Item 201.Traumatisme crâniofacial

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Item 201 – Évaluation
de la gravité et
recherche des
complications précoces
chez un traumatisé
craniofacial
Introduction
Évaluation clinique et complémentaire
. Stratégie initiale
. Traumatismes maxillofaciaux
Lésions cranioencéphaliques
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Hématome extradural
I. Hématome sous-dural aigu
II. Contusion cérébrale
Complications vasculaires
Complications tardives
. Référence
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
CEN
Connaissances requises
◗ Connaître les signes cliniques et radiologiques (scanner cérébral) d’un hématome sous-dural
ou extradural aigu, ceux d’un hématome sous-dural chronique.
◗ Connaître les principales complications tardives et les séquelles d’un traumatisme crânien.
◗ Décrire la prise en charge préhospitalière d’un traumatisme crânien grave.
Objectifs pratiques
En situation réelle ou simulée d’un cas de traumatisme crânien :
◗ conduire l’examen clinique pour en évaluer la gravité ;
◗ prescrire la surveillance infirmière durant les premières 24 heures.
I. Introduction
Les traumatismes craniofaciaux sont la première cause de mortalité et de handicap fonctionnel
sévère du sujet jeune. Ils sont le résultat de traumatisme à haute énergie cinétique. La
circonstance la plus fréquente est l’accident de la voie publique, suivi de l’accident domestique
et sportif puis de l’agression. En France, l’incidence des traumatismes crâniens mineurs est
estimée à 40/100 000 habitants, et la prévalence des traumatismes crâniens sévères de
10 000/an.
La prise en charge de ces patients est gouvernée par le dépistage d’une éventuelle détérioration
secondaire à la constitution d’un hématome endocrânien et par le risque infectieux lié à la
constitution de lésions de continuité entre l’espace endocrânien et les cavités aériennes de la face.
II. Évaluation clinique et complémentaire
Tout traumatisme craniofacial doit être considéré comme un traumatisme vertébromédullaire
cervical potentiel et peut être intégré dans le cadre d’un polytraumatisme.
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A. Interrogatoire
Il est centré sur le contexte de survenue du traumatisme et l’analyse du terrain physiologique du
patient. Ainsi, il précise :
– les circonstances du traumatisme afin d’évaluer son mécanisme, l’énergie cinétique l’ayant
déterminée et identifier les forces de décélération (accident de circulation en véhicule léger ou deux
roues, chute d’une hauteur, tentative d’autolyse) ;
– la notion de malaise responsable du traumatisme ;
– les plaintes fonctionnelles immédiates et leur évolution dans le temps ;
– l’existence d’une perte de connaissance témoignant de la commotion cérébrale et la notion d’un
intervalle libre avant l’installation d’un trouble de conscience ;
– un comportement d’addiction ou une prise médicamenteuse ;
– l’état physiologique du patient (antécédents personnels, traitement d’entretien, en particulier un
traitement anticoagulant).
B. Examen clinique
Dès l’admission, en salle de déchoquage, cet examen exhaustif et précis guide la stratégie à court et
moyen terme. Comme tout traumatisme crânien expose à un traumatisme du rachis cervical, des
précautions de mobilisation doivent être prises (bloc soulevé tracté d’un patient porteur d’une
minerve rigide). Cet examen doit procéder systématiquement appareil par appareil, débutant par le
thorax, l’abdomen, les ceintures et les membres, le rachis et l’appareil neurologique. Nous précisons
les grandes étapes de l’examen du traumatisme craniofacial.
1. Évaluation des fonctions vitales
Sont concernées les fonctions :
– hémodynamique, un choc hypovolémique n’est jamais secondaire à un traumatisme crânien isolé.
Une épistaxis grave peut être incriminée mais la recherche de lésions viscérales thoraciques,
abdominales ou périphériques s’impose ;
– ventilatoire, le maintien d’une hématose normale garantit une oxygénation cérébrale de qualité,
La lésion faciale peut induire une obstruction des voies aériennes supérieure qui peut nécessiter
l’usage d’une canule de Guédel.
