Faut-il craindre les hormones chez les femmes mutées ? – Do we

12 | La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009
Prédispositions génétiques au cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
Mais, vous, docteur, êtes-vous pour ou contre
le traitement hormonal ?” Mais… les choses ne
se présentent jamais ainsi, ni dans la population
générale, ni en cas d’hérédité de cancer du sein. Plutôt
que de risquer une généralisation improbable, il est
plus judicieux de partir du cas particulier et d’essayer
d’estimer autant que faire se peut les conséquences
positives et négatives du traitement en même temps
que leurs perceptions, pour parvenir à un “terrain
d’entente” selon les principes de la médecine dite
evidence-based. Nous nous limitons ici aux exposi-
tions aux stéroïdes sexuels chez les femmes indemnes,
qui ont une mutation délétère sur l’un des deux gènes
(BRCA1 ou BRCA2) le plus souvent en cause dans
les syndromes mammaires héréditaires. La difficulté
vient à la fois du nombre de paramètres à prendre
en considération, du caractère très approximatif
de la plupart de nos estimations, de la complexité
qui se cache derrière le mot “risque”, qui peut être
concrétisée (du côté du médecin) par les diverses
façons de le mesurer : risque relatif (RR), hazard-ratio
(HR), odds-ratio (OR), standard incidence ratio (SIR).
La difficulté vient aussi de l’intrication de mesures
objectives” traduites par nos chiffres avec les
appréciations subjectives de la patiente mais aussi
du médecin. Mais après tout, n’en est-il pas toujours
ainsi en médecine ?
Les femmes qui ont une mutation délétère de BRCA1
ou de BRCA2 sont confrontées au risque le plus impor-
tant de cancer du sein et de l’ovaire qui soit actuel-
lement identifié. Les risques sont clairement liés à
l’âge, de l’ordre de 2 % par an au maximum dans la
tranche d’âge 40-60 ans pour le cancer du sein. Pour
le cancer de l’ovaire, les risques diffèrent entre les
deux gènes, avec un risque moindre et plus tardif
pour BRCA2 que BRCA1. La variabilité des pénétrances
selon les familles et les modalités du recrutement, la
variabilité des âges de survenue de la maladie, l’aug-
mentation de la pénétrance avec l’année de nais-
sance nous rappellent que les cancers du sein sont des
pathologies hétérogènes et d’origine multifactorielle,
l’anomalie génétique n’étant qu’une prédisposition
parmi d’autres, même si elle peut être particulière-
ment lourde. Il était logique que les épidémiologistes
s’attachent à regarder, en cas de mutation BRCA1/2,
les conséquences des expositions habituellement
associées au risque de cancer du sein. Compte tenu
de la relative rareté des syndromes BRCA1/2 et du
recul faible, les données sont nécessairement plus
limitées que pour les formes sporadiques.
La pilule contraceptive
Une augmentation du risque de cancer du sein spora-
dique est décrite pour les utilisatrices de la pilule, en
particulier pour les utilisations prolongées avant la
première grossesse menée à terme. Cette augmenta-
tion persiste quelques années après l’arrêt (1). Le RR est
faible, le risque absolu est lié à l’âge, il est chiffré dans
la métaanalyse de 1996 à 0,5 cas supplémentaire pour
une utilisation de 16 à 19 ans, 1,5 cas pour 20 à 24 ans
et 4,7 pour 25 à 29 ans pour 10 000 femmes et jusque
10 ans après l’arrêt (1). Les études récentes sont rassu-
rantes, est-ce à cause des baisses des dosages au fil des
années ? Deux grandes études de cohorte (2) ne voient
pas de différence du risque de cancer du sein selon la
prise ou non de pilule, sans exclure complètement une
augmentation de l’ordre de celle décrite en 1996. La
pilule contraceptive est associée à une augmentation
du risque de certains cancers (col utérin) et à une dimi-
nution d’autres (ovaire). Dans notre pays, l’effet global
sur les cancers serait plutôt favorable (2). On rappelle
que la pilule est associée à une réduction prolongée de
l’incidence des cancers de l’ovaire, qui baisse de 1,2 à
0,8 avant 75 ans pour 100 utilisatrices pendant 10 ans
(3). Apparemment, il n’y a pas de différence entre les
anes 1960 et 1980, sugrant l’absence de différence
sur le risque ovarien en fonction des dosages.
