ÉDITORIAL Une éthique de la médecine personnalisée Ethics and personalized medicine “ L a médecine, dans ses avancées, se base sur les sciences fondamentales qui font progresser les techniques, dont elle s’inspire et se sert. C’est alors une réflexion globale qui est présente dans l’approche d’une médecine guidée par les progrès des différentes disciplines, alors que ces progrès bouleversent les pratiques des professionnels de santé. Christian Hervé* * Laboratoire d’éthique médicale, université Paris Sorbonne Cité, Paris. De cette compréhension des apports des sciences fondamentales découle une véritable pensée éthique – c’est-à-dire une réflexion sur le sens des actions entreprises concernant la légitimité et la justice des décisions. C’est à cet exercice que nos collègues se sont prêtés, tant chercheurs que cliniciens. En effet, la question qui leur était posée était : “En quoi la médecine personnalisée modifie-t-elle, voire bouleverse-t-elle, vos pratiques médicales ?” Dans la réflexion éthique, il est certes important de considérer les apports du droit, notamment le droit des patients ; il est également nécessaire que les professionnels se posent la question des conditions, de la licéité et de la légitimité, mais aussi de la compréhension, par les patients, des pratiques, des prises en charge thérapeutiques, mais également, dans le cadre d’une recherche, de la médecine personnalisée, celle-ci n’en étant encore qu’à un stade expérimental. Tout cela n’est guère nouveau, mais méritait d’être rappelé. L’importance de ces textes naît des conditions dans lesquelles ils ont été produits. À ce propos, saluons l’ouverture d’esprit des professionnels, désireux de la reconnaissance de leurs pratiques et respectueux de celles des autres, dans un climat interprofessionnel, trop rare il est vrai dans le cadre de telles recherches. Deux commissions – l’une regroupant des représentants de patients, l’autre des chercheurs – ont été mises en place (les 2 étant constituées des mêmes membres du laboratoire d’éthique médicale de Paris-Descartes, à savoir des intervenants en droit, sociologie, santé publique, linguistique 370 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 10 - novembre 2013 ÉDITORIAL et psychologie). Chacune d’entre elles est constituée de chercheurs et de cliniciens associés aux représentants des patients. La transparence entre les 2 commissions concernant leurs travaux est la règle ; ainsi, les comptes-rendus circulent alors que s’y trouvent bon nombre d’informations scientifiques, mais aussi politiques et économiques. Grâce à cette transparence, de véritables débats ont été construits et menés, et c’est le fruit de ces réflexions que nous qualifierons d’éthique médicale. Réflexions qui sont bien sûr fidèlement retranscrites ici. Qu’il me soit permis de saluer le travail ainsi accompli, car il permet d’y voir plus clair, notamment en ce qui concerne les parcours de données, d’une part, et la place des généralistes et de la prévention, d’autre part, et ce dans l’orientation, la prise en charge, le suivi et même la légitimité de penser la médecine palliative avant même la fin de la vie, à partir de travaux récents sur ce sujet. Que, en situation de recherche, un nombre aussi grand de correspondants professionnels de santé se sentent investis d’une responsabilité collective est un grand pas qu’il faut ici saluer. C’est l’augure d’une évolution de la médecine, traitant mieux, ou de manière plus individualisée, au lieu de faire signer au patient de manière systématique (pour ne pas dire mécanique) des notices d’information en vue de l’obtention d’un consentement légal. C’est une évolution qui permet la prise de conscience de ce que recèle d’humanité une personne malade qui espère en le progrès de la médecine, certes, mais aussi en un médecin qui partage les informations qu’il détient, ses certitudes et ses doutes, pour un éclairage le plus fidèle possible de la stratégie qu’il propose au patient. Moment de vérité et d’humanité. Au-delà de cette clairvoyance que partage le médecin avec son malade, les professionnels, s’ils ne veulent pas simplement obéir à un système, se doivent de l’évaluer et d’en montrer les failles. C’est de leur devoir. C. Hervé déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. La médecine est en effet une pratique sociale comme une autre, qui se mêle aux incertitudes des voix des autres pratiques sociales. En ce sens, elle participe au bien-être économique de la société. Elle interpelle constamment le lien social, s’adressant aux individus les plus vulnérables. Ainsi, c’est un merveilleux observatoire de notre société dans son humanité… Les textes qui suivent s’inscrivent dans ce sens. Ils témoignent de l’excellence des intentions des professionnels de santé, mais également de la nécessité d’une grande compréhension des difficultés du métier par les patients. AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. 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