REPRÉSENTATIONS p-ADIQUES ORDINAIRES DE GL2(Qp) ET

REPR´
ESENTATIONS p-ADIQUES ORDINAIRES DE
GL2(Qp)ET COMPATIBILIT´
E LOCAL-GLOBAL
par
Christophe Breuil & Matthew Emerton
R´esum´e. — On d´efinit les repr´esentations p-adiques de GL2(Qp)«correspon-
dant »aux repr´esentations potentiellement cristallines r´eductibles (et ´eventuelle-
ment scind´ees) de Gal(Qp/Qp) de dimension 2 et on montre qu’elles apparaissent
naturellement dans la cohomologie ´etale compl´et´ee de la tour en pdes courbes
modulaires.
Abstract. — We define p-adic representations of GL2(Qp)«corresponding »
to 2-dimensional reducible (and possibly split) potentially crystalline representa-
tions of Gal(Qp/Qp) and we show that they naturally arise in the completed ´etale
cohomology of the tower at pof the modular curves.
Table des mati`eres
1. Introduction et notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
2. Repr´esentations ordinaires de GL2(Qp) ...................... 8
3. La conjecture de compatibilit´e local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
4. Formes compagnons surconvergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
5. Les esultats principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Appendice A. Preuve de la proposition 2.1.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
R´ef´erences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Le premier auteur remercie A. Abbes, G. Chenevier, A. Iovita, C. Khare, M. Kurihara et A.
al pour des discussions. Le deuxi`eme auteur a b´en´efici´e d’un soutien partiel de la NSF (grant
DMS-0401545).
2C. BREUIL & M. EMERTON
1. Introduction et notations
1.1. Soient pun nombre premier et Kune extension finie de Qp.`
A la suite des
d´eveloppements r´ecents dans la th´eorie des repr´esentations p-adiques de groupes
p-adiques tels que GLn(K) ([44], [45], [46], [22], [23], [25], etc.), la question s’est
pos´ee d’«associer »des repr´esentations p-adiques de GLn(K) aux repr´esentations
p-adiques de dimension nde Gal(Qp/K) (par exemple aux repr´esentations po-
tentiellement semi-stables de Fontaine), dans l’esprit d’une ´eventuelle correspon-
dance locale `a la Langlands. Initi´ee par l’exemple dans [7] et [8] (mais sugg´er´ee
depuis longtemps par de nombreux math´ematiciens), cette probl´ematique a d´ej`a
connu un certain nombre de d´eveloppements ([9], [18], [4], [19]) et a pris le nom
g´en´erique de «correspondance locale de Langlands p-adique ». Cette nouvelle cor-
respondance s’annonce malheureusement beaucoup plus d´elicate que sa grande
soeur locale -adique et, pour cette raison, les r´esultats (ou mˆeme les conjectures)
non triviaux obtenus pour l’instant se limitent tous `a GL2, et mˆeme GL2(Qp).
Dans cet article, nous nous proposons modestement d’explorer le cas, laiss´e
jusqu’alors en suspens, des repr´esentations p-adiques de GL2(Qp) correspondant
aux repr´esentations potentiellement cristallines de dimension 2 r´eductibles (et
´eventuellement scind´ees) de Gal(Qp/Qp). Nous d´efinissons de telles repr´esenta-
tions de GL2(Qp) pour la plupart de ces repr´esentations potentiellement cristal-
lines. Nous montrons ensuite que, lorsque la repr´esentation galoisienne provient
d’une forme modulaire, alors la repr´esentation associ´ee de GL2(Qp) apparaˆıt natu-
rellement (avec la repr´esentation galoisienne) dans la cohomologie ´etale compl´et´ee
des courbes modulaires. C’est l`a le r´esultat de «compatibilit´e local-global »prin-
cipal de l’article. Concr`etement, il s’agit de montrer que l’on peut d´etecter cˆot´e
GL2(Qp) dans la cohomologie si la repr´esentation de Gal(Q/Q) associ´ee `a la
forme modulaire consid´er´ee est scind´ee ou non en p. Pour cela, nous utilisons
deux ingr´edients : d’une part les th´eor`emes de comparaison p-adiques (pour les
repr´esentations galoisiennes associ´ees aux formes modulaires) et d’autre part la
th´eorie p-adique du foncteur de Jacquet de l’un d’entre nous.
