370 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXII - n° 10 - novembre 2013
ÉDITORIAL
Une éthique de la médecine personnalisée
Ethics and personalized medicine
Christian Hervé*
* Laboratoire d’éthique médicale,
université Paris Sorbonne Cité, Paris.
La médecine, dans ses avancées,
se base sur les sciences fondamentales qui font progresser
lestechniques, dont elle s’inspire et se sert.
Cest alors une réfl exion globale qui est présente dans l’approche
d’unemédecine guidée par les progrès des diff érentes disciplines,
alorsqueces progrès bouleversent les pratiques des professionnels de santé.
De cette compréhension des apports des sciences fondamentales
découle une véritable pensée éthique –c’est-à-dire une réfl exion
surle sens desactions entreprises concernant la légitimité et la justice
desdécisions. Cest à cet exercice que nos collègues se sont prêtés, tant
chercheurs que cliniciens. En eff et, la question qui leur était posée était :
“En quoi lamédecine personnalisée modifi e-t-elle, voire bouleverse-t-elle,
vospratiques médicales ?”
Dans la réfl exion éthique, il est certes important de considérer les apports
du droit, notamment le droit des patients ; il est également nécessaire
quelesprofessionnels se posent la question des conditions, de lalicéité
etde la légitimité, mais aussi de la compréhension, par les patients,
despratiques, des prises en charge thérapeutiques, mais également,
danslecadre d’une recherche, de la médecine personnalisée, celle-ci
nenétant encore qu’à un stade expérimental. Tout cela nest guère nouveau,
mais méritait d’être rappelé.
L’importance de ces textes naît des conditions dans lesquelles ils ont
été produits. À ce propos, saluons l’ouverture d’esprit des professionnels,
désireux de la reconnaissance de leurs pratiques et respectueux decelles
desautres, dans un climat interprofessionnel, trop rare il est vrai
danslecadre de telles recherches.
Deux commissions –l’une regroupant des représentants de patients,
l’autre des chercheurs– ont été mises en place (les 2 étant constituées
desmêmes membres du laboratoire d’éthique médicale de Paris-Descartes,
àsavoir des intervenants en droit, sociologie, santé publique, linguistique
C. Hervé déclare ne pas avoir de
liens d’intérêts.
La Lettre du Cancérologue Vol. XXII - n° 10 - novembre 2013 | 371
ÉDITORIAL
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et psychologie). Chacune d’entre elles est constituée de chercheurs
etdecliniciens associés aux représentants des patients.
La transparence entre les 2 commissions concernant leurs travaux est
larègle ; ainsi, les comptes-rendus circulent alors que s’y trouvent bon
nombre d’informations scientifi ques, mais aussi politiques et économiques.
Grâce à cette transparence, de véritables débats ont été construits et menés,
et cest le fruit de ces réfl exions que nous qualifi erons d’éthique médicale.
Réfl exions qui sont bien sûr fi dèlement retranscrites ici.
Qu’il me soit permis de saluer le travail ainsi accompli, car il permet
d’yvoir plus clair, notamment en ce qui concerne les parcours de données,
d’une part, et la place des généralistes et de la prévention, d’autre part,
etcedans l’orientation, la prise en charge, le suivi et même la légitimité
depenser la médecine palliative avant même la fi n de la vie, à partir
detravaux récents sur ce sujet. Que, en situation de recherche, un nombre
aussi grand de correspondants professionnels de santé se sentent investis
d’uneresponsabilité collective est un grand pas qu’il faut ici saluer.
Cestl’augure d’une évolution de la médecine, traitant mieux, oudemanière
plus individualisée, au lieu de faire signer au patient de manière
systématique (pour ne pas dire mécanique) des notices d’information envue
del’obtention d’un consentement légal. C’est une évolution quipermet
laprise deconscience de ce que rele d’humanité unepersonne malade
qui espère en le progrès de la médecine, certes, mais aussi en unmédecin
qui partage les informations qu’il détient, ses certitudes et ses doutes, pour
un éclairage le plus fi dèle possible de la stratégie qu’il propose aupatient.
Moment de vérité et d’humanité. Au-delà de cette clairvoyance que
partage le médecin avec son malade, les professionnels, s’ils ne veulent
pas simplement obéir à un système, se doivent de l’évaluer et d’en montrer
lesfailles. Cest de leur devoir.
La médecine est en eff et une pratique sociale comme une autre,
quise mêle aux incertitudes des voix des autres pratiques sociales.
En ce sens, elleparticipe au bien-être économique de la société.
Elleinterpelle constamment le lien social, s’adressant aux individus les
plus vulnérables. Ainsi, c’est un merveilleux observatoire de notre socié
dans son humanité… Les textes qui suivent s’inscrivent dans ce sens.
Ilstémoignent de l’excellence des intentions des professionnels de santé,
mais également de la nécessité d’une grande compréhension des diffi cultés
du métier parlespatients.
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