Les informations dont nous disposons au sujet du
Faut-il craindre les hormones
chez les femmes mutées ?
Do we have to be afraid of hormones for the mutation carriers?
P. Vennin*
* Centre Oscar-Lambret, 3, rue
Frédéric-Combemale, BP 307, 59020
Lille Cedex.
14 | La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009
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DOSSIER THÉMATIQUE
risque de cancer du sein avec la pilule chez les femmes
mutées sont, il faut bien le dire, complètement contra-
dictoires. Les quelques études rétrospectives publiées
décrivent parfois une augmentation du risque pour
les deux gènes BRCA1 et BRCA2 (4), d’autres une
réduction du risque pour BRCA1 et une augmentation
pour BRCA2 (5) et d’autres le contraire (6). Pour finir,
une étude cas-témoins récente ne voit pas du tout de
différence de risque de cancer du sein avec ou sans
pilule (7). Dans l’ensemble, on ne voit pas de relation
dose-effet et les différences, lorsqu’elles existent, sont
peu ou pas significatives. Léventuelle augmentation
du RR de cancer du sein, qui de toute façon reste faible
en valeur absolue vu les âges concernés, doit bien
sûr être mise en balance avec les avantages indénia-
bles de cette contraception, largement employée et
pratique pour les jeunes et très jeunes femmes, sans
oublier la réduction du risque de cancer de l’ovaire en
cas de mutation BRCA1/2 qui est plus reproductible
et plus nette que les conséquences éventuelles sur
le risque de cancer du sein. Cette réduction paraît
très logiquement indépendante du gène en question.
Dans une étude cas-témoins (8) issue d’un registre
international de mutations BRCA1/2 (3 223 femmes
de 10 pays), la contraception orale réduit le risque de
cancer de l’ovaire aussi bien avec BRCA1 (OR : 0,56 ;
IC
95
: 0,45-0,71) qu’avec BRCA2 (OR : 0,39 ; IC
95
:
0,23-0,66).
Traitement hormonal
de la ménopause et traitement
hormonal substitutif (THM et THS)
Les conséquences positives immédiates sur les bouffées
de chaleur et les sueurs nocturnes sont connues depuis
1930. Les conséquences à long terme sur l’ostéoporose et
le risque fracturaire sont probablement les mieux docu-
mentées et les plus reproductibles. Les risques d’accident
vasculaire cérébral, de thrombose, d’embolie pulmonaire,
d’accident coronarien, de calcul vésiculaire sont varia-
bles selon les études, les modalités d’administration, les
produits, l’âge et le risque de base. Le risque de cancer
du sein induit par le THM était identifié bien avant les
études de la Women Health Initiative (WHI). Le risque de
cancer du sein pour les utilisatrices en cours ou récentes,
augmentant avec la durée du traitement et diminuant
avec le poids était clairement décrit dans la métaana-
lyse de 1997 (9). La relation dose-effet, de même que le
parallèle des risques entre une année d’exposition aux
hormones exogènes du THM et endogènes liées à une
ménopause naturellement tardive laissait peu de doute
sur la relation causale entre THM et cancer du sein (9).
L’hypothèse première de l’étude WHI était d’ailleurs
l’évaluation de la réduction des accidents cardiaques
dont tout le monde était alors à peu près convaincu.
Leffet de surprise des essais WHI est donc venu davan-
tage des inconvénients cardiaques que mammaires.
