THÉRAPEUTIQUES Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Michel Gerson Centre hospitalier de Colmar Brèves de pharmacovigilance Tétrazépam : un risque cutané inacceptable Le tétrazépam (Myolastan®, Panos® et génériques) est une benzodiazépine indiquée dans le « traitement des contractures musculaires douloureuses en rhumatologie (en association aux traitements spécifiques) ». SMR insuffisant... Dès 1999, la Commission de la Transparence avait crédité le tétrazépam d’un service médical rendu faible. Elle l’avait qualifié d’insuffisant en 2005 [1]. Ce même avis avait été renouvelé en 2010 avec une proposition de déremboursement [2]. Il y était noté que « le rapport efficacité/effets indésirables de Myolastan® [était] défavorable ». Les spécialités à base de tétrazépam ont été effectivement déremboursées en décembre 2011. C’est aussi en 2011 que l’ANSM a décidé l’ouverture d’une enquête officielle de pharmacovigilance confiée au Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Bordeaux et présentée le 20 novembre à la Commission nationale de pharmacovigilance (CNPV) [3, 4]. Cette enquête a analysé les 1 616 notifications d’effets indésirables colligés depuis la mise sur le marché. Les affections cutanées représentent la moitié des cas notifiés : 827, dont 310 graves. Il s’y ajoute 72 cas dont 35 effets cutanés transmis par 3 laboratoires. diverses parfois eczématiformes touchant les mains et parfois le visage et les avant-bras. Ces soignants manipulaient des comprimés de tétrazépam : section, broyage au mortier pour administration à des sujets ayant des difficultés à avaler. Dans les 6 cas, le patchtest a été positif pour le tétrazépam. L’enquête officielle a identifié 115 cas ayant eu un bilan allergologique. Il y a eu 69 % de tests positifs au tétrazépam dont 58 % exclusivement positifs avec cette benzodiazépine. Le rapporteur devant la CNPV a conclu à un risque inacceptable Il a proposé à la CNPV une suspension de l’AMM et a été suivi par la majorité de la Commission, mais pas par l’ANSM, qui a seulement demandé un arbitrage au Comité européen de pharmacovigilance. Dans d’autres dossiers plus médiatisés, l’ANSM a pourtant su procéder à une suspension d’AMM. Deux poids, deux mesures selon que le dossier fait ou non la Une des médias grand public ? Mots clés : benzodiazépines, toxidermies [Benzodiazepines; Drug Eruptions] Références : 1. Myolastan 50 mg. Commission de la transparence. Avis du 14 décembre 2005. www.has-sante.fr 2. Myolastan 50 mg. Commission de la transparence. Avis du 17 novembre 2010. www.has-sante.fr 3. Enquête sur les effets indésirables du tétrazépam. CRPV Bordeaux. 11/01/2013. Sur www.ansm.sante.fr 4. Extrait de la CNPV du 20/11/2012. Enquête sur les effets indésirables du tétrazépam. Sur www.ansm.sante.fr Effets indésirables notifiés Comme avec les autres benzodiazépines, des effets neuropsychiques (coma, somnolence, convulsions, confusion, désorientation) ont été notifiés. Mais ce qui distingue le tétrazépam des autres benzodiazépines est le nombre élevé d’effets indésirables cutanés. DOI : 10.1684/med.2013.0941 Effets indésirables cutanés parfois d'évolution mortelle Au total, parmi les toxidermies graves, l’équipe bordelaise a dénombré 40 syndromes de Lyell dont 11 d’évolution mortelle, 34 cas de syndrome de StevensJohnson dont un d’évolution mortelle, 63 cas d’érythème polymorphe dont un d’évolution mortelle, 5 cas de pustulose exanthématique aiguë généralisée et 19 cas de DRESS (voir ci-dessous). Il a aussi été observé 118 cas d’urticaire dont 21 sévères avec œdème de Quincke et 19 cas d’angiœdème. Les autres effets cutanés sont souvent des éruptions de types variés : maculopapuleuse le plus souvent, et aussi vésiculeuse, pustuleuse, purpurique ou bulleuse. Il s’agit vraisemblablement d’un mécanisme d’hypersensibilité retardée de type IV comme le montrent des patch-tests positifs. Six professionnels de santé (5 infirmiers et une aidesoignante) ont souffert de lésions cutanées rythmées par la vie professionnelle. Il s’agissait de lésions 114 MÉDECINE mars 2013 Le syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse ou DRESS Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptom) est un effet indésirable grave d’individualisation récente puisque cet acronyme a été introduit en 1996. Une équipe française a analysé les 172 cas qu’elle a identifiés dans la littérature de 1997 à 2009 [1]. Le DRESS est un effet indésirable parfois mortel qui associe une éruption cutanée sévère, de la fièvre, des anomalies hématologiques (éosinophilie ou lymphocytes atypiques) et des atteintes de divers organes. L’atteinte la plus fréquente est celle du foie avec élévation des enzymes hépatiques ou hépatomégalie. Des atteintes rénales, pulmonaires ou myocardiques ont également été observées. Un mécanisme de réactivation virale a été suggéré. La mortalité est de l’ordre de 10 %. La survenue du DRESS est retardée de 2 à 6 semaines après l’introduction du médicament responsable. Le DRESS peut s’aggraver malgré l’arrêt de ce médicament. En présence de