2. Examen du crâne et de la face
Il comporte :
– inspection et palpation du crâne à la recherche d’une déformation de la voûte par un fragment
embarré, d’une plaie du scalp dont les conséquences hémorragiques imposent parfois une suture
hémostatique après un parage sommaire, d’une issue de matière cérébrale lors de plaie
craniocérébrale ;
– inspection des plaies de la face dont la topographie doit être notée sur un schéma. Les plaies
jugales sont classées en moitié antérieure compliquée de lésions mandibulaires et en moitié
postérieure compliquée de lésion du canal de Sténon et/ou du nerf facial. Les plaies des lèvres et de
la bouche peuvent se compliquer d’obstruction des voies aériennes supérieures (lambeau de
muqueuse, dents, épistaxis). Les plaies de paupières sont scindées en lésion du canthus interne avec
son risque de plaie du canal lacrymal qui impose une réparation chirurgicale, lésions du bord libre
et celles de la paupière supérieure avec atteinte du muscle releveur de la paupière ;
– recherche d’un traumatisme du globe occulaire : contusion, plaie perforante du globe. Un
hématome périorbitaire bilatéral fait suspecter une fracture de la base du crâne ;
– recherche d’une paralysie faciale périphérique immédiate ou précoce par une manœuvre de Pierre
Marie et Foix chez les patients inconscients, témoignant de la section du nerf facial dans le canal de
Fallope par une fracture transversale du rocher ;
– recherche d’une plaie du pavillon de l’oreille.
3. Recherche d’un écoulement de LCS
ou d’une hémorragie de la face
L’issue de LCS par le conduit auditif externe (otorrhée) témoigne d’un traumatisme du rocher. Par
le nez (le côté doit être noté), l’extériorisation de LCS signe l’existence d’une fistule ostéodurale de
l’étage antérieur de la base du crâne. Mais l’écoulement peut être postérieur vers l’oropharynx.
Une otorragie, émission de sang rouge par le conduit auditif externe, est la conséquence d’une
fracture du rocher avec déchirure du tympan ou de la peau du conduit. Une fracture de l’os
tympanal peut en être la cause.
Une épistaxis, hémorragie provenant une fosse nasale, bénigne dans la majorité des cas peut
constituer l’urgence médicochirurgicale responsable d’un choc hypovolémique.
4. Examen neurologique
Cet examen, suivant le niveau de conscience des patients, permettra de guider les stratégies
initiales.
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L’analyse de la conscience basée sur le Glasgow Coma Scale (GCS, tableau 34.I) utilise la réponse
oculaire (ouverture spontanée, à la demande verbale, à la stimulation douloureuse, irréalisable), la
réponse verbale (orale appropriée, confuse cohérente, incohérente avec mots inappropriés,
incompréhensible, absente), et la réponse motrice (ordre moteur à la demande, orientée lors de la
stimulation douloureuse, retrait en flexion, flexion stéréotypée, extension stéréotypée et absente).
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Tableau 34.I. Échelle du Glasgow Coma Score
Réponse oculaire
Ouverture spontanée des yeux
E4
Ouverture à la demande verbale
E3
Ouverture à la stimulation douloureuse
E2
Ouverture irréalisable
E1
Réponse verbale
Orale appropriée, orientée
V5
Confuse, cohérente
V4
Incohérente
V3
Incompréhensible
V2
Absence ou clignement à la menace
V1
Réponse motrice
Ordre moteur
M6
Orientée à la stimulation douloureuse
M5
Retrait en flexion
M4
Flexion stéréotypée
M3
Extension stéréotypée
M2
Absente
M1
Par le GCS, la cotation suivante peut être utilisée : GCS 13, confusion mentale ; GCS 9-10, obnubilation, stupeur ; GCS 8,
hypovigilance, obscurcissement ; GCS 7, coma ; GCS < 5, coma grave, souffrance axiale.
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L’examen neurologique comporte :
– la recherche de signes de localisation hémisphérique par l’étude bilatérale et symétrique
(hypotonie, déficit moteur, asymétrie des réflexes, déficit de la sensibilité chez les patients
conscients), de lésions des nerfs crâniens dues à des lésions directes lors de fracture de la base du
crâne (nerfs oculomoteurs, nerf facial) ;
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– la recherche d’un syndrome méningé consécutif à la survenue d’une hémorragie méningée, des
crises convulsives ;
– l’étude des réflexes du tronc : frontopalpébral, cornéen, photomoteur, oculovestibulaires,
oculocardiaque ;
– la recherche d’une altération des fonctions neurovégétatives sur le plan ventilatoire (rythme de
Cheynes-Stokes), sur le plan cardiovasculaire (bradycardie, hypertension artérielle), sur le plan
de la régulation thermique ;
– la recherche de lésions du tronc cérébral scindées en diencéphaliques (décortication, myosis,
photomoteurs présents, oculovestibulaires normaux), mésencéphaloprotubérantielles hautes
(décérébration, pupilles intermédiaires, photomoteurs abolis, oculovestibulaires perturbés) et
protubérantielles bas-bulbaires (décérébration ou aréactivité, pupilles aréactives, oculovestibulaire
abolis, dysarythmie ventilatoire) ;
– un examen somatique systématique.