Bien entendu, les conséquences du traitement
combiné Premarin®-acétate de médroxyprogestérone,
chez des femmes américaines en surpoids (70 % ont
un IMC ≥ 25) et âgées en moyenne de 63 ans à l’en-
trée dans l’étude, ne sont sûrement pas directement
extrapolables aux associations estrogène en patch et
progestérone naturelle, généralement utilisées en
France lors de l’installation de la ménopause. Elles
sont encore moins extrapolables aux estrogènes
“naturels” (estrogènes conjugués équins) utilisés seuls
qui dans l’étude WHI des femmes hystérectomisées
réduisaient plutôt le risque de cancer du sein (HR :
0,77 ; IC95 : 0,59-1,01). Létude prospective de cohorte
E3N a commencé en France en 1990, 2 354 cas de
cancer du sein sont survenus parmi 80 377 femmes
ménopausées (10). Le risque de cancer du sein est
augmenté avec les estrogènes seuls (HR : 1,29 ; IC
95
:
1,02-1,65) et avec les associations estroprogestatives.
Le risque varie selon le progestatif, et est apparem-
ment absent avec la progestérone (HR : 1,00 ; IC95 :
0,83-1,22) et la dydrogestérone (HR : 1,16 ; IC
95
: 0,94-
1,43). Avec les autres progestatifs, l’augmentation est
significative (HR : 1,69 ; IC95 : 1,50-1,91) et le risque
augmente avec la durée du traitement (10).
Difficile de toute façon d’imaginer que les produits
utilisés en France soient totalement innocents, vu la
chute “paradoxale” de l’incidence des cancers du sein
en 2005-2006 alors que le dépistage s’organisait sur le
plan national (11). Cette réduction très nette de l’inci-
dence (-6 % entre 2004 et 2005 et -5,3 % entre 2005
et 2006 pour les femmes de plus de 50 ans), mesurée
en France d’après le nombre des affections de longue
durée (ALD), a d’abord été observée aux États-Unis,
puis en Allemagne et en Suisse, mais pas dans tous les
pays (12). À noter que, contrairement aux registres,
les ALD comptent probablement les “carcinomes”
in situ pour environ 10 % du total (11). Compte tenu
de la corrélation temporelle entre la chute brutale de
l’utilisation des THM (chiffrée à 62 % entre 2002 et
2006 en France [11]) et celle du nombre de cancers
du sein, le rapprochement est évidemment tentant
d’autant que la chute ne concerne que les tumeurs
RH+. Le débat reste cependant ouvert(1) quant à la
part respective des THM, de la baisse (modérée) du
nombre de mammographies de dépistage aux États-
Unis, de l’augmentation (modeste) de l’utilisation
des modulateurs spécifiques du récepteur des estro-
gènes (SERM), mais surtout des conséquences des
(1)
Une étude récente vient corroborer
la relation de causalité entre THM et
cancer du sein aux États-Unis (Chle-
bowski RT, Kuller LH, Prentice RL et al.
Breast cancer after use of estrogen plus
progestin in postmenopausal women.
N Engl J Med 2009;360:573-87).
La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009 | 15
DOSSIER THÉMATIQUE
mammographies de dépistage. Il est possible que la
diminution de l’incidence des cancers du sein dans les
pays où le dépistage est implanté depuis longtemps
soit liée à un effet de “saturation” ou de “plateau”
du dépistage et qu’elle ait pu précéder la baisse liée
au THM. Le débat n’est pas clos d’autant qu’il s’agit
d’analyses post hoc à partir d’études descriptives et
que les deux facteurs (THM et dépistage) essentiel-
lement en discussion ont probablement eu un impact
différent selon les pays du fait de la variabilité de leur
utilisation. Une chute du nombre de tumeurs du sein
aussi rapide après celle du nombre d’utilisatrices de
THM évoque un effet de type “promoteur”, c’est-à-
dire tardif dans la cancérogenèse et ne surprend pas
si l’on se souvient que le surrisque est concentré sur
les traitements en cours et qu’il disparaît rapidement
après l’arrêt du THM.
