JUIF, ALLEMAND ET DONC PLUS FRANÇAIS QUE NATURE -... 1 sur 2 http://www.marianne-en-ligne.fr/e-docs/00/00/98/E8/document_articl... Accueil > JUIF, ALLEMAND ET DONC PLUS FRANÇAIS QUE NATURE Rechercher LES ARCHIVES DE MARIANNE JUIF, ALLEMAND ET DONC PLUS FRANÇAIS QUE NATURE [OK] Recherche avancée Réagissez N° 179 Semaine du 25 septembre 2000 au 01 octobre 2000 Ce «Français universel» a réussi à incarner l'idéal d'un esprit hexagonal mieux que ne l'auraient fait certains Français dits «de souche». Il reste, encore aujourd'hui, le meilleur antidote au puritanisme artistique, au conformisme et à la xénophobie. Auteur : Duteurtre Benoît OFFENBACH Au-delà du tintamarre, «l'affaire Renaud Camus» aura soulevé quelques questions paradoxales sur la censure, mais aussi sur ces «Français de souche», mieux habilités que d'autres -selon Camus - à parler de culture française... Une considération fort discutable si l'on examine l'histoire artistique de notre pays, dans laquelle les Français d'adoption occupent une place de choix et incarnent l'idéal d'un «esprit français», parfois mieux que les autochtones. Tel l'Italien Lully, qui inventa l'opéra français à la cour de Louis XIV. Tel l'Allemand Offenbach, devenu aux yeux du monde l'incarnation même de cet esprit. Quelques mesures suffisent pour évoquer ce mélange d'humour, d'insolence et de goût du plaisir longtemps considéré comme le caractère national. «Mon Président» : le morceau de reggae rigolo de Toz Le 17/02/2007 20:50 Torreton dénonce «l'intimidation violente» de l'UMP à l'égard des journalistes de TF1 Le 16/02/2007 18:58 Un certain goût du lynchage Le 16/02/2007 18:24 Pluralisme.org dénonce le système des parrainages Le 16/02/2007 19:06 Un esprit éclairé Aujourd'hui, l'opérette a déserté Paris. Mais Offenbach se porte comme un charme, et les grands théâtres de l'Hexagone n'ont pas de meilleure recette pour retrouver l'esprit ludique qui manque aux productions contemporaines. La saison du Châtelet s'ouvre avec la Belle Hélène, incarnée par la grande mezzo anglaise Felicity Lott, sous la baguette de Marc Minkowski; puis ce sera la Périchole, adaptée par Jérôme Savary à l'Opéra-Comique; et enfin Orphée aux enfers à l'Opéra de Lyon. Simultanément paraît, chez Gallimard, une monumentale biographie signée Jean-Claude Yon, le premier ouvrage de cette importance consacré au maître. Premier paradoxe: Offenbach naît en 1819 à Cologne, dans cette Allemagne bientôt dominée par le pouvoir prussien; mais la Rhénanie, où grandit le musicien, a largement les yeux tournés vers la France. Non seulement pour des raisons politiques, mais surtout parce que Paris représente alors l'horizon intellectuel et artistique. Les principaux compositeurs européens y résident. Liszt, Chopin, Berlioz, mais aussi les maîtres de l'opéra italien et français, fort populaires en Allemagne: Rossini, Auber ou Boieldieu. D'autre part, pour une modeste famille juive, la France reste le pays qui a proclamé l'égalité de tous devant la loi. Paris attire les artistes et les intellectuels comme un monde plus ouvert, au-delà des séparations nationales et religieuses. Sans jamais renier l'héritage de son père, musicien de synagogue, ni la petite communauté juive de Cologne, Offenbach épousera volontiers le cosmopolitisme d'une société favorable à ses aspirations artistiques universelles. Ce Paris où débarque le jeune Offenbach, âgé de 14 ans, ne lui est certes pas acquis d'avance. Le Conservatoire est réservé, en principe, aux élèves français- règlement appliqué par le directeur, Chérubini, d'autant plus strictement qu'il est lui-même italien. L'affaire s'arrange toutefois après une entrevue. Ce qui n'empêche pas Jacob (devenu Jacques) de déserter cette école, où il se sent mal. Il préfère étudier sur le tas, dans la fosse d'orchestre de l'Opéra-Comique. Lorsqu'il entame sa première carrière de violoncelliste, Offenbach se fond sans difficulté dans la société artistique parisienne. Son physique et son accent tudesques sont même excellents pour une carrière musicale (Balzac, à la même époque, dépeint les musiciens sous les traits d'Allemands excentriques et rêveurs). Les manifestations d'antisémitisme sont rares sous le règne de Louis-Philippe. Parmi les gloires musicales de la monarchie de Juillet figurent Meyerbeer et