D´ecrivons maintenant plus pr´ecis´ement le contenu de l’article.
Soit σp'η1
0η2ε1une repr´esentation potentiellement cristalline r´eductible
de Gal(Qp/Qp) de poids de Hodge-Tate (1 k, 0) pour un entier k2 (i.e. telle
que η1est de poids 0 et η2de poids 2 k) o`u εd´esigne le caract`ere cyclotomique
p-adique. On suppose de plus η16=η2si k= 2. L’extension est alors unique si
elle est non-nulle. En voyant les caract`eres de Gal(Qp/Qp) comme des caract`eres
de Q×
pvia la r´eciprocit´e locale, on associe `a σpun espace de Banach p-adique
B(σp) muni d’une action continue unitaire de GL2(Qp) comme suit :
REPR´
ESENTATIONS ORDINAIRES DE GL2(Qp) ET COMPATIBILIT´
E3
(i) si σp'η10
0η2ε1, alors :
B(σp) = IndGL2(Qp)
B(Qp)η2η1C0IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1C0,
(ii) si σp'η1
0η2ε1avec ∗ 6= 0 alors B(σp) est une extension non scind´ee :
0IndGL2(Qp)
B(Qp)η2η1C0B(σp)IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1C00,
o`u la notation IndGL2(Qp)
B(Qp)ηη0C0d´esigne les fonctions continues fsur GL2(Qp)
`a valeurs dans une extension finie (fix´ee) de Qptelles que f(bg) = (ηη0)(b)f(g)
(l’action de GL2(Qp) ´etant la translation usuelle `a droite sur les fonctions).
Le Banach B(σp) dans le cas (ii) est obtenu en prenant l’unique compl´et´e p-
adique unitaire de l’induite parabolique localement analytique (au sens de [44])
IndGL2(Qp)
B(Qp)η1| |k1ε2kη2| |1kεk2an o`u | | d´esigne le caract`ere norme
(cf. §2.2). La d´efinition de la correspondance ci-dessus peut donc se r´esumer par
la phrase : «c’est scind´e cˆot´e Gal(Qp/Qp) si et seulement si c’est scind´e cˆot´e
GL2(Qp)».
Consid´erons maintenant une forme modulaire f=q+Pn2an(f)qnpara-
bolique nouvelle normalis´ee de poids k2, niveau N, caract`ere χet vecteur
propre des op´erateurs de Hecke Tpour (, N) = 1 et Upour |N. Notons
σ(f) la repr´esentation p-adique de Gal(Q/Q) associ´ee `a fet σp(f) sa restric-
tion `a un sous-groupe de d´ecomposition en p. Si Mest la partie premi`ere `a
pde Net si Lest une extension finie de Qpsur laquelle fest d´efinie, notons
b
H1(Kp
1(M))L
ef
=LZpcompl´et´e p-adique du Zp-module lim
r
H1
´et(Y1(M;pr)Q,Zp)
o`u Y1(M;pr) est la courbe modulaire ouverte associ´ee au groupe de congruences
Γ1(M)Γ(pr). On d´efinit la composante σ(f)-isotypique :
Πp(f)ef
= HomGal(Q/Q)σ(f),b
H1(Kp
1(M))L
qui est un espace de Banach p-adique naturellement muni d’une action conti-
nue unitaire de GL2(Qp). On s’attend `a ce que la GL2(Qp)-repr´esentation Πp(f)
«contienne »exactement la «mˆeme information »que la repr´esentation p-adique
σp(f), c’est-`a-dire contienne la th´eorie de Hodge p-adique de la forme f(cf. e.g.