Au terme de cet examen, le patient appartient à l’un des trois groupes de Masters (tableau 34.II) qui
permettra de définir un risque, de prescrire les examens complémentaires et adopter une stratégie
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Tableau 34.II. Groupes selon les critères de Masters
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Groupe 1
Risque faible
Surveillance à domicile
Groupe 2
Risque modéré
Surveillance de 24 h
Asymptomatique
Céphalées
Sensations ébrieuses
Plaie du scalp
Conscience modifiée lors du TC
Céphalées progressives
Intoxication
Histoire du TC peu précise
Crise comitiale précoce
Vomissements
Amnésie
Polytraumatisme
Lésions faciales sévères
Fracture de la base
< 2 ans, maltraitance
Groupe 3
Risque élevé
Service de neurochirurgie
TDM
Altération du niveau de conscience
Signes neurologiques focaux
Dégradation du niveau de
conscience
Plaie pénétrante
Embarrure probable
III. Stratégie initiale
A. Prise en charge préhospitalière
d’un traumatisé crânien grave
Elle repose sur :
– la coordination des intervenants assurée par la régulation du SAMU (adaptation de l’équipe,
disponibilité d’hospitalisation, organisation du transport terrestre ou héliporté, veille à une stratégie
d’exploration et de traitement adapté aux observations durant le transport) ;
– la prévention des agressions cérébrales secondaires systémiques par le maintien d’une fonction
ventilatoire et cardiocirculatoire correcte (intubation en tenant compte du risque de lésion cervicale
associée, ventilation artificielle de façon à maintenir une saturation oxyhémoglobinée ⊃; 90%
avec une normocapnie, le maintien d’une pression artérielle systolique > 90 mmHg) ;
– l’immobilisation du patient par usage d’une minerve rigide et d’un matelas coquille ;
– l’intégration de ce traumatisme crânien grave dans le cadre d’un polytraumatisme.
Les solutés à utiliser sont :
– soluté vecteur : sérum salé isotonique à 0,9 % ;
– soluté de remplissage vasculaire : sérum salé isotonique à 0,9 % ;
– exclusion de tout soluté hypotonique ;
– lors de signes en faveur d’un engagement cérébral : mannitol à 20 % à dose de 0,25 à 1 g/kg en
20 min.
Lors d’une intubation et ventilation, une sédation est préconisée, adaptée à l’état hémodynamique
du traumatisé. L’orientation du blessé doit se faire vers une structure disposant d’un service de
réanimation, d’une TDM, d’un avis neurochirurgical.
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B. Explorations complémentaires
Leurs prescriptions seront guidées par le type de lésions observées et selon le niveau de conscience.
Si un patient conscient aux réponses adaptées guide le choix des explorations complémentaires, le
patient comateux sera l’objet d’examens complémentaires systématiques. Tout patient ayant un
traumatisme crânien grave doit être considéré comme un traumatisé du rachis cervical.
1. Scanner
Le scanner constitue l’examen clé du traumatisme cranioencéphalique. Le développement des TDM
multibarrettes (16, 32 ou 64) permet de réaliser des acquisitions rapides (quelques minutes pour un
« corps entier ») avec possibilité d’analyse dans les trois plans de l’espace.
Le scanner cranioencéphalique en coupes axiales orbitoméatales et fenêtre parenchymateuse
diagnostique les lésions figurées endocrâniennes (contusions cérébrales hémorragiques ou
œdémateuses, hématomes, lésions axonales diffuses).
Le scanner de la face explore, sur les reconstructions coronales et sagittales en fenêtre osseuse, les
fractures eéhmoïdofrontales, sphénoïdales et du rocher. L’importance des déplacements osseux
argumente une éventuelle fistule ostéodurale. En outre, seront précisés l’existence d’hémosinus, le
trajet du trait de fracture par rapport à l’oreille interne, les fractures mandibulaires.
Le scanner du rachis, en fenêtre osseuse, permet par une analyse dans les trois plans de l’espace des
trois segments vertébraux ainsi que de leurs charnières.
Le scanner thoraco-abdominal est indiqué selon les données de l’examen clinique.
2. Radiographie simple
La radiographie simple a perdu de son intérêt depuis que les TDM multibarrettes permettent une
analyse dans les trois plans de l’espace. La radiographie simple du crâne est rarement indiquée.