Halévy (compositeur de la Juive, qui sera le maître et le protecteur d'Offenbach). FORUMS FORUM DES LECTEURS Y'a t'il un homme politique propre dans la salle? Le 16/02/2007 par lenom2laroze 203 contributions La montée de tous les " anti" ... Le 09/02/2007 par levasseur 39 contributions Enseignement Le 16/02/2007 par mada 116 contributions Pas 35 h mais 8 h Le 14/02/2007 par merbleue 17 contributions les 35 H Le 27/01/2007 par aldesim 69 contributions Tous les forums Le même regard que Molière Très tôt, le compositeur en herbe manifeste son goût pour ce pays, sa langue et sa tradition artistique. Créant son premier théâtre d'opérettes, les Bouffes-Parisiens, il affirme vouloir «creuser ce filon inépuisable de la vieille gaîté française». Pour lui, écrit Jean-Claude Yon, «les choses sont claires et nettes: Offenbach a choisi la France et, contre la conception allemande de la nation fondée sur le droit historique, il pense, comme Renan, que c'est la volonté de vivre ensemble et la possession d'un passé commun (en l'occurrence, le répertoire théâtral français) qui font de lui un Français». Trouvant ses modèles musicaux chez les maîtres de l'opéra-comique, il partage le regard social ironique de Molière ou de Voltaire, qui lui permet, aussi bien, de donner une peinture désopilante du chauvinisme dans l'opérette Ba-ta-clan. En 1860, le triomphe d'Orphée aux enfers permet enfin à Offenbach d'obtenir la nationalité française, sans attendre le délai administratif de dix ans, «qui peut être réduit à une année en faveur des étrangers qui auront rendu à la France des services importants». Un Français universel Comment le jeune violoncelliste romantique allemand est-il entré en osmose avec ce pays, pour en sublimer l'expression artistique ? La genèse de l'art d'Offenbach serait probablement incompréhensible sans le terreau très particulier de Paris, ville du théâtre par excellence. Dès le XVIIe siècle, des comédiens installés à la Foire Saint Laurent ont créé des spectacles parodiques, détournant les succès de l'opéra et de la comédie française. Cette tradition insolente s'est enrichie jusqu'à la création du troisième théâtre officiel, l'Opéra-Comique, où Offenbach rêve de monter ses ouvrages. Il y connaîtra surtout des échecs; et c'est pour combattre l'institutionnalisation de cet établissement qu'il va renouer- par ses propres moyens - avec la fraîcheur insolente des origines. Sa musique est indissociable du théâtre. Dès ses premières compositions sur les Fables de La Fontaine, il explore les relations du texte et de la musique. Difficile avec ses librettistes, omniprésent dans les répétitions, il ne laissera passer aucun détail et montre ce souci aigu de l'efficacité scénique, résumé par sa formule aux comédiens: «Très bien, recommençons !» Si Offenbach tourne en dérision la société de son temps, il serait excessif d'en faire un révolté. Le théâtre engagé a cru discerner dans la Vie parisienne ou les Brigands des charges virulentes contre le capitalisme de son temps. 19/02/2007 01:47 JUIF, ALLEMAND ET DONC PLUS FRANÇAIS QUE NATURE -... 2 sur 2 http://www.marianne-en-ligne.fr/e-docs/00/00/98/E8/document_articl... Mais Offenbach est plus humoriste que révolutionnaire. Guidé par l'ambition artistique, il veut séduire la haute société française et internationale. Plutôt conservateur en politique, il montre une grande habileté dans les relations sociales. Des femmes du monde le soutiennent dans son ascension. Son protecteur le plus brillant est le duc Flux de RSS Abonnements Contactez-nous Publicité Infos légales Crédits Morny, frère de Napoléon III, qui signe avecMARIANNE lui (sous EN le pseudonyme de M. de Saint-Rémy) une hilarante parodie LIGNE - 32, rue René Boulanger - 75484 Paris cedex 10 d'opéra italien, Monsieur Choufleuri restera chez luiTelle... Ni(0)1 dénonciateur thuriféraire du72régime, : +33 53 72 29 00 -niFax : +33 (0)1 53 29 72 Offenbach trouve dans la société impériale un modèle plus universel, dont la seule actualité est celle du spectacle. Autre paradoxe: c'est peut-être l'apprentissage tardif du français qui fait d'Offenbach le magicien musical de notre langue. Sa correspondance montre qu'il la maîtrisait parfaitement, malgré son accent allemand. Mais le garçon de Cologne débarqué à Paris semble avoir gardé