signes de gravité, une corticothérapie est indiquée. THÉRAPEUTIQUES Brèves de pharmacovigilance Au total, 44 médicaments ont été impliqués dans ces 172 cas : antiépileptiques (1/3 des cas : carbamazépine, lamotrigine et phénobarbital), puis allopurinol et sulfasalazine. L’analyse de 312 notifications de DRESS de la Base nationale de pharmacovigilance recoupe en partie cette liste avec l’ordre décroissant suivant : sulfasalazine, allopurinol, minocycline, ranélate de strontium, colchicine, lamotrigine et cotrimoxazole [2]. La liste des médicaments responsables n’est pas close et s’enrichit régulièrement (parmi les plus récemment concernés, l’étifoxine et la sitagliptine) [3]. Mots clés : toxicité des médicaments, toxidermies [Drug Toxicity; Drug Eruptions] RCP. Consulté le 18 février 2013 1, le RCP ne mentionnait pas ces effets indésirables. Au-delà de l’inertie administrative propre à l’ANSM, ces effets indésirables amènent à s’interroger sur le rapport bénéfice/risque de cet anxiolytique, sachant que la Commission de la Transparence de la HAS l’a crédité d’un service médical rendu faible en 2011 [2]. Mots clés : lésions hépatiques chroniques dues aux médicaments, toxicité des médicaments, toxidermies [Drug toxicity; Drug Eruptions; Drug-Induced Liver Injury, chronic] Références : 1. Réévaluation du rapport bénéfice/risque de Stresam (efitoxine) : bilan des données de sécurité d’emploi (2000-2012). www.ansm.sante.fr 2. Stresam gélules. Commission de la transparence. Avis du 14 décembre 2011. Sur www.has-sante.fr Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Références : 1. Cacoub P, Musette P, Descamps V, Meyer O, Speirs C, Finzi L, et al. The DRESS syndrome: a literature review. Am J Med. 2011;124:588-97. 2. Montastruc JL. Quels médicaments à l’origine du DRESS syndrome ? BIP 31. 2012;19(1):10. Sur www.bip31.fr 3. Sin C, Mahé E, Sigal M-L. Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS) in a patient taking sitagliptin. Diabetes & Metabolism. 2012;38:571-3. Étifoxine : des atteintes cutanées et hépatiques L’étifoxine (Stresam®) est un anxiolytique de la famille des benzoxazines indiqué dans les « manifestations psychosomatiques de l’anxiété telles que dystonies neurovégétatives, notamment à expression cardiovasculaire ». La CNPV a analysé 419 effets indésirables notifiés de 2000 à 2012 [1]. Plus de la moitié sont des effets cutanés avec des cas de toxidermies sévères, notamment : 5 DRESS (dans 2 cas, l’étifoxine était le seul médicament suspect), 10 toxidermies bulleuses à type d’érythème polymorphe et 5 syndromes de Stevens-Johnson. Sept cas de vascularite ont été observés avec un délai médian évocateur de 10 jours après le début de traitement. Les atteintes hépatiques (29 cas) étaient en majorité des atteintes aiguës cytolytiques, parfois sévères, apparaissant dans un délai inférieur à 2 mois après l’introduction de l’étifoxine ; dans 25 cas, la responsabilité de l’étifoxine a été retenue dont un cas avec réadministration positive. Des notifications suggèrent la possibilité d’interactions médicamenteuses avec : – les AVK (diminution de l’INR chez 4 patients) ; – les contraceptifs oraux (16 cas de métrorragies dont 5 réadministrations positives et diminution de l’efficacité contraceptive avec 4 cas de grossesse). La CNPV a demandé à l’unanimité le 26 juin 2012 que ces effets indésirables soient désormais mentionnés dans le Zolpidem : attention à la conduite automobile au réveil... De nouvelles études de pharmacologie clinique avec simulateur de conduite ont été soumises à la FDA montrant que des taux sériques supérieurs à 50 ng/mL sont de nature à altérer la conduite automobile au point d’accroître le risque d’accident [1]. Les études pharmacocinétiques incluant environ 250 hommes et 250 femmes ont montré qu’environ 15 % des femmes et 3 % des hommes avaient des taux sériques supérieurs à 50 ng/mL 8 heures après la prise de 10 mg de zolpidem. Le 10 janvier dernier, la FDA a donc publié une recommandation sur la posologie du zolpidem (Stilnox® et génériques) chez la femme, en baissant la dose initiale de zolpidem de 10 à 5 mg. Rappelons que l’efficacité clinique du zolpidem est modérée : pour les 3 hypnotiques non benzodiazépine (eszopiclone, zaleplon et zolpidem), une méta-analyse récente des études soumises à la FDA montre un gain modeste pour le délai d’endormissement par rapport au placebo et l’absence de bénéfice pour d’autres critères comme la qualité du sommeil et le nombre de réveils nocturnes [2]. Mots clés : conduite automobile, toxicité des médicaments [Automobile Driving; Drug Toxicity] Références : 1. Risk of next-morning impairment after use of insomnia drugs. FDA requires lower recommended doses for certain drugs containing zolpidem. 10/1/2013. Sur www.fda.gov 2. Huedo-Medina TB, Kirsch I, Middlemass J, Klonizakis M, Siriwardena AN. Effectiveness of non-benzodiazepine hypnotics in treatment of adult insomnia : meta-analysis of data submitted to the Food and Drug Administration. BMJ. 2013;345:e8343. 1. Vidal Pro électronique. MÉDECINE mars 2013 115