V O C A B U L A I R E Les différentes espèces d’hélicobacters ● D. Lamarque* elicobacter pylori a été découvert en 1983, un peu par hasard, car il était admis qu’aucune bactérie ne pourrait survivre longtemps au contact de l’acidité gastrique. Cette découverte a laissé sceptique le monde médical plusieurs années jusqu’à ce que le rôle pathogène de la bactérie ait été montré tout en révélant un champ d’exploration dans le domaine de l’infection chronique du tube digestif par des bactéries pathogènes. Ces dix dernières années, de nombreux travaux ont précisé comment Helicobacter pylori pouvait provoquer une réaction inflammatoire locale persistant des années sans parvenir à l’élimination de la bactérie. La découverte de Helicobacter pylori a été aussi celle d’un nouveau genre bactérien qui, avec les progrès de la microbiologie, a vu s’accroître considérablement le nombre d’espèces isolées dans l’estomac de nombreux mammifères, du plus petit rongeur jusqu’au guépard, en passant par le dauphin. H PATHOLOGIES INDUITES PAR DES HÉLICOBACTERS CHEZ L’ANIMAL La pathologie provoquée par une autre espèce de Helicobacter a été initialement décrite chez des souris de laboratoires, colonisées par Helicobacter felis, qui développaient une gastrite chronique et, chez certaines races, un lymphome. Ensuite, la découverte chez la souris d’autres espèces de Helicobacter colonisant d’autres segments du tube digestif a ouvert un nouveau champ d’exploration concernant la pathogénie de maladie inflammatoire chronique. La réaction inflammatoire chronique éventuellement provoquée par ces bactéries pourrait rendre compte de certains cas de cholangite, d’hépatite ou d’entérocolite inflammatoire dont la pathogénie est encore inconnue. La colonisation de l’épithélium biliaire par Helicobacter hepaticus a été rendue responsable d’une hépatite chronique et de tumeurs hépatiques chez la souris (1). La carcinogenèse induite par Helicobacter hepaticus emprunte des voies communes à celles * Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Bichat, Paris. 246 induites par Helicobacter pylori dans l’estomac. L’inflammation chronique provoque la libération de radicaux libres qui altèrent les gènes régulant le cycle cellulaire. Cependant, ces pathologies ne surviennent que chez certaines souches de souris, et la diffusion de l’infection dépend de l’interaction d’une espèce de Helicobacter avec un hôte (2). Une colonisation colique a été décrite avec Helicobacter rodentium, bilis ou hepaticus et des modèles de colites inflammatoires ont été développés chez des souris immunodéprimées (3). L’un de ces modèles, dont le gène de l’interleukine 10 a été inactivé, développe une réaction inflammatoire colique qui a de multiples analogies avec celles des entérocolites humaines. Cependant, ce modèle a beaucoup perdu de son intérêt du fait de l’inefficacité de l’interleukine 10 dans la modulation des colites inflammatoires chez l’homme. Plus récemment et plus proche de la pathologie humaine, deux nouvelles espèces d’hélicobacters ont été trouvées chez des singes rhésus ayant une colite inflammatoire spontanée (4). Cette découverte a incité la recherche d’espèces d’hélicobacters entéropathogènes dans l’organisme humain. LA RECHERCHE D’UN HÉLICOBACTER ENTÉROPATHOGÈNE CHEZ L’HOMME Chez l’homme, différentes espèces d’hélicobacters (canadensis, pullorum, canis, rappini, fennelliae, cinaedi) ont pu être isolées dans les selles de patients ayant de la diarrhée. Cependant, l’homme peut être un hôte transitoire de ces espèces et, dans les cas décrits, il n’a pas pu être montré que l’infection était chronique ni qu’elle pouvait être à l’origine d’une maladie inflammatoire intestinale (5). En fait, si l’on se réfère à l’infection par Helicobacter pylori chez l’homme, la recherche d’un éventuel hélicobacter dans le tube digestif doit s’affranchir de nombreuses difficultés techniques. La nouvelle espèce bactérienne devrait évoluer dans le mucus au contact de l’épithélium et, en principe, ne pas survivre dans la lumière digestive, rendant très difficile son isolement par examen des selles. Comme pylori, cette bactérie pourrait être fragile et nécessiter des techniques de culture très sélectives pour éliminer la flore bactérienne. À ce jour, aucun hélicobacter n’a pu être isolé à partir de fragments de paroi digestive ou biliaire d’origine humaine. Les travaux décrivant un héli- La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. V - septembre-octobre 2002 V O C A B U cobacter bilio-digestif ont utilisé des techniques d’amplification génomiques. Des fragments d’ADN du genre hélicobacter ont été trouvés dans la vésicule biliaire chez plus de la moitié de 23 sujets à risque de cancer des voies biliaires (6). Ces méthodes ne sont pas satisfaisantes, car elles sont trop sensibles et susceptibles d’être faussées par Helicobacter pylori ou d’autres espèces présentes transitoirement dans l’organisme. Actuellement, de nombreuses équipes essaient d’isoler un hélicobacter entéropathogène en employant l’amplification génomique comme une technique de dépistage préalable à l’isolement de la bactérie. La recherche d’un hélicobacter responsable d’une entérocolite a été stimulée par la découverte d’une mutation du gène NOD2/CARD 15 qui interfère avec la réponse inflammatoire aux bactéries chez les malades atteints de maladie de Crohn (7). Il est probable que les mois à venir permettront de déterminer l’éventuel rôle d’un hélicobacter dans ces pathologies. ■ L A R I É F É R E N C E S R E B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Ward JM, Fox JG, Anver MR et al. Chronic active hepatitis and associated liver tumors in mice caused by a persistent bacterial infection with a novel Helicobacter species. J Natl Cancer Inst 1994 ; 86 : 1222-7. 2. Ihrig M, Schrenzel MD, Fox JG. Differential susceptibility to hepatic inflammation and proliferation in AXB recombinant inbred mice chronically infected with Helicobacter hepaticus. Am J Pathol 1999 ; 155 : 571-82. 3. Kullberg MC, Rothfuchs AG, Jankovic D et al. Helicobacter hepaticus-induced colitis in interleukin-10-deficient mice : cytokine requirements for the induction and maintenance of intestinal inflammation. Infect Immun 2001 ; 69 : 4232-41. 4. Fox JG, Handt L, Xu S et al. Novel Helicobacter species isolated from rhesus monkeys with chronic idiopathic colitis. J Med Microbiol 2001 ; 50 : 421-9. 5. Andersen LP. New Helicobacter species in humans. Dig Dis 2001 ; 19 : 112-5. 6. Rudi J, Rudy A, Maiwald M, Stremmel W. Helicobacter sp. are not detectable in bile from German patients with biliary disease. Gastroenterology 1999 ; 116 : 1016-7. 7. Hampe J, Grebe J, Nikolaus S et al. Association of NOD2 (CARD 15) genotype with clinical course of Crohn’s disease : a cohort study. Lancet 2002 ; 359 : 1661-5. Nos Nos lettres lettres écrivent écrivent le le présent présent et et l’avenir… l’avenir… V I V A C T I S La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. V - septembre-octobre 2002 M E D I A 247