1938 – Intervention au 11ème Congrès International de Psychologie, Paris.
« La notion d'opposition en linguistique », in : H. Piéron, I. Meyerson,
Onzième congrès international de psychologie, Paris, Alcan.
La notion d’opposition en
linguistique
Les recherches des derniers temps ont révélé le rôle impor-
tant de l’opposition dans toutes les couches de la langue, du
domaine de la phonologie jusqu’à celui de la syntaxe. L’op-
position est un des principes qui constituent le système de la
langue.
La découverte de ce fait a donné un grand stimulant il la
recherche linguistique; elle en a modifié profondément la mé-
thode: au lieu d’enregistrer minutieusement des faits isolés, on
vise à établir un ordre qui permette de voir les structures.
L’explication des faits statiques et historiques a été profondé-
ment influencée par cette nouvelle méthode.
La psychologie et la philosophie ont grand intérêt à suivre de
près cette évolution de la linguistique, laquelle, à son tour,
pourra être approfondie par ce contact.
I) La philosophie est intéressée à préciser en quoi l’idée
d’opposition contribue à la connaissance des faits linguistiques,
pour cette raison surtout que l’idée d’opposition fait partie de
la logique.
L’opposition n’est pas un fait isolé: c’est un principe de
structure. Elle réunit toujours deux choses distinctes, mais qui
sont liées de telle façon que la pensée ne puisse poser l’une sans
poser l’autre. L’unité des opposés est toujours formée par un
concept, qui, implicitement, contient les opposés en lui et se
divise en opposition explicite quand il est appliqué à la réalité
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concrète. Le contenu de l’opposition est postérieur et à la
forme et au concept qui en est l’origine.
L’opposition dans les faits linguistiques n’est pas un schéma
que la science introduit pour maîtriser les faits, et qui resterait
extérieur à ceux-ci. Son importance dépasse l’ordre épistémo-
logique : quand la pensée linguistique range les faits d’après les
principes d’opposition et de système, elle rencontre une pensée
qui crée ces faits même.
II) Il résulte de ceci pour la psychologie que l’empirisme des
faits isolés de la conscience a besoin d’être complété et soutenu
par une théorie des facteurs inconscients qui déterminent la
structure systématique de ces faits. L’inconscient rationnel,
créateur de structures, devra servir de base à l’explication des
faits épars et fragmentaires de la conscience individuelle. La
linguistique, sans abandonner l’aide que lui prête la psycho-
logie, est amenée, par sa propre évolution à reconnaître que la
pensée et la vie psychique ne sont pas deux essences tout à fait
distinctes.
Discussion :
K. Bühler (Vienne) fait remarquer que les oppositions ne
sont qu’un élément de la structure et qu’il y a bien d’autres
relations que les oppositions.
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