La recherche de corps étrangers des globes oculaires nécessite une incidence de Worms.
Les radiographies du rachis cervical (face, profil) sont demandées chez les patients conscients sans
lésion associée dont les clichés sont centrés sur le rachis cervical haut (ligne bordante antérieure,
postérieure, écart interlamaire et interépineux), le rachis cervical moyen et la charnière
cervicodorsale.
La radiographie simple pulmonaire est effectuée dès l’admission des patients comateux afin de
guider les traitements de drainage d’hémothorax ou de pneumothorax.
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3. Biologie
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4. Imagerie en résonance magnétique
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La recherche de troubles métaboliques et de prises de toxiques est impérative. Un ionogramme
sanguin, une alcoolémie et l’analyse de la coagulation (TP, TCA) sont pratiqués de manière
systématique.
Cet examen n’a pas sa place dans le diagnostic de lésions craniofaciales en urgence. De réalisation
longue, cet examen analyse avec précision les lésions de la substance blanche et grise en
supratentoriel et infratentoriel.
L’unique indication à sa pratique en urgence est la dissociation radioclinique (tétra- ou paraplégie
malgré l’absence de lésions osseuses) chez un traumatisé vertébromédullaire à la recherche d’une
lésion discoligamentaire compressive.
C. Surveillance
durant les premières 24 heures
Cette surveillance clinique doit être horaire. Elle concerne :
– les fonctions ventilatoires et hémodynamiques (pouls, tension) ;
– l’état neurologique :
• le niveau de conscience : ouverture des yeux spontanée ou pas, réponse verbale adaptée,
incompréhensible, absente,
• la réponse motrice adaptée, stéréotypée, asymétrique,
• les réflexes photomoteurs, l’asymétrie pupillaire.
Toute détérioration nouvelle fait pratiquer un nouveau scanner cranioencéphalique.
IV. Traumatismes maxillofaciaux
La diversité des lésions rend difficile leur description. S’il est possible de décrire trois niveaux de
lésions osseuses (tiers supérieur ou frontal : orbite et naso-éthmoïdal, tiers moyen ou plancher de
l’orbite : pyramide nasale ou maxillomalaire et tiers inférieur ou mandibule), cette classification
éloignée de la pratique quotidienne est supplantée par une distinction entre fractures simples,
isolées, et complexes, multilésionnelles, volontiers associées à des lésions extrafaciales.
A. Formes simples, isolées
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De diagnostic clinique et radiologique simple, elles ne constituent jamais une urgence. Elles sont
classées par ordre de fréquence décroissante.
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1. Fracture des os propres du nez
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2. Fractures de mandibule
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Lésion de l’auvent nasal ou de la cloison ostéocartilagineuse, le diagnostic est fait sur des
radiographies simples de profil. Les complications en sont : la fracture ouverte, l’épistaxis et
l’hématome de cloison.
Fréquentes, les topographies concernent les zones de fragilité de l’os que sont la région
parasymphysaire, l’angle de la mandibule et la région condylienne. L’examen clinique relève :
trouble de l’articulé dentaire, limite de l’ouverture buccale (< 35 mm) et douleur prétragienne à
la pression douce de la région condylienne. La radiographie simple face basse et le scanner font
le diagnostic.
Deux types de fractures sont distingués : celles de la portion dentée (symphyse et branche
horizontale) et celles du ramus (coroné, condyle et angle). L’obstruction des voies aériennes
supérieures est possible par glossoptose lors de fractures parasymphysaires bilatérales. Quelques
complications sont liées au site de la fracture : coroné (désintertion du muscle temporal), condyle
(otorragie par fracture de l’os tympanal) et distinction dans ce cas des fractures condyliennes hautes
articulaire des basses extra-articulaires.
Le traitement en est la réduction puis la synthèse par plaques miniaturisées suivie d’un blocage
bimandibulaire aux élastiques.
3. Fractures de l’orbite
Les fractures les plus fréquentes sont celles du malaire ou du plancher de l’orbite. La topographie
au niveau du malaire est la jonction frontomalaire, l’arcade zygomatique et le rebord orbitaire en
dedans. La présentation clinique comporte ecchymose, effacement de la pommette, limitation de
l’ouverture buccale, diplopie. Le diagnostic est établi par l’incidence de Worms.
La fracture du plancher se présente cliniquement comme une contusion du globe oculaire et une
diplopie dans le regard vers le haut. Il existe deux formes anatomiques : le blow out où le contenu
sinusien se répand dans les tissus périorbitaires, et le trap door où le tissu périorbitaire est coincé
par le déplacement osseux.
