Le projet de loi C-14, tel que présenté en première lecture, ne propose pas de mécanisme de contrôle rigoureux – Amendements proposés Par Will Johnston, M.D. Dans le présent mémoire, je veux démontrer que le projet de loi C-14, tel que présenté en première lecture, ne propose pas de mécanisme de contrôle rigoureux de l’accès à « l’aide médicale à mourir ». Les plaintes selon lesquelles le projet de loi est trop restrictif ne sont pas crédibles. Mon analyse se fonde sur le fait que le projet de loi C-14, tel que présenté en première lecture, ne limite pas le nombre de médecins pouvant être sollicités pour obtenir une « aide médicale à mourir ». En outre, il n’oblige pas un médecin à prendre en compte le résultat de toute demande précédente « d’aide médicale à mourir » présentée par un patient, surtout si une demande a mené à une conclusion de non-admissibilité. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-14 contient neuf dispositions relatives à l’admissibilité qui décrivent 16 critères nécessitant une prise de décision. Deux sont objectivement transparents, dix nécessitent une décision de la part du médecin et quatre, une décision de la part du patient. (Le terme « médecin » employé aux présentes désigne « un médecin ou un infirmier praticien »). Voici la liste des 16 critères et des personnes appelées à prendre une décision à leur égard : Admissible à des soins de santé financés par l’État : critère objectif et transparent Âge minimal de 18 ans : critère objectif et transparent Capacité de prendre des dé cisions en ce qui concerne sa santé : le médecin Présence d’une maladie ou d’un handicap : le médecin Gravité : le médecin Incurabilité : le médecin Déclin avancé : le médecin Déclin irréversible: le médecin Souffrances persistantes : le patient Souffrances physiques : le patient Souffrances psychologiques : le patient Moyen d’apaisement jugé acceptable : le patient Mort prévisible : le médecin Demande vraiment volontaire : le médecin Absence de pressions extérieures : le médecin Consentement éclairé : le médecin Les quatre critères laissés à la subjectivité du patient ne peuvent, par nature, tenir lieu de mesures de sauvegarde. Parmi les dix autres critères laissés à la décision du médecin, deux (la gravité et le déclin avancé) pourraient être qualifiés de « subjectifs » et peuvent être déterminés par le médecin, mais ils ne sont en aucun cas définis. Deux autres (l’incurabilité et l’irréversibilité) sont des caractéristiques applicables à la quasi-totalité des patients qui seront admissibles et qui, de toute façon, tombent dans le flou de « l’irrémédiabilité » qu’il revient au patient de déterminer, selon l’arrêt Carter, ce qu’il peut faire par l’entremise d’un représentant. Deux autres (la présence réelle d’une affection et la prévisibilité de la mort) pourraient être considérés comme des critères objectivement transparents, mais s’ils sont interprétés au sens de diagnostic et de pronostic, ils peuvent être erronés. La loi prévoit une protection contre toute conséquence juridique dans le cas d’une mort injustifiée causée par une « croyance raisonnable, mais erronée » à l’égard de « tout fait ». Les quatre derniers critères sont la capacité, la volonté, l’absence de pressions extérieures et, par conséquent, le consentement éclairé. J’exerce la médecine depuis 35 ans et j’ai effectué une centaine d’évaluations médicolégales des capacités. Je peux attester que, pour ces quatre derniers critères d’admissibilité, il peut être terriblement difficile de formuler une opinion éclairée. Le projet de loi C-14, tel que présenté en première lecture, n’offre aucune directive à cet égard, à l’exception du paragraphe 241.1(7), qui précise que l’acte doit être exécuté avec une « connaissance, des soins et une habileté raisonnables », tandis que la « croyance erronée » du médecin à l’égard de « tout fait » est excusée en vertu du paragraphe 241(6). Il est difficile d’imaginer que des poursuites seront intentées contre un médecin qui s’engage dans cet exercice difficile de bonne foi subjective. Si l’arrêt Carter exigeait de la rigueur dans ce processus, on ne la trouve pas ici. Bien qu’on puisse le supposer, il n’est précisé nulle part que les médecins doivent examiner le patient, dans quelle mesure ils doivent le faire, ni dans quelle mesure ils doivent s’informer des facteurs internes et externes susceptibles de rendre le patient vulnérable. Il est difficile de savoir ce qui se passe dans la vie privée du patient. Les deux médecins ne sont pas tenus d’établir un lien étroit avec le patient. Leur rôle commence au moment où ils acceptent une demande écrite du patient, qui doit être rédigée en présence de deux témoins ou par un mandataire du patient qui prétend comprendre la « nature de la demande ». Ils ne sont pas tenus de rencontrer ce mandataire ni d’évaluer ses motivations. Le patient, son mandataire et les deux témoins doivent être physiquement présents ensemble à un moment donné, mais pas le médecin. Les deux témoins ne sont pas tenus de comprendre la situation du patient, mais seulement d’attester que la demande a été signée et datée. Les témoins ne sont pas obligés d’avoir une connaissance de la capacité du patient à prendre une décision ni des motivations de son mandataire. Cette version provisoire du projet de loi ne précise pas le nombre de médecins requis. Il suffit d’en trouver deux qui approuvent la demande d’aide à mourir d’un patient, sans égard à la situation dans laquelle se trouve ce dernier. L’analyse des 16 critères susmentionnés indique clairement que, dans le quotidien d’un hôpital ou tout autre centre de soins infirmiers canadien, tout candidat pourrait invoquer les principes généraux énoncés dans l’arrêt Carter pour avoir accès à ces pratiques. Cela pourrait donner lieu à des décès injustifiés de patients susceptibles d’avoir été incités, à cause de leur situation désespérée ou des motivations d’autres personnes, à renoncer à des années de vie. Le fait de confier à deux médecins, quels qu’ils soient, le rôle de « gardiens » de ce système est dangereux et inutile. Deux amendements simples permettraient de corriger cette situation : Immédiatement après l’alinéa 241.2(3)g), ajouter : h) obtenir une ordonnance d’un juge qui est convaincu que les critères et les mesures de sauvegarde énoncés à l’article 241.2 s’appliquent à la situation particulière de la personne, spécialement l’alinéa 241.2(1)d); L’actuel alinéa 241.2(3)h) se lit ainsi : « immé diatement avant de fournir l’aide mé dicale à mourir, donner à la personne la possibilité de retirer sa demande et s’assurer qu’elle consent expressé ment à recevoir l’aide mé dicale à mourir. » Cet alinéa deviendrait l’alinéa 241.2(3)i) et les termes « immédiatement avant » seraient remplacés par « au moment de » afin de réduire le risque d’abus dans la situation hypothétique suivante : le projet de loi provisoire prévoit qu’une dose létale de médicament peut être fournie à un tiers qui souhaite participer au processus d’aide à mourir, et non au médecin. Dans la vraie vie, il peut y avoir un certain délai avant que cette aide soit fournie; la présence d’un médecin devrait donc être requise afin que l’acte soit exécuté sous supervision et pour s’assurer que le patient donne son consentement de manière volontaire au moment du décès. Il est tout simplement inacceptable que des décès prévisibles injustifiés soient le prix à payer pour faciliter l’accès à un système de suicide assisté et d’euthanasie. Les deux amendements proposés aux présentes contribueraient à réduire les dommages. Will Johnston, M.D., président Euthanasia Prevention Coalition of BC Vancouver