11 Forum Panafricain sur la modernisation des services publics et

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Royaume du Maroc
Ministère de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration
Centre Africain de Formation et de Recherche
Administratives pour le Développement
Fondation pour le renforcement des capacités
en Afrique
11ème Forum Panafricain sur la modernisation des
services publics et des institutions de l’Etat
Thème : « La gouvernance publique responsable et son rôle dans le
renforcement et la consolidation de l’Etat de droit en Afrique »
organisé en marge de la 53ème Session du
Conseil d’Administration du CAFRAD
LA NOTION DE GOUVERNANCE RESPONSABLE ET LE RÔLE DES
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ET DE LA REFORME DANS
L’ACCOMPAGENEMENT DES DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION ET
D’ENRACINEMENT DE L’ETAT DE DROIT
Présenté par :
Marcelin NGUELE ABADA,
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur Titulaire des Universités
Chef de Département de Droit Public Compa
Université de Yaoundé II
Conseiller du Premier Ministre du Cameroun
12-13 Octobre 2015
Marrakech (Maroc)
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INTRODUCTION
Le tournant des années 1990 en Afrique a fait fleurir une batterie de
concepts et de techniques économiques, politiques, stratégiques et juridiques
qui ont sans doute témoigné de l’
agiornamento
que connaissait alors le
continent. Cette espèce de « retournement du monde »1 que vivait ainsi
l’Afrique était d’ailleurs l’un des parangons de ce que le monde entier qualifiait
de « vents d’Est ». Il s’agissait en effet de désigner ce mouvement de
libéralisation d’ampleur qui marrait avec les convulsions d’une URSS se
démembrant après avoir accepté bon an ou mal an sa défaite stratégique face
aux Etats-Unis d’Amérique.
C’est dans ce contexte que les Etats africains vont progressivement
adhérer aux principes de la démocratie, après le tocsin que fut le discours de
La Baule en France. Dans une allocution devenue proverbiale, en effet, le
Président Mitterrand ouvrait un cycle nouveau de la conditionnalité dans la
Coopération internationale.2
Au rang de ces conditions d’accès à l’aide publique internationale vont
émerger des notions qui ont fait florès aujourd’hui à savoir la gouvernance, la
démocratie et l’Etat de droit. Les institutions de Bretton Woods qui en ont fait
des critères majeurs d’évaluation de la santé économique et financière des
Etats, utilisent fréquemment le concept de bonne gouvernance. Pour ces
bailleurs de fonds, la bonne gouvernance est un ensemble d’exigences d’une
bonne administration publique qu’on impose à des pays soumis à des
Programmes d’Ajustement Structurel (PAS). On y range la lutte contre la
corruption, l’accélération du processus de démocratisation, ainsi que la
libéralisation des services publics.
L’impact social de la mise en œuvre des pas a été si déstructurant pour
les jeunes sociétés politiques d’Afrique, que l’on a tôt fait de commencer à
suspecter, à critiquer, voire à rejeter la notion de gouvernance qui se voyait
ainsi frappée d’une sorte de« malédiction conceptuelle »3. La bonne
gouvernance finissait par perdre son lustre, son caractère de « label de
modernité propice à la recomposition de l’Etat »4. Partout sur le continent, il y
a pourtant eu un appel à plus de démocratie et à l’instauration de l’Etat de
1 Lire Bertrand BADIE et Marie Claire SMOUTS, Le retournement du monde, Paris, Presses de sciences- po,
1992.
2 Lire La conditionnalité dans la coopération internationale, Actes du colloque organisé en 2004 par l’université
de Bergamo, l’Université de Yaoundé II et la Chaire UNESCO pour les droits de l’homme et l’éthique de la
coopération internationale en 2004.
3 Expression employée par Jean NJOYA dans une étude sur les minorités pour en parler comme une notion
problématique dans sa conception initiale. Voir Jean NJOYA, « La constitutionnalisation des droits des minorités
au Cameroun : usages du droit et phobie du séparatisme », in Juridis Périodique, n°37, 1999, pp. 37-49.