toute sa vie une fascination étonnée pour le jeu des syllabes, des rimes, des prononciations. Détournant les vers de ses librettistes, il s'amuse comme un enfant avec cette langue étrangère inventant son répertoire de répétitions de mots, de déplacements d'accents dont les plus célèbres sont «Les rois barbus qui s'avancent, bus qui s'avancent» de la Belle Hélène. Si Offenbach atteint la dimension universelle qui manque à la plupart des compositeurs d'opérettes, c'est enfin parce que ce roi de Paris n'a pas oublié que le monde existe, au-delà de Paris. Il consacre beaucoup d'énergie à sa carrière internationale, voyage continuellement, prépare les reprises de ses opérettes à Vienne ou à Londres. Il accomplit une tournée triomphale en Amérique, épouse une femme catholique d'origine espagnole. Ce Français universel semble animé, comme sa musique, par l'énergie frénétique des diligences et des locomotives. La gloire vaut à Offenbach d'être violemment attaqué. Des compositeurs expriment leur mépris pour ce musicien d'opérette, prié de rester dans son pré carré. Berlioz ne comprend rien à une invention théâtrale si éloignée de ses recherches. Mais c'est surtout après la défaite de 1870 qu'Offenbach fera soudain figure de bouc émissaire, coupable d'avoir démoralisé la nation par ses pitreries. Exactement comme, en 1940, le régime de Vichy dénoncera les Années folles, responsables de la «décomposition morale» du pays. Les attaques sont incohérentes: certains accusent Offenbach d'être à la solde des Prussiens, d'autres lui reprochent ses liens avec Napoléon III. Même la presse allemande se déchaîne contre ce musicien décidément trop léger dans le climat moralisateur des années 1870: «Offenbach s'est rendu coupable d'un véritable attentat contre son pays natal en composant ses opérettes», écrit le Leipziger Allgemeine. Attaqué par l'Allemagne Le compositeur répond dans le Figaro: «Certains journalistes allemands poussent la calomnie jusqu'à imprimer que j'ai composé plusieurs chants contre l'Allemagne. Les injures les plus misérables accompagnent ces assertions. J'ai en Allemagne une famille et des amis qui me sont chers; c'est pour eux que je viens vous prier d'imprimer ceci. Depuis l'âge de 14 ans, je suis en France. J'ai reçu des lettres de grande naturalisation. J'ai été nommé chevalier de la Légion d'honneur. Je dois tout à la France et je ne me croirais pas digne du titre de Français, que j'ai obtenu par mon travail et par mon honorabilité, si je me rendais coupable d'une lâcheté envers ma première patrie.» L'après-guerre est moins triomphal pour Offenbach. Il retrouve tout de même le succès, à Londres, à Viennes, à Paris, avec des chefs-d'oeuvre: l'opéra bouffe-féerie le Roi Carotte ou l'opéra-comique Mme Favart. Quelques années après sa mort - en pleine affaire Dreyfus -, les attaques antisémites se multiplient. Jaloux de ses succès, Wagner comparait déjà sa musique à un «fumier» où se vautraient «tous les cochons d'Europe». En 1895, le critique wagnérien Willy écrit: «C'est grâce à ce youpin néfaste que l'oreille contemporaine s'est lentement faussée, au point de ne trouver mélodiques que les phrases des quadrilles...» A ces jugements misérables, on peut opposer ceux de Nietzsche, qui voyait dans la musique d'Offenbach «la seule chose que l'opéra ait faite jusqu'à présent en faveur de la poésie». Malgré l'oubli de certaines oeuvres, la gloire d'Offenbach n'a jamais connu d'éclipse. D'un côté, elle exaspère ceux qui ne peuvent comprendre l'art comme divertissement. De l'autre, elle fascine les esprits plus sensibles aux relations du théâtre et de la musique. Les poètes surréalistes ne cachaient pas leur fascination pour les jeux de langage de la Périchole ou de la Belle Hélène. Ainsi, jusqu'à nos jours, chaque génération redécouvre «son» Offenbach, comme une nouvelle facette de cet esprit français universel qui constitue le meilleur antidote contre le puritanisme artistique, l'esprit de sérieux, le conformisme et la xénophobie La Belle Hélène, du 29 septembre au 27 octobre, théâtre du Châtelet. Tél.: 0140282828. La Périchole, du 31 octobre au 7 janvier, Opéra-Comique. Tél.: 0825 00 00 58. Orphée aux enfers, du 21 novembre au 10 décembre, Opéra de Lyon. Tél.: 04 72004500. LES REACTIONS Réagissez 19/02/2007 01:47