Les THM augmentent modérément donc mais indénia-
blement le risque de cancer du sein en situation standard
(dans la WHI, le risque est de 6 cas supplémentaires
annuels pour 10 000 femmes traitées). Tout le monde
a maintenant compris que ces traitements ne sont pas
des panacées mais d’excellents traitements symptoma-
tiques de la ménopause avec un rapport bénéfice-risque
global à long terme sans doute à peu près neutre, du
moins en risque habituel. Les THM n’augmentent pas le
risque de n’importe quel cancer du sein. Un diagnostic
de cancer du sein n’est pas une bonne nouvelle, mais
les études de cohortes récentes (pas la WHI) décrivent
une augmentation pour les tumeurs plutôt différen-
ciées, lobulaires, récepteurs stéroïdiens positifs et donc
associés à une meilleure survie.
Le traitement hormonal de la ménopause est peu
employé par les femmes indemnes qui se connaissent
une mutation BRCA1/2. Le plus souvent, le THS se
discute après ovariectomie chez une femme en acti-
vité génitale. La chirurgie préventive annexielle est en
effet retenue par la plupart des femmes qui ont une
mutation BRCA1/2 lorsqu’elles ont compris les limites
du dépistage des cancers de l’ovaire, la gravité de la
maladie et l’efficacité de la procédure chirurgicale. La
question pour une femme qui se sait mutée BRCA1/2
n’est pas tant l’indication de l’annexectomie que son
moment. Cette question se pose d’ailleurs avec une
particulière acuité chez les femmes jeunes atteintes
d’un cancer du sein chez qui le traitement estrogénique
ou progestatif est actuellement contre-indiqué, indé-
pendamment du phénotype de la tumeur mammaire.
Chez les femmes indemnes, lorsque le geste est fait
avant la ménopause, s’ensuivent évidemment mais
à un degré variable, les conséquences bien connues
de la privation hormonale brutale. Le déficit estro-
génique se traduit par des symptômes vasomoteurs,
une sécheresse vaginale et une dyspareunie, souvent
invalidants. Ces conséquences négatives endocrines
et sexuelles fréquentes censées être parfaitement
soulagées par les traitements exogènes ne le sont
peut-être pas aussi facilement chez ces femmes
jeunes à risque (13). Une enquête par questionnaire
a été réalisée aux Pays-Bas auprès de 450 femmes
identifiées à risque de cancer ovarien, non méno-
pausées, en séparant trois groupes : annexectomie
sans THS (n = 87), annexectomie avec THS (n = 77)
et un groupe surveillé sans chirurgie (n = 164). Les
femmes qui ont reçu un traitement hormonal (le plus
souvent estroprogestatif) après l’ovariectomie ont
nettement moins de symptômes vasomoteurs (20 %)
que celles qui nont pas reçu de traitement (40 %),
mais bien davantage que les femmes surveillées (2 %).
Comparées aux femmes qui ont choisi la surveillance,
celles opérées ont aussi plus de problèmes sexuels
liés à la sécheresse vaginale et à la dyspareunie (13).
Une autre enquête cas-témoins norvégienne plus
récente (14) auprès de 338 femmes considérées à
risque ayant eu une chirurgie annexielle 5 ans avant
en moyenne retrouve chez ces femmes davantage
de “palpitations”, de constipation (c’était inattendu),
d’ostéoporose et de problèmes musculosquelettiques,
même après ajustement sur l’antécédent de cancer et
le THS, en revanche, ces femmes sont moins dépres-
sives et moins stressées que les témoins.
