2 Eurosurveillance – 2004 Vol 9 Issue 12 – http://www.eurosurveillance.org
Manifestations cliniques
Après une phase d’incubation de 3 à 5 jours (extr. : 1-25 jours),
sept formes cliniques peuvent être observées. Ces formes
dépendent de la porte d’entrée (peau, muqueuses, tractus
gastro-intestinal, yeux, voies respiratoires), de la dose de
l’inoculum et de la virulence de la bactérie (type A ou B) [1,2]
(TABLEAU I). Les différentes présentations de la maladie sont
les suivantes : pulmonaire, ulcéro-ganglionnaire, typhoïde,
ganglionnaire, oculo-ganglionnaire, oropharyngée et
septicémique. Après inoculation, F. tularensis est phagocytée
par des macrophages où elle se multiplie.
Quelle que soit la forme clinique, la phase d'invasion est
généralement brutale et caractérisée par de la fièvre, des
frissons, des myalgies, des arthralgies, des céphalées, une
rhinite, des maux de gorge, et parfois une dissociation pouls-
température, des nausées, des vomissements et une diarrhée.
La forme pulmonaire résulte habituellement de l'inhalation
directe de bactéries aérosolisées (pneumonie primaire ou
tularémie d’inhalation) ou est secondaire à une bactériémie
provenant d'une autre porte d'entrée (pneumonie secondaire)
[6,14]. Aux États-Unis, environ 10% à 20% des patients
atteints d’une tularémie ont une forme pulmonaire [8,12,14].
En Suède, pendant l’épidémie de tularémie de 2000, plus de
5% des patients auraient contracté une pneumopathie [4]. Il
semblerait que la tularémie d’inhalation soit plus fréquente
dans les zones endémiques que dans les zones émergentes [4].
L’exposition par inhalation se traduit habituellement par un
syndrome pseudo-grippal aigu sans signe manifeste d'atteinte
des voies respiratoires.
La présentation clinique est caractérisée par de la fièvre, des
frissons, des céphalées, des douleurs musculaires, des douleurs
articulaires, une toux non productive, une pharyngite, et des
douleurs pleurales. Les signes d’atteinte respiratoire peuvent
toutefois être minimes, voire absents. La radiographie
pulmonaire révèle souvent un infiltrat péribronchique qui
évolue typiquement vers une bronchopneumonie, des
épanchements pleuraux et des adénopathies périhilaires. Une
pneumopathie interstitielle, des lésions cavitaires, une fistule
bronchopleurale et des calcifications ont également été
observés chez certains patients. La numération globulaire est
souvent normale. Une progression vers une pneumopathie
sévère avec détresse respiratoire, hémoptysie, insuffisance
respiratoire, septicémie et décès peut survenir en l'absence d’un
traitement approprié.
Les principaux diagnostics différentiels sont des maladies dues
à d’autres agents de bioterrorisme, telles que la peste et le
charbon pulmonaire (même si ces affections ont une évolution
plus rapide que la tularémie) ou la fièvre Q.
Le diagnostic de tularémie due à une dissémination
intentionnelle serait avancé au cas où un grand nombre de
patients présenteraient une pneumonie atypique.
La forme ulcéro-ganglionnaire (75% à 85%) représente la
forme la plus fréquemment observée chez les patients ayant une
tularémie [4,5]. Elle survient après manipulation de carcasses
contaminées ou après piqûre/morsure d'arthropode.