La fracture isolée de l’arcade zygomatique se manifeste par une limitation douloureuse de
l’ouverture buccale. Le diagnostic radiologique est établi par une incidence latéralisée de Hirtz.
B. Formes complexes
Multilésionnelles, elles sont secondaires à des traumatismes à haute énergie cinétique et nécessitent
une exploration soigneuse tomodensitométrique en coupe axiale et coronale. Les lésions
encéphaliques, de l’appareil oculaire et auditif sont fréquemment associées et à rechercher
systématiquement.
1. Disjonctions craniofaciales (DCF)
L’impact frontal disjoint le massif facial selon la base du crâne. L’élément pathognomonique de la
DCF est la fracture de l’apophyse ptérygoïde. Cliniquement, on observe un œdème facial important
et une motilité de l’arcade dentaire supérieure. Plusieurs formes cliniques sont décrites :
– Lefort I séparant le maxillaire au niveau du plancher des fosses nasales ;
– Lefort II détachant la pyramide nasale et le maxillaire en passant par les trous sous-orbitaires
pour se poursuivre jusqu’aux apophyses ptérygoïdes ;
– Lefort III passant par les jonctions nasofrontales et frontomalaires. La DCF complète dans ce cas
est compliquée dans 25 % des cas de fistule de LCS.
Le traitement en est un blocage intermandibulaire après réduction et usage de plaques miniaturisées.
2. Fractures de l’étage antérieur
de la base du crâne
L’étage antérieur de la base du crâne constitue l’interface entre latéralement les orbites et
médialement les structures aériennes des sinus éthmoïdosphénoïdaux et le contenu de la boîte
crânienne. Ces fractures neurotoxiques exposent à la brèche méningée (ou fistule ostéodurale). Elles
sont classées selon le siège de l’impact en chocs médian et latéral.
Cliniquement, l’anosmie est la règle, l’hématome périorbitaire impose l’exploration radiographique
par scanner avec reconstructions coronale et sagittale. Les conséquences de cette fracture sont de
plusieurs types :
– la brèche méningée survenant dans 80 % au niveau de l’éthmoïde. Cliniquement, elle est révélée
par la rhinorrhée cérébrospinale et une pneumatocèle (air endocrânien) à la radiographie simple. Si
la majorité des fistules se tarissent à 8-10 jours, l’incidence de la méningite (à pneumocoque) est de
8 à 16 % ;
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– les lésions neuro-ophtalmologiques caractérisées par une baisse de l’acuité visuelle, une mydriase,
une ophtalmoplégie. Rencontrées dans 3 à 10 % des TC, ces lésions sont dues à des lésions
oculaires directes ou du nerf optique dans son canal par des fragments osseux déplacés ;
– une anosmie dans 40 % des cas ;
– une altération de l’appareil palpébral avec ptosis ;
– le traumatisme du sinus frontal plus fréquent que l’ethmoïdal ou sphénoïdal, pouvant se
compliquer d’une mucocèle.
La prise en charge multidisciplinaire implique les équipes neurochirurgicale et maxillofaciale pour
la réparation avec plastie durale de ces lésions complexes.
V. Lésions cranioencéphaliques
A. Lésions des enveloppes
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1. Embarrure osseuse
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2. Plaies craniocérébrales
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3. Fistule de LCS
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C’est un enfoncement de la voûte crânienne en regard de l’impact qui peut se compliquer de lésions
cutanées, d’une compression ou contusion du cortex, d’une brèche méningée. Le scanner en fenêtre
osseuse, indispensable, analyse les caractéristiques (topographie, taille, lésions sous-jacentes). Si
l’embarrure fermée n’est pas une urgence, l’embarrure ouverte est considérée comme une plaie
craniocérébrale (cf. infra).
Définies par l’existence d’une issue de matière cérébrale à travers un orifice osseux traumatique, elles
constituent une urgence neurochirurgicale. L’étiologie classique est la plaie par projectiles (arme à feu)
ou par objets contendants dans les accidents de la voie publique. Le scanner, indispensable,
diagnostique l’importance des délabrements cérébraux. Le traitement en est un parage chirurgical en
urgence des plans cutanés, sous-cutanés, osseux, avec excision des parties nécrotiques, ablation des
corps étrangers, puis réparation étanche associée à la mise en place d’une triple antibiothérapie
(pénicilline 3e génération, aminosides, Flagyl®).