4 Jacques Chevallier, L’Etat de droit, PUF 1992.
3
droit.5 Pourtant, l’on aurait pu imaginer une sorte d’inculturation, d’assomption
de la notion de gouvernance qui, avec sa logique d’ «
accountability »
était
porteuse d’espoirs dans un contexte de fin du monolithisme et de montée en
régime des pouvoirs de progrès.
En tout état de cause la gouvernance devrait être revisitée. Elle a même
été renouvelée. Ce renouveau se traduit aujourd’hui par la nouvelle
désignation de « gouvernance responsable », qui est d’ailleurs la pierre
angulaire de ce forum qui nous réunit, autour d’une problématique Centrale,
qui est celle de savoir comment la gouvernance responsable peut conduire
l’agir de l’Etat et contribuer ainsi à l’épanouissement de l’Etat de droit en
Afrique. Il convient d’emblée de remarquer que la gouvernance responsable
est appelée à irriguer le système politico administratif de l’Etat. Or, c’est à
l’aune des principes de l’Etat de droit que l’administration publique, qui en est
de bras séculier doit fonctionner.
D’ailleurs, cette administration, ne constitue-t-elle pas le lieu idoine
d’expression et de réalisation de l’Etat de droit Voilà pourquoi il est sans doute
opportun d’interroger afin d’en découvrir le sens, la corrélation entre la notion
de gouvernance responsable et le rôle des administrations publiques et de la
réforme dans l’accompagnement des dynamiques de construction et
d’enracinement de l’Etat de droit.
Le constat que l’on peut effectuer est a priori un lieu commun, à savoir
que l’administration a un rôle à jouer dans le processus de construction de
l’Etat de droit. Mais il faudrait aller plus loin pour s’interroger sur les
corrélations entre gouvernance responsable et rôle des administrations
lorsqu’elles sont engagées dans l’œuvre de construction d’un Etat de droit.
En effet, autant l’on peut chercher comment les administrations
publiques et de réforme intègrent les principes de gouvernance qui influencent
certainement leur nature et leur fonctionnement, autant l’on doit ausculter la
réception et la signification par les administrations publiques et de réforme de
la notion de gouvernance responsable. D’autre part, la notion de gouvernance
responsable s’enrichit et démontre son opérationnalité lorsqu’elle est intégrée
dans le système de l’administration publique. A l’analyse, il y a une
bonification du rôle des administrations publiques par l’inclusion de la
Gouvernance responsable dans la construction de l’Etat de droit, tout autant
que les administrations publiques effectuent une promotion de la Gouvernance
Responsable.
Pour davantage affiner la compréhension de notre questionnement, il
importe de relever trois considérations complémentaires :
5 Voir Alain MORAND, Réflexions sur l’introduction de l’Etat de droit en Afrique noire francophone, Revue
internationale de droit comparé, 1991, vol 43, pp. 853-878.
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D’abord, sur la compréhension et la perception de l’originalité de la
gouvernance responsable pour souligner qu’il faudrait peut-être souligner en
premier lieu que la gouvernance est « l’art d’organiser et d’orienter l’exercice
du pouvoir »6. En deuxième lieu, la bonne gouvernance est « la manière dont
le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économique et sociales
d’un pays en vue de son développement »7, elle équivaut souvent « au bon
fonctionnement de l’Etat assimilé à la bonne gestion technique des ressources
publiques »8. En dépit de la batterie d’exigences qu’elle implique, elle lie
légitimité et efficacité. Transformée en formule nérique, « la bonne
gouvernance est devenue un substitut du bon gouvernement »9. Cette
conception relève des stratégies de la Banque Mondiale.
En troisième lieu, la gouvernance responsable vise à concilier l’autorité et la
légitimité de l’Etat en vue de le rendre plus efficace mais dans le respect du
droit et des droits.
Cette conception est plus défendue par les institutions internationales
comme le PNUD. Cette Institution postule en effet que, dans une société régie
par la bonne gouvernance, « les droits de l’homme et les libertés
fondamentales sont respectés, ce qui permet à chacun de vivre dans la
dignité ; les individus ont leur mot à dire sur les décisions qui affectent leur
vie ; les citoyens sont à même de demander des comptes aux décideurs, la
vie en société est gouvernée par des pratiques, des institutions et des règles
équitables et applicables à tous ; les femmes sont égales des hommes dans
les sphères publique et privée de la vie ; les individus échappent aux
discriminations négatives ; l’action publique d’aujourd’hui tient compte des
besoins des générations futures ; les politiques économiques et sociales
s’attachent à répondre aux besoins et aspirations des individus ; les décisions
économiques et sociales visent à éradiquer la pauvreté et à élargir les choix
accessibles à tous »10.
