«nihil per os » après minuit doivent être réformées parce
qu’elles sont trop restrictives, inefficaces et elles entraînent
un inconfort inutile pour le patient [4]. Elles restent pour-
tant difficiles à modifier parce qu’elles sont très faciles à
faire comprendre aux patients et ancrées dans la culture
hospitalière. Une conséquence fâcheuse est l’extension de
ces consignes aux traitements chroniques.
A contrario,l’absence de consigne claire aboutit spon-
tanément à l’interruption et à la non-reprise des traite-
ments. En effet, l’absence de prescription du maintien
préopératoire d’un traitement chronique aboutit à son
interruption au titre du jeun préopératoire. L’absence de
prescription de reprise du traitement chronique en post-
opératoire va naturellement aboutir à une absence de
reprise du traitement chronique. Ces attitudes ont des
conséquences importantes : par exemple, l’arrêt préopé-
ratoire des morphiniques de longue durée d’action indi-
qués dans le traitement des douleurs chroniques est très
fréquent, entraînant une gestion difficile de la douleur
postopératoire [5].
L’interaction entre les traitements chroniques et la
technique d’anesthésie est une raison licite. Il existe
plusieurs raisons pour ne pas retenir ces arguments en
pratique. Nous disposons d’une palette large de tech-
niques d’anesthésie permettant de s’adapter au contexte
pharmacologique lié au patient. Aucune technique ou
médicament utilisé en anesthésie n’a montré, sauf excep-
tion, sa supériorité en termes de mortalité ou de morbi-
dité. En conséquence, il n’y a que très rarement de raison
pour imposer une technique contre le maintien d’un
traitement préopératoire. Il faut vérifier à chaque fois
que les interactions médicamenteuses concernent les
médicaments utilisés. En effet, certaines interactions ont
été décrites avec des médicaments de l’anesthésie qui
ne sont plus utilisées (halothane). On peut remarquer
que concernant ce problème, il existe un décalage entre
les précautions d’emploi décrites dans le Vidal
®
et la
pratique moderne de la spécialité. Par exemple, l’arrêt
de l’isoniazide 15 jours avant une intervention chirurgicale
est une recommandation commune écrite dans différents
manuel et référentiels. À l’heure où l’épidémiologie de la
tuberculose est défavorable et où le traitement antitubercu-
leux devient difficile en raison de l’émergence de souches
résistantes (parfois associé à un traitement mal conduit ou
interrompu), cette recommandation n’est plus admissible.
C’est donc une situation où la palette des techniques et des
médicaments mis à la disposition des anesthésistes permet
d’éviter une interaction médicamenteuse.
Pour toutes ces raisons, le Comité des Référentiels de
la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation a
sollicité un groupe d’experts pour produire un référentiel
médical. Des cibles (les anesthésistes réanimateurs), des
questions, un champ d’application, des groupes de travail
et une méthode de travail (choix du type de référentiel)
ont été définis. Pour chaque grand groupe de médicament
ou dispositif médical, 6 questions ont été choisies et
validées par le comité d’organisation :
–Quel est le risque d’événement à l’arrêt ou au main-
tien du traitement ?
–Existe-t-il une interférence avec les médicaments
de l’anesthésie ?
–Proposer une stratégie d’arrêt, de maintien et/ou
de substitution.
–Doit-on faire appel à un spécialiste pour une déci-
sion collégiale ?
–Proposer une technique d’anesthésie et d’analgésie
adaptée, dans une situation de geste programmé, en
urgence, précautions/mise en garde.
–Proposer une stratégie de reprise du traitement,
en particulier les délais, et les voies d’administration en
tenant compte du cas spécifique d’interruption du transit
digestif.
En raison du grand nombre de traitements et de dispo-
sitifs médicaux à analyser, et dans un souci de pragma-
tisme et de faciliter l’appropriation, ce référentiel a été
segmenté en plusieurs modules, chacun des modules
regroupant une famille de traitement. Cinq modules ont
été définis a priori :
–pathologies cardiovasculaires,
–pathologies neurologiques et psychiatriques,
–pathologies infectieuses, immunosuppresseurs,
–pathologies endocriniennes,
–douleur chronique et addiction.
Un groupe de travail spécifique a été désigné pour
chacun de ces modules. La liste des traitements et dispo-
sitifs médicaux déclinés au sein de chaque module n’est
pas exhaustive. Elle comprend dans un premier temps, les
traitements les plus fréquents, les plus difficiles à gérer, les
plus faciles à gérer, pour des patients adultes. Les traite-
ments antithrombotiques ont été exclus de ce référentiel
car des référentiels spécifiques issus de la SFAR ou de
l’HAS ont déjà couverts ces problématiques.
La forme de référentiel médical choisi pour répondre à
ces questions est la recommandation formalisée d’experts
(RFE). Cette méthodologie est adaptée dès lors que les
données scientifiques sont absentes ou peu nombreuses,
d’un niveau de preuve peu élevé ou conflictuel, que les
éléments de réponse sont indirects ou traités partielle-
ment, pour les domaines pour lesquels les pratiques
s’avèrent peu ou mal codifiées, voire d’une grande varia-
bilité. En raison même de l’absence de données scienti-
fiques indiscutables, une prise de position à un temps
donné par un groupe d’experts dans le domaine concerné
apparaît donc nécessaire.
mt, vol. 16, n° 3, juillet-août-septembre 2010 261
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