Typiquement, une papule locale apparaît au point d'inoculation
et est associée à des symptômes tels que de la fièvre et des
douleurs. La lésion, qui peut être prurigineuse, évolue vers une
pustule, laquelle se rompt secondairement et se transforme en
ulcération douloureuse, peu évolutive, pouvant prendre un
aspect d’escarre. Les ulcérations sont habituellement des
lésions uniques, de 0,4 à 3,0 cm de diamètre. Une éruption
vésiculo-papulaire localisée peut également être constatée. Les
lésions acquises après manipulation d'animaux infectés sont
habituellement situées sur les membres supérieurs, alors que celles
acquises par piqûres/morsures d'arthropodes touchent
généralement les membres inférieurs. La lésion est associée au
gonflement douloureux d’un ou plusieurs ganglions lymphatiques
régionaux, qui peuvent devenir fluctuants et se rompre en libérant
une substance caséeuse. Souvent, la maladie continue à progresser,
en dépit d’une antibiothérapie adaptée. Habituellement, cette
forme de la maladie n’entraîne aucune affection sévère ni
complication. Les adénopathies peuvent durer jusqu'à 3 ans.
La forme ganglionnaire (5% à 10%) est caractérisée par la
présence d'adénopathies dans un contexte fébrile, sans ulcération.
La forme oculo-ganglionnaire (1% à 2%) survient après contact
aérosolisé, auto-inoculation ou après nettoyage de carcasses
animales infectées. L’ulcération de la cornée provoque une
conjonctivite purulente, un chémosis, un oedème périorbitaire, des
nodules ou ulcérations conjonctivaux, ainsi que des douleurs, et
peut s'accompagner d'adénopathies préauriculaires ou cervicales
douloureuses [1,15].
La forme oropharyngée (25%) est observée après ingestion d'eau
ou d'aliments contaminés, par inoculation directe des mains vers la
bouche ou plus rarement par inhalation de gouttelettes ou
particules aérosolisées contaminées. Les sujets atteints peuvent
développer une stomatite, mais présentent plus fréquemment une
pharyngite exsudative ou une amygdalite s'accompagnant ou non
d'ulcérations muqueuses douloureuses. Un abcès rétropharyngé ou
une adénite suppurée régionale peut être observé.
La forme typhoïde désigne un syndrome pseudo-grippal non
spécifique, d'apparition aiguë, s’accompagnant souvent de diarrhée
et de vomissements, de céphalées, de frissons, de myalgies et
d’arthralgies, d’une prostration et d’un amaigrissement. Aucun
signe clinique n’indique la porte d’entrée, ni la localisation
anatomique de l’infection. Cette forme peut faire suite à l'ingestion
ou à l'inhalation de F. tularensis. Pneumopathie, lésions cutanées
et/ou muqueuses et adénopathies régionales sont habituellement
absentes de ce tableau clinique.
La forme septicémique est potentiellement sévère et mortelle.
Toutes les formes de tularémie peuvent se compliquer d'une
septicémie. Des signes non spécifiques tels que fièvre, douleurs
abdominales, diarrhée, et vomissements peuvent être observés à un
stade précoce de la septicémie. Une dissociation pouls-température
est constatée dans moins de 50% des cas. Puis, le plus souvent, les
patients semblent être toxiques et peuvent évoluer vers un choc
septique avec coagulation intravasculaire disséminée, hémorragies,
syndrome de détresse respiratoire aiguë, confusion, défaillance
d'organes et coma.
Une péricardite peut compliquer les deux syndromes [2]. Les
hépatites modérées sont fréquentes. Des érythèmes noueux,
entérites, appendicites, péritonites et méningites ont plus rarement
été signalés [2,16-18].
En l’absence d’antibiothérapie, le taux de mortalité globale pour
les tularémies dues au type A est de 8% (extr. : 5 à 15%) : 4% pour
la forme ulcéro-ganglionnaire et 30% à 50% pour les formes
typhoïde, septicémique et pulmonaire. Avec un traitement
approprié, la mortalité est ramenée à 1%. Les infections dues au
type B sont rarement mortelles [1,2].
Diagnostic
La suspicion fondée sur le diagnostic clinique demeure essentielle.
Néanmoins, en cas d'épidémie, le premier cas de tularémie n'est
pas toujours facilement diagnostiqué. Les définitions de cas
relatives aux cas suspects ou confirmés, ainsi qu’aux cas dus à une