Mais parler de la gouvernance responsable amène à s’interroger :
La gouvernance responsable ne serait-elle pas le trait d’union entre la
gouvernance politique qui se réfère au système politique pratiqué et concerne
la manière dont les autorités sont choisies et remplacées et dont les
institutions fonctionnent ; la gouvernance administrative qui concerne le
système de gestion et de fonctionnement de l’administration publique et la
gouvernance économique et des entreprises qui fait référence à l’ensemble
des systèmes, procédures et organisations impliqués dans la régulation de
6 Mathias Eric Owona Nguini, « Un regard sur la gouvernance au Cameroun et ses contours politiques, juridiques et
managériaux », enjeux n°47-48 novembre 2012, p.75.
7 Lire Rapport Banque Mondiale 1992.
8 Bonnie Campbell, « La gouvernance, une notion éminemment politique ».
9 Daniel Mockle, La gouvernance, Le droit et L’Etat, BRUYLANT Bruxelles, 2007, p.253.
10 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2002, chapitre2 : « La gouvernance démocratique au service du
développement humain », pp.51-61.
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l’économie, la production et la redistribution des richesses, ainsi que dans la
gestion des ressources de l’économie pour un développement soutenable à
long terme. Elle intègre les institutions qui ont trait à la création, la protection
et l’exercice des droits de propriété sans lesquels la portée de l’activité
économique serait limitée ?
Serait-elle tout simplement l’expression du souci d’élaborer une stratégie qui
allie le respect des droits de l’homme et l’efficacité dans le développement ?
Ensuite, sur la possibilité de rendre plus accessible notre
hypothèse de travail, il faut relever que la gouvernance responsable
redéfinit le rapport des citoyens à la puissance publique à travers la
réconciliation de l’autorité et de la gitimité de l’Etat. Elle transforme la
relation administré-administration par la recherche d’un équilibre entre le
respect du droit et la quête de performance des organisations publiques. Elle
favoriserait donc la combinaison complexe des paradigmes passés : la bonne
gouvernance (administrative, économique et politique), l’Etat de droit et l’Etat
performant. Or, « si une autre façon de gouverner devient manifeste,
une autre figure de l’Etat émerge graduellement »11. Avec la
gouvernance responsable « l’Etat (post moderne) garde la forme et les
attributs d’un Etat, mais sa logique de fonctionnement se trouve
désormais profondément modifiée »12. Cette modification interpelle les
organisations publiques tant dans leur organisation que dans leur
fonctionnement en vue de l’accomplissement de leurs missions.
Enfin, il y a lieu de souligner que les administrations publiques ont un rôle
majeur à jouer dans le processus de construction de l’Etat de droit en Afrique.
Au regard des principes qui caractérise la notion de gouvernance responsable,
à ce rôle sera accru par l’implication de cette forme de gouvernance.
Il en sulte sous ce rapport que cet apport touche non seulement les pivots
de l’Etat moderne, mais également son action au quotidien.
I - La gouvernance responsable, vecteur de rationalisation de l’ordre
juridique : le réaménagement de l’autori de l’Etat et le
rehaussement de la primauté du droit par les administrations
publiques.
L’Etat de droit implique en effet une certaine conception des rapports
entre l’individu et l’Etat, qui sous-tend tout l’édifice juridique. Non seulement la
puissance de l’Etat trouve ses limites dans les droits fondamentaux reconnus
aux individus, ce qui crée ainsi la possibilité d’une opposition au pouvoir
fondée sur le droit, mais encore elle a pour finalité même, pour justification
ultime, la garantie de ces droits. L’Etat de droit repose enfin de compte sur
11 Daniel Mockle, La gouvernance, Le droit et L’Etat, BRUYLANT Bruxelles, 2007, p.244.
12 Jacques Chevallier, L’Etat post-moderne, Paris, LGDJ, E.J.A., 2003, p.212.
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