La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 15
DOSSIER THÉMATIQUE
mammographies de dépistage. Il est possible que la
diminution de l’incidence des cancers du sein dans les
pays où le dépistage est implanté depuis longtemps
soit liée à un effet de “saturation” ou de “plateau”
du dépistage et qu’elle ait pu précéder la baisse liée
au THM. Le débat n’est pas clos d’autant qu’il s’agit
d’analyses post hoc à partir d’études descriptives et
que les deux facteurs (THM et dépistage) essentiel-
lement en discussion ont probablement eu un impact
différent selon les pays du fait de la variabilité de leur
utilisation. Une chute du nombre de tumeurs du sein
aussi rapide après celle du nombre d’utilisatrices de
THM évoque un effet de type “promoteur”, c’est-à-
dire tardif dans la cancérogenèse et ne surprend pas
si l’on se souvient que le surrisque est concentré sur
les traitements en cours et qu’il disparaît rapidement
après l’arrêt du THM.
Les THM augmentent modérément donc mais indénia-
blement le risque de cancer du sein en situation standard
(dans la WHI, le risque est de 6 cas supplémentaires
annuels pour 10 000 femmes traitées). Tout le monde
a maintenant compris que ces traitements ne sont pas
des panacées mais d’excellents traitements symptoma-
tiques de la ménopause avec un rapport bénéfice-risque
global à long terme sans doute à peu près neutre, du
moins en risque habituel. Les THM n’augmentent pas le
risque de n’importe quel cancer du sein. Un diagnostic
de cancer du sein n’est pas une bonne nouvelle, mais
les études de cohortes récentes (pas la WHI) décrivent
une augmentation pour les tumeurs plutôt différen-
ciées, lobulaires, récepteurs stéroïdiens positifs et donc
associés à une meilleure survie.
Le traitement hormonal de la ménopause est peu
employé par les femmes indemnes qui se connaissent
une mutation BRCA1/2. Le plus souvent, le THS se
discute après ovariectomie chez une femme en acti-
vité génitale. La chirurgie préventive annexielle est en
effet retenue par la plupart des femmes qui ont une
mutation BRCA1/2 lorsqu’elles ont compris les limites
du dépistage des cancers de l’ovaire, la gravité de la
maladie et l’efficacité de la procédure chirurgicale. La
question pour une femme qui se sait mutée BRCA1/2
n’est pas tant l’indication de l’annexectomie que son
moment. Cette question se pose d’ailleurs avec une
particulière acuité chez les femmes jeunes atteintes
d’un cancer du sein chez qui le traitement estrogénique
ou progestatif est actuellement contre-indiqué, indé-
pendamment du phénotype de la tumeur mammaire.
Chez les femmes indemnes, lorsque le geste est fait
avant la ménopause, s’ensuivent évidemment mais
à un degré variable, les conséquences bien connues
de la privation hormonale brutale. Le déficit estro-
génique se traduit par des symptômes vasomoteurs,
une sécheresse vaginale et une dyspareunie, souvent
invalidants. Ces conséquences négatives endocrines
et sexuelles fréquentes censées être parfaitement
soulagées par les traitements exogènes ne le sont
peut-être pas aussi facilement chez ces femmes
jeunes à risque (13). Une enquête par questionnaire
a été réalisée aux Pays-Bas auprès de 450 femmes
identifiées à risque de cancer ovarien, non méno-
pausées, en séparant trois groupes : annexectomie
sans THS (n = 87), annexectomie avec THS (n = 77)
et un groupe surveillé sans chirurgie (n = 164). Les
femmes qui ont reçu un traitement hormonal (le plus
souvent estroprogestatif) après l’ovariectomie ont
nettement moins de symptômes vasomoteurs (20 %)
que celles qui n’ont pas reçu de traitement (40 %),
mais bien davantage que les femmes surveillées (2 %).
Comparées aux femmes qui ont choisi la surveillance,
celles opérées ont aussi plus de problèmes sexuels
liés à la sécheresse vaginale et à la dyspareunie (13).
Une autre enquête cas-témoins norvégienne plus
récente (14) auprès de 338 femmes considérées à
risque ayant eu une chirurgie annexielle 5 ans avant
en moyenne retrouve chez ces femmes davantage
de “palpitations”, de constipation (c’était inattendu),
d’ostéoporose et de problèmes musculosquelettiques,
même après ajustement sur l’antécédent de cancer et
le THS, en revanche, ces femmes sont moins dépres-
sives et moins stressées que les témoins.
La chirurgie préventive des annexes réduit de
façon très importante le risque de cancer ovarien
et tubaire, mais les études rétrospectives ont décrit
également une diminution d’environ 50 % du risque
de cancer du sein chez les femmes mutées BRCA1
après l’annexectomie. La seule étude prospective
publiée (15) séparant BRCA1 et BRCA2 décrit une
diminution non significative du risque de cancer du
sein de 40 % (HR : 0,61 ; IC95 : 0,30-1,22) pour les
femmes mutées BRCA1 qui ont eu une annexec-
tomie par rapport à celles qui sont surveillées et une
réduction significative de 72 % (HR : 0,28 ; IC95 : 0,08-
0,92) du risque de cancer du sein pour les mutations
BRCA2. Dans cette cohorte, la réduction du risque de
cancer du sein touche les tumeurs RH+ (HR : 0,22 ;
IC
95
: 0,05-1,05) mais pas les tumeurs RH- (HR : 1,10 ;
IC95 : 0,48-2,51) après l’analyse des 34 cancers invasifs
répertoriés (15). Une compilation récente de dix études
retrouve une réduction du risque de cancer du sein après
annexectomie équivalente pour BRCA1 et BRCA2, mais
souligne les limites de l’interprétation de ces études pour
la plupart rétrospectives et dont le recul est faible (16). Il
sera important d’analyser les réductions du risque selon
le gène mais aussi en fonction du délai après la chirurgie
ovarienne (il est possible que la réduction du risque de
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