Journal Identification = JPC Article Identification = 0271 Date: April 9, 2014 Time: 1:49 pm
46 J Pharm Clin, vol. 33 n◦1, mars 2014
C. Lameira, et al.
crit après l’hydroxyzine, dans le cadre d’une utilisation
hors Autorisation de mise sur le marché (AMM) [8].
Pour l’ensemble des substances suivies, trois évènements
indésirables ont été notifiés aux Centres régionaux de
pharmacovigilance (CRPV) locaux dont deux concer-
naient des réactions cutanées de type urticaire en lien
avec l’étifoxine. Sur la base de l’analyse des effets indé-
sirables rapportés sur l’étifoxine au réseau des CRPV et
aux laboratoires Biocodex entre 2000 et 2012, les effets
indésirables notifiés sont surtout des affections derma-
tologiques et des réactions d’hypersensibilité (58,5 % ;
206 cas) qui correspondent très majoritairement à des cas
d’éruptions cutanées (69,9 %) [9]. En termes de fréquence
de survenue au cours de cette même évaluation, les effets
indésirables d’origine hépatique apparaissent juste après
les effets indésirables cutanés et représentent 9,7 % des
notifications. Le potentiel hépatotoxique de l’étifoxine est
notamment objectivé par l’observation d’hépatites cytoly-
tiques (dans presque 80 % des cas évaluables) [9]. Ces
éléments ont amené d’une part l’ANSM à proposer une
modification du résumé des caractéristiques du produit
(RCP) de la spécialité Stresam®et, d’autre part, un orga-
nisme de presse indépendant a transmis récemment un
appel à la prudence dans l’utilisation qui doit être faite de
l’étifoxine [9, 10].
L’agomélatine est un antidépresseur commercialisé en
France depuis 2009. Son profil d’action semble à la fois
avéré dans la dépression ou encore le trouble anxieux
généralisé [11], bien que certaines analyses remettent
en cause son efficacité [12, 13]. Son profil pharmacolo-
gique est mixte, l’agomélatine agissant à la fois comme
un agoniste des récepteurs de la mélatonine et comme
un antagoniste des récepteurs 5HT2C de la sérotonine
[14]. La tolérance de l’agomélatine bénéficie encore d’une
faible évaluation en condition pragmatique compte tenu
de son apparition relativement récente dans l’arsenal
thérapeutique. Cependant, la mauvaise tolérance hépa-
tique du produit est déjà connue sur la seule base des
études cliniques et nécessite un contrôle des transami-
nases à l’instauration du traitement, puis une surveillance
régulière en raison du risque d’hépatite cytolytique [15].
Concernant les effets indésirables cutanés, les résultats
issus des essais cliniques ont permis d’identifier les risques
d’hyperhydrose, d’eczéma et de rash érythémateux, res-
pectivement comme fréquent (≥1/100, <1/10), peu
fréquent (≥1/1 000, <1/100) et rare (≥1/10 000,
<1/1 000). À l’image des remarques formulées sur
l’étifoxine, l’agomélatine a également fait l’objet d’appels
à la prudence par le même organisme de presse, mettant
en lumière notamment la mauvaise tolérance hépatique et
cutanée, comparativement au faible apport clinique que
représente la molécule [16].
Nous rapportons ci-après le cas d’une patiente ayant
présenté une éruption cutanée très étendue suite à
l’introduction d’agomélatine avec une perturbation du
bilan hépatique. Cet effet indésirable s’est manifesté éga-
lement peu de temps après l’introduction d’étifoxine chez
la patiente. La contribution de chacune de ces molécules
dans l’apparition de l’effet indésirable peut être discutée.
Observation clinique
Mme S, âgée de 37 ans et traitée depuis 4 ans pour un
trouble anxio-dépressif, pris en charge initialement par
son médecin traitant qui lui a prescrit successivement dif-
férents antidépresseurs : la venlafaxine, l’escitalopram, la
paroxétine et enfin la mirtazapine. La prise en charge
médicamenteuse dans notre établissement, débutée il y
a presque 2 ans, intègre la mirtazapine (Norset®15 mg,
1 cp/j le soir) et le prazépam (Lysanxia®10 mg, 1 cp
matin et soir). La patiente présente comme antécédents
somatiques une hypertension artérielle et une colopa-
thie fonctionnelle, mais aucune allergie connue d’origine
médicamenteuse ou autre. Ilyaunanetdemi, une
première prescription d’agomélatine (Valdoxan®25 mg,
1 cp/j le soir) est faite en extrahospitalier par un autre
médecin généraliste. Mme S émet régulièrement des
plaintes somatiques et psychologiques multiples, cepen-
dant elle majore ces plaintes suite à l’introduction de
ce nouvel antidépresseur. La patiente se voit alors de
nouveau prescrire son traitement antérieur, à savoir la mir-
tazapine, toujours associée au prazépam et aux mêmes
posologies.
Il y a environ 6 mois, la patiente présente une
recrudescence anxieuse qui amène son médecin trai-
tant à lui prescrire de l’étifoxine (Stresam®50 mg, 1
gélule matin, midi et soir), puis 10 jours plus tard
de l’agomélatine (Valdoxan®25 mg, 1 cp/j le soir) en
complément de son traitement antérieur. La patiente
décrit a posteriori une insomnie totale suite à la pre-
mière prise d’agomélatine. Mme S présente 4 jours après
l’introduction de l’antidépresseur une éruption cutanée
étendue touchant le visage, les bras, les genoux et les
pieds avec un caractère hautement prurigineux. La valeur
des transaminases (gamma-GT) a été multipliée par 1,5
entre le contrôle à l’introduction de l’agomélatine et 5
jours après, cette valeur se normalisant progressivement
sur les semaines suivantes.
Suite à cet évènement indésirable les traitements par
agomélatine et étifoxine ont été immédiatement arrêtés,
tandis que le traitement par mirtazapine et prazépam a
été poursuivi.
Discussion
L’apparition de l’effet indésirable décrit peut plaider en
faveur soit d’une imputabilité exclusive de l’agomélatine,
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