Cela signifie une fistule ostéodurale qui constitue un risque de complications infectieuses. Cet
écoulement de LCS, évident s’il est nasal antérieur (rhinorrhée cérébrospinale), apparaît sous forme
de liquide clair venant goutte à goutte spontanément, lors de manœuvre de flexion antérieure en
position assise ou de manœuvre d’hyperpression abdominale (Queeken-Stookey). Nasal postérieur
(rhinorrhée cérébrospinale) comme du conduit auditif externe (otorrhée), cet écoulement peut passer
inaperçu en raison d’une déglutition conférant un goût sucré. La fistule de LCS doit être recherchée
par un test au glucose ou une tâche humide limitée par une auréole rosée sur l’oreiller.
La rhinorrhée témoigne d’une fistule au niveau de l’étage antérieur (anosmie), l’otorrhée d’une
fracture du rocher.
Les recommandations sont une vaccination antipneumococcique, l’absence d’indication à une
antibioprophylaxie, et la réparation chirurgicale en cas de fistule active ou de lésions osseuses
importantes.
B. Complications infectieuses
1. Méningite post-traumatique
Elle témoigne de l’existence d’une fistule ostéodurale responsable d’une communication entre les
espaces sous-arachnoïdiens et les espaces pneumatiques de la face. La suspicion de fracture de la
base repose sur la rhinorrhée cérébrospinale spontanée ou déclenchée par les manœuvres de
Queeken-Stookey. Le scanner réalisé en coupes coronales montre sur les clichés en fenêtre osseuse
la solution de continuité. La brèche ostéodurale est suspectée lorsque les dégâts osseux laissent
présager de plaie durale.
Le germe le plus fréquent est le pneumocoque. Le traitement en est une antibiothérapie adaptée
suivie d’une plastie de la base.
2. Abcès cérébral
Rare, il est dû à un corps étranger ou à l’existence de fragments osseux embarrés en regard d’une
plaie non parée. Son tableau clinique est constitué par l’association d’une hypertension
intracrânienne et de signes focaux. Le scanner avec injection de contraste montre l’aspect en
« cocarde ». Le traitement en est la ponction lavage chirurgicale après prélèvements
bactériologiques combinée à la mise en place d’une antibiothérapie adaptée ciblant les germes
anaérobies.
VI. Hématome extradural
A. Définition, épidémiologie
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L’hématome extradural (HED) est une collection de sang entre la dure-mère et la voûte du crâne. Le
degré d’adhérences entre ces deux structures est déterminant : le siège électif est temporopariétal
(67 %), le plus souvent observé avant 40 ans.
B. Physiopathologie
L’origine de l’HED est :
– artérielle, consécutive à une déchirure d’une branche de l’artère méningée moyenne ;
– veineuse, provenant du diploé osseux fracturé ou d’un décollement d’un sinus dural.
C. Signes cliniques
Aucun signe n’est spécifique de l’HED. Le traumatisme crânien est le plus souvent modéré
responsable de lésion de la voûte de décollement dural (chute de sa hauteur, chute de vélo, etc.). La
notion d’intervalle libre caractéristique de l’HED est fondamentale, traduisant le délai nécessaire à
la constitution d’un hématome suffisant pour induire une HIC. Les éventuelles lésions associées
(contusion cérébrale, HSD aigu, lésion axonale diffuse) peuvent masquer ce classique rythme
d’installation du tableau clinique.
La gravité de la lésion sous-jacente déterminera le pronostic.
D. Signes radiologiques
Le scanner cérébral, réalisée sans injection, montre :
– l’HED constitué par une hyperdensité spontanée en forme de « lentille » biconvexe refoulant la
surface corticale, parfois en regard d’une fracture de voûte visible sur les coupes réalisées en
fenêtres osseuses (fig. 34.1) ;
– les lésions associées et l’effet de masse.
► Fig. 34.1. Scanner cérébral, coupe axiale : HED temporal droit et une contusion temporale gauche.
VII. Hématome sous-dural aigu
A. Définition, épidémiologie
L’hématome sous-dural (HSD) aigu est défini par la présence de sang entre la dure-mère et
l’arachnoïde. Cet espace, normalement virtuel, est occupé par l’expansion de l’espace sousarachnoïdien. L’HSD peut se collecter en n’importe quelle topographie de la voûte ou base du
crâne. Il peut survenir à tout âge, mais est observé le plus souvent au-delà de 40 ans en raison des
phénomènes d’adhérences de la dure-mère à la voûte.