La chirurgie préventive des annexes réduit de
façon très importante le risque de cancer ovarien
et tubaire, mais les études rétrospectives ont décrit
également une diminution d’environ 50 % du risque
de cancer du sein chez les femmes mutées BRCA1
après l’annexectomie. La seule étude prospective
publiée (15) séparant BRCA1 et BRCA2 décrit une
diminution non significative du risque de cancer du
sein de 40 % (HR : 0,61 ; IC95 : 0,30-1,22) pour les
femmes mutées BRCA1 qui ont eu une annexec-
tomie par rapport à celles qui sont surveillées et une
duction significative de 72 % (HR : 0,28 ; IC95 : 0,08-
0,92) du risque de cancer du sein pour les mutations
BRCA2. Dans cette cohorte, la réduction du risque de
cancer du sein touche les tumeurs RH+ (HR : 0,22 ;
IC
95
: 0,05-1,05) mais pas les tumeurs RH- (HR : 1,10 ;
IC95 : 0,48-2,51) après l’analyse des 34 cancers invasifs
répertoriés (15). Une compilation récente de dix études
retrouve une réduction du risque de cancer du sein après
annexectomie équivalente pour BRCA1 et BRCA2, mais
souligne les limites de l’interprétation de ces études pour
la plupart rétrospectives et dont le recul est faible (16). Il
sera important d’analyser les réductions du risque selon
le gène mais aussi en fonction du délai après la chirurgie
ovarienne (il est possible que la réduction du risque de
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16 | La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009
Prédispositions génétiques au cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
cancer du sein soit plus tardive pour BRCA1 que BRCA2)
et en fonction de l’âge lors de la chirurgie. La balance
bénéfice-risque de l’annexectomie n’est pas si facile à
apprécier chez les jeunes femmes, n’oublions pas que
dans l’étude de cohorte de la Mayo Clinic, l’ovariectomie
avant 45 ans est associée à un risque accru de décès
(cause ou conséquence ?).
Si l’annexectomie diminue, de façon prévisible, le risque
global de cancer du sein, nous disposons de très peu
d’information sur la modification éventuelle de cette
réduction du risque avec le traitement substitutif. Ces
femmes jeunes mutées sont effectivement susceptibles
de recevoir un traitement symptomatique estrogé-
nique ou estroprogestatif selon que l’utérus a été ou
non conservé. Dans une cohorte prospective de 462
femmes, parmi lesquelles 155 avaient eu une annexec-
tomie et parmi celles-ci 93 un traitement substitutif
court (moyenne de suivi 2,6 ans), les auteurs n’ont pas
vu de modification significative du bénéfice de l’an-
nexectomie sur la réduction du risque du cancer du sein
(17). Une étude cas-témoins récente (18) comportant
236 paires de femmes ménopausées (les trois quarts
naturellement) mutées BRCA1 atteintes (cas) ou pas
(témoins) de cancer du sein décrit une réduction du
risque de cancer du sein chez les femmes qui ont eu un
THM (OR : 0,58 ; IC
95
: 0,35-0,96). Dans l’analyse selon
le THM, la réduction est due au traitement estrogénique
seul (OR : 0,51 ; IC95 : 0,27-0,98) sans différence pour les
associations estroprogestatives. Cette étude rassurante
a été très critiquée sur le plan méthodologique.
Les traitements de l’infertilité
et la fécondation in vitro
Plusieurs études rétrospectives récentes donnent
des résultats contradictoires. Trente-cinq cas de
cancer du sein sont observés (25 attendus) parmi
3 375 femmes qui avaient eu une FIV dans une étude
israélienne de cohorte (SIR : 1,4 ; IC95 : 0,98-1,96)
(19). Une étude cas-témoins, israélienne également,
constate une augmentation significative du risque
(RR : 1,24 ; IC
95
: 1,03-1,48) pour les femmes qui
ont leur première FIV après 30 ans (20). Une étude
suédoise est rassurante pour les femmes qui ont
mené leur grossesse à terme après la FIV et avec
6,2 années de suivi (21).
Une étude cas-témoins qui vient d’être publiée ne
constate pas d’augmentation du risque de cancer
du sein en fonction d’un antécédent d’infertilité,
de traitements d’induction de l’ovulation ou d’an-
técédent de FIV en présence d’une mutation BRCA1
ou BRCA2 (22).