[9]). Supposons maintenant que σp(f) est de la forme pr´ec´edente (i.e. potentiel-
lement cristalline et r´eductible). Dans ce cas, notre conjecture de compatibilit´e
local-global est alors pr´ecis´ement :
Conjecture 1.1.1. — Il y a un isomorphisme topologique GL2(Qp)-´equiva-
riant d’espaces de Banach p-adiques B(σp(f)) 'Πp(f).
Le r´esultat principal du texte est une version faible de cette conjecture :
4C. BREUIL & M. EMERTON
Th´eor`eme 1.1.2. — (i) On a toujours une immersion ferm´ee GL2(Qp)equi-
variante d’espaces de Banach p-adiques :
B(σp(f)) Πp(f).
(ii) Si σp(f)n’est pas scind´ee, on a de plus (avec les notations pr´ec´edentes) :
HomGL2(Qp)B(σp(f)),Πp(f)=L
HomGL2(Qp)IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1C0,Πp(f)= 0.
Nous mentionnons maintenant les ´etapes pour d´emontrer le th´eor`eme 1.1.2.
Pour simplifier, nous supposons dans la suite de l’introduction que fest telle que
ap(f) est une unit´e p-adique (pour un plongement fix´e QQp). Si Nest premier
`a p, notons αpet βples racines de X2ap(f)X+pk1χ(p) avec βpunit´e p-adique
et posons e
f=f(z)βpf(pz). Si prdivise exactement Navec r > 0, posons
e
f=f|wpro`u wprest l’op´erateur d’Atkin (cf. §4.1). Rappelons que l’op´erateur θ
sur les q-d´eveloppements d´esigne qd/dq.
Th´eor`eme 1.1.3. — La repr´esentation σp(f)est scind´ee si et seulement s’il
existe une forme surconvergente g(n´ecessairement de pente nulle et de poids
2k) telle que e
f=θk1(g).
Notons que le sens e
f=θk1(g)σp(f) scind´ee est le plus facile (voir e.g.
[30, Prop.11]). L’existence de gest plus subtile et est bas´ee sur les th´eor`emes de
comparaison p-adiques usuels combin´es avec la th´eorie des formes modulaires sur-
convergentes. La forme g(lorsqu’elle existe) m´erite le nom de forme compagnon
surconvergente de fcar le th´eor`eme 1.1.3 est un analogue en caract´eristique 0 du
th´eor`eme bien connu de Gross ([33]). Notons que les deux cas (σp(f) scind´ee ou
non) arrivent vraiment en pratique (par exemple, si fest CM, gexiste toujours
par [12, Prop.7.1] et σp(f) est donc scind´ee). Certains cas du th´eor`eme 1.1.3
´etaient d´ej`a connus (par une m´ethode de rel`evement `a la caract´eristique 0 du
r´esultat de [33]) : cf. [11] et aussi [30,§6].
La preuve du deuxi`eme r´esultat utilise de fa¸con essentielle une version p-adique
du foncteur de Jacquet d´efinie et ´etudi´ee dans [22] et [23]. Disons qu’une forme
surconvergente gde poids entier k2 est «mauvaise »si elle n’est pas dans
l’image de l’op´erateur θk1(pour la d´efinition pr´ecise de «mauvaise »voir la
d´efinition 5.4.1 et la proposition 5.4.4).
Th´eor`eme 1.1.4. — Soit gune forme modulaire surconvergente de poids en-
tier kZ, niveau N, caract`ere χ, vecteur propre des op´erateurs de Hecke et telle
que Upg=αpgavec αpnon-nul. Supposons de plus que gn’est pas «mauvaise »
lorsque k2. Alors on a une injection :
IndGL2(Qp)
B(Qp)nr(α1
p)χ1
pε2knr(αp)an b
H1(Kp
1(M))g
L
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ESENTATIONS ORDINAIRES DE GL2(Qp) ET COMPATIBILIT´
E5
o`u b
H1(Kp
1(M))g
Lest l’espace propre de b
H1(Kp
1(M))Lpour l’action des op´erateurs
de Hecke (hors Np) et pour les valeurs propres de g,χpest la composante en pdu
caract`ere des ad`eles finis de Qeduit de χ,nr(x)est le caract`ere non-ramifi´e de
Q×
penvoyant psur xet «an »d´esigne l’induite parabolique localement analytique.