B. Physiopathologie
L’origine de l’HSD est :
– la rupture de veines corticales « en pont » destinées aux sinus collecteurs duraux. L’ébranlement
du cerveau au moment de l’impact induit des phénomènes de déchirure et de section de ces veines,
à l’origine d’HSD pur. L’atrophie corticale serait un facteur favorisant ;
– la collection secondaire de contusions cérébrales (60 à 90 % des cas). L’HSD s’intègre dans un
tableau de lésions cérébrales multiples.
Des facteurs de risque sont à rechercher : prise d’anticoagulants et coagulopathies.
C. Signes cliniques
La cause majeure est un traumatisme crânien avec force de décélération importante : accident de
voie publique, chute violente. Le diagnostic est suspecté devant :
– des signes d’hypertension intracrânienne : troubles de conscience, fréquents, survenant après un
intervalle libre très bref, tableau d’engagement cérébral temporal : coma, paralysie homolatérale du
III et réaction motrice stéréotypée controlatérale ;
– des signes de souffrance focale : hémiparésie, crise d’épilepsie partielle ;
– des signes de souffrance du tronc cérébral : signe de Babinski bilatéral, déséquilibre
neurovégétatif ventilatoire, hémodynamique.
Aucun de ces signes ne permet le diagnostic confirmé sur les données radiologiques.
D. Signes radiologiques
Le scanner cérébral, réalisé sans injection, montre :
– l’HSD sous forme d’une hyperdensité spontanée biconcave se moulant sur la surface corticale,
souvent d’épaisseur réduite mais très étendue en hauteur sur de multiples coupes (fig. 34.2) ;
– les lésions associées : contusion cérébrale, lésion axonale diffuse, autres hématomes ;
– l’effet de masse consécutif à sa présence sous forme d’un déplacement des structures
parenchymateuses (ventricules, ligne médiane).
► Fig. 34.2. Scanner cérébral, coupe axiale : HSD temporal droit responsable d’un effet de masse sur
la ligne médiane.
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VIII. Contusion cérébrale
Ce terme définit l’ensemble des lésions encéphaliques liées à la transmission de l’onde de choc. Il
peut s’agir de véritables collections sanguines (voir fig. 34.1) ou œdémateuses focales mais aussi de
lésions axonales diffuses. Ces dernières sont des microsections produites par la décélération à
l’interface de la substance grise et blanche. Si la lésion axonale diffuse impose des techniques de
réanimation et neuroprotection, le premier type de contusion impose un monitoring de la pression
intracrânienne (PIC) et éventuellement des techniques de décompression chirurgicale.
Les moyens de lutte contre l’hypertension intracrânienne sont les suivantes :
– tête surélevée de 30° pour obtenir un bon drainage veineux cérébral ;
– maintien d’une pression systolique normale et d’une normothermie ;
– neurosédation ;
– hyperventilation assistée avec maintien d’une capnie autour de 25-30 mmHg ;
– restriction hydrosodée ;
– traitement antiœdémateux, Mannitol® 10 % 60 cm3 toutes les 4 heures ;
– prévention des crises d’épilepsie.
IX. Complications vasculaires
Les fistules carotidocaverneuses, exceptionnelles, surviennent après un arrachement des branches
collatérales de l’artère carotide interne intracaverneuse. Le diagnostic est suspecté sur l’installation
rapidement progressive d’une exophtalmie pulsatile, un syndrome du sinus caverneux évoluant
jusque l’ophtalmoplégie, voire une altération de l’acuité visuelle, et confirmé par l’auscultation
cardiaque d’un souffle systolodiastolique intracrânien.
La dissection des artères cervicales est plus commune. La circonstance diagnostique après un
traumatisme du rachis cervical est la survenue d’un accident ischémique au décours d’un
traumatisme crânien. Le diagnostic repose sur l’angiographie en résonance magnétique qui montre,
sur les séquences axiales T1 avec saturation de graisse, une artère de calibre externe augmenté avec
un hypersignal en croissant de la paroi artérielle et une lumière résiduelle rétrécie. L’utilisation
d’angioscanner ou d’artériographie est parfois nécessaire.
X. Complications tardives
A. Hydrocéphalie
Elle est secondaire à un trouble de résorption de LCS. Elle induit la triade classique :
– troubles des fonctions supérieures ;
– trouble de la marche ;
– troubles sphinctériens.
Le scanner montre la dilatation ventriculaire associée une hypodensité en regard des cornes
frontales et occipitales des ventricules latéraux illustrant la résorption transépendymaire. La
soustraction de LCS par PL itératives doit permettre une régression partielle et temporaire du
tableau clinique. Le traitement se fait par implantation d’un système de dérivation interne. L’IRM
confirme le trouble de résorption sur les séquences T2 flair (fig. 34.3).