La progestérone
et les progestatifs
On a dit à une époque que les progestatifs étaient
associés à une réduction du risque de cancer du sein.
Les progestatifs seuls ont été largement prescrits
en France comme contraception, pour régulariser
les cycles ou pour des affections gynécologiques
et mammaires bénignes (28 370 utilisatrices parmi
73 664 femmes de plus de 40 ans avant la méno-
pause dans la cohorte E3N).
De ce fait, les études les plus importantes concernant
les progestatifs sont françaises (23). Dans la cohorte
E3N, l’utilisation d’un progestatif avant la méno-
pause n’est pas associée globalement à un surrisque
de cancer du sein, néanmoins, une augmentation
significative est observée avec la durée d’utilisation
(RR : 1,4 ; IC
95
: 1,03-2 pour un traitement en cours
de plus de 4,5 années). Apparemment, il n’y a pas de
différence significative selon la nature du produit, mais
nous n’avons pas d’information sur les doses ni les
modalités d’administration (séquentielle ou non). Ces
données incitent à la prudence et conduisent à bien
considérer (une fois de plus) le rapport bénéfice-risque
de ce traitement. Nous n’avons pas actuellement de
renseignement sur ces traitements chez les femmes
mutées, ni d’ailleurs sur les deux suivants.
La testostérone
Lovaire ne secrète pas que des hormones féminines,
la sécrétion de testostérone est divisée par deux par
l’ovariectomie. Il est tentant de rapprocher cette
baisse de la testostérone des difficultés sexuelles
rencontrées après la castration mais la chose sexuelle
est bien sûr plus complexe. Les études randomisées
n’ont montré qu’un bénéfice modeste de la testos-
térone sur le désir sexuel après une ménopause
chirurgicale ou naturelle, avec ou sans estrogènes,
avec l’arrière-pensée d’un possible risque de cancer
du sein. Les avis sur ce dernier point sont cependant
très partagés (24, 25).
La tibolone
Le produit aux effets estrogéniques, androgéniques
et progestatifs, était peu utilisé en France jusqu’aux
résultats de l’étude WHI. Dans une étude randomisée
récente dont l’objectif premier était les fractures (26),
la tibolone, après une durée d’utilisation moyenne
de 34 mois chez des femmes âgées de 60 à 85 ans,
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La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009 | 17
DOSSIER THÉMATIQUE
réduit de façon significative le risque de cancer du
sein (RH : 0,32 ; IC95 : 0,13-0,80), mais au prix d’une
augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral
(RH : 2,19 ; IC
95
: 1,14-4,23) qui a fait interrompre
l’étude.
La grossesse
L’âge précoce à la première grossesse menée à terme et
la multiparité sont des facteurs classiques de réduction
du risque de cancer du sein sporadique. Les études
rétrospectives, qui ont essayé de tester l’impact de ces
expositions hormonales “naturelles” sur le risque de
cancer du sein en cas de mutation BRCA1/2, sont globa-
lement contradictoires. L’analyse de la grande (1 601
femmes mutées) cohorte internationale (IBCCS), à
laquelle ont participé des équipes françaises, n’identifie
pas de différence de risque entre les femmes nullipares
et les autres. Le risque de cancer du sein diminue de
manière significative avec le nombre de grossesses,
aussi bien pour BRCA1 que BRCA2, mais la réduction
ne concerne que les femmes de plus de 40 ans (27).
