DOI : 10.1684/med.2013.0941
THÉRAPEUTIQUES
Michel Gerson
Centre hospitalier
de Colmar
Brèves de pharmacovigilance
Tétrazépam : un risque
cutané inacceptable
Le tétrazépam (Myolastan®, Panos®et génériques) est
une benzodiazépine indiquée dans le « traitement des
contractures musculaires douloureuses en rhumatolo-
gie (en association aux traitements spécifiques) ».
SMR insuffisant...
Dès 1999, la Commission de la Transparence avait cré-
dité le tétrazépam d’un service médical rendu faible.
Elle l’avait qualifié d’insuffisant en 2005 [1]. Ce même
avis avait été renouvelé en 2010 avec une proposition
de déremboursement [2]. Il y était noté que « le rap-
port efficacité/effets indésirables de Myolastan®[était]
défavorable ». Les spécialités à base de tétrazépam
ont été effectivement déremboursées en décembre
2011.
C’est aussi en 2011 que l’ANSM a décidé l’ouverture
d’une enquête officielle de pharmacovigilance confiée
au Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de
Bordeaux et présentée le 20 novembre à la Commis-
sion nationale de pharmacovigilance (CNPV) [3, 4].
Cette enquête a analysé les 1 616 notifications d’ef-
fets indésirables colligés depuis la mise sur le marché.
Les affections cutanées représentent la moitié des
cas notifiés : 827, dont 310 graves. Il s’y ajoute 72 cas
dont 35 effets cutanés transmis par 3 laboratoires.
Effets indésirables notifiés
Comme avec les autres benzodiazépines, des effets
neuropsychiques (coma, somnolence, convulsions,
confusion, désorientation) ont été notifiés. Mais ce qui
distingue le tétrazépam des autres benzodiazépines
est le nombre élevé d’effets indésirables cutanés.
Effets indésirables cutanés parfois
d'évolution mortelle
Au total, parmi les toxidermies graves, l’équipe borde-
laise a dénombré 40 syndromes de Lyell dont 11
d’évolution mortelle, 34 cas de syndrome de Stevens-
Johnson dont un d’évolution mortelle, 63 cas d’éry-
thème polymorphe dont un d’évolution mortelle, 5 cas
de pustulose exanthématique aiguë généralisée et
19 cas de DRESS (voir ci-dessous). Il a aussi été ob-
servé 118 cas d’urticaire dont 21 sévères avec
œdème de Quincke et 19 cas d’angiœdème. Les au-
tres effets cutanés sont souvent des éruptions de ty-
pes variés : maculopapuleuse le plus souvent, et aussi
vésiculeuse, pustuleuse, purpurique ou bulleuse. Il
s’agit vraisemblablement d’un mécanisme d’hyper-
sensibilité retardée de type IV comme le montrent des
patch-tests positifs.
Six professionnels de santé (5 infirmiers et une aide-
soignante) ont souffert de lésions cutanées rythmées
par la vie professionnelle. Il s’agissait de lésions
diverses parfois eczématiformes touchant les mains
et parfois le visage et les avant-bras. Ces soignants
manipulaient des comprimés de tétrazépam : section,
broyage au mortier pour administration à des sujets
ayant des difficultés à avaler. Dans les 6 cas, le patch-
test a été positif pour le tétrazépam.
L’enquête officielle a identifié 115 cas ayant eu un bi-
lan allergologique. Il y a eu 69 % de tests positifs au
tétrazépam dont 58 % exclusivement positifs avec
cette benzodiazépine.
Le rapporteur devant la CNPV a conclu
à un risque inacceptable
Il a proposé à la CNPV une suspension de l’AMM et
a été suivi par la majorité de la Commission, mais pas
par l’ANSM, qui a seulement demandé un arbitrage
au Comité européen de pharmacovigilance. Dans d’au-
tres dossiers plus médiatisés, l’ANSM a pourtant su
procéder à une suspension d’AMM. Deux poids, deux
mesures selon que le dossier fait ou non la Une des
médias grand public ?
Mots clés : benzodiazépines, toxidermies [Benzodia-
zepines; Drug Eruptions]
Références :
1. Myolastan 50 mg. Commission de la transparence. Avis du 14 décembre
2005. www.has-sante.fr
2. Myolastan 50 mg. Commission de la transparence. Avis du 17 novembre
2010. www.has-sante.fr
3. Enquête sur les effets indésirables du tétrazépam. CRPV Bordeaux.
11/01/2013. Sur www.ansm.sante.fr
4. Extrait de la CNPV du 20/11/2012. Enquête sur les effets indésirables du
tétrazépam. Sur www.ansm.sante.fr
Le syndrome
d'hypersensibilité
médicamenteuse ou DRESS
Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou
DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic
Symptom) est un effet indésirable grave d’individuali-
sation récente puisque cet acronyme a été introduit en
1996. Une équipe française a analysé les 172 cas
qu’elle a identifiés dans la littérature de 1997 à 2009 [1].
Le DRESS est un effet indésirable parfois mortel qui
associe une éruption cutanée sévère, de la fièvre, des
anomalies hématologiques (éosinophilie ou lymphocy-
tes atypiques) et des atteintes de divers organes. L’at-
teinte la plus fréquente est celle du foie avec élévation
des enzymes hépatiques ou hépatomégalie. Des at-
teintes rénales, pulmonaires ou myocardiques ont
également été observées. Un mécanisme de réacti-
vation virale a été suggéré.
La mortalité est de l’ordre de 10 %.
La survenue du DRESS est retardée de 2 à 6 semai-
nes après l’introduction du médicament responsable.
Le DRESS peut s’aggraver malgré l’arrêt de ce médi-
cament. En présence de signes de gravité, une corti-
cothérapie est indiquée.
114 MÉDECINE mars 2013
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017.