L’infini et le virtuel  
Ces deux caractéristiques, abondamment soulignées4 par ailleurs, ne nous intéressent ici 
qu’au regard de l’analyse de l’écran où elles prennent forme. La mise en abyme réalisée 
par l’ouverture enchâssée des fenêtres mène très rapidement à une sensation de vertige et 
ce, non seulement de par l’accessibilité à un nombre élevé d’écrans (voire effectivement 
infini sur le réseau Internet), mais aussi de par la multiplicité des chaînages possibles (telle 
fenêtre peut s’ouvrir à partir de telle autre, mais encore d’une autre qui elle-même est 
susceptible de contenir la première). Telle une bibliothèque borgèsienne de Babel5 , tout 
est dans tout et par le jeu des combinatoires, tout type de trajet imaginable se trouve déjà 
(potentiellement) réalisé. Plus que l’infinité des sources (pourtant effective), c’est l’infinité 
des trajectoires qui enrichit la relation entretenue avec le support et permet de développer 
son potentiel d’interactivité.  
Il ne faut pas s’illusionner sur les puissances d’un médium qui ne saurait, à lui seul, ou de 
lui-même, transformer l’acte éducatif. La multiplicité des parcours virtuels, la possibilité 
de les représenter à l’écran dans une quasi simultanéité peut vite prendre la forme d’un 
labyrinthe où vient se noyer l’apprentissage. Cette remarque devrait rassurer les 
enseignants inquiets d’une possible dépossession du rôle de l’enseignement. Tout porte à 
croire que la richesse du médium enrichira d’abord le métier d’enseignant, en le faisant 
évoluer sur des terrains qui lui était jusqu’alors peu accessibles: ceux du tutorat, d’un 
rapport plus étroit avec la régulation des apprentissages, plus ouvert sur un échange 
paritaire qui ne déconsidère aucunement l’ordre parallèle de la classe.  
De plus, le support écran n’est pas sans rapport avec le tableau de classe. Travailler sur un 
écran exige aussi de jouer de l’effacement (saturation lorsqu’un trop grand nombre de 
données sont affichées en simultanéité) et de la mémoire (gestion des capacités de la 
mémoire vive, dépôt sur disque dur, organisation des fichiers)6 . On connaît ainsi des 
logiciels de traitement qui permettent de gérer l’écran sur le modèle (amélioré, il est vrai 
parce que dynamique et réversible) du tableau de classe7. Mais ce parallèle n’est que...de 
surface, car ce qui différencie fondamentalement l’espace virtuel du support matériel est 
l’émergence d’une densité autre et autrement gérée, d’un « feuilletage » du support où 
l’essentiel ne se joue peut-être plus dans la substitution des inscriptions successives 
d’informations (coordination, progression), mais dans l’intégration de couches 
superposées, rémanentes parce qu’affichables (comme d’une connaissance qui ne se 
développerait pas en progressant uniquement, mais en s’étalant dans toutes les directions, 
en s’enfonçant dans le sol graphique de l’écran, orientée autant vers l’avant que vers 
l’après). Tant il est vrai que dans le domaine de la connaissance la « progression » et la « 
régression » ne s’excommunient pas l’une l’autre, mais s’étayent, et qu’il faut souvent 
revenir sur des questions anciennement tranchées pour dépasser, dans une construction 
nouvelle, le savoir jusqu’alors dominant, mais bloqué.  
C’est cette convergence qui est intéressante: la mise en question de la planification 
enseignante, qui ne saurait gérer, et encore moins prévoir, l’intégralité des parcours, est 
aussi l’histoire d’une construction chaotique, mais logique, d’un apprentissage qui se 
reconnaît au fur et à mesure qu’il élabore et rature son plan de travail.  
 
Anticipation ou imprévisibilité ?  
Comme on a tenté de le montrer ici, la logique du support (plus proche des exigences de 
l’enseignement dans le cadre du tableau de classe, plus en convergence avec les besoins de 
l’apprentissage dans l’espace de l’écran) vient informer assez largement l’accès aux 
savoirs et le possible développement de la construction de connaissance. La question qui 
peut être posée en conclusion est donc celle d’un rapprochement à définir entre support et 
situation éducative, convergence de l’enseignement et de l’apprentissage face au nouveau