En fait, un r´esultat plus pr´ecis est d´emontr´e dans le texte (o`u l’on utilise plutˆot
la cohomologie `a support compact, cf. §5.5). Notons qu’une injection comme dans
le th´eor`eme 1.1.4 n’est pas unique `a cause de la pr´esence de la repr´esentation
galoisienne associ´ee `a g(de dimension 2) dans l’espace propre b
H1(Kp
1(M))g
L.
Le th´eor`eme 1.1.4 s’obtient de la mani`ere suivante : `a la forme surconvergente
gcorrespond un point de la courbe de Hecke (ou «eigencurve ») de Coleman-
Mazur ([17]). Par la th´eorie de [21], si JBb
H1(Kp
1(M))Lest la repr´esentation du
tore de GL2(Qp) obtenue apr`es application du foncteur de Jacquet p-adique JB`a
b
H1(Kp
1(M))L, `a ce point est associ´e un sous-espace propre de JBb
H1(Kp
1(M))L
pour l’action du tore et des op´erateurs de Hecke (hors Mp) : dans notre cas il
s’agit du sous-espace propre pour le caract`ere nr(αp)| | nr(α1
p)χ1
pε2k| |1. On
d´eduit alors grosso-modo le th´eor`eme 1.1.4 d’une loi d’adjonction pour le foncteur
JB(sauf dans un cas essentiel qui n´ecessite plus de travail, cf. ci-dessous).
On d´emontre alors le th´eor`eme 1.1.2 comme suit.
On montre d’abord facilement que le morceau IndGL2(Qp)
B(Qp)η2η1C0est toujours
contenu dans Πp(f). Supposons que σp(f) est scind´ee. En appliquant le th´eor`eme
1.1.4 `a la forme surconvergente gdonn´ee par le th´eor`eme 1.1.3 et en tordant par
εk1, on obtient une injection continue IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1an Πp(f) d’o`u
une immersion ferm´ee IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1C0Πp(f). Ainsi Πp(f) contient
dans ce cas la somme directe des deux induites paraboliques continues, c’est-`a-
dire B(σp(f)). Notons que l’on ne peut pas appliquer le th´eor`eme 1.1.4 `a la forme
surconvergente e
fcar e
fest alors pr´ecis´ement «mauvaise ».
Supposons maintenant que σp(f) n’est pas scind´ee. Alors, Πp(f) ne peut contenir
le morceau IndGL2(Qp)
B(Qp)η1εη2ε1C0car en appliquant `a l’inverse le raisonnement
pr´ec´edent et en utilisant la description cohomologique des formes surconvergentes
ordinaires due `a Hida, on aurait e
fdans l’image de θk1ce qui impliquerait σp(f)
scind´ee (en fait, on montre une assertion un peu plus faible sur e
fqui suffit `a
entraˆıner σp(f) scind´ee, cf. th´eor`eme 5.7.2). Mais le th´eor`eme 1.1.4 appliqu´e cette
fois `a la forme e
f(qui n’est plus «mauvaise ») donne une injection continue :
IndGL2(Qp)
B(Qp)η1| |k1ε2kη2| |1kεk2an Πp(f)
d’o`u on d´eduit une immersion ferm´ee B(σp(f)) Πp(f) car, par d´efinition,
B(σp(f)) est l’unique compl´et´e p-adique unitaire de la repr´esentation localement
analytique IndGL2(Qp)
B(Qp)η1| |k1ε2kη2| |1kεk2an. Avec un peu plus de travail,
on obtient la multiplicit´e 1 du (ii) du th´eor`eme 1.1.2. Notons que le th´eor`eme 1.1.4
est dans ce cas particuli`erement d´elicat car on est dans une situation de «pente
1 / 63 100%

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