La dilatation ventriculaire ne correspond pas toujours à une hydrocéphalie et peut être observée
dans le cadre de lésions axonales diffuses, secondaires à une atrophie corticale.
► Fig. 34.3. IRM, séquence T2 flair en coupe axiale, montrant une dilatation ventriculaire associée à
un hypersignal bordant l’épendyme.
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B. Hématome sous-dural chronique
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1. Définition, épidémiologie
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2. Physiopathologie
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L’HSD chronique est une collection liquidienne limitée par une membrane (caillots en voie de
liquéfaction) située entre la dure-mère et l’arachnoïde, résultant de l’hémolyse d’un hématome
passé inaperçu. Son incidence est 1-2 pour 100 000 personnes par an. Il survient au-delà de 50 ans
dans plus 90 % des cas et 50 % des patients n’ont aucune histoire de traumatisé crânien. Les
facteurs de risque sont : coagulopathie, traitement anticoagulant, intoxication éthylique chronique.
La constitution d’un HSD se fait en plusieurs étapes :
– hémorragie initiale dans l’espace sous-dural, à partir de veines « en pont » déchirées lors d’un
traumatisme crânien passant inaperçu. Le facteur favorisant est l’atrophie corticale qui « met en
tension » les veines en pont ;
– constitution d’une membrane par le jeu de la fibrinolyse de l’hématome et le développement de
réactions inflammatoires ;
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– élargissement de l’HSD, à partir de saignements itératifs provenant de la membrane externe siège
d’une néovascularisation, à cause de la pression oncotique liée à la dégradation des globules rouges
qui induit un afflux de liquide transmembranaire.
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3. Signes cliniques
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Peu spécifique, le tableau peut être celui d’une « démence curable » :
– céphalées,
– troubles des fonctions cognitives (> 70 % chez le sujet âgé) : lenteur d’idéation, troubles de
mémoire, confusion ;
– signes focaux : hémiparésie, épilepsie ;
– signes d’HIC : troubles de conscience.
4. Signes radiologiques
Seul le scanner, sans injection de contraste, permet le diagnostic, qui montre :
– l’HSD chronique constitué d’une collection hypo- ou isodense au parenchyme (fig. 34.4). Son
aspect est parfois hétérogène, fait d’un niveau liquidien témoin d’un saignement récent ;
– l’effet de masse qui s’exerce sur les structures corticales apparaissant comme un effacement des
sillons (par comparaison avec l’hémisphère controlatéral), sur les structures de la ligne médiane.
► Fig. 34.4. Scanner cérébral, coupes axiales.
A : HSD isodense bilatéral
B : HSD hypodense hémisphérique gauche
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C. Épilepsie post-traumatique
La prévention systématique des crises convulsives n’est pas recommandée. L’administration
d’anticonvulsivant peut être utile chez des patients à haut risque : Glasgow < 10 ; contusion corticale,
embarrure, plaie craniocérébrale, survenue de convulsions au cours des 24 premières heures. Le choix
de l’antiépileptique est guidé par le type de manifestation comitiale (généralisée ou partielle).
D. Séquelles
Elles correspondent à un état pathologique résiduel qu’aucun traitement ne peut faire régresser.
Elles peuvent être :
– un syndrome post-commotionnel subjectif constitué de céphalées, de vertiges, de troubles
neuropsychiques variés, de troubles du sommeil. L’évolution de ce syndrome, pris en charge dans le
cadre d’une relation médecin malade, se fait le plus souvent de manière favorable ;
– des déficits neurologiques secondaires à des lésions localisées. Ils peuvent induire des états de
dépendance physique ou psychique ;
– des états neurovégétatifs caractérisés par la perte de la vie de relation.
XI. Référence
ANAES. Recommandations pour la pratique clinique : prise en charge des traumatisés crâniens
graves à la phase précoce. Janvier 1998.
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Points clés
· La prise en charge urgente des fonctions vitales.
· L’examen systématisé du crâne et de la face pour dépister les complications justifiant une intervention
chirurgicale urgente.
· La mise en place d’une surveillance régulière des fonctions vitales et de l’examen neurologique. La cotation
répétée par l’échelle de Glasgow.
· Les indications urgentes du scanner cérébral : altération de la conscience, crise comitiale, signes de
localisation, toute apparition secondaire de signes, plaie craniocérébrale, embarrure.
· Les signes d’engagement temporal.
· Les signes de l’hématome extradural ; la notion d’intervalle libre.
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