Dans la même étude, la première grossesse tardive
augmente le risque en cas de mutation BRCA2, mais
c’est le contraire en cas de mutation BRCA1. Une même
équipe décrit, en 1999, une augmentation du risque de
cancer avec le nombre de grossesses pour les femmes
qui ont une mutation BRCA1/2 et, en 2005, en augmen-
tant les effectifs, une réduction du risque avec BRCA1
pour 4 enfants ou plus, cependant l’augmentation du
risque est retrouvée pour BRCA2 (28). Les études les
plus récentes décrivent plutôt une duction du risque
avec les grossesses (7). Pris isolément, l’effet de l’âge à
la première grossesse n’est pas retrouvé dans une étude
cas-témoins de 1 816 paires de femmes mutées (29) ni
dans la cohorte internationale (IBCCS) [30].
Interprétation
Les limites des études non contrôlées
Nous disposons des résultats d’études pour la plupart
rétrospectives souvent de type cas-témoins et qui
comportent de nombreux biais bien connus (31) plus
ou moins faciles à contourner. Les exemples en médecine
ne manquent pas d’interprétations erronées fondées sur
des études rétrospectives ou prospectives non contrô-
lées. Nous avons cru pendant longtemps que le THM
protégeait le cœur sur la foi de nombreuses études
jusqu’aux résultats de la WHI. La tibolone augmente
le risque (RR : 1,21 ; IC
95
: 1,07-1,37) de cancer du sein
dans la Million Women Study (MWS) mais le réduit de
façon très significative (RR : 0,32 ; IC95 : 0,13-0,80) dans
une étude prospective contre placebo (26). De façon
reproductible, les études rétrospectives ont décrit des
réductions importantes du risque de cancer du sein après
annexectomie chez les femmes en activité génitale de
prime abord pour les mutations BRCA1, ce qui n’est pas
retrouvé dans la seule étude prospective multicentrique
disponible sur le sujet (15). Évidemment, les études
randomisées ne sont pas toujours possibles ni accepta-
bles, mais les études de cohortes prospectives, bien que
plus fiables que des enquêtes cas-témoins, ne sont pas
sans source de biais. Par exemple, le choix de faire une
chirurgie préventive ovarienne n’est pas indépendant
du nombre de cancer de l’ovaire dans ces familles où
dominent” les cancers ovariens, chez elles, le risque
de cancer du sein est moins important que chez celles
ne comprenant que des cancers du sein. Ce choix n’est
pas non plus indépendant de l’âge à l’entrée dans la
cohorte, de la parité, des antécédents personnels, etc.
Ces biais sont bien connus et discutés dans les articles,
ils ne sont pas faciles à éviter ou à limiter sans perdre de
puissance pour l’analyse (31). Une grande modestie et
une grande prudence sont indispensables dans l’inter-
prétation de ces études observationnelles et, surtout,
dans leur présentation aux femmes concernées.
Une cohérence est-elle possible ?
Lensemble des dones dont nous disposons pour les
formes sporadiques va dans le sens d’une relation causale
entre l’exposition aux hormones stéroïdes sexuelles
endogènes et exogènes et le risque de cancer du sein.
La ménopause précoce, naturelle ou chirurgicale, est
corrélée à une réduction du risque de cancer du sein
et réciproquement la ménopause tardive naturelle ou
entretenue par des hormones de synthèse est corrélée
à une augmentation du risque. Pour les hormones
exogènes, interviennent la due de l’exposition et ses
modalités (le type de traitement, les doses, les associa-
tions, le rythme d’administration). La taxonomie (classi-
fication) des cancers du sein est en plein remaniement.
On savait bien que les situations étaient très différentes,
les analyses moléculaires n’ont fait que le rappeler. Il
ne faut pas s’attendre à ce que tous les cancers du sein
soient associés aux mêmes expositions ou y réagissent
de la même manière. Une certaine cohérence peut être
retrouvée si l’on analyse séparément les tumeurs RH+
et RH- et les mutations BRCA1 et BRCA2.
Le niveau des estrogènes endogènes est corrélé au
risque de cancer du sein RH+. Le THS augmente le
risque de cancer du sein RH+, de même probablement
que les progestatifs seuls (23). La chute de l’inci-
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Faut-il craindre les hormones chez les femmes mutées ? – Do we

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