie entre les deux virus et un effet délétère de l’infection à HHV6 au cours de l’infection par le VIH, ce qui n’a pas été démontré. Il a même été montré plus récemment qu’au contraire, la coinfection par HHV6 et VIH de lymphocytes T CD4 exprimant le corécepteur CCR5 diminuerait la réplication du VIH1 ; • la responsabilité d’HHV6 a par ailleurs été suspectée puis écartée dans différentes pathologies systémiques : sarcoïdose, syndrome de Sjögren, syndrome de fatigue chronique. Le rôle d’HHV6 dans la sclérose en plaques est toujours controversé ; • HHV7 pourrait aussi être impliqué dans des infections opportunistes, mais peu de données sont dispo- nibles et la pathogénicité de ce virus n’est pas certaine. Traitement Le traitement des infections aiguës et en particulier les atteintes du système nerveux central par HHV6 chez l’immunodéprimé et en post-transplantation est possible par des inhibiteurs de la polymérase virale également actifs sur le cytomégalovirus, comme ganciclovir (Cymavan®) ou foscarnet (Foscavir®). Diagnostic biologique Le diagnostic des infections par HHV 6 et 7 repose sur le diagnostic direct et la sérologie. — Diagnostic direct • Les deux virus peuvent être isolés à partir de lymphocytes sanguins du sang périphérique, de la salive, d’autres fluides biologiques, du LCR, de biopsies. L’isolement en culture cellulaire est réalisé surtout par coculture en présence de lymphocytes de sang de cordon activés. La croissance virale est révélée par un effet cytopathogène à 5–7 jours, avec ballonisation des cellules et présence de syncytia. L’identification est faite en immunofluorescence à l’aide d’anticorps monoclonaux ou par PCR. Ces techniques de référence ne sont pratiquées que par un nombre restreint de laboratoires de virologie très spécialisés. • Les antigènes viraux peuvent également être détectés directement dans les tissus à l’aide d’anticorps monoclonaux spécifiques. • La recherche d’ADN viral peut être pratiquée par PCR pour les deux virus. Différents systèmes ont été décrits en PCR classique et en PCR en temps réel. Cette dernière technologie permet de plus, dans le cas d’HHV6, une quantification de la charge virale, utile pour le suivi des réactivations et de leur traitement chez l’immunodéprimé. — Diagnostic sérologique • Le diagnostic sérologique d’une infection par HHV6 peut être réalisé par immunofluorescence indirecte sur cellules infectées ou par EIA utilisant des lysats de cellules infectées, mais avec une moins bonne spécificité pour l’EIA. Il existe dans les deux cas des réactifs commercialisés. On recherche IgG et IgM, avec des IgM qui apparaissent en quelques jours, atteignent un pic vers la 3e semaine puis disparaissent en environ 2 mois. Les IgG apparaissent quelques jours après les IgM et persistent ensuite à taux faible. Une séroconversion signe de manière incontestable une primo- infection. En revanche, une augmentation du titre des IgG n’a pas de signification bien démontrée en termes de réactivation, de réinfection. Il en est de même de la présence d’IgM, qui accompagne ou non les infections actives. Enfin, la sérologie ne permet actuellement pas de différencier le variant en cause. • Le diagnostic sérologique d’une infection par HHV7 est également réalisable par immunofluorescence indirecte sur cellules infectées après absorption par HHV6 pour limiter les réactions sérologiques croisées. Il n’existe pas pour l’instant de réactif disponible pour réaliser cette sérologie. ( Agut A, Boutolleau D, Bonnafous P, Gautheret-Dejean A. Les infections à herpèsvirus humain 6 (HHV-6) : un vaste domaine encore à explorer. Antibiotiques 2006 ; 8 : 123-130. Agut H, Gautheret-Dejean A. Herpèsvirus humains 6 et 7. In : Huraux JM, Nicolas JC, Agut H, Peigne-Lafeuille H. Virologie médicale. Paris : Estem, 2003 ; pp. 229-236.