La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. V - septembre-octobre 2002
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VOCABULAIRE
Les différentes espèces d’hélicobacters
D. Lamarque*
elicobacter pylori a été découvert en 1983, un peu
par hasard, car il était admis qu’aucune bactérie
ne pourrait survivre longtemps au contact de l’aci-
dité gastrique. Cette découverte a laissé sceptique le monde médi-
cal plusieurs années jusqu’à ce que le rôle pathogène de la bac-
térie ait été montré tout en révélant un champ d’exploration dans
le domaine de l’infection chronique du tube digestif par des bac-
téries pathogènes. Ces dix dernières années, de nombreux tra-
vaux ont précisé comment Helicobacter pylori pouvait provoquer
une réaction inflammatoire locale persistant des années sans par-
venir à l’élimination de la bactérie. La découverte de Helicobac-
ter pylori a été aussi celle d’un nouveau genre bactérien qui, avec
les progrès de la microbiologie, a vu s’accroître considérable-
ment le nombre d’espèces isolées dans l’estomac de nombreux
mammifères, du plus petit rongeur jusqu’au guépard, en passant
par le dauphin.
PATHOLOGIES INDUITES PAR DES HÉLICOBACTERS
CHEZ LANIMAL
La pathologie provoquée par une autre espèce de Helicobacter a
été initialement décrite chez des souris de laboratoires, coloni-
sées par Helicobacter felis,qui développaient une gastrite chro-
nique et, chez certaines races, un lymphome.
Ensuite, la découverte chez la souris d’autres espèces de Helico-
bacter colonisant d’autres segments du tube digestif a ouvert un
nouveau champ d’exploration concernant la pathogénie de mala-
die inflammatoire chronique. La réaction inflammatoire chro-
nique éventuellement provoquée par ces bactéries pourrait rendre
compte de certains cas de cholangite, d’hépatite ou d’entéro-
colite inflammatoire dont la pathogénie est encore inconnue. La
colonisation de l’épithélium biliaire par Helicobacter hepaticus
a été rendue responsable d’une hépatite chronique et de tumeurs
hépatiques chez la souris (1). La carcinogenèse induite par Heli-
cobacter hepaticus emprunte des voies communes à celles
induites par Helicobacter pylori dans l’estomac. L’inflammation
chronique provoque la libération de radicaux libres qui altèrent
les gènes régulant le cycle cellulaire. Cependant, ces pathologies
ne surviennent que chez certaines souches de souris, et la diffu-
sion de l’infection dépend de l’interaction d’une espèce de Heli-
cobacter avec un hôte (2). Une colonisation colique a été décrite
avec Helicobacter rodentium,bilis ou hepaticus et des modèles
de colites inflammatoires ont été développés chez des souris
immunodéprimées (3). L’un de ces modèles, dont le gène de l’in-
terleukine 10 a été inactivé, développe une réaction inflamma-
toire colique qui a de multiples analogies avec celles des entéro-
colites humaines. Cependant, ce modèle a beaucoup perdu de son
intérêt du fait de l’inefficacité de l’interleukine 10 dans la modu-
lation des colites inflammatoires chez l’homme. Plus récemment
et plus proche de la pathologie humaine, deux nouvelles espèces
d’hélicobacters ont été trouvées chez des singes rhésus ayant une
colite inflammatoire spontanée (4). Cette découverte a incité la
recherche d’espèces d’hélicobacters entéropathogènes dans l’or-
ganisme humain.
LA RECHERCHE D’UN HÉLICOBACTER
ENTÉROPATHOGÈNE CHEZ L’HOMME
Chez l’homme, différentes espèces d’hélicobacters (canadensis,
pullorum, canis, rappini, fennelliae, cinaedi) ont pu être isolées
dans les selles de patients ayant de la diarrhée. Cependant,
l’homme peut être un hôte transitoire de ces espèces et, dans les
cas décrits, il n’a pas pu être montré que l’infection était chro-
nique ni qu’elle pouvait être à l’origine d’une maladie inflam-
matoire intestinale (5). En fait, si l’on se réfère à l’infection par
Helicobacter pylori chez l’homme, la recherche d’un éventuel
hélicobacter dans le tube digestif doit s’affranchir de nombreuses
difficultés techniques. La nouvelle espèce bactérienne devrait
évoluer dans le mucus au contact de l’épithélium et, en principe,
ne pas survivre dans la lumière digestive, rendant très difficile
son isolement par examen des selles. Comme pylori,cette bac-
térie pourrait être fragile et nécessiter des techniques de culture
très sélectives pour éliminer la flore bactérienne. À ce jour, aucun
hélicobacter n’a pu être isolé à partir de fragments de paroi diges-
tive ou biliaire d’origine humaine. Les travaux décrivant un héli-
H
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Bichat, Paris.
La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. V - septembre-octobre 2002 247
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cobacter bilio-digestif ont utilisé des techniques d’amplification
génomiques. Des fragments d’ADN du genre hélicobacter ont
été trouvés dans la vésicule biliaire chez plus de la moitié de
23sujets à risque de cancer des voies biliaires (6). Ces méthodes
ne sont pas satisfaisantes, car elles sont trop sensibles et suscep-
tibles d’être faussées par Helicobacter pylori ou d’autres espèces
présentes transitoirement dans l’organisme. Actuellement, de
nombreuses équipes essaient d’isoler un hélicobacter entéropa-
thogène en employant l’amplification génomique comme une
technique de dépistage préalable à l’isolement de la bactérie. La
recherche d’un hélicobacter responsable d’une entérocolite a été
stimulée par la découverte d’une mutation du gène
NOD2/CARD15 qui interfère avec la réponse inflammatoire aux
bactéries chez les malades atteints de maladie de Crohn (7). Il est
probable que les mois à venir permettront de déterminer l’éven-
tuel rôle d’un hélicobacter dans ces pathologies.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Ward JM, Fox JG, Anver MR et al. Chronic active hepatitis and associated
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Kullberg MC, Rothfuchs AG, Jankovic D et al. Helicobacter hepaticus-induced
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Fox JG, Handt L, Xu S et al. Novel Helicobacter species isolated from rhesus
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Andersen LP. New Helicobacter species in humans. Dig Dis 2001 ; 19 : 112-5.
6.
Rudi J, Rudy A, Maiwald M, Stremmel W. Helicobacter sp. are not detectable
in bile from German patients with biliary disease. Gastroenterology 1999 ; 116 :
1016-7.
7.
Hampe J, Grebe J, Nikolaus S et al. Association of NOD2 (CARD 15) genotype
with clinical course of Crohn’s disease : a cohort study. Lancet 2002 ; 359 : 1661-5.
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