07-Malabou_Mise en page 1 16/12/14 15:56 Page30 Une seule vie Résistance biologique, résistance politique Catherine Malabou* QU’UNE résistance à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le « biopouvoir » – contrôle, régulation, exploitation et instrumentalisation du vivant – puisse provenir de possibilités inscrites dans la structure du vivant lui-même et non de concepts philosophiques qui la surplombent ; qu’il puisse y avoir une résistance biologique à la biopolitique ; que le « bio- » puisse être considéré comme une instance complexe et contradictoire, opposée à elle-même et désignant d’un côté le véhicule idéologique de la souveraineté moderne, de l’autre ce qui le freine, voilà qui semble n’avoir jamais été pensé. Le préjugé antibiologique de la philosophie Qu’est-ce à dire ? C’est un fait, notre époque a vu l’effacement définitif de la limite que l’on a cru assurée, pendant des siècles, entre sujet politique et sujet vivant. Foucault a mis en lumière de manière magistrale l’effacement de cette limite, effacement qui marque la naissance de la biopolitique et forme le trait caractéristique de la souveraineté moderne : L’homme, pendant des millénaires, est resté ce qu’il était pour Aristote : un animal vivant et de plus capable d’une existence * Professeure de philosophie à Kingston University (Londres), elle a récemment publié Avant demain. Épigenèse et rationalité, Paris, PUF, 